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Physique quantique et loi d'attraction
On parlait sur ce blog de physique quantique il y a peu. Voici une vidéo récente de Doreen Virtue (une des "héroïnes" de mon livre sur les médiums convertie au christianisme) qui, dans ses 10 premières minutes évoque d'une façon très juste le lien artificiel que le New Age trace entre physique quantique et loi d'attraction universelle (notamment autour du "cas" Deepak Chopra, un autre nom que vous trouverez dans mon livre). Elle invite pour en parler un repenti du système de la loi d'attraction Jon Clash, auteur de“Law of Attraction: A Gateway Drug to Spiritual Heroin".
J'ajoute aussi en dessous une vidéo d'une youtubeuse un peu bébête qui, après s'être complètement trompée dans les folies de la médiumnité new-age est revenue à une forme de petit rationalisme "de bon sens", autant dire qu'elle aura effectué un voyage dans la spiritualité comme Fabrice à Waterloo (chez Stendhal) pour rien, sans avoir rien compris. Alors qu'au moins Doreen Virtue, elle, après être allée aussi loin que possible dans l'erreur New Age, a trouvé la Bible au bout de son chemin.
La Vierge et le serpent selon Saint Silouane
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Comme il menait une vie de jeune paysan chrétien ordinaire dans son village de Chovsk (province de Tambov en Russie), Saint Silouane de l’Athos (né Syméon Ivanovitch Antonov 1866-1938) à jouer de l'accordéon sur la place centrale et même à entrer dans des bagarres pour sauver son honneur devant les filles s'assoupit un jour (dans les années 1880) et vit dans l'état d'un léger sommeil un serpent qui se glissait dans sa bouche et pénétrait dans son corps. A ce moment, il entendit une voix qui lui disait : "Tu as avalé un serpent en rêve, et cela te répugne. De même je n'aime pas voir ce que tu fais. " "Syméon ne vit personne, ajoute son disciple l'archimandrite Sophrony dans la biographie qu'il lui consacre (eds du Cerf p. 18) ; il n'entendit que la voix qui prononçait ces paroles. La douceur et la beauté de cette voix étaient tout à fait extraordinaires. Malgré toute la douceur de cette voix, l'effet en fut bouleversant. Selon la profonde et inébranlable conviction du Starets, la voix qu'il avait entendue était celle de la Sainte Vierge. Jusqu'à la fin de ses jours il rendit grâce à la Mère de Dieu de ce qu'elle ne l'avait pas dédaigné mais qu'elle avait bien voulu le visiter (...) Le Starets attribuait à l'impureté dans laquelle il se trouvait à ce moment le fait de n'avoir pas été jugé digne de voir la Reine des Cieux".
Silouane l'Athonite était sensible à l'histoire de Saint Antoine conduit par Dieu à admirer le cordonnier d'Alexandrie convaincu de ce que tout le monde serait sauvé sauf lui, et lui-même était enclin par le Créateur à "maintenir son âme en enfer".
Il y a aussi chez ce saint des considérations très intéressantes et nuancées sur la façon font le starets prodigue les conseils qu'il tient de Dieu ou fait la part entre la lumière qui vient de l'âme et celle qui vient du divin, ce qui prouve bien que toutes ces questions n'ont rien d'évident en soi. La seule chose très manifeste c'est la force de l'expérience intérieure que vit le mystique.
Merveilleux protestant : les chants de psaumes célestes à Orthez en 1685
Dans sa VIIe lettre pastorale du 1er décembre 1686, le calviniste Pierre Jurieu (1637-1713) écrit (p. 150 du recueil T. I), fait état "d'orages extraordinaires, de feux tombans du ciel ; d'autres sortant de la terre, de signes très parlants qui ont paru dans les airs, d'insectes de figure inconnue qu'on a cru voir tomber des cieux" et de "ce chant de psaumes qui a été entendu dans les airs en divers endroits".
Jurieu dit en avoir entendu parler, pour la première fois il y a"près d'un an" en Béarn, la "première province où fut envoyée la mission dragonne" de Louis XIV contre les protestants, du chant de psaumes. Le pasteur de l'Eglise d'Orthez Magendie ayant mené l'enquête a déclaré, dans une lettre du 23 novembre 1686 d'Amsterdam, qu'il recopie, que M. de Bazin s'étant promené avec un de ses amis aux alentours d'Orthez dans l'après-midi "ouit des voix qui chantaient les Psaumes, et, comme il crut que ce pouvaient être certaines femmes qui lavaient du linge" dans la rivière, "il courut à elles pour leur demander si c'était elles qui avaient chanté". "Elles lui dirent que ce n'étaient pas elles, et qu'il y avait longtemps qu'elles entendaient ce même chant de Psaumes" (p. 151). "Cela arriva quelques mois avant l'interdiction de nôtre temple".
Par ailleurs Mademoiselle de Casenave, de la même ville, qui n'y croyait pas, reçut la promesse d'une femme qu'elle l'en avertirait si elle les entendait à nouveau. Lorsque cette femme, à 11 heures du soir "avec beaucoup d'autres personnes" se trouva à une extrémité d'Orthez, elle entendit les Psaumes. Elle courut chez Mlle Casenave qui sortit de son lit, fit lever une de ses voisines. Elles coururent à ce quartier d'Orthez éloigné de leur maison "où elles trouvèrent plusieurs personnes qui étaient ravies de cette douce mélodie, qu'elles entendaient dans les airs", et rentrent chez elles avec "cette grande consolation" de l'avoir entendue. Mme de Cazenave ajoute qu'après les Psaumes une voix parlait mais d'une façon peu compréhensible.
Les nombreuses personnes qui avaient entendu ce chant de Psaumes l'appelaient "le chant des anges". Cela les incitait à sortir la nuit et les jurats de la ville durent prendre une ordonnance d'interdiction de sortir la nuit.
Le ministre Garsin de l'église d'Orthez certifie (lettre du 23 septembre 1686 à Amsterdam) aussi que son beau-frère de Roux, avocat, entre 11h et minuit derrière sa maison dans cette ville a entendu un chant de psaume "au dessus de lui", puis d'un "endroit plus éloigné". L'avocat Clavier par ailleurs lui a dit que le curé Dufau, le sieur Lichirigai et un frère du curé, M. de la Roque, ont envoyé "quérir une fille papiste de Moncade pour savoir d'elle s'il était vrai qu'elle eût dit avoir oui ce chant de Psaumes" et "elle leur dit que oui". "Et lui ayant demandé comment elle savait que c'était le chant des psaumes, elle leur dit que c'était parce qu'elle avait oui la même chose que lorsqu'on chantait dans le temple". Comme les interrogateurs s'étonnaient qu'elle ait entendu ça au temple, elle précisé qu'elle "y avait été une fois à la suite d'un baptême, mais qu'allant à la fontaine, elle avait oui souvent ce chant passant devant le temple à l'heure des prêches et des prières."
Une autre attestation (du 22 novembre 1686) précise que dans l'année 1685, en août et septembre, Pierre de Maupoey, 23 ans, a oui "dans l'air chaud" à deux reprises un chant de psaume mélodieux, une fois devant la maison de Poey" où il était "à demi endormi, couché sur un banc", le chant l'a réveillé et a duré "près d'une demi-heure", puis il entra dans la maison de M. du Poey, marchant drappier, chez qui il travaillait. Il le dit à "mademoiselle du Poey et à ses filles". Elles le grondent de ne pas l'avoir averti. Huit jours plus tard, lui "et plusieurs autres" à 1 heure de matin se rendent à la Posterle (un lieu élevé de la ville) il entend "plusieurs voix dans l'air, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre". Il interroge Mlle Despagnou, fille de M. Dombideau, marchant d'Oloron, épouse d'un marchand tanneur accompagnée d'autres femmes du voisinage ": d'où venez vous ?" "Du gave, dirent-elles, près du moulin neuf". Il leur demande de quel côté venaient les voix. Elles disent qu'il leur semble que cela vient de la posterle. Mais lui même en venait et croyait que cela venait du moulin neuf. Ces personnes sont tombées d'accord pour estimer que cela était "dans les airs", "et que jamais elles n'avaient ouï de voix si belles"
Le père de Maupoey (qui avait changé de religion deux ans et demi plus tôt), voisin de Melle Despagnou et les autres femmes se tiennent sur la porte de la ville à 2 h du matin, avec un maréchal nomme Maresquas, "papiste de Lembeye, du quartier de Bitbil, qui ressort du Parlement de Navarre". Ceux-ci confirment qu'ils ont bien entendu un chant magnifique.
Pierre Jurieu cite encore le témoignage de M. Bergeret : en septembre 1685 il se couche à 8 heures du soir. Une demi-heure plus tard quelques voisines viennent et lui demande s'il est assez fou pour chanter des psaumes interdits. Au même moment sa mère entre dans la chambre pour le réveiller en disant qu'on "chante des psaumes en l'air". Il prête attention et croit que l'on chante dans le jardin. Il sort, tout le voisinage se retrouve dans la rue de Moncade où l'on entend les psaumes.
Jean de Bordette en septembre 1685 a aussi vers 8 h du soir entendu les psaumes dans la rue, mais sans pouvoir identifier de quels psaumes il s'agit.
Mlle de Formalagués (attestation signée à Amsterdam du 4 septembre 1686) l' a entendu trois fois en octobre. Un vendredi vers 8 ou 9 h des voisines viennent l'avertir chez elle. Elle sort rue Saint Gilles et y trouve diverses personnes accourues de toute part pour entendre ces chants : "Et à l'instant, atteste-t-elle, mes oreilles furent frappées d'une mélodie si ravissante, que je n'ai jamais rien oui de semblable. Je pouvais discerner l'air de nos psaumes qui était chanté admirablement bien". Certains ont reconnu le début du psaume 41 qui à l'époque était traduit par "ainsi qu'on oit le cerf bruire". Mlle de Formalagué n'a jamais pu distinguer les mots. "J'ouis seulement une musique charmante, qui me représentait un grand nombre de voix très bien accordantes ; il y en avait une qui s'élevait par dessus les autres et qui se faisait remarquer lorsque toutes avaient fini" . Les voix ensuite diminuent peu à peu et se perdent "insensiblement dans les airs". La demoiselle rentre chez elle et se retrouve sur le pas de sa maison avec ses voisines et là, le chœur des anges reprend pendant un quart d'heure, puis disparait.
Le mardi suivant, elle est avec un parent sur la porte de sa maison le soir. Un grand nombre de voix retentissent avec force dans les airs. Elle court à l'appartement du médecin papiste qui loge en sa maison et qui était cette année là un des jurats d'Orthez. Il la suit sur le pas de la porte, mais fait semblant de ne rien entendre. Les voix se font plus fortes : "alors ayant pressé ce jurat, de me dire s'il oyait ce chant, cet homme ne put dissimuler la vérité". Mais il dit qu'il entend un beau chant mais dit qu'il reconnaît les voix d'Orthéziens qu'il nomme et qui sont connus pour leur bel organe, pour ne pas avouer que ce sont les anges. Mlle de Formalaguès s'exclame "Monsieur, si les hommes se taisent, les pierres mêmes parleront".
Monsieur de Brassalay gentilhomme d'honneur, témoigne que quelques jours avant la fermeture autoritaire des temples en Béarn, l'avocat Lichigaray Brunier persécuteur des protestants se leva de son lit pour aller dire au curé qu'il entendait une assemblée chanter des psaumes hors de la ville. Il passe aussi voir le sergent Goulan, catholique, pour le conduire au lieu où il pourra arrêter les membres de ce choeur. Mais le sergent penché à la fenêtre voit bien que cela vient des airs et qu'il n'y a donc rien à faire. Puis les chants ont continué pendant plus d'un mois. Cela ne venait pas d'une caverne précise Jurieu car à Orthez il n'y a que des maisons et des vignes et champs autour, et le chant des psaumes était interdit depuis longtemps. Tout le monde a fini par en entendre et Lichigaray Brunier a pu identifier le psaume 138 verset 2.
Le médecin Du Faur, jurat de la ville, l'entendit mais dit que c'était l'oeuvre de sorciers. "Le parlement de Pau et l'intendant de Béarn en ont aussi rendu le témoignage par un arrêt, qui défend d'aller écouter le chant des psaumes" sous peine d'amende. P. 163 Jurieu cite ensuite un témoignage sur les chants de psaumes dans les Cévennes, où les psaumes sont encore plus clairement identifiés, et même parfois accompagnés de bruits de tambours.
Le téléfilm de 1969 "Le Huguenot récalcitrant" évoque cette thématique des chants de psaumes célestes pendant les dragonnades, et aussi les apparitions d'anges qui ont été nombreuses en pays protestant dans les années postérieures à 1685.
Difficile de savoir quelle signification avaient ces phénomènes censés encourager les huguenots et quelle en était la source spirituelle.
Saint Seraphim de Sarov et les animaux
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A propos d'un saint orthodoxe très connu, contemporain du curé d'Ars, saint thaumaturge, et, qui plus est, luminescent. Extrait du livre "Le Bestiaire des sages : De la fourmi au yéti" de Sabine et Eric Edelmann :
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Aspects peu connus des origines de la Californie
"En 1781, Fray Junipero Serra partit de Palma, pour fonder, en Californie, un ordre de Franciscains, de l’obédience de Mayorque. Sur un territoire presque désert alors, il créa, avec le colonel Pedro de Neve, une mission qui allait connaître — il ne l’ignorait pas — bien des difficultés, pour évangéliser toute la côte et l’arrière-pays. Mais il avait foi dans le succès. Il bâtit, d’abord une petite église : l’autel était fait d’un tronc d’arbre; et, au toit de la chapelle, il suspendit une petite cloche qu’il avait apportée des Baléares. Il appela sa fondation « Nuestra Senora, la Reina de los Angeles » Notre-Dame, reine des Anges.
L’église une fois terminée, avant d’y dire la première messe, il sonna, avec persévérance, durant près d’une heure, la petite cloche, qui, semblait-il, ne pouvait appeler personne au saint sacrifice, puisque, à plusieurs lieues à la ronde la population, très clairsemée pouvait à peine l’entendre. Comme un des soldats de la mission s’étonnait de cette insistance vaine, qui, selon lui, n’aboutirait qu’à fêler ou briser la cloche, Junipero Serra lui répondit, avec douceur : « Ya vendran ! Ya vendran !"
Hollywood devrait le succès de son nom au peintre français Paul de Longpré (1855-1911).
"En 1903, Hollywood était un coin de terre en friche à 20 kilomètres de la ville de Los Angeles. On aurait bien pu se construire là une maison, planter des pommes de terre et élever des bestiaux —- personne n’y pensait. En ce lieu il n’y avait guère autre chose que des pierres, du sable et d’affreux buissons de houx.
Mais voilà que le peintre français Paul de Longpré qui voyageait dans ces parages, s’arrêta devant ce paysage aride planté de houx. Il se construisit sur la terre en friche, une villa mauresque et se mit à peindre des houx sur un fond de roches rouges et de ciel très bleu. Mais sa femme se retira bientôt à Los Angeles. « Tu peux rester seul dans ta houssaie — en anglais «Hollywood» — quant à moi, je reste en ville. » Les infortunes conjugales de Longpré firent des gorges chaudes et le mot de « Hollywood » devint à la mode, en manière de plaisanterie. Dans le courant de l’année, Longpré eut de la compagnie. Quelques petites maisons s’élevèrent autour de la sienne. Vers 1910, il y en avait déjà plus d’une centaine. Les hommes d’affaires de Los Angeles, les businessmen épuisés par l’agitation de la grande ville, cherchaient aux environs un lieu paisible et reposant. A peu près à cette époque, le film faisait ses premières armes. Quelques malins « producers » songèrent déjà à tourner leurs films sous le climat ensoleillé de la Californie".
L'ancien ouvroir de Jurançon
L'ancien ouvroir Saint Ange de Jurançon (64), propriété du diocèse de Bayonne, désaffecté depuis très longtemps, est en travaux.
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L'occasion pour moi ce matin d'interviewer une ancienne couturière jurançonnaise (née en 1934) qui y a fait son apprentissage (au premier étage du bâtiment qu'on voit à gauche sur la photo). Elle évoque ainsi ses souvenirs de sa formation en 1949 :
"Après mon certificat d'études j'aurais aimé poursuivre des études pour devenir pharmacienne, ou même devenir comédienne à Pars - j'adorais le théâtre et ma mère était bien partie à la capitale avec son premier mari dans les années 1920. Mais celle-ci était toujours malade, et comme mes trois frères étaient destinés à partir, elle avait besoin de moi près d'elle. Elle m'a donc inscrite en apprentissage comme couturière chez les bonnes soeurs. Ce n'était pas facile pour moi de m'y adapter car je venais de l'école publique.
Il y avait là six religieuses. Elles n'étaient pas de la région. On se moquait d'elles parce qu'elles parlaient pointu. La maison mère de leur congrégation était à Tours.
Elles étaient six religieuses. La mère supérieure, soeur Suzanne, soeur Johanna qui nous apprenait la couture ; soeur Félix qui allait soigner les gens : elle prenait le solex avec ses seringues pour aller soigner ma mère (son moyen de transport était très moderne) ; soeur Henri-Joseph qui enseignait à l'école des soeurs (école Notre Dame) adjacente ; soeur Bernadette qui faisait la cuisine. Toutes étaient trentenaires, sauf l'infirmière soeur Félix qui devait avoir 55 ans
Comme j'étais très bonne ouvrière, j'étais souvent chargée de superviser le travail des autres. Elles ne s'en sortaient pas toujours très bien. Parfois elles faisaient un faux mouvement avec la pédale et cassaient l'aiguille.
J'avais mauvais caractère et cela provoquait des tensions avec soeur Johanna, qui était pourtant d'un naturel assez timide, et d'une complexion physique fragile (elle était asthmatique). Elle devenait toute rouge quand je lui tenais tête. Un jour elle m'a envoyé chez la mère supérieure. Mais quand la mère supérieure m'a reçue, elle m'a seulement dit de ne pas m'inquiéter, de continuer à travailler comme ça, que Soeur Johanna était fragile.
Soeur Johanna avant d'être religieuse avait travaillé dans un atelier de grand couturier à Paris. Les six soeurs ne s'entendaient pas bien entre elles, elles se disputaient beaucoup.
J'ai effectué un pèlerinage à Lourdes avec elles une fois. On avait trempé nos pieds dans la piscine, puis on avait fait de la barque sur le lac de Lourdes. Les soeurs avaient peur de mouiller leurs cornettes et devaient relever leur tenue qui tombait jusqu'aux pieds".
Je trouve que ce témoignage révèle un peu les contradictions que provoquent l'ouverture au monde de femmes qui s'étaient en premier lieu consacrées à Dieu (la gestion des ouvrières, venues du monde laïque et même laïcard, les règles de décence quand elles prennent la baque avec des tenues qui n'étaient évidemment pas adaptées au tourisme).
Sur la vie quotidienne mon informatrice précise : "Nous étions une dizaine d'apprenties, dont sept jurançonnaises. Une venait d'Uzos, deux de Rontignon. La plupart avaient été instruites à l'école publique. Néanmoins on devait suivre les rituels religieux. Le matin on offrait la journée à Dieu, à midi on récitait l'angelus, l'après midi une partie des complies et des vêpres. Ca me pesait. On allait aussi à la messe à la chapelle qui était à l'endroit où les soeurs logeaient. C'était un véritable atelier et très renommé. Des gens de Pau et de la région venaient faire faire des robes sur mesure. Ils apportaient le tissu. Soeur Johanna se faisait payer la façon. J'y ai ainsi confectionné la robe de mariage de la femme de mon frère ainé".
La Société Ouvroir Saint Ange existe encore avec une numéro de SIREN et est signalée comme ayant été fondée le 1er janvier 1900. L'école Notre-Dame à l'asile Saint-Ange a célébré sa dernière fête le 15 juin 1991. Au fond il y avait là une sorte de complexe de bienfaisance. Le Patriote des Pyrénées du 8 août 1906 y signalait une attribution de primes en ces termes :
"Dimanche, a eu lieu à Jurançon, à l’asile Saint-Ange, la première distribution des primes de la Caisse dotale fondée l’année dernière sous l’initiative de M. le Curé. Il n’est peut-être pas inutile de dire deux mots de cette intéressante œuvre, fondée sur le modèle de celle qu’a organisée A Pithiviers l’abbé Le Sècheroux, bien connu des catholiques qui s’occupent d’action sociale. Elle a pour but de développer et de récompenser chez les jeunes filles le goût de l’économie : les jeunes filles sont encouragées à faire des économies et à les verser à la Caisse : celle-ci les leur place d’abord en livrets de caisse d’épargne, puis, au bout de l’exercice annuel, elle leur attribue une prime proportionnelle à leurs versements et constituée par des cotisations de membres fondateurs, bienfaiteurs et honoraires.
M. le curé de Jurançon, désireux de ne pas moins stimuler la pratique des devoirs religieux que les habitudes de prévoyance matérielle, a institué, parallèlement A cette prime, une prime d’assiduité au cathéchisme de persévérance. L’accumulation de ces primes, que l’on replace aussi au fur et à mesure et qui portent à leur tour intérêt, fournit aux titulaires le moyen de se préparer une petite dot, dont elles auront la satisfaction de toucher le montant au moment de leur mariage qui leur permettra d’entrer en ménage dans des conditions bien plus favorables que si elles ne s’étalent pas appliquées à songer à l'avenir et à épargner.
Ainsi s'accroîtra A Jurançon le nombre des foyers où l'aisance rend plus facile à la famille la pratique des vertus chrétiennes, dont elle est en même temps comme une première récompense. L'œuvre, établie à la fin du mois de novembre dernier, a parfaitement réussi. Si jeune encore, elle compte déjà 64 membres participantes, et le chiffre des économies réalisées en ce court laps de temps 549 fr., est tout-à-fait encourageant ; celui des primes accordées, grâce à l’abondance relative des ressources assurées à la caisse cette première année ne l’est pas moins : 440 fr. et la lecture détaillée de ce palmarès d’un nouveau genre faisait hier, à ce double point de vue, vraiment plaisir à entendre.
Cette lecture avait été précédée par celle d'un rapport, rédigé par la dévouée secrétaire de l’œuvre, Mme Bergeron, qui expliquait à merveille le mécanisme de la Caisse dotale et ses avantages matériels et moraux et indiquait très clairement les résultats d'ensemble obtenus pendant ses huit premiers mois d’existence , , Avant, entre et après ces deux lectures, on a entendu plus d’une demi-douzaine de chansons, chansonnettes, monologues et saynettes , dont le nombreux auditoire a paru enchanté."
Un sanctuaire gascon
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Une de mes correspondantes attirait mon attention sur ce qui fut jadis un très important sanctuaire gascon (on allait notamment y faire soigner son épilepsie - le "haut mal"), autour des reliques d'un baron batave, Saint Fris ou Fritz, qui se sacrifia pour résister aux Sarrasins à l'époque de Charles Martel.
Le sanctuaire se trouve à Bassoues dans le Gers. On peut trouver diverses informations à son sujet dans cet ouvrage de 1916. On y apprend (p. 73 et suiv.) notamment que c'est une vache qui a "inventé" selon l'expression consacrée les reliques et les a amenées près de la fontaine miraculeuse.
Avant cela en 1858, l'abbé Guilhempey avait rattaché l'origine de Bassoues aux cultes druidiques dans les bois voisins de Marsoulès, qui doivent leur nom à Mars (Esus dans le culte celtique) et détaillé (p. 9 et suiv, puis p. 34 et suiv) les miracles constatés à cet endroit.
Il est arrivé une étrange aventure à Mgr Henri Lamothe-Houdancour quand il fut archevêque d'Auch (donc entre 1661 et 1684), connut une mésaventure surnaturelle quand, accompagné de deux prêtres, il tenta d'ouvrir le tombeau de Saint Fris, mais ne voulut jamais dire ce qui s'était passé, et interdit aux prêtres de le répéter. Dom Brugèles dans ses chroniques ecclésiastiques du diocèse d'Auch de 1746 (p. 384) raconte qu'une grande flamme en sortit mais sans préciser comment il l'a su. Les récits concernant la punition des profanateurs à différentes époques sont nombreux. L'abbé Guilhempey en cite même un très circonstancié de 1818 (p. 46).
Il revint au béarnais de Salinis, dont j'ai parlé dans mon livre sur Lacordaire, d’ouvrer, quand il fut archevêque en 1856, à la restauration du sanctuaire, comme à Lacordaire de restaurer la Sainte-Baume (les deux étaient des libéraux autrefois proches de Lamennais). Bizarrement son biographe de 1873 l'abbé de Ladoue n'en parle pas.
Le pèlerinage à cet endroit avait lieu trois fois par an, dont à la Saint Jean, qui est le jour où ma correspondante a été inspirée pour s'y rendre (avant-hier 24 juin), sans savoir que Saint Fritz était mort, selon la tradition, le jour de cette fête.
Polyeucte de Corneille
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Je lis dans le Panthéon populaire illustré de 1851 sous la plume d'Emile de la Bédollière :
"C'est dans l'immense collection de légendes recueillies en six volumes in-folio, par Laurent Surius, chartreux de Lubeck, que se trouve l'histoire de saint Polyeucte. Ce martyr, converti par son ami Néarque, périt le 9 janvier 260, sous l'empire de Décius. Félix, son beau-père, gouverneur d'Arménie, après avoir inutilement tenté de le ramener au paganisme, le condamna à la décapitation.
Corneille, avant de livrer sa pièce au théâtre, la lut chez madame de Rambouillet, où se rassemblaient tous les beaux esprits contemporains. La tragédie fut déclarée, à l'unanimité, indigne de l'auteur, et Voiture fut député auprès de lui pour l'engager à la garder en portefeuille. Les comédiens de l'hôtel de Bourgogne étaient du même avis. L'un d'eux, auquel on avait remis la pièce manuscrite, la jeta sur le baldaquin de son lit, où elle fut oubliée ; un domestique qui nettoyait l'appartement la retrouva par hasard au bout de dix-huit mois. Malgré ces condamnations anticipées, Polyeucte, représenté en 1640, excita une vive admiration. « L'extrême beauté du rôle de Sévère, a dit Voltaire, la situation piquante de Pauline, sa scène admirable avec Sévère an quatrième acte , assurent à cette pièce un succès éternel. Non-seulement elle enseigne la vertu la plus pure, mais la dévotion et la perfection du christianisme. Dacier, dans ses remarques sur la Poétique d'Aristote, prétend que Polyeucte n'est pas propre au théâtre, parce que le personnage n'excite ni la pitié . ni la crainte. il attribue tout le succès à Sévère et à Pauline. Cette opinion est assez générale, mais il faut avouer aussi qu'il y a de très beaux traits dans le rôle de Polyeucte, et qu'il a fallu un très-grand génie pour manier un sujet si difficile. »
Polyeucte contribua puissamment à concilier aux plaisirs des spectacles bon nombre de personnes qu'en éloignaient des scrupules religieux. On peut aussi présumer que cette tragédie fut une des causes déterminantes de l'édit de Louis XIII du 16 avril 1641, qui amnistiait les comédiens, si peu considérés jusqu'alors. On y lisait : « En cas que lesdits comédiens règlent tellement les actions du théâtre, qu'elles soient du tout exemptes d'impuretés, nous voulons que leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public. »"
Ce n'est en réalité pas par cet article que j'ai connu Polyeucte, mais par la biographie de Péguy par Romain Roland. Charles Péguy, nous apprend Roland, voyait dans cette pièce le sommet de la littérature française. Et tous les auteurs chrétiens du XIXe siècle de Chateaubriand à Veuillot lui ont tiré leur révérence. C'est à travers leurs yeux qu'il faut aborder cette pièce, et non ceux de tous les athées de Voltaire à Clemenceau qui l'ont toujours détestée parce que justement il n'y était question que de l'amour de Dieu à placer au dessus de tous les sentiments humains (raison pour laquelle l'école républicaine n'enseigne pas cette pièce à ses enfants).
Les amateurs de curiosités pourront aussi lire avec intérêt le compte rendu d'une représentation de la pièce par une troupe de la Comédie française... à Cauterêts, en Bigorre en 1906. L'auteur, l'abbé Alexis Crosnier, directeur de la Revue des Facultés Catholiques de l'Ouest, voit dans Polyeucte l'incarnation du surhomme chrétien (Crosnier écrivait à une époque où ce thème à la suite de Nieztzsche et de d'Annunzio était très à la mode). Le prêtre décrit le jeu des acteurs, mais aussi le public, qui va des grands bourgeois snobs aux instituteurs et aux commerçants. Le tableau des réactions du marchand devant la pièce en p. 18 est digne de La Distinction de Bourdieu.
Une petite parenthèse : moi qui dans mon livre sur Lacordaire vous ai rappelé quels émois au XIXe siècle suscitait Ste Marie Madeleine, la femme "à qui il a été beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé" (Luc 7:47), je ne puis résister au plaisir de reproduire ici cette tirade de Veuillot que cite Crosnier à propos de la France : "La France est la nation qui a le plus aimé ; et, à cause de cet ancien amour demeuré au fond de ses veines, elle est celle qui versera son parfum sur les pieds du Sauveur". La France en Marie-Madeleine, voilà qui a de l'allure, et dans le camp socialiste Leroux qui voyait dans son peuple le troupeau le plus religieux du monde, aurait sans aucun doute souscrit à ce propos.
Il faut lire et relire cet aspect religieux et spirituel de notre littérature (même si, à mon avis, le christianisme littéraire est un genre toujours souillé par l'orgueil et l'humanisme - la confiances aux facultés humaines - , et c'est donc toujours d'un niveau spirituel inférieur à celui des ascètes qui ont su garder humblement le silence). On ne comprend rien à Louis XIII, à Corneille, à ce que fut notre pays, à ce qu'il redeviendra peut-être, d'une autre manière mais dans le prolongement de ce passé-là, un jour, si l'on ne revient pas au christianisme.