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Articles avec #christianisme tag

Saint Seraphim de Sarov et les animaux

24 Juillet 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

A propos d'un saint orthodoxe très connu, contemporain du curé d'Ars, saint thaumaturge, et, qui plus est, luminescent. Extrait du livre  "Le Bestiaire des sages : De la fourmi au yéti" de Sabine et Eric Edelmann :

 

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Aspects peu connus des origines de la Californie

18 Juillet 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #down.under, #Histoire des idées

"En 1781,  Fray Junipero Serra partit de Palma, pour fonder, en Californie, un ordre de Franciscains, de l’obédience de Mayorque. Sur un territoire presque désert alors, il créa, avec le colonel Pedro de Neve, une mission qui allait connaître — il ne l’ignorait pas — bien des difficultés, pour évangéliser toute la côte et l’arrière-pays. Mais il avait foi dans le succès. Il bâtit, d’abord une petite église : l’autel était fait d’un tronc d’arbre; et, au toit de la chapelle, il suspendit une petite cloche qu’il avait apportée des Baléares. Il appela sa fondation « Nuestra Senora, la Reina de los Angeles » Notre-Dame, reine des Anges.

L’église une fois terminée, avant d’y dire la première messe, il sonna, avec persévérance, durant près d’une heure, la petite cloche, qui, semblait-il, ne pouvait appeler personne au saint sacrifice, puisque, à plusieurs lieues à la ronde la population, très clairsemée pouvait à peine l’entendre. Comme un des soldats de la mission s’étonnait de cette insistance vaine, qui, selon lui, n’aboutirait qu’à fêler ou briser la cloche, Junipero Serra lui répondit, avec douceur : « Ya vendran ! Ya vendran !"

Hollywood devrait le succès de son nom au peintre français Paul de Longpré (1855-1911).

"En 1903, Hollywood était un coin de terre en friche à 20 kilomètres de la ville de Los Angeles. On aurait bien pu se construire là une maison, planter des pommes de terre et élever des bestiaux —- personne n’y pensait. En ce lieu il n’y avait guère autre chose que des pierres, du sable et d’affreux buissons de houx.

Mais voilà que le peintre français Paul de Longpré qui voyageait dans ces parages, s’arrêta devant ce paysage aride planté de houx. Il se construisit sur la terre en friche, une villa mauresque et se mit à peindre des houx sur un fond de roches rouges et de ciel très bleu. Mais sa femme se retira bientôt à Los Angeles. « Tu peux rester seul dans ta houssaie — en anglais «Hollywood» — quant à moi, je reste en ville. » Les infortunes conjugales de Longpré firent des gorges chaudes et le mot de « Hollywood » devint à la mode, en manière de plaisanterie. Dans le courant de l’année, Longpré eut de la compagnie. Quelques petites maisons s’élevèrent autour de la sienne. Vers 1910, il y en avait déjà plus d’une centaine. Les hommes d’affaires de Los Angeles, les businessmen épuisés par l’agitation de la grande ville, cherchaient aux environs un lieu paisible et reposant. A peu près à cette époque, le film faisait ses premières armes. Quelques malins « producers » songèrent déjà à tourner leurs films sous le climat ensoleillé de la Californie".

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L'ancien ouvroir de Jurançon

14 Juillet 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #down.under

L'ancien ouvroir Saint Ange de Jurançon (64), propriété du diocèse de Bayonne, désaffecté depuis très longtemps, est en travaux.

L'occasion pour moi ce matin d'interviewer une ancienne couturière jurançonnaise (née en 1934) qui y a fait son apprentissage (au premier étage du bâtiment qu'on voit à gauche sur la photo). Elle évoque ainsi ses souvenirs de sa formation en 1949 :

"Après mon certificat d'études j'aurais aimé poursuivre des études pour devenir pharmacienne, ou même devenir comédienne à Pars - j'adorais le théâtre et ma mère était bien partie à la capitale avec son premier mari dans les années 1920. Mais celle-ci était toujours malade, et comme mes trois frères étaient destinés à partir, elle avait besoin de moi près d'elle. Elle m'a donc inscrite en apprentissage comme couturière chez les bonnes soeurs. Ce n'était pas facile pour moi de m'y adapter car je venais de l'école publique.

Il y avait là six religieuses. Elles n'étaient pas de la région. On se moquait d'elles parce qu'elles parlaient pointu. La maison mère de leur congrégation était à Tours.

Elles étaient six religieuses. La mère supérieure, soeur Suzanne, soeur Johanna qui nous apprenait la couture ; soeur Félix qui allait soigner les gens : elle prenait le solex avec ses seringues pour aller soigner ma mère (son moyen de transport était très moderne) ; soeur Henri-Joseph qui enseignait à l'école des soeurs (école Notre Dame) adjacente ; soeur Bernadette qui faisait la cuisine. Toutes étaient trentenaires, sauf l'infirmière soeur Félix qui devait avoir 55 ans

Comme j'étais très bonne ouvrière, j'étais souvent chargée de superviser le travail des autres. Elles ne s'en sortaient pas toujours très bien. Parfois elles faisaient un faux mouvement avec la pédale et cassaient l'aiguille.

J'avais mauvais caractère et cela provoquait des tensions avec soeur Johanna, qui était pourtant d'un naturel assez timide, et d'une complexion physique fragile (elle était asthmatique). Elle devenait toute rouge quand je lui tenais tête. Un jour elle m'a envoyé chez la mère supérieure. Mais quand la mère supérieure m'a reçue, elle m'a seulement dit de ne pas m'inquiéter, de continuer à travailler comme ça, que Soeur Johanna était fragile.

Soeur Johanna avant d'être religieuse avait travaillé dans un atelier de grand couturier à Paris. Les six soeurs ne s'entendaient pas bien entre elles, elles se disputaient beaucoup.

J'ai effectué un pèlerinage à Lourdes avec elles une fois. On avait trempé nos pieds dans la piscine, puis on avait fait de la barque sur le lac de Lourdes. Les soeurs avaient peur de mouiller leurs cornettes et devaient relever leur tenue qui tombait jusqu'aux pieds".

Je trouve que ce témoignage révèle un peu les contradictions que provoquent l'ouverture au monde de femmes qui s'étaient en premier lieu consacrées à Dieu (la gestion des ouvrières, venues du monde laïque et même laïcard, les règles de décence quand elles prennent la baque avec des tenues qui n'étaient évidemment pas adaptées au tourisme).

Sur la vie quotidienne mon informatrice précise : "Nous étions une dizaine d'apprenties, dont sept jurançonnaises. Une venait d'Uzos, deux de Rontignon. La plupart avaient été instruites à l'école publique. Néanmoins on devait suivre les rituels religieux. Le matin on offrait la journée à Dieu, à midi on récitait l'angelus, l'après midi une partie des complies et des vêpres. Ca me pesait. On allait aussi à la messe à la chapelle qui était à l'endroit où les soeurs logeaient. C'était un véritable atelier et très renommé. Des gens de Pau et de la région venaient faire faire des robes sur mesure. Ils apportaient le tissu. Soeur Johanna se faisait payer la façon. J'y ai ainsi confectionné la robe de mariage de la femme de mon frère ainé".

La Société Ouvroir Saint Ange existe encore avec une numéro de SIREN et est signalée comme ayant été fondée le 1er janvier 1900. L'école Notre-Dame à l'asile Saint-Ange a célébré sa dernière fête le 15 juin 1991. Au fond il y avait là une sorte de complexe de bienfaisance. Le Patriote des Pyrénées du 8 août 1906 y signalait une attribution de primes en ces termes :

"Dimanche, a eu lieu à Jurançon, à l’asile Saint-Ange, la première distribution des primes de la Caisse dotale fondée l’année dernière sous l’initiative de M. le Curé. Il n’est peut-être pas inutile de dire deux mots de cette intéressante œuvre, fondée sur le modèle de celle qu’a organisée A Pithiviers l’abbé Le Sècheroux, bien connu des catholiques qui s’occupent d’action sociale. Elle a pour but de développer et de récompenser chez les jeunes filles le goût de l’économie : les jeunes filles sont encouragées à faire des économies et à les verser à la Caisse : celle-ci les leur place d’abord en livrets de caisse d’épargne, puis, au bout de l’exercice annuel, elle leur attribue une prime proportionnelle à leurs versements et constituée par des cotisations de membres fondateurs, bienfaiteurs et honoraires.

M. le curé de Jurançon, désireux de ne pas moins stimuler la pratique des devoirs religieux que les habitudes de prévoyance matérielle, a institué, parallèlement A cette prime, une prime d’assiduité au cathéchisme de persévérance. L’accumulation de ces primes, que l’on replace aussi au fur et à mesure et qui portent à leur tour intérêt, fournit aux titulaires le moyen de se préparer une petite dot, dont elles auront la satisfaction de toucher le montant au moment de leur mariage qui leur permettra d’entrer en ménage dans des conditions bien plus favorables que si elles ne s’étalent pas appliquées à songer à l'avenir et à épargner.

Ainsi s'accroîtra A Jurançon le nombre des foyers où l'aisance rend plus facile à la famille la pratique des vertus chrétiennes, dont elle est en même temps comme une première récompense. L'œuvre, établie à la fin du mois de novembre dernier, a parfaitement réussi. Si jeune encore, elle compte déjà 64 membres participantes, et le chiffre des économies réalisées en ce court laps de temps 549 fr., est tout-à-fait encourageant ; celui des primes accordées, grâce à l’abondance relative des ressources assurées à la caisse cette première année ne l’est pas moins : 440 fr. et la lecture détaillée de ce palmarès d’un nouveau genre faisait hier, à ce double point de vue, vraiment plaisir à entendre.

Cette lecture avait été précédée par celle d'un rapport, rédigé par la dévouée secrétaire de l’œuvre, Mme Bergeron, qui expliquait à merveille le mécanisme de la Caisse dotale et ses avantages matériels et moraux et indiquait très clairement les résultats d'ensemble obtenus pendant ses huit premiers mois d’existence , , Avant, entre et après ces deux lectures, on a entendu plus d’une demi-douzaine de chansons, chansonnettes, monologues et saynettes , dont le nombreux auditoire a paru enchanté."

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Un sanctuaire gascon

26 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire secrète, #Christianisme

Une de mes correspondantes attirait mon attention sur ce qui fut jadis un très important sanctuaire gascon (on allait notamment y faire soigner son épilepsie - le "haut mal"), autour des reliques d'un baron batave, Saint Fris ou Fritz, qui se sacrifia pour résister aux Sarrasins à l'époque de Charles Martel.

Le sanctuaire se trouve à Bassoues dans le Gers. On peut trouver diverses informations à son sujet dans cet ouvrage de 1916. On y apprend (p. 73 et suiv.) notamment que c'est une vache qui a "inventé" selon l'expression consacrée les reliques et les a amenées près de la fontaine miraculeuse.

Avant cela en 1858, l'abbé Guilhempey avait rattaché l'origine de Bassoues aux cultes druidiques dans les bois voisins de Marsoulès, qui doivent leur nom à Mars (Esus dans le culte celtique) et détaillé (p. 9 et suiv, puis p. 34 et suiv) les miracles constatés à cet endroit.

Il est arrivé une étrange aventure à Mgr Henri Lamothe-Houdancour quand il fut archevêque d'Auch (donc entre 1661 et 1684), connut une mésaventure surnaturelle quand, accompagné de deux prêtres, il tenta d'ouvrir le tombeau de Saint Fris, mais ne voulut jamais dire ce qui s'était passé, et interdit aux prêtres de le répéter. Dom Brugèles dans ses chroniques ecclésiastiques du diocèse d'Auch de 1746 (p. 384) raconte qu'une grande flamme en sortit mais sans préciser comment il l'a su. Les récits concernant la punition des profanateurs à différentes époques sont nombreux. L'abbé Guilhempey en cite même un très circonstancié de 1818 (p. 46).

Il revint au béarnais de Salinis, dont j'ai parlé dans mon livre sur Lacordaire, d’ouvrer, quand il fut archevêque en 1856, à la restauration du sanctuaire, comme à Lacordaire de restaurer la Sainte-Baume (les deux étaient des libéraux autrefois proches de Lamennais). Bizarrement son biographe de 1873 l'abbé de Ladoue n'en parle pas.

Le pèlerinage à cet endroit avait lieu trois fois par an, dont à la Saint Jean, qui est le jour où ma correspondante a été inspirée pour s'y rendre (avant-hier 24 juin), sans savoir que Saint Fritz était mort, selon la tradition, le jour de cette fête.

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Polyeucte de Corneille

8 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Je lis dans le Panthéon populaire illustré de 1851 sous la plume d'Emile de la Bédollière :

"C'est dans l'immense collection de légendes recueillies en six volumes in-folio, par Laurent Surius, chartreux de Lubeck, que se trouve l'histoire de saint Polyeucte. Ce martyr, converti par son ami Néarque, périt le 9 janvier 260, sous l'empire de Décius. Félix, son beau-père, gouverneur d'Arménie, après avoir inutilement tenté de le ramener au paganisme, le condamna à la décapitation.

Corneille, avant de livrer sa pièce au théâtre, la lut chez madame de Rambouillet, où se rassemblaient tous les beaux esprits contemporains. La tragédie fut déclarée, à l'unanimité, indigne de l'auteur, et Voiture fut député auprès de lui pour l'engager à la garder en portefeuille. Les comédiens de l'hôtel de Bourgogne étaient du même avis. L'un d'eux, auquel on avait remis la pièce manuscrite, la jeta sur le baldaquin de son lit, où elle fut oubliée ; un domestique qui nettoyait l'appartement la retrouva par hasard au bout de dix-huit mois. Malgré ces condamnations anticipées, Polyeucte, représenté en 1640, excita une vive admiration. « L'extrême beauté du rôle de Sévère, a dit Voltaire, la situation piquante de Pauline, sa scène admirable avec Sévère an quatrième acte , assurent à cette pièce un succès éternel. Non-seulement elle enseigne la vertu la plus pure, mais la dévotion et la perfection du christianisme. Dacier, dans ses remarques sur la Poétique d'Aristote, prétend que Polyeucte n'est pas propre au théâtre, parce que le personnage n'excite ni la pitié . ni la crainte. il attribue tout le succès à Sévère et à Pauline. Cette opinion est assez générale, mais il faut avouer aussi qu'il y a de très beaux traits dans le rôle de Polyeucte, et qu'il a fallu un très-grand génie pour manier un sujet si difficile. »

Polyeucte contribua puissamment à concilier aux plaisirs des spectacles bon nombre de personnes qu'en éloignaient des scrupules religieux. On peut aussi présumer que cette tragédie fut une des causes déterminantes de l'édit de Louis XIII du 16 avril 1641, qui amnistiait les comédiens, si peu considérés jusqu'alors. On y lisait : « En cas que lesdits comédiens règlent tellement les actions du théâtre, qu'elles soient du tout exemptes d'impuretés, nous voulons que leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public. »"

Ce n'est en réalité pas par cet article que j'ai connu Polyeucte, mais par la biographie de Péguy par Romain Roland. Charles Péguy, nous apprend Roland, voyait dans cette pièce le sommet de la littérature française. Et tous les auteurs chrétiens du XIXe siècle de Chateaubriand à Veuillot lui ont tiré leur révérence. C'est à travers leurs yeux qu'il faut aborder cette pièce, et non ceux de tous les athées de Voltaire à Clemenceau qui l'ont toujours détestée parce que justement il n'y était question que de l'amour de Dieu à placer au dessus de tous les sentiments humains (raison pour laquelle l'école républicaine n'enseigne pas cette pièce à ses enfants).

Les amateurs de curiosités pourront aussi lire avec intérêt le compte rendu d'une représentation de la pièce par une troupe de la Comédie française... à Cauterêts, en Bigorre en 1906. L'auteur, l'abbé Alexis Crosnier, directeur de la Revue des Facultés Catholiques de l'Ouest, voit dans Polyeucte l'incarnation du surhomme chrétien (Crosnier écrivait à une époque où ce thème à la suite de Nieztzsche et de d'Annunzio était très à la mode). Le prêtre décrit le jeu des acteurs, mais aussi le public, qui va des grands bourgeois snobs aux instituteurs et aux commerçants. Le tableau des réactions du marchand devant la pièce en p. 18 est digne de La Distinction de Bourdieu.

Une petite parenthèse : moi qui dans mon livre sur Lacordaire vous ai rappelé quels émois au XIXe siècle suscitait Ste Marie Madeleine, la femme "à qui il a été beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé" (Luc 7:47), je ne puis résister au plaisir de reproduire ici cette tirade de Veuillot que cite Crosnier à propos de la France : "La France est la nation qui a le plus aimé ; et, à cause de cet ancien amour demeuré au fond de ses veines, elle est celle qui versera son parfum sur les pieds du Sauveur". La France en Marie-Madeleine, voilà qui a de l'allure, et dans le camp socialiste Leroux qui voyait dans son peuple le troupeau le plus religieux du monde, aurait sans aucun doute souscrit à ce propos.

Il faut lire et relire cet aspect religieux et spirituel de notre littérature (même si, à mon avis, le christianisme littéraire est un genre toujours souillé par l'orgueil et l'humanisme - la confiances aux facultés humaines - , et c'est donc toujours d'un niveau spirituel inférieur à celui des ascètes qui ont su garder humblement le silence). On ne comprend rien à Louis XIII, à Corneille, à ce que fut notre pays, à ce qu'il redeviendra peut-être, d'une autre manière mais dans le prolongement de ce passé-là, un jour, si l'on ne revient pas au christianisme.

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Dangers de l'hésychasme

8 Juin 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Ceux qui s'engagent dans la prière du coeur devraient méditer ce mot St Jean-Climaque ("L'Echelle Sainte" 1108 A) : "Celui que troublent la colère et l'orgueil, l'hypocrisie et le souvenir des injures, ne devrait jamais oser s'engager sur la voie de l'hésychia, de peur de n'y gagner que l'égarement d'esprit et rien d'autre" (ce qui confirme les remarques ethnologiques de Tournefort en Crète à ce sujet).

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Paganisme, christianisme, traumas et inconscient

31 Mai 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie, #Christianisme

Dans Histoire et Trauma : La folie des guerres (p. 285-286), les psychanalystes Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillère reprenaient à propos du "champ des traumatismes" et de leur résolution par les rituels dont ils observaient l'efficacité dans la guérison de problèmes transgénérationnels chez leurs patients, citaient cette phrase Lacan : "Ce fameux champ sur lequel les lois humaines ne sauraient déborder, quel est-il ? On nous dit - C'est là que règnent les lois non écrites, la volonté, ou mieux la Dikè des dieux. N'oublions pas que nous sommes depuis quelque temps sous la loi chrétienne, et pour retrouver ce que c'est que les dieux, il faut que nous fassions de l'ethnographie. (...) En d'autres termes, ce champ ne nous est plus guère accessible que du point de vue de l'extérieur, de la science, de l'objectivation, mais ne fait pas partie pour nous chrétiens formés par le christianisme, du texte sur lequel repose effectivement la question. Ce champ des dieux, nous chrétiens nous l'avons effectivement balayé, et c'est justement de ce que nous avons mis à la place qu'il est question à la lumière de la psychanalyse" (Le Séminaire. Livre VII p. 301).

Lacan annonce ici déjà Devereux, ou Tobie Nathan, dont j'ai connu d'illustres disciples en France. Je n'approuve pas bien sûr la visée psychanalytique, ni plus largement psychologique qui est une réduction inadmissible (et pourtant universitairement hégémonique depuis deux siècles) du problème du monde invisible. Mais l'espace clinique permet d'observer presque "in vitro" l'articulation entre action angélique (déchue ou non) et problématique des affects, et donc les cas que nous présentent les psychologues à ce sujet, quand ils sont présentés honnêtement peuvent être bons à étudier.

On observe que Lacan, comme les auteurs du livre qui le citent, font du christianisme une sorte de "province" d'un inconscient qui resterait essentiellement païen (ce qui est un peu la nature aussi du subconscient collectif jungien). Or si la remarque est topographiquement vraie (songeons au Val des Nymphes), elle ne l'est pas spirituellement. Mais se peut-il que l'hégémonie du christianisme dans le monde invisible n'ait pas son reflet dans la chair d'une manière ou d'une autre - as above so below ?

La provincialisation du christianisme à l'égard du paganise par les psychanalystes est symétrique de l'intéressante tentative par Simone Weil (et aussi des missionnaires jésuites avant qu'ils ne prennent le parti inverse), de provincialiser une partie du paganisme (le plus lumineux, celui des poètes et des philosophes), à l'égard du christianisme comme première manifestation de l'Esprit saint avant la Révélation. Notez que la démarche de Simone Weil, paraît, pour sa part, cautionnée sur le plan mystique (outre les propres apparitions de la philosophe) par un message de Jésus à Alexandrina de Balazar (voyez en 7e minute de cette vidéo, qui identifie le christianisme à la philosophie de Socrate, il est dommage que le présentateur ne détaille pas un peu plus), mais est-elle vraiment ouverte à tous les "hommes de bonne volonté" ?

Sur la charnière entre paganisme et christianisme, il faudrait que je revienne sur la définition de "philosophique" dans la philosophie grecque païenne, et sur le problème de la sibylle de Cumes (dans son rapport aux nymphes mantiques notamment), mais on pourrait aussi traiter la chose sous l'angle du rapport de Paul au stoïcien Cratès, ou des emprunts de l'Ancien Testament aux sagesses païennes (sumérienne, assyrienne, babylonienne, égyptienne grecque).

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Les inspirations déviantes de l'Arche internationale

16 Avril 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Spiritualités de l'amour, #Christianisme

Le rapport de la commission d'étude sur Jean Vanier, "star" de la communauté catholique L'Arche internationale, intitulé "Emprise et abus, enquête sur Thomas Philippe Jean Vanier et L’Arche (1950-2019)" est une source de réflexion très intéressante sur les dérives sectaires d'une mouvance catholique proche des dominicains français au cours des 70 dernières années (dérives qui défraient maintenant la chronique médiatique et judiciaire). A certains égards les mécanismes anthropologiques qui y sont décrits sont classiques, mais les éléments de langage utilisés par les "gourous" de la communauté s'ancrent dans des révélations et un patrimoine cléricalo-mystique plus récent. Par exemple ce rapport ( p. 120) met en avant le fait qu'en 1952 le P. Thomas Philippe (inspiré par son oncle dominicain le P. Thomas Dehau) voulait créer une « petite famille » ... dans une « vie cachée », où "on mènerait en partageant la vie intime de Marie et de saint Jean, dans laquelle on peut rester unis et continuer à vivre ensemble « spirituellement » malgré les séparations. Cette « petite famille » a été selon lui formée par Marie pour préparer les apôtres des derniers temps, la congrégation ultime annoncée par Louis-Marie Grignion de Montfort (dont T. Philippe est un disciple posthume) au début du XVIIIe siècle et par Mélanie Calvat, la bergère de La Salette, au milieu du XIXe siècle ".

Le Monde du 27 décembre 2000, avait parlé ainsi de leurs pratiques : "À L’Arche, les foyers sont mixtes, le geste évangélique du lavement des pieds est un quasi-rituel et le bain un moment fort de chaque journée. Vanier insiste sur l’importance du “toucher” et de la tendresse, mais à ceux qu’inquiéteraient les risques d’abus sexuels, il répond par la règle d’une vie communautaire où est écartée toute forme de “dépendance fusionnelle”. Des chasseurs de “sectes” ont bien cherché à fouiller dans la déjà longue saga de L’Arche et à discréditer l’expérience, mais en pur désespoir de cause ! J. Vanier s’en irrite ou en sourit. Il préfère remonter à une plus longue histoire, celle d’un saint Paul qui, au premier siècle déjà, écrivait aux Corinthiens que “ce qu’il y a de fou dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les forts et les puissants”

A l'époque Jean Vanier passait pour un saint. A propos de ses inspirateurs les frères Philippe, un de mes correspondants précise dans un courriel de ce matin :

"Le Père Thomas Philippe était la proie de phantasmes au sein desquels la plus haute mystique rejoignait les obsessions sexuelles. Tout cela donna lieu à une théologie aberrante qui prit naissance à partir d’une révélation bien mystérieuse en 1938. Le Père Thomas fut par la suite la proie de troubles psychiatriques. Il écrivait à un ami que « chaque jour, il se sentait devenir plus étrange, que le monde extérieur lui semblait comme une prison dont les murs se rapprochaient de plus en plus de sa tête, au point de l’enserrer, que la seule vue d’un habit de l’Ordre le jetait parfois dans une angoisse insurmontable ».

(J’extrais ces lignes d’un dossier que j’ai constitué).

Le Père Marie Dominique Philippe subissait l’ascendant d’une religieuse hongroise à la beauté troublante Tünde Zsentes, encore appelée Mère Myriam dont on peut trouver la biographie aux éditions Pierre Marcel Favre.  Cette sœur avait des talents prodigieux. Dans son lycée de Budapest, elle remportait les premiers prix de chant, de piano. Dès l’âge de 16 ans, elle donnait son premier récital public. Elle était très douée pour la peinture. Elle rencontra le Père Marie Dominique Philippe pour la première fois en 1973. Elle devint sa secrétaire et suivit ses cours à l’université de Fribourg. Elle obtint un doctorat de Philosophie en soutenant deux thèses : l’une sur la pensée de Karl Marx à travers « L’idéologie allemande » et l’autre sur la notion de cause dans « La métaphysique » d’Aristote. Ce milieu m’a fasciné dans les années 90. La plus haute intellectualité y côtoyait la mystique avec Marthe Robin et bien d’autres. Nous étions dans les années Jean Paul II.

Mère Myriam montrait des tendances névrotiques voire psychotiques certaines. C’est parfois la rançon d’une intelligence supérieure. Sa mère lui avait révélé ses origines juives. Elle fonda alors une communauté judéo- chrétienne et demande aux jeunes filles qui la suivaient de pratiquer les mitsvoth, d’absorber une nourriture casher. Désavouée par le cardinal Decourtray, elle entreprit une grève de la faim, sombra dans l’anorexie."

Tous ces gens étaient assurément brillants, et l'on voit là une illustration de l'association entre talents intellectuels, sexualité et orgueil, mal dissimulés sous une rhétorique de l'humilité dans un cocktail d'exaltation spirituelle explosive. Dans les soldes négatifs de cette affaire, outre l'aliénation psychologique des participants, il faut relever au moins un avortement clandestin au début des années 1950 (les rapports sexuels entre les "initiés" du groupe étaient à ce prix...).

Il me semble que cette histoire fait écho à divers éléments que nous avions relevés dans l'usage sacramentel de la sexualité tel qu'il existait jadis chez les disciples de Carpocrate (voir mon billet sur les adamites). On touche là à un paradoxe démoniaque qui est que la sexualité sacralisée qui donne aux gens l'illusion de les relier, et de fournir de vrais "abandons" au nom de Jésus-Christ, ne fait que couper les personnes de l'ordre social, transformant en l'espèce la communauté des frères Philippe puis celle de Vanier en société secrète (et en secte) - une religieuse dans le rapport parle même d'une sorte de "franc-maçonnerie" - avec ses initiations cachées, ses mots codés etc.

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