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La Jeanne d'Arc de George Bernard Shaw
Je regardais hier "Saint Joan" d'Otto Preminger avec Jean Seberg (1957) transposition à l'écran de la pièce de George Bernard Shaw qui est en intégralité ci-dessous.
Selon George Bernard Shaw (dont l'intégralité de la pièce peut aussi être vue sur You Tube) ,la Pucelle était "la plus insigne sainte guerrière du calendrier chrétien et le plus bizarre des excentriques preux du moyen-âge. Bien que catholique de profession et fort pieuse et en dépit de son projet d'une croisade contre les Hussites, elle était en réalité la première des martyrs protestants. Elle était également l'un des premiers apôtres du nationalisme et la première parmi les Français à pratiquer dans la guerre le réalisme de Napoléon, contrairement au jeu chevaleresque de son temps, avide de rançons. Elle a ouvert les voies à la rationalisation du costume féminin et,, comme le fit deux siècles plus tard la reine Christine de Suède, ainsi que Catherine d'Erauso et d'innombrables héroïnes inconnues qui se déguisèrent en homme pour servir comme soldats ou marins, elle refusa d'accepter le rôle réservé aux femmes et s'habilla, combattit et vécut comme les hommes. "
Par là Shaw signifiait qu'elle était capable de porter Dieu contre toutes les censures sociales, y compris celle de l'Eglise. On dit que la pièce publiée en 1924 (quatre ans après la canonisation) et fit beaucoup pour faire canoniser l'héroïne tandis qu'un comité d'intellectuels catholiques à Londres (la Saint Joan's Alliance - parmi eux des personnalités très estimables comme Hilaire Belloc) se mobilisait pour financer un mémorial expiatoire du crime commis par les Anglais à Rouen.
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On ne peut regarder le film sans une grande émotion. Le personnage de Jeanne y est fidèle à ce qu'on connaît d'elle. C'est d'autant plus touchant qu'il est incarné par Jean Seberg qui alors n'avait pas 19 ans. A l'époque la critique la trouva un peu trop "cutie". Aujourd'hui on voit les choses bien différemment, car elle fut elle-même une sorte de Jeanne d'Arc, à sa manière, et mourut en martyre - elle ignorait alors que cela finirait ainsi. Sur les planches, vingt ans plus tôt, c'était Katharine Cornell, la reine du théâtre américain (celle dont on faisait des statues), qui tenait ce rôle à New-York.
Je ne puis être indifférent non plus au fait que Graham Greene sur lequel je travaillais beaucoup l'an dernier, et qui avait un rapport si complexe à Dieu et à la révélation chrétienne, ait écrit le scénario.
Soigner une âme par le corps
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Voici une drôle d'histoire qui m'est arrivée en 2014. Il s'agit d'une expérience que j'ai faite avec une lectrice de ce blog le 9 novembre 2013 (son post est encore lisible ici, vous noterez que cela suit un mien billet sur un chien tué, moi dont le saint patron a une tête de chien), qui se faisait appeler "Idelphie". Je lui ai écrit le 8 mai 2014. A ce moment là je venais de découvrir l'existence du monde invisible au contact des médiums comme je l'ai raconté dans mon livre paru en 2017. Une sorte d'ébullition intérieure me poussait à rechercher les synchronicités , les signes. J'étais à l'époque si spirituellement perdu que j'allais prier une statue de Cybèle en pierre qui se trouvait non loin de chez moi --- La suite de ce billet n'est pas publique, vous ne pouvez l'obtenir qu'en en adressant la demande à l'auteur du blog par le formulaire de contact.
Un possédé dans une Assemblée de Dieu en province
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Je viens d'assister à l'Assemblée de Dieu (pentecôtiste) vers 15h30, près de la vieille place de la ville où je vis, à une scène instructive mais horriblement frustrante.
J'étais arrivé vers 14h45 mais leur réunion commençait vers 15h30 (et non vers 15h comme c'était affiché). Je suppose que si j'avais je n'aurais pas attendu, mais Dieu en a décidé autrement.
Déjà vers 15 h, j'avais repéré un type louche qui rôdait dans le coin sur le trottoir. De type européen, grand, maigre, avec une barbe grisonnante, tout de noir vêtu. Le type visiblement agité interpellait les passants.
--- La suite de ce billet n'est pas publique, vous ne pouvez l'obtenir qu'en en adressant la demande à l'auteur du blog par le formulaire de contact.
Exemple d'évangélique satisfaite de la délivrance dont elle a bénéficié
Les martyrs d'Ouganda
La basilique de Namugongo en Ouganda est toute entière imprégnée (ses vitraux, ses piliers) du souvenir des premiers catholiques guidés par les Pères Blancs et anglicans de ce pays qui moururent en martyrs en 1886 persécutés par le roi du Buganda Mwanga II.
On trouvera ci-dessous un film pédagogique de 1996 "Fires of hope" dans sa version française, film très simple dans sa facture et sa philosophie mais qui, semble restituer d'une façon assez fidèles, la manière dont les martyrs ont vécu leur conversion, avec tout ce que cela impliquait de renoncement à la polygamie, à la sorcellerie etc. J'ai pensé au film "Silence" de Scorcese sur les jésuites au Japon, dans lequel Scorcese par la bouche de l'inquisiteur demande si ces paysans se convertissent vraiment au christianisme ou à une version christianisée de leur paganisme. Mais ce genre de questionnement sophistiqué est en invalidé par le courage manifesté au moment de leur sacrifice.
Le martyre de Charles Lwanga et ses compagnons a été connu tôt en Europe. Un ouvrage en français de 1893 en fait état. En réalité la persécution de Mwanga II fit au moins 4 000 morts. L'évêque missionnaire alsacien Mgr Henri Streicher (1863-1952) a raconté leur histoire dans un livre gratuit en ligne ici sur Gallica. Il y a des collèges Charles Lwanga au Burkina, en Côte d'Ivoire, un lycée Charles Lwanga au Tchad, au Sénégal, au Kénya, et bien sûr il y en a quelques uns en Ouganda, sans parler des écoles primaires, des églises etc.
L'ésotérisme "chrétien" du Hiéron du Val d'Or
Je ne suis pas très fan de la saga de Rennes-le-Château, même si je m'y suis un peu intéressé en 2014 et par la suite. Mais il faut reconnaître que c'est une porte d'entrée commode pour comprendre certaines recherches des ésotéristes du XXe siècle, car l'énigme de l'abbé Saunière a été au croisement de plusieurs courants, plusieurs sociétés secrètes.
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C'est ce que rappelait dans une conférence du 18 mai dernier à Paray-le-Monial Christian Doumergue (lequel hélas oublie de payer sa dette, si je ne me trompe, à Gino Sandri, mais bon...). Je n'en dirai que quelques mots. Dans cette conférence Doumergue rappelle le souvenir du baron Alexis de Sarachaga, catholique qui reçut sa mission mystique en voyant un enfant mort de froid à Saint Petersbourg (ce qui rappelle le Bouddha). Pris en charge par un Jésuite à Paray-le-Monial, fief de l'héritage de Marguerite Alacoque, il fonde une société (le Hiéron d'Or) qui voit dans le Christianisme le nom actuel de la religion primordiale comme le faisait déjà Saint Augustin quand il écrivait dans Rétractationes I,13,3: " la réalité même qu’on appelle maintenant la religion chrétienne existait jadis […] ; dès les origines, elle n’a pas fait défaut au genre humain jusqu’à ce que vienne le Christ dans la chair ; et c’est alors que la vraie religion, qui existait déjà, a commencé à prendre le nom de chrétienne ". Voir aussi "Le catholicisme avant Jésus-Christ" du chanoine Jallabert.
Marthe de Noaillat décédée le 6 février 1926, poursuivit l’œuvre de ce groupe, qui réunissait, avec l'approbation du pape Léon XIII (qui voulait réintégrer le surnaturel dans la science), archéologues, géologues, et qui était censé former des professeurs agrégés.
Le Hieron du Val d'Or recherchait les restes de la civilisation antédiluvienne comme l'Atlantide ou la Lémurie censée être directement en connexion avec le savoir de Dieu. Précurseur des travaux actuels de Grimault, ils voient chez les Egyptiens et les Aztèques les dépositaires de ces héritages. Ils estiment que les pyramides ont été construites par Hénoch avant le déluge, et sont alignées avec d'autres monuments à travers le monde (ils ont même enquêté au Venezuela). Des historiens de l'art, des archéologues, des théologiens en faisaient partie et même l'ésotériste Henri Favre.
Ils voient dans Isis (min 36) qui est une sorte de messagère de Dieu qu'on trouve en Gaule pour instruire les druides. Jusqu'en 1514 il y aurait eu, selon le Hiéron, une statue d'Isis à St Germain des Près. Issoire, Issy-l'Evêque, Chartres, la grotte de Massabielle à Lourdes. Isis serait apparue à Eve chassée de l'Eden et lui aurait révélé une voie de restauration du paradis perdu. Les Celtes sont des initiés "aoriques" d'après leurs symboles et leur culte solaire. Le culte de l'eau chez les Chrétiens (les sources des églises romanes) prolonge ce savoir celte. Ils ont beaucoup travaillé sur les mégalithes celtiques.
Jeanne Lépine-Authelain, collaboratrice des époux Noaillat, secrétaire de l'Association du Hiéron, expliquera que Paray-le-Monial fut le lieu où l'incendie des Pyrénées fut éteint par l'invocation d'Isis.
Elle fut l'initiatrice de Paul Le Cour, fondateur le 24 juin 1926, du Groupe d'Etudes atlantéennes (devenu ensuite Atlantis). Le Cour, en quête de sens pour sa vie, fut aiguillé en 1923 vers Paray-Le-Monial par le libraire Pierre Dujols, frère de celui qui se disait descendant des Valois. La rencontre entre Lépine et Le Cour fut d'ailleurs providentielle (récit à 1h29). Ils vont s'écrire 2 à 3 lettres par mois. Une lettre de Le Cour en 1925 pensait que derrière le Hiéron se trouvaient les supérieurs inconnus porteurs de l'Ere du Verseau comme il y a les templiers derrière les Jésuites. Lépine-Authelain lui explique certains aspects de l'architecture secrète, le feu sacré vers lequel elle pointe. En 1923 elle le félicite de ne plus s'égarer vers la théosophie et lui promet d'être bientôt prêt pour l'initiation à la combinaison de l'Evangile et de la Tradition.
Le Cour eut une grande influence sur l'homme qui braqua les projecteurs sur Rennes-le-Chateau, Pierre Plantard. Parmi les apocryphes qu'il a déposés à la Bibliothèque nationale, il y a "Les dossiers secrets " d'Henry Lobineau". On y trouve des extraits d'ouvrages de Paul Le Cour, avec en plus une référence au Hiéron du Val d'Or et à Paray-le-Monial.
Doumergue estime que Pierre Plantard et les gens qu'il inspira comme Gérard de Sède ou Henry Lincoln co-auteur de Holy Blood, Holy Grail, sont des artistes qui mêlent le vrai au faux parce qu'ils ne peuvent pas tout dire. Plantard dans diverses revues (notamment la revue Vaincre de la médium Geneviève Zaepffel) a confié croire que dans des endroits secrets se trouvent des savoirs transcendants antédiluviens. Il cherchait la tradition primordiale comme le Hiéron (et comme Guénon au même moment).
Gérard de Sède dans "L'Or de Rennes" écrit (min 1h09) "Les découvertes de quelque poids modifient toujours profondément l'univers mental de ceux qui les font. A plus forte raison l'auteur d'une trouvaille stupéfiante sera s'il en peut la révéler prisonnier d'une contradiction presque intolérable entre l'orgueil qui le pousse à publier et la crainte qui le contraint à se taire. Qu'on l'imagine obsédé sa vie durant par ce qu'il a vu qui était peut-être effrayant, mais dont il ne peut se délirer auprès de quiconque. Pour un tel homme la seule issue serait ainsi de parler en prenant soin qu'on ne puisse le comprendre ou de se faire comprendre en veillant à ne pas parler mais pour ce faire le langage commun n'est d'aucun secours. Il lui faudra donc forger un autre langage, créer une mer pour y jeter sans trop de risque le message qu'il tient en bouteille c'est-à-dire en futile ignorant réinventer l'hermétisme".
Tous les thèmes sur le trésor et sur la descendance de Jésus et Marie-Madeleine ne seraient que des devantures d'une recherche plus profonde sur la transmission de la tradition atlantéenne. Le conférencier dira même que Plantard a agi sur ordre en suivant des instructions d'initiés anonymes. Il remarque aussi que le travail sur Rennes-le-Chateau pourrait conduire à déplacer le regard vers Rennes-les-Bains, la commune voisine, dont le curé était passionné par les Celtes.
Doumergue remarque que l'abbé Saunière est lié au photographe de Toulouse Clovis Lassalle. Or celui-ci est mentionné dans des documents émanant de l’AMORC (Ancien et Mystique Ordre de la Rose Croix) américaine dont le fondateur Harvey Spencer Lewis a été initié dans le Sud de la France. Dans Voyage d'un pèlerin, ce dernier raconte avoir été conseillé à Toulouse par un photographe (dont il ne dit pas le nom) qui l'orienta vers un lieu secret d'initiation.
Gino Sandri, lui, précisait en 2018 qu'il était ancien membre de la société Atlantis de Jacques d'Arès, présenté comme un fils adoptif de Paul Le Cour. Je renvoie à sa vidéo pour mieux comprendre l'inspiration du Hiéron.
Ce mouvement millénariste a l'air très lié à la déesse mère (d'ailleurs Sarachaga aurait transmis à Le Cour via la succession de sa secrétaire une bague d'intronisation qui portait le portrait de Cybèle). A moins que la connexion à la Terre-mère soit purement allégorique.
Alexandre le Grand, les Nephilim et le Baphomet
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Il faut que je vous parle de la dernière vidéo d'Ariel Cohen Alloro qui est un kabbaliste contemporain marginal mais intéressant à plusieurs égards - j'ai notamment déjà salué sur ce blog son travail sur les 12 apôtres ou sur les deux visages.
Dans cette vidéo d'il y a 15 jours intitulée "Who is Lucifer ?", il y a des éléments très utiles. Tout d'abord j'apprécie qu'il précise comme je le fais dans mon livre sur ce sujet que Nephilim peut à la fois signifier "géants" (comme dans le Livre des Nombres ch 13) ou "fils de Dieu" (les beni elohim, pères des géants) et précise (ce que j'ignorais) que cela dépend si le mot s'écrit avec ou sans la lettre youd... Ca n'a l'air de rien mais je crois que cela peu dissiper certaines équivoques de la Septante.
Evacuons aussi à titre préalable certaines approximations ou fautes de Cohen Alloro qui, à mon avis, nuisent à sa crédibilité : par exemple lorsqu'il dit qu'Alexandre fut instruit pas Socrate (au lieu d'Aristote), ou lorsqu'il fait un calcul absurde du titre d'Alexandre en intégrant le titre "augustus" (qui est latin) pour trouver que cela fait 666.
La partie vraiment à retenir est celle qu'il puise dans la Kabbala, selon laquelle Alexandre avant de se livrer à ses conquêtes avait eu accès au Jardin d'Eden (qui se situerait à l'Ouest) et y aurait goûté de l'Arbre de vie. Cela lui aurait conféré des pouvoirs exceptionnels. Cohen Alloro rappelle que selon la tradition juive Alexandre est un des huit rois qui auront dirigé le monde (le 9ème sera le Messie).
Voici ce que Cohen Alloro en tire. Selon lui, le fait qu'Alexandre fils d'Olympias soit un bâtard de Philippe en fait une sorte de Nephilim. Il rappelle que selon certaines traductions de Genèse 6:4 "Les Nephilim étaient sur la terre en ces jours-là, et aussi après", ce qui signifie qu'ils peuvent revenir dans l'histoire, même après le déluge, et "Ce sont ces puissants hommes qui de tout temps ont été des gens de renom", ce qui signifie qu'ils dirigent le monde - donc Alexandre comme 8ème roi peut diriger jusqu'à nos jours.
Rappelons que la naissance mystérieuse d'Alexandre, comme je l'avais souligné dans mon livre, le rattache dans Plutarque au serpent (ce que le new ager Oliver Stone montre dans son film sur ce personnage), et à Apollon. On est donc bien, d'un point de vue monothéiste, dans la symbolique des Nephilim.
Cohen Alloro se plonge ensuite dans le chapitre 8 du livre de Daniel. Il nous montre que le bouc qui vient de l'Ouest et renverse le bélier perse est Alexandre le Grand. Il est velu comme Esaü (c'est l'esprit d'Esaü qui est donc passé dans Olympias lors de sa naissance "miraculeuse"), il vient de l'Ouest (parce qu'il a eu accès à l'Arbre de Vie), il marche en lévitation au dessus du sol comme les anges. Daniel précise que cette vision concerne la Fin des Temps. Donc le règne d'Alexandre se perpétue, et il est plausible que ce soit à travers le Baphomet qui, comme Alexandre dans le Livre de Daniel, est un bouc...
Rappelons aussi qu'Alexandre porte les cornes du dieu Ammon, sur certains tétradrachmes frappés à son effigie, d'où son identification dans certaines traditions islamiques à Dhû-l-Qarnayn, celui aux deux cornes (de la sourate 18 du Coran), et le livre de Daniel au chapitre 8 parle beaucoup de ses cornes.
Cohen Alloro insiste aussi sur la mort mystérieuse d'Alexandre à 33 ans (chiffre maçonnique). Cela fait un lien un peu mince avec les Illuminati. Mais rappelons quand même qu'une certaine tradition du Graal (présente chez les sociétés secrètes) associe Alexandre à la pierre (Lapis Exilis, petite pierre, de la taille d'un oeil) de Lucifer. Dans le Iter Alexandri Magni ad Paradisum, livre juif du XIe siècle Alexandre reçoit cette pierre, et Wolfram von Eschenbach, dans sa version de la saga de Lancelot (comme je l'ai cité dans mon livre sur le Compotisme protestant) l'identifie au Graal (le terme vaut aussi pour la pierre philosophale en alchimie). Il y a peut-être là aussi une connexion possible.
Retour à Aphrodite Ourania
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En 2017, j'avais écrit sur l'Aphrodite céleste ici. Cela m'avait valu à l'époque de recevoir un message d'un certain Benjamin Bories qui voulait écrire sur la nudité - Dieu seul sait ce que ce garçon est devenu depuis lors. J'ai éprouvé aujourd'hui le besoin de retourner à la question de cette Aphrodite Ourania parce que j'ai de plus en plus conscience que la vérité, comme Aphrodite, est une perle dans un écrin, qui ne se donne pas à tout le monde (ou, comme le dit le christianisme qui à la Renaissance s'entremêlait avec le platonisme sur l'image d'Aphrodite, c'est la pierre de touche que tout le monde laisse au rebus). C'est pourquoi ce blog - qui au demeurant, comme mes livres, ne livre qu'une petite part des vérités que j'entrevois - n'intéresse personne, tandis que tout le monde se rue sur les vidéos de types qui, devant leurs micros, ne touchent qu'à la plus vulgaire écume des choses - l'Aphrodite Pandemos.
Pour méditer un peu sur l'Aphrodite céleste, j'ai regardé cette vidéo de l'universitaire britannique David Braund d'il y a neuf ans. Elle nous fait faire un détour par la Crimée grecque et la péninsule de Taman (le Royaume du Bosphore, à Bolshaya Bliznitsa), mais après tout pourquoi pas, cela convient à l'homme des marges que je suis.
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Les archéologues, sur la base d'Hérodote, ont parfois assimilé l'Aphrodite Ourania à la déesse chamanique scythe Argimpasa (que Yulia Ustinova a aussi rapprochée d'Astarte) Aphrodite Ourania est la déesse tutélaire du sancturaire Apaturum. Attardons nous un instant sur ce nom. Apatouros en grec veut dire trompeur. C'est un épithète d'Aphrodite à cet endroit car, assaillie par les géants, la déesse, selon Strabon, les trompa un par un en les envoyant à Héraklès qui les tua et les enterra. L'auteur d'un livre sur les Nephilim que je suis ne peut que s'intéresser à ce détail, d'autant que je sais que l'Abkhazie voisine (qui borde aussi la Mer Noire) a également une histoire forte avec les Géants. Braund rattache l'histoire au passé sismique de la région comme la Sicile (les cadavres des géants sous la terre causeraient les tremblements de terre), but that's another story for another day. Qu'Aphrodite céleste soit aussi l'Aphrodite trompeuse pour les brutes qui veulent se l'approprier trop facilement doit nous alerter !
Braund insiste sur l'intérêt qu'il y a à rattacher l'Aphrodite Ourania aux paysages qui entourent ses sanctuaires. C'est une tendance en vogue dans l'archéologie contemporaine : rattacher les cultes aux lieux, aux pratiques (on est de ce point de vue assez éloigné de la Renaissance italienne dont parlait mon billet de 2017. A ce stade on est en présence d'une déesse beaucoup moins "ésotérique" et associée aux recherches individuelles qu'à l'époque de Pic de la Mirandole. Il semble d'après Braund que dans le Royaume du Bosphore elle soit plus associée à un amour familial généralisé, un peu comme la Vénus de Pompéi décrite par jadis Paul Veyne.
En 1997 Maria Alexandrescu Vianu avait distingué l'Aphrodite Ourania-Astarte de Atargatis-Cybèle déesse nord-syrienne à Olbia, d'ailleurs appelée Aphrodite Syrienne. L'épiclèse Ourania pour l'Aphrodite Apatouros ne serait pas antérieure au IVe siècle - et la légende de l'Aphrodite trompeuse reprise par Strabon ne serait pas antérieure à cette époque là.
A Panticapée (aujourd'hui Ketrch) il y avait (d'après ce qu'on en savait en 1997) 3 inscriptions du IVe siècle à une Aphrodite sans épiclèse, et deux des années 200 av JC (une stèle et une base de statue) à Aphrodite Ourania Apatouria. Sur le relief de la stèle dédiée à Ourania, la déesse est représentée assiste sur un cygne envol, tenant un sceptre dans la main gauche. A sa gauche se trouve un Eros qui, si l'on en juge par l'aile restée dans sa main, portait un oiseau. L'Aphrodite sur le cygne est très répandue sur les vases de Kertch.
L'interpraetatio d'une déesse scythe ou orientale comme Aphrodite Ourania n'est pas spécifique au Bosphore. " Pour les Grecs classiques, Aphrodite était d’abord Ourania parce que fille d’Ouranos, écrit Vinciane Pirenne-Delforge du Collège de France. Ce n’était cependant pas la seule signification de l’épiclèse car c’est précisément en tant qu’Ourania qu’Aphrodite était qualifiée comme déesse venue d’ailleurs. Toutes les déesses étrangères auxquelles Hérodote s’attachera à donner une interpretatio graeca et qui adopteront le nom d’Aphrodite ne le feront jamais sans l’épithète Ourania : que ce soit la Mylitta des Perses, l’Astarté des Phéniciens ou l’Alilat des Arabes, chacune sera pensée en grec en tant qu’Aphrodite Ourania. De la même manière, Aphrodite Ourania est le nom grec adopté par des étrangers installant le culte de leur Grande déesse d’origine dans des cités grecques : les marchands de Kition de Chypre installent au Pirée, à la fin du ive siècle, un culte d’Aphrodite qu’une de leur compatriote honorera dans une inscription sous le nom d’Ourania. À Délos, les exemples ne manquent pas non plus de ce type d’interpretatio graeca (...) L’ambiguïté de l’adjectif, à la fois référence à la paternité du Ciel (tradition grecque) et à une origine orientale présumée, est bien présente dans les informations fournies par Pausanias à propos du sanctuaire d’Ourania à Athènes : Égée aurait fondé le culte (tradition « indigène »), mais c’est tout autant à Ascalon qu’il trouverait son origine première. C’est donc autour de cette épithète que se concentre le plus clairement l’ambiguïté de la personnalité d’Aphrodite telle qu’elle était déjà apparue en tant que « chypriote », Cypris. Ourania est la déesse d’ici et d’ailleurs, reine d’un ciel physique où elle règne au présent, mais qu’elle traversa jadis pour rejoindre la Grèce depuis une patrie dont l’identité exacte tend à se dissoudre. L’iconographie, quand elle offre l’image de la déesse chevauchant une monture dans un ciel étoile, parfois au-dessus des vagues de la mer201, condense ces deux conceptions de l’épithète."
Le Graal en Espagne avant Chrétien de Troyes ?
Ce n'est pas la première fois qu'on s'intéresse au Graal sur ce blog, sous l'angle de Marie-Madeleine, des Templiers, ou de Joseph D'Arimathie.
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Je voudrais ici revenir sur ces origines du Graal, mais cette fois d'un point de vue espagnol, à travers l'interview ci-dessous de la médiéviste léonaise Margarita Torres qui nous parle ici (minute 19) d'une relique très connue en Espagne : le calice de l'infante de León Urraca de Zamora (1033-1101). Cet objet se trouve au musée de la collégiale de San Isidoro de León depuis le XIe siècle. Je précise à titre liminaire qu'outre son engagement politique à droite, l'historienne est aussi favorable aux Templiers (plus loin dans son interview elle dit beaucoup de bien de Jacques de Molay), ce qui peut faire signe vers des engagements maçonniques. Ses travaux sont en tout cas ont inspiré notamment le film américaine Onyx, les rois du Graal de Jim Caviezel (2018).
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Voici comment l'historienne essaie de démontrer qu'il s'agirait du Graal. Fille de Ferdinand Ier, doña Urraca fut une héroïne de guerre qui affronta sur le champ de bataille le roi de Castille, le Cid Campeadeor (qui inspira Corneille) etc. A son époque un objet venant d'Egypte qui est une moitié de l'actuel calice (qui est en deux partie) arrive en Espagne. C'est une coupe romaine abimée (il en manque un morceau). Deux parchemins de l'époque où le Leon fait partie de la Castille ont été retrouvés à l'université d'Al-Ahzar (min 26). Les manuscrits racontent qu'à l'époque du calife fatimide Al-Mustansir (qui régna de 1035 à 1094, il avait autorité sur Jérusalem) il y eut une famine telle que de milliers de chevaux de combat il n'en resta que trois, dont le calife mangea les deux derniers.
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Par charité l'empereur de Byzance lui envoya du blé. Le sultan de Dénia (près de Valence), Ali ibn Mujahid ad-Danii qui l'a également aidé (dit le premier parchemin) vers 1055 demande en retour la coupe dans laquelle Jésus a bu avec ses disciples qui se conserve à Quds (Jérusalem). Ad-Danii a précisé qu'il voulait en faire don à Ferdinand Ier de Leon et que les Chrétiens de Jérusalem n'ont accepté de le remettre au calife qu'à condition qu'il soit transporté par des mains chrétiennes. Le second parchemin, document administratif, porte un ordre de Saladin pour récupérer le fragment de la coupe qui a été enlevé par le gouverneur d'Egypte au moment du transport de celle-ci vers l'Ouest car il sivait que la coupe avait un pouvoir curatif et il voulait soigner sa fille.
Si l'on enlève les décorations ajoutées par Urraca, le calice est une coupe d'onyx, sur laquelle on voit l'impact du choc causé par le gouverneur d'Egypte pour enlever le fragment.
Au dessus de cette coupe se fixe une autre coupe en or qui a été ajoutée pour que les gens n'utilisent pas directement pour la messe une coupe où Jésus-Christ a bu mais une coupe au dessus à laquelle elle a transmis ses bénédictions (minute 34).
Ce "calix domini" est-il authentiquement celui de Jésus ? Les premiers textes sur ce calice à Jérusalem remontent au IVe siècle (le bréviaire A). Auparavant la clandestinité du christianisme ne permettait pas de noter ce genre de chose officiellement. Il y a aussi un texte d'Adomnan de l'abbaye écossaise d'Iona sur le témoignage d'Arculfe (VIIe siècle) sur ce qu'il a vu en Terre Sainte, relaté ensuite dans De Locis Sanctis qui décrit le calice comme étant d'onyx. Un document de Charlemagne aussi mentionne la présence de ce calice dans la Saint-Sépulcre dans une chapelle où deux prêtres le surveillent.
A San Isidoro de León au dessus des tombeaux des rois qui ont voulu être enterreés près du calice, se trouve une reproduction de la Cène,
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Tous les apôtres y ont leur coupe personnelle en métal.
Jésus a nécessairement eu une coupe en métal ou en pierre parce que les prescriptions juives pour la Pâque interdisaient les coupes en bois ou en céramique.
Jésus sur la fresque n'a pas de coupe. Sa coupe c'est ce personnage qui l'a en main : Marcial de Limoges, l'homme qui selon la légende servit Jésus.
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Le point important est que la forme et la couleur de la coupe, et la ligne noire qui se trouve aussi sur la coupe de Dona Urraca telle qu'on peut la voir quand on la démonte aujourd'hui. Donc l'auteur de la fresque a vu le calice.
Ferdinand II au XIIe siècle allait faire dévier le chemin du pèlerinage de St Jacques de Compostelle pour qu'il passe par la Collégiale de Saint Isidore. Il avait pour beau frère Philippe de Flandres qui avait pour chambellan Chrétien de Troyes, auteur du roman du Graal...
L'historien français Patrick Henriet qui fut le premier à remettre en question, dans un article publié en France, la théorie selon laquelle le calice de Doña Urraca était le Saint Graal, et accusant Margarita Torres et son collègue José Miguel Ortega de mélanger science et roman.
Alejandro García Sanjuán, professeur d'histoire médiévale à l'Université de Huelva, dans sa critique du livre Les Rois du Graal , dénonce la confusion entre fiction et savoir dont il souffre, révélant un manque de clarté dans la découverte des parchemins du Caire, dans le contenu et la traduction des documents eux-mêmes et dans une datation vague, ce qui le rend sceptique à ce sujet. Il décrit le livre comme une « œuvre commerciale conçue de manière stratégique ».
Ces démentis universitaires seraient à examiner mais à ce stade on ne peut pas partir du principe que ceux-ci sont plus pertinents que la thèse de M. Torres.