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Articles avec #generalites nudite et pudeur tag

Adamisme et théorie des champs morphiques

29 Octobre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Histoire des idées, #Christianisme, #Spiritualités de l'amour, #Sainte-Baume

J'ai déjà évoqué sur ce blog la théorie des champs morphiques de Rupert Sheldrake, qui explique comment, lorsqu'une mésange apprend à décapsuler une bouteille de lait sur le pas du porte en Angleterre, d'autres mésanges ailleurs dans le monde vont se mettre à faire de même alors qu'elles n'ont pas réellement bénéficié d'une transmission ou d'un apprentissage. Cette théorie, qui ne cadre pas avec les cadres rigoureux de la science objectivable, permet d'expliquer pourquoi diverses inventions chez l'être humain apparaissent à divers endroits du Globe au même moment.

On a vu qu'en France dans les années 1620 à 1640 des phénomènes adamites ont été constatés dans un couvent franciscain de Louviers (avec le cordelier Pierre David) puis à Toulouse (avec le jésuite Jean de Labadie) On sait aussi que les quakers firent de même en Angleterre dans les années 1660, mais avant eux, dans ce même pays, il y eut, dans les années 1630-1640, un mouvement adamite que les Eglises chrétiennes n'identifiaient à aucun courant connu. En attestent des opuscules comme The Adamite sermon d'Obadiah Couchman (1641) ou A new sect of religion descryed, called Adamites deriving their religion from our father Adam de Samoth Yarb/ Thomas Bray (1641).

La transmission directe d'un "penchant" pour le nudisme entre des couvents catholiques et l'Angleterre anglicane ou réformée est peu probable. On peut bien sûr soutenir que les uns et les autres ont pu "baigner" dans l'ambiance de la Réforme qui a pu favoriser le Mouvement du Libre Esprit, plaisamment caricaturé d'ailleurs par l'archevêque d'Avignon (voyez Le Fouet des Paillards) - et l'on se souvient d'ailleurs de la protection accordée par Marguerite de Navarre à Poque et Quintin chez qui on voit des préfigurateurs du libertinage). Mais pourquoi est-ce que ce "Mouvement du Libre Esprit" aurait pris spécifiquement la forme de l'adamisme, c'est-à-dire un retour à la nudité qui se veut ordonné au christianisme (et non pas un mouvement pur et simple vers la débauche comme précédemment) la vague idée d'un simple "imprégnation" dans toute l'Europe d'un esprit d'innovation lié à la Réforme ne permet pas d'en rendre compte...

Si l'on admet la théorie des champs morphiques, et l'idée que le sursaut de l'adamisme dans un couvent français peut rejaillir sur des protestants dissidents en Angleterre, alors cela peut avoir de très fortes implications pour la responsabilité individuelle de chacun. Car à la fois cela signifie que les pensées et comportements de chacun d'entre nous sont profondément influencés par des représentations et phénomènes qui sont "dans l'air du temps" (et je crois qu'à la base de notions philosophiques comme Weltanschauung, epistémé, etc il y a de cela) mais aussi que chacune de nos pensées ou chacun de nos comportements, comme la première initiative de la mésange pour percer une capsule de bouteille de lait, peut avoir des résonances ailleurs dans le monde. Un peu comme un signal que l'on envoie dans la matrice culturelle humaine qui enveloppe la planète, et qui trouvera des échos les plus inattendus, sous une forme purement mimétique ou déformée par d'autres influences.

Je crois que le phénomène de renoncement au monde que décrit en ce moment Pascal Bruckner pour la période actuelle dans "Le Sacre des Pantoufles" par exemple participe aussi potentiellement d'un champ morphique, même si celui-ci peut être plus visiblement renforcé par des messages médiatiques planétaires qui n'existaient pas quand l'adamisme bourgeonnait de façon sporadique en Europe. Pour moi le culte de Marie-Madeleine au XIXe siècle qui fait que la même année (1858-59) où le RP Lacordaire écrit sur cette sainte "à qui beaucoup a été pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé", le socialiste Pierre Leroux en exil dans La Grève de Samarez écrit à peu près le même chose. Par delà les "petits cailloux" qu'avait semé le saint-simonisme autour de Marie-Madeleine dans les années 1820-1830, il y a peut-être quelque chose qui relève des champs morphiques dans la manière spécifique dont le thème "surgit" à l'esprit de ces personnages très différents au seuil de leur vie.

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Omraam Mikhaël Aïvanhov et la nudité

22 Octobre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Spiritualités de l'amour, #Généralités Nudité et Pudeur

Il ne vous aura pas échappé que depuis cet été, en partie sous l'influence de Simone Weil, je porte un regard un peu plus libéral que par le passé sur les hérésies chrétiennes, ce qui, du coup, m'amenait à considérer un peu différemment la question de l'adamisme (quoique je n'aie pas une position définitive sur tout cela, loin s'en faut).
 
Dans le registre chrétien hérétique il y a Aivanhov (1900-1986), mais d'un christianisme si teinté de théosophisme et d'hindouïsme, qu'on ne sait plus vraiment s'il faut encore le taxer d'ésotériste chrétien.
 
Dans "L'amour et la sexualité T. 1" il parle de sa conférence chez des nudistes dans les années 1960, confesse l'importance de ce que Lacan eût appelé sa "pulsion scopique" (il dit que son maître avait remarqué que pour tout il lui "suffisait d'un regard" ).
 
Cela donne une conception assez platonicienne de la pulsion dont il faudrait spiritualiser la puissance, et cette interprétation assez amusantes sur ce qu'étaient les Vestales (p. 144)...
Je pense que si tel avait été le cas, on n'eût pas reproché à Clodius de s'être introduit parmi elles en se déguisant en femme à l'époque de Jules César...
 
S'il y a quelque chose d'encore assez chrétien dans Aïvanhov (et de peu hindouïste, à moins qu'il ne soit pas hindouïste sur ce point simplement parce qu'historiquement l'Europe serait moins "prête" de l'Inde), c'est dans sa manière de se tenir en retrait du mouvement de dénudation à la mode dans les années 1960, en y voyant une source d'anarchie et de destructions tant que les âmes ne sont pas purifiées.

Il y a aussi dans ces chapitres une vision très catégorique de l'exhibitionnisme féminin qui, selon lui serait naturellement plus fort que celui des hommes, du moins chez celles qui se savent belles, ce qui était aussi la conception, à la fin du XIXe siècle, de la féministe belge Céline Renooz. Questions qui je suppose ne se posent plus trop sous les nuages de la théorie du genre et de la guerre des sexes à la mode aujourd'hui mais qui reviendront peut-être un jour.

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L'adamisme des Fous en Dieu de Palestine

1 Octobre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur, #Christianisme, #Spiritualités de l'amour

Dans les Histoires de la Guerre des Hussites et du Concile de Basle, de Jacques Lenfant (1661-1728), publié en 1731 à l'initiative de sa veuve, on trouve une Dissertation sur les adamites de Bohème de "M. de Beausobre" dont la première partie fut envoyée à l'auteur de son vivant (avant 1728) et dont la seconde partie fut composée à Berlin en 1730. De Beausobre a une discussion intéressante avec feu-Bayle sur la question de savoir si les chrétiens se sont dénudés plus que les païens (il s'oppose à Bayle là-dessus), et aussi des questionnements intéressants sur la base de Clément d'Alexandrie sur la question de savoir si les gymnosophistes indiens vivaient nus ou pas. Sa dissertation nuance les accusations de nudité publique et a fortiori de communisme sexuel, imputées aux adamites de Bohême (appelés Picards et que de Beausobre considère comme des Vaudois), de même qu'elle soupçonne des accusations portées contre les franciscains béguards/béguins avant eux de reposer surtout sur le désaccord de ces Frères pauvres sur l'accaparement des biens de l'Ordre par le Pape. Pour lui l'idée qu'aucune partie corporelle n'est honteuse et que l'on peut faire ce qu'on veut quand on vit dans la charité peut être vécue chastement si l'union à Dieu est authentique. Elle ne doit pas être condamnée a priori.

Les critiques et interrogations de Beausobre contre les accusations dont l'autorité ecclésiale (d'Irénée de Lyon jusqu'au XVe siècle) accable les adamites sont très intéressantes.

George Sand (qui était hostile aux excès des adamites) dans "Jean Ziska" (p. 117 de l'édition de 1867) eut cependant ce commentaire : "peut-être se laisse-t-il égarer par sa généreuse candeur, lorsqu'il s'efforce de prouver que les Adamites n'ont jamais existé, ou bien qu'ils ne pratiquaient ni la promiscuité, ni la nudité, ni les abominations qu'on leur impute. Sans entrer dans l'ingénieuse mais puérile discussion des textes, des mots à double sens, des dates et des rapprochements, il me semble qu'on peut admettre, avec les historiens de tous les partis qui l'ont attestée, l'existence de ces Adamites. " J.F. Bernard dans son Histoire des Religions et des Moeurs trouve aussi Beausobre excessif.

Isaac de Beausobre, né à Niort en 1659, pasteur évangélique, s'était réfugié après la révocation de l'Edit de Nantes aux Pays-Bas puis au Brandebourg. Il mourut à un âge avancé (79 ans) en 1738.

Voici p. 359 ce que de Beausobre trouve dans Evagre le Pontique (346-399) à propos de moines de Palestine (hommes et femmes) qui croyaient la perfection possible sur cette Terre (leur nudité et leur propension à s'identifier à des ruminants a eu des équivalents dans des sectes hindouistes).

 

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La sentiment de pudeur n'aurait pas qu'une origine visuelle

9 Juin 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur, #Histoire des idées, #Anthropologie du corps

J'ai souvent insisté, quand j'écris sur le rapport entre nudité et spiritualité en Occident, sur la dimension visuelle de la nudité à l'égard des anges (notamment des anges déçus).

Or je tombais hier sur une remarque intéressante de Salomon Reinach (1858-1932) sous un article intitulé "Les sycophantes et les mystères de la figue", publié la revue des études grecques de 1906 puis dans le recueil "Cultes, mythes et religion".

Je n'épiloguerai pas sur la figue sur le thème de la figue à propos duquel le kabbaliste Cohen Alloro dit des choses intéressantes.

Signalons simplement cet addendum de Reinach qui,fait référence à une lettre , paru dans la Revue archéologique de 1907, intitulée The Pharmakoi and the story of the fall que William Roger Paton (1857-1921) lui a adressée. Cette lettre trace une analogie entre l'expulsion d'Adam et Eve du paradis terrestre dans la Genèse et un rituel grec archaïque d'expulsion d'une femme et d'un homme nus de la cité.

Il existe en Grèce un rituel ancien (Reinach y insiste : un rituel plus qu'un procédé technique car on ignore si cela fonctionne) dit de caprification (de capri-ficus en latin : figuier-bouc) : pour faire mûrir la figue du figuier cultivé, on le considère comme une femelle, et on le soumet à l'influence de fleurs et de branches de figuiers sauvages (supposés être mâles) qui nourrissent des pucerons qui percent de trous la surface du fruit cultivé et en facilitent la maturation (ça c'est Pline qui l'explique tardivement dans une forme de rationalisation). On trouve un analogue dans des bas-reliefs assyriens où un génie ailé féconde un dattier. C'est une hiérogamie. Or à Athènes, au mois de thargelion (au printemps), deux victimes appelées "pharmakoi" étaient conduites en dehors de la ville nues en portant des colliers de figues sèches : noires pour la victime masculine, blanches pour la féminine (selon Helladius). Les Pharmakoi étaient frappés sept fois avec des branches de figuiers sur les parties génitales, rituel qui pouvait être censé les rendre féconds à l'origine puis avoir revêtu avec le temps une dimension expiatoire.

Paton, réagissant aux premières remarques de Reinach sur les origines du mot sycophante (qui vient de "figue") rapproche ce rituel expiatoire du verset de la Bible à propos d'Adam et Eve : « Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures », dit la Bible (Gen 3, 7). Ce verset qui manifeste les origines de la pudeur, note-t-il, en le reliant à la fécondité des figues, invite à penser que celui-ci sert surtout à protéger les orifices par où l'être humain procrée (ce qui explique que les peuples qui vivent nus n'imposent une tablier aux filles qu'après leur puberté, idem pour l'étui pénien des garçons) parce que, selon la mentalité primitive, des mauvais esprits pouvaient être tentés de s'y infiltrer, ce qui pouvait nuire à la santé de la descendance.

Il ajoute que cette idée de l'entrée des esprits par les orifices est souvent étendue au delà des orifices génitaux. Un hymne chrétien dit que la Sainte Vierge fut fécondée par une oreille (quae per aurem concepisti) et pour la même raison les femmes musulmanes couvrent leur bouche (Edwin Sidney Hartland, The Legend of Perseus).

Voilà une approche à laquelle je n'avais pas pensé.

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Mon article "nudité et spiritualité" dans la revue "La Vie au Soleil"

11 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Christianisme, #Publications et commentaires, #Histoire des idées

Dans la revue "La Vie au Soleil" de mai 2022, je publie un article d'une page qui rebondit sur mon enquête consacrée aux médiums publiée en 2017 et pose quelques questions sur le rapport entre nudité et sorcellerie, nudité et ascèse etc. Il est accessible in extenso en cliquant sur ce lien.

 

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Aliya victime de harcèlement en ligne : une leçon pour les adultes

21 Juillet 2021 , Rédigé par CC Publié dans #Généralités Nudité et Pudeur, #Christianisme

En 2014 l'Obs m'avait interviewé sur le "revenge porn". Depuis lors les choses ne se sont pas arrangées. Un bel exemple d'engagement contre le harcèlement en ligne est fourni par la jeune Aliya qui s'exprime sur Konbini ici.

Sans qu'elle en ait conscience, elle renvoie aux adultes  par effet de miroir de son témoignage, toute leur hypocrisie. Ce sont eux qui enferment les jeunes dans le mythe de l'amour-romantique, mythe dont ils savent pourtant qu'il n'est qu'un feu de paille émotionnel, et qu'aujourd'hui les prédateurs peuvent instrumentaliser à loisir pour placer des âmes fragiles sous leur emprise. Ce sont eux aussi qui les enferment dans le virtuel. Combien de profs, dès avant le Covid, en école primaire, ont-ils enseigné qu'Internet valait mieux que les livres pour s'instruire, qu'aujourd'hui il ne fallait pas apprendre par soi même mais seulement apprendre à apprendre en navigant sur les sites ! Plus on capitule devant l'idée que les écrans sont plus utiles à la vie que le monde physique, plus on isole les ados et les jeunes adultes et les fait tomber dans les spirales mortifères de la dématérialisation des relations (et, bien sûr, cet isolement fut même gravé dans la loi quand à partir de 2020 les autorités, pour protéger les personnes âgées, ont fermé les universités et sacrifié tous les lieux de sociabilité des plus jeunes, pourtant pour la plupart asymptomatiques au Covid). Et je ne parle même pas du fait que, bien sûr, on barre l'accès des âmes à la transcendance, et qu'on remplace la spiritualité par le consumérisme, ce qui les voue à un sentiment d'inconsistance de la vie, et, parfois, de haine de soi plus ou moins consciente.

Après cela, les larmes de crocodiles que l'on verse sur les victimes du cyber-harcèlement, ou les cris d'indignation, sont dignes de l'hypocrisie bourgeoise du XIXe siècle. Il faudrait commencer par revoir complètement d'éducation que nous donnons à nos enfants.

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Nudité et christianisme

7 Juillet 2021 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur

Le 28 mai dernier, la rédactrice en chef de la revue naturiste La Vie au Soleil m'informait du décès du "Frère Jacques", un prêtre naturiste qui avait contribué à l'aura médiatique du centre de Montalivet. L'homme réputé pour son sens ascétique et sa haute spiritualité semblait mêler, d'après ce que l'on peut en percevoir dans ses déclarations dans la presse, une inspiration hindouiste à ses vertus chrétiennes (selon la Charente Libre du 16 août 2014, il pratiquait aussi le végétarisme que beaucoup de chrétiens jugent non biblique). Auparavant, dans les années 1970-1980, un autre prêtre à Montalivet, le père Dominique Biondi, avait aussi prôné le renoncement au vêtement, mais lui était d'inspiration plus ouvertement hérétique encore (il faisait sienne l'alchimie, communiait au souhait d'une unification - souvent jugée antéchristique du point de vue de l'Apocalypse - des religions mondiales ; il avait participé au Colloque parapsychologique de Cordoue de 1979, et évoqué dans une conférence du 17 avril 1980 au Club 44 en Suisse son propre don de médiumnité et son intérêt pour l’Evangile apocryphe de Thomas). Ce père Biondi organisait avec un bouddhiste cambodgien une « Internationale de la Prière » (prière sans dogme à 20h30 pour l’harmonie du monde) dont l’intitulé n’est pas sans évoquer les rituels lancés lors des diverses « Journées de la Terre » au sein de l’Organisation des Nations Unies sous l’inspiration de la Société de Théosophie – voyez mon ouvrage « Le complotisme protestant contemporain » (L’Harmattan, 2019).

La question du rapport du christianisme à la nudité est complexe. D'un côté, dans le sillage du judaïsme, la nudité dès la Genèse est synonyme de honte, et dans 1 Cor 6:10 il est écrit que les impudiques n'hériteront pas du Royaume de Dieu. La nudité publique est signe d'emprise démoniaque comme pour le possédé de Gérasa qui vit dans un cimetière (Luc 8:27).

Et cependant il y a ces bizarreries : le roi David qui dansa torse-nu devant l'Arche l'Alliance, et le verset d’Esaïe (Esaïe 20:2-3) à qui Dieu demanda de vivre nu pendant 3 ans (voir aussi  Esaïe 20 :1-4) .

De l’aveu de George Fox le fondateur des Quakers au 17e siècle, ce passage, redécouvert par ses disciples les a inspirés en Angleterre et dans ses colonies : « Plusieurs ont été poussés par le ciel,  écrit-il dans ses mémoires, à aller nus par les rues et sous ce règne, en signe de la nudité des hommes du jour, et ils ont déclaré à leur face que Dieu les dépouillerait de leurs dehors hypocrites, pour les laisser aussi nus qu'eux-mêmes ; mais les hommes du jour, au lieu de tenir compte des avertissements des prophètes, les ont fréquemment fouettés ou accablés d'autres outrages » .

L'historienne Diana Rapaport a récemment (dans The Naked Quaker en 2007) ressuscité le souvenir de  Lydia Wardwell, la quaker qui, forcée par le gouverneur Endicott du Massachusetts à assister aux offices puritains, se  rendit totalement nue à la "meeting house" de Newbury au printemps 1663 malgré la froidure pour témoigner de la nudité des sermons du prédicateur (voir aussi la Revue d'Histoire moderne de l'année 1934, p. 118). Il y eut aussi Deborah B. Wilson, quelque temps après, décrite comme "une jeune femme d'une vie très modeste et retirée, et d'une conversation sobre"  qui se dévêtit dans les rues de Salem au nom du Seigneur. L'une et l'autre le payèrent de coups de fouets en public (pour Lydia Wardwell ce fut à Ipswich, tout comme son mari, elle déménagea dans le New Jersey ensuite).

Au moment de l'arrestation de Jésus dans Marc 14 il y a un jeune homme couvert d'un simple drap qui le perd en s'enfuyant. Saint Jérôme a recommandé de suivre nu le Christ nu (Nudus nudum Christum sequi). Les saloi, les fous en Dieu de la chrétienté d'Orient (Syméon d’Emèse, Vassily de Moscou, Saint Maxime et Basile le Bienheureux ) allaient nus dans les rues pour montrer que dans l'Esprit ils n'avaient plus de mauvaises tentations ("Tout est pur pour ceux qui sont purs" - Tite 1:15) - Voir Vincent Déroche. Saint François d'Assise s'était dénudé devant un tribunal. Franco Mormando, a rappelé qu'en 1420, à Venise, un petit groupe de quatre franciscains fut arrêté et jugé par le Seigneur de la Nuit pour avoir marché nu dans les rues à la tête de dévôts, avec des croix à la main sur l'accusation de sodomie. Voilà bien un signe des effets ambigus de la dénudation franciscaine. Aux 13e et 14e siècle des gestes de dénudation de Iacopone da Todi (1230-1306), Marguerite de Cortone (1247-1297) et Angèle de Foligno (1248-1309) avaient été acceptés. Bernardino de Sienne (1380-144) troisième fondateur de l'ordre s'était dévêtu à l'hermitage Il Colombaio près du mont Amiata mais en prenant soin de théoriser la différence entre la nudité pieuse et la nudité sodomite. On voit bien qu'en la matière la frontière entre péché et pureté, comme entre raison et folie, est ténue.

Ste Marie d’Egypte et St Onuphrius (IVe siècle) vivaient nus. Au chapitre XXXVII (p. 128-129) de son Histoire Lausiaque, Pallade de Galatie (363-431) raconte du moine égyptien Sérapion le Sindonite, qui vivait nu vêtu d'un sindon - un linceul - probablement entre 300 et 350, qu'arrivé à Rome il mit au défi une vierge silencieuse retirée du monde de traverser la ville nue pour montrer qu'elle était morte au monde.

En 1296 le pape Boniface VIII a publié un bulle contre une secte qui priait nue. Pourtant récemment, mêlant comme le Frère Jacques sont inspiration à celle de l’hindouisme, John R. Dupuche, prêtre catholique de l'Archidiocèse de Melbourne, dans son livre "Chakras" à propos du chakra sexuel suggère (p. 78) : "Certains peuvent trouver un sens à pratiquer des méditations dans l'idée d'un dépouillement de toute protection, de toute identification à un rôle social. Job dit bien que c'est ainsi que l'être humain se trouve dans la vérité de son être en présence de Dieu : 'Nu je suis sorti du sein maternel, nu j'y retournerai' (Job 1:21). Cela rappelle les ascètes hindous qui sont 'vêtus du ciel' (digambara)".

Le christianisme pourrait-il rouvrir des groupes de prières nus sans dévier de son orthodoxie biblique ? Je pense que, vu l'ambiance spirituelle actuelle, absolument personne ne serait aujourd'hui capable de pratiquer un spiritualité chrétienne nu sans mauvaises pensée. Et, compte tenu de ce que j'ai déjà dit des lobbies qui poussent à la nudité publique, qui sont les mêmes qu'au XIXe siècle, il y a lieu de rester très méfiant sur ce sujet  : ce sont des lobbies qui, comme les adamites autrefois, se croient affranchis de la problématique du péché originel et n'ont pas idée de ce qui se joue réellement dans le monde invisible. D'ailleurs, à titre personnel, j'ai trouvé pour le moins étrange que la Radio chrétienne de France (RCF)-Paris m'ait invité à parler de la nudité en novembre 2014 quand j'étais si éloigné du christianisme que je consultais à l'époque des médiums qui faisaient des canalisations de la "déesse" Isis, alors que trois ans plus tard, il fut question que je puisse parler de ma conversion de 2015 sur une de leurs radios de province puis l'idée fut abandonnée. Qu'on puisse parler de nudité sur une radio chrétienne lorsqu'on n'est soi-même plus chrétien, et qu'ensuite on ne puisse plus y raconter sa conversion laisse rêveur (d'autant que la même radio n'hésite pas à interviewer ensuite une réflexologue spirite pour promouvoir son activité). Dans un contexte aussi pollué sur le plan spirituel mieux vaut rester très prudent.

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Le quiz du mois

21 Avril 2021 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Médiums, #Généralités Nudité et Pudeur, #Christianisme

(1) Depuis la Christelle Laffin, de Madame Figaro, aucun journaliste ne m'a jamais plus interviewé sur les médiums. Pourquoi ?

(2) M. Prolongeau écrit sur la nudité, puis sur les chamanes (et le spiritisme) ; la rabbine Horvilleur écrit sur la nudité, puis sur nos rapports avec les morts ; Christophe Colera écrit sur la nudité puis sur les médiums - pourquoi ce schéma commun à ces trois auteurs ?

(3) Pourquoi le possédé dans l'Evangile (Marc 5,1-20) qui ne supporte pas les vêtements vit-il dans les cimetières ?

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