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Quand Jean de Léry se comparait au prophète Elie

Je trouve plaisant ce passage du navigateur protestant Jean de Léry extrait du chapitre XVI de son Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil (1580) où, devant le culte que les amérindiens vouent aux maracas, il se compare et égratigne au passage les superstitions catholiques parisiennes. Il aurait pu s'appuyer aussi sur Ez 28:13 (voir la vidéo ici en minute 54, même si beaucoup de propos de ce conférencier sont souvent très contestables).
"Pour retourner à nos Caraïbes, ils furent non seulement ce jour-là bien receus de tous les autres sauvages, qui les traitterent magnifiquement des meilleures viandes qu’ils peurent trouver, sans selon leur coustume, oublier de les faire boire et caouiner d’autant : mais aussi mes deux compagnons François et moy qui, comme j’ay dit, nous estions inopinément trouvez à ceste confrairie des Bacchanales, à cause de cela, fismes bonne chere avec nos Moussacats, c’est à dire, bons peres de famille qui donnent à manger aux passans. Et au surplus de tout ce que dessus, apres que ces jours solennels (esquels, comme j’ay dit, toutes les singeries que vous avez entendues se font de trois en trois ou de quatre en quatre ans entre nos Toüoupinambaoults) sont passez et mesmes quelques-fois auparavant, les Caraïbes allans particulierement de village en village, font accoustrer des plus belles plumasseries qui se puissent trouver, en chacune famille trois ou quatre, ou selon qu’ils s’advisent plus ou moins, de ces hochets ou grosses sonnettes qu’ils nomment Maracas : lesquelles ainsi parées fichans le plus grand bout du baston qui est à travers dans terre, et les arrangeans tout le long et au milieu des maisons, ils commandent puis apres qu’on leur baille à boire et à manger. De façon que ces affronteurs faisans accroire aux autres povres idiots, que ces fruicts et especes de courges, ainsi creusez, parez et dediez, mangent et boivent la nuict : chasque chef d’hostel adjoustant foy à cela, ne faut point de mettre aupres des siens, non seulement de la farine avec de la chair et du poisson, mais aussi de leur bruvage dit Caouin. Voire les laissans ordinairement ainsi plantez en terre quinze jours ou trois semaines, tousjours servis de mesme, ils ont apres cest ensorcelement une opinion si estrange de ces Maracas, (lesquels ils ont presques tousjours en la main) que leur attribuant quelque saincteté, ils disent que souventesfois, en les sonnans un esprit parle à eux. Tellement qu’en estans ainsi embabouynez, si nous autres passans parmi leurs maisons et longues loges, voiyons quelques bonnes viandes presentées à ces Maracas : si nous les prenions et mangions (comme nous avons souvent fait) nos Ameriquains estimans que cela nous causeroit quelque malheur, n’en estoyent pas moins offensez que sont les supersticieux et successeurs des prestres de Baal, de voir prendre les offrandes qu’on porte à leurs marmosets, desquelles cependant au deshonneur de Dieu, ils se nourrissent grassement et oysivement avec leurs putains et bastards. Qui plus est, si prenans de là occasion de leur remonstrer leurs erreurs, nous leur disions que les Caraibes, leur faisant accroire que les Maracas mangeoyent et beuvoyent ne les trompoyent pas seulement en cela, mais aussi que ce n’estoit pas eux, comme ils se vantoyent faussement, qui faisoyent croistre leurs fruicts et leurs grosses racines, ains le Dieu en qui nous croyons et que nous leur annoncions : cela derechef estoit autant en leur endroit, que de parler par deça contre le Pape, ou de dire à Paris que la chasse de saincte Genevieve ne fait pas pleuvoir. Aussi ces pippeurs de Caraïbes, ne nous haissans pas moins que les faux prophetes de Jezabel (craignans perdre leurs gras morceaux) faisoyent le vray serviteur de Dieu Elie, lequel semblablement descouvroit leurs abus : commençans à se cacher de nous, craignoyent mesme de venir ou de coucher és villages où ils sçavoyent que nous estions."
Quelques notes sur l'eschatologie protestante contemporaine
L'eschatologie protestante sur le Net est souvent le fruit de vulgarisateurs pas forcément très habiles, comme Pierre Gilbert que nous avons récemment cité, eux-mêmes se fondant sur des ouvrages destiné grand public. Cela ne rend pas cette prédication pour autant fausse, le christianisme n'étant pas par essence associé à des dispositions philosophiques (il s'agit "simplement" d'une affaire d'élection - voir l'élection des apôtres). Je voudrais revenir sur cette eschatologie en prenant juste en note cu dessous quelques aspects des enseignements de Jean-Marie M.A Chevrier (par exemple son enseignement sur l'enlèvement de l'Eglise à partir de la prédication paulinienne 1 Thessalonicien 4), un ancien catholique, sur l'Apocalypse et sur le rôle de l'Eglise catholique dans la venue de l'Antéchrist (pour m'en tenir à ce seul aspect de l'Apocalypse). Je prends juste quelques notes cursives dans l'idée de redécortiquer cet enseignement plus tard.
Jean-Marie M.A Chevrier explique l'enlèvement de l'Eglise (corps mystique de Jésus qui ne correspond à aucune réalité humaine identifiable, plus précisément, il concerne l'Epouse en son sein) : elle aura lieu au son de la dernière trompette au moment de la résurrection des morts. Le retour de Jésus aura lieu après l'apostasie et l'apparition de l'Antéchrist qui s’assoit dans le 3e temple (2 Thessalonicien 2). Celui-ci signera d'abord un traité de paix entre Israël et ses ennemis après la bataille de Gog et Magog (Ezech 39,1, Apoc 20,7), vers la fin de la première partie de la grande tribulation (3 ans et demi sur les deux parties de cette tribulation). Dans la seconde moitié de la seconde tribulation Israël est châtié et Christ pose, à la fin, son pied sur le Mont des Oliviers et commence le Millénium avec l'Epouse et les croyants non enlevés qui auront persévéré dans la foi malgré la persécution par l'Antéchrist qui les décapite, ainsi que 144 000 Juifs marqués par le sceau de Dieu. Les noces de l'Agneau, mariage de Christ avec son Epouse aura lieu sur Terre (et non pas pendant le châtiment de son peuple dans la Tribulation). L'Epouse enlevée, et les cinq vierges folles restées fidèles pendant la Tribulation ainsi qu'Israël converti (Ephésien 2,14).
Pour mémoire la guerre de Gog et Magog qui est souvent vue maintenant comme une coalition de nations arabes et de l'Iran sous la direction de la Russie. Dans l'Univers en 1912 l'architecte Ragatien Le Mail voyait en Gog et Magog les nations musulmanes au vu de l'arrivée massive des Juifs en Palestine depuis janvier 1910. Pour Grotius (17e s) c'étaient les Perses, pour Me Gossuin au 13e s, l'Inde, pour St Ambroise, les Goths.
Dans ce dispositif, l'Eglise catholique ne semble pas devoir compter d'élus. Selon la vision de l'histoire de JM Chevrier, cette Eglise (dans laquelle certaines sources de Chevrier voient la grande prostituée d'Apocalypse 17) est discréditée par les meurtres de l'Inquisition à laquelle a succédé la Congrégation pour la doctrine de la foi qui a pour préfet depuis le 1er juillet 2017 le jésuite espagnol Luis Francisco Ladaria Ferrer. Le conférencier rappelle que Samuel Morse, inventeur du code, en 1835 dénonça dans Foreign Conspiracies against the liberties of the United States une mission religieuse pour renverser la république américaine. Les jésuites ont le soleil comme symbole, et dirigeraient le téléscope "Lucifer" en Arizona depuis 2010 sur une montagne sacrée indienne (c'est aussi un jésuite formé en Arizona qui dirige l'observatoire du Vatican). Les jésuites selon JM Chevrier seraient liés à des mafias, et aux Rothschild. Ils seraient derrière de nombreuses guerres. Chevrier renvoie à Jules Marcel Nicole dans son Précis d'Histoire de l'Eglise,et à Eric Jon Phelps ("Vatican assassins") sur la création des Illuminés de Bavière par Adam Weishaupt un jésuite (Eric Jon Phelps est un homme tout de même un peu excessif, sur son site il explique sans rire que les trois plus grands Jésuites du Vatican, dont le pape Francis, dirigent les plus armées des plus grands pays du monde - sic). En 1754 c'est le collège des jésuites de Clermont qui aurait écrit le rite écossais. Alberto Rivera aurait révélé que le général jésuite de l'époque était communiste et franc maçon. Le pape Jean XXIII et Jean-Paul II auraient été francs maçons.Chevrier renvoie aussi à Schnoebelen. "Skull and bones", société secrète de l'université de Yale fondée en 1833 dont les Bush firent partie, aurait aussi quelque chose à voir avec tout cela. "Le nouveau gouvernement mondial verra sa réalisation en Europe après la chute des Etats-Unis" prophétise JM Chevrier. L'empire romain catholique avec ses deux branches Rome et Constantinople de l'empire romain renaîtront avec l'empire ottoman (Daniel 2,37) avec l'intégration de la Turquie à l'Union européenne (Apoc 17,6).
Il est vrai que la vision catholique est de plus en plus hostile à l'idée qu'un jugement séparera les bénis des maudits que ce soit au stade de l'enlèvement (auquel le catholicisme ne croit pas) au stade du jugement dernier. Sur KTO TV cette semaine Mme Thabut expliquait (comme beaucoup de prêtres) que dans Mathieu 25:31-46 quand Jésus dit : "il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche", il s'agirait en fait de trier le bon grain de l'ivraie dans le coeur de chacun d'entre nous... Les protestants lui répliqueraient sans doute : Et dans Matthieu 24:41 " Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée." s'agit-il aussi d'un tri "à l'intérieur" de chaque individu ? En outre certaines prophéties catholiques sur la fin des temps semblent assez différentes de celle de la Bible (voir celle de La Salette).
On reviendra sur tous ces sujets.
Sur la valorisation du démoniaque dans la culture populaire
Toute l'imagerie diabolique est très valorisée dans la culture du divertissement de masse.
Dans l'émission "On n’est pas couché" diffusée sur France 2 le 18 novembre dernier, le chroniqueur Yann Moix, qui a « adoré » l'album "French Touch" dont la chanteuse et épouse d'un ancien président de la République Carla Bruni était venue faire la promotion, a rendu hommage à l’artiste en se disant « étonné » qu’elle n’ait pas livré une version revisitée de Sympathy for the Devil des Rollings Stones [elle a en revanche repris Miss You] et d’ajouter : « car pour moi, vous êtes le diable ». "Face à la mine interloquée de Carla Bruni, il a embrayé : « C’est un compliment. » " précise le journal 20 minutes du 20 novembre dernier à ce sujet, en ajoutant que la chanteuse a beaucoup apprécié le compliment.
Il y a un mois, le chroniqueur Guy Carlier dont les interventions à la radio sont principalement fondées sur la complaisance narcissique - voir son texte sur la maladie de Bernard Tapie principalement destiné à rendre hommage à la culture de gosse de banlieue qu'il partage avec lui - évoquait, après une blague censée mêler salacité et autodérision dans la veine des goûts de l'intelligentsia urbaine contemporaine, sa crainte du vieillissement en avouant qu'il assistait régulièrement aux concerts des Stones.
Dans "Season of the witch" Peter Bebergal, qui est pourtant un admirateur de la "spiritualité" de la pop music des dernières années détaillait les pratiques occultistes des Rolling Stones dans les années 60 (pratiques qui en principe créent des liens indissolubles). En 2016 au Brésil les Stones affichaient aussi des pentagrammes et un Baphomet dans leur concert.
"Le christianisme aux trois premiers siècles" de Jean-Henri Merle d’Aubigné (1794-1872)
Je lisais ce matin "Le christianisme aux trois premiers siècles" du pasteur suisse protestant Jean-Henri Merle d’Aubigné (1794-1872). Le début du livre est très tributaire de l'historiographie de son époque, et partage les mêmes simplifications du regard catholique : à la fin de la République romaine le polythéisme était usé jusqu'à la corde, la philosophie trop élitiste et sans prise sur la vie même des penseurs (voir Sénèque) ne pouvait lui offrir d'alternative, bien qu'elle eut donné quelques notions d'élévation morale. Il se détache du catholicisme après avoir parlé de la grandeur des apôtres. Pour lui le christianisme sombre avec les pères de l'Eglise quand il cherche à devenir religion d'Etat, c'est-à-dire, religion à rompre le rapport individuel de la conscience à Dieu.
D'autres ouvrages protestants recensés ici. Pour lui la persécution des martyrs est l'essence du paganisme (et c'est pourquoi le catholicisme eut tort de se faire persécuteur - d'Aubigné a aussi écrit de belles pages sur le supplice d'Hamilton en Ecosse -dans Ecosse, Suisse,Genève ch V, et sur le côté persécuteur du catholicisme "à la française" à Londres sous Charles Ier). En ce qui concerne les hérésies, pour lui Simon le Magicien est un précurseur des nicolaïtes condamnés par l'Apocalypse, mais il voit aussi des ferments d'hérésie aussi dans l'ascétisme dans l'épître aux Colossiens de Paul. pour d'Aubigné les ébionites sont une hérésie judaïsante et le gnosticisme une hérésie orientalisante, un "dualisme par émanation" qui postule une démiurge mauvaise émanation de Dieu et auteur de la matière renversé par un Christ immatériel (un "Eon"). Les premiers pères apostoliques (Clément Romain, Ignace, Polycarpe, Barnabas, Hermas, Papias) sont des auteurs naïfs. L'école philosophique d'Alexandrie et du Maghreb ne viendra que plus tard. déjà Clément d'Alexandrie reparle de "mériter par la charité" et oublie la doctrine paulinienne de la grâce. Ignace après lui est dans la soif sacrificielle très différente du langage de Paul (Clément d'Alexandrie et Cyprien condamnent cet empressement en expliquant qu'un chrétien qui choisit le martyr se précipite sans attendre que Dieu l'y appelle) et défend une soumission aux évêques. Polycarpe cite plus le Nouveau testament, mais lui aussi abandonne la justification par la foi. Hermas introduit la pénitence organisé et la casuistique. La tradition commence à supplanter la parole (p. 120).
Dans les persécutions antichrétiennes il y a la violence, le dénigrement gratuit. Et puis cette opposition de l'école platonicienne d'Alexandrie. Certains platoniciens comme Justin et Clément sont devenus chrétiens, mais l'école d'Alexandrie les détesta, parce qu'elle était proche d'eux, comme les jansénistes détestèrent les protestants parce qu'ils leur ressemblaient. Celse avec son Discours Véritable vers 150 est de ceux là. Attaquant la religion avec des arguments confus et absurdes, il essaie de faire voir dans le paganisme quelque chose de sublime et de pur, dissimulant les histoires scabreuses des dieux et les pratiques douteuses. Hélas le XVIIIe siècle allait les réhabiliter, par exemple Voltaire faisant l'apologie de l'empereur qu'ils façonnèrent : Julien (p. 185). Lucien est plus sceptique sur les vertus du paganisme, meilleur connaisseur du christianisme, mais sa raillerie des martyrs semble empêtré dans la maladresse. "c'est une coutume diabolique de faire de l'antiquité un argument en faveur du mensonge ; les voleurs et les adultères pourraient aussi se targuer de leur antiquité" (Augustin, Questions sur l'Anc. et le Nouv. testament) Les païens sont sur l'oreiller de paresse qui les décharge du devoir d'examen devant lequel les pères de l'Eglise mettent les chrétiens en les exhortant à lire les textes (par exemple Chrysostome ou Cyprien p. 198). Les pères qui raillent les décrets du Sénat portant les empereurs au Ciel sont aux antipodes du l'éloge des saints divinisés dans le Génie du christianisme de Châteaubriand. Minutius Félix refuse les images. Pour Origène les temples sont nos corps, où chacun oeuvre comme un Phidias. Point de temple dans la Jérusalem céleste (Apoc 21:22).
Le christianisme d'Orient était intellectuel comme celui d'Occident était pratique, comme au 19e siècle la dualité entre l'Allemagne et l'Angleterre (p. 214). Origène qui avait le tort d'être trop ascétique se distingua par son goût de l'Ecriture (il corrigea beaucoup la Bible altérée) et son assistance aux martyrs. Il fut excommunié pour sa croyance en une vie antérieure dans le ciel (et une vie postérieure dans d'autres dimensions, toutes marquées par la chute). Au IIIe siècle se développe le catholicisme en lieu et place de l'évangélisme. Ce n'est pas encore le papisme. Face aux hérésies, les formes et les lois (l'adoration des lieux et des hiérarchies) supplantent l'esprit. Cyprien de Carthage est à la fois un chrétien léger et un prêtre ascétique lourd (traditionaliste, sacramentaliste. Dans l'église aussi il y a la démocratie (le presbytérisme), l'aristocratie (l'épiscopat) et la monarchie (la papauté). A l'époque de Cyprien, ce fut la lutte entre les deux premières formes, avant que le procurateur romain ne lui coupe la tête.
Le livre de d'Aubigné est très subtil et agréable à lire et je le recommande aux internautes oisifs.
La Virgini pariturae à Chartres

J'écoutais sur You Tube récemment le début d'une conférence d'une catholique devenue historienne sur le tard, Mme Marion Sigault, donc des accents hélas ne sont pas toujours très harmonieux à l'oreille, et qui évoquait les mentions de la "vierge mère" en Gaule avant même l'ère chrétienne, ce qui me rappelait des remarques d'Epiphane de Salamine sur le culte de Vierge dans le paganisme proche-oriental.
Ce soir je lisais des annotations précises sur la dévotion à cette Vierge pré-chrétienne à Chartres sous la plume de l'abbé Bulteau dans son Manuel du pèlerin à ND de Chartres (Domina carnotensis) en 1855 : "D'après la tradition constante de l'église de Chartres, l'emplacement actuel de la cathédrale était, cent ans avant l'ère chrétienne, un lieu consacré à la Vierge Mère. Là se trouvait un bocage sacré et une grotte où les Druides, prêtres des anciens Gaulois, élevèrent une statue avec cette célèbre inscription : Virgini pariturae, à la Vierge qui doit enfanter ; ils attendaient de cette Vierge le salut moral et intellectuel du genre humain". La Vierge de Chartres est ainsi au nombre de ces signes avant-coureurs du christianisme comme la prophétie prêtée à Virgile dans son discours Pollio et dans ses Buccoliques sur la venue du Sauveur.
Bulteau rappelle que le rabbin Drach converti au christianisme fit un inventaire de ces présences des vierges mères avant l'heure, que l'on trouve aussi dans Esaïe VII,9. En ce qui concerne les vierges druidiques, il y en eut dans beaucoup d'endroits dit le P. Bulteau qui ne voit d'ailleurs pas de difficulté à voir aussi dans le culte des druides pour Isis (après la romanisation) un prolongement de l'attente du culte marial (même si Isis n'a rien d'une vierge).
Charles VII en 1452 accorde ses lettres de pardon données à Loches "en pitié et en faveur de ladite église de Chartres, laquelle est la plus ancienne église de son royaume fondée par prophétie en honneur de la glorieuse Vierge Marie avant l'incarnation de nostre Seigneur Jésus-Christ".
Le P. Bulteau n'hésite pas à décrire un St Savinien et un St Potentien envoyés à Sens par St Pierre découvrir le culte druidique à la vierge mère et leur annoncer que cette vierge existait désormais. Mais Potentien est un martyr du IIIe siècle... L'abbé Bulteau reproduit en fait l'en-tête du Cartulaire de l'église ND de Chartres qui est de 1389.
Une légende allait perdurer selon laquelle la statue druidique de cette vierge (une vierge noire) avait été conservée sous le nom de "Notre Dame sous Terre" jusqu'en 1793. Elle était placée dans une crypte et eut beaucoup de succès, au XIIe siècle notamment lorsque le "feu sacré", cette maladie mystérieuse, gagna beaucoup de Français (vers 1130). " La crypte, œuvre de Fulbert, où se trouvait la statue druidique, note Bulteau, avait treize chapelles; la plus remarquable était celle de Notre-Dame sous-terre ; elle se trouvait sous le latéral gauche du chœur, à la hauteur de la chapelle actuelle de la Vierge noire du Pilier. Les rois et les princes, hôtes assidus de la sainte grotte, se plurent à l'embellir par les présents de leur généreuse piété. " AJM Hamon onze ans plus tard allait détailler le rapport des différents rois de France à ND de Chartres.
Oui, mais voilà. Aucune référence à cette Virgini pariturae avant 1389... Comment en trouver des traces plus anciennes ?
Bossuet et la théorie de la grâce

Si vous croisez un protestant aujourd'hui, évangélique ou pas, il vous dira que ce qui est important c'est que le sacrifice de Jésus nous a sauvé de tout péché et que, dès lors, nous n'avons plus à culpabiliser sans cesse ni à tenter de gagner notre salut (qui est déjà gagné) par les prières ou par la charité (les oeuvres). Eviter le péché et nous appliquer dans les oeuvres ne peut que nous aider à fermer des portes aux démons (qu'on ouvre par ailleurs sans cesse parce qu'on ne peut éviter de pécher) mais pas à nous sauver, car le salut vient d'ailleurs, du sacrifice surnaturel du Verbe incarné survenu à Jérusalem sous le règne de l'empereur romain Tibère.
Cette doctrine, dite "doctrine de la grâce" est une heureuse redécouverte, il y a 500 ans, d'un propos archi-martelé par Saint Paul et qu'on trouve aussi ailleurs dans le Nouveau Testament.
Ce que l'on sait moins (et pour ma part je le découvre dans l'agréable livre d'Aimé Richardt "Bossuet, conscience de l'Eglise de France" p. 137 et suiv.), c'est que Jacques-Bénigne Bossuet, brillant prédicateur à la cour du roi très catholique (et très païen par bien des côtés) Louis XIV et grand maître de la langue française comme le savent bien les lettrés, a écrit un ouvrage en 1671 qui donnait raison à la doctrine de la grâce de Luther : l'Exposition de la doctrine de l'Eglise catholique (que Bossuet publia à l'instigation du Maréchal de Turenne, protestant converti au catholicisme).
Il ne l'a pas fait à titre isolé, dans le cadre d'une spéculation personnelle, mais en sa qualité de protégé du roi, après avoir obtenu l'approbation de son texte par plusieurs évêques (à l'époque nommés par le roi). Richardt explique que cette réflexion était parfaitement conforme aux décisions de Concile de Trente. Le livre fut traduit en plusieurs langues et Louis XIV allait même le faire distribuer aux calvinistes après avoir révoqué l'édit de Nantes, car la monarchie française avait à coeur de réintégrer tout le protestantisme dans une église chrétienne unifiée.
Beaucoup de protestants, notamment les ministres de Charenton, accueillirent favorablement le livre et proclamèrent que si le livre ne reflétait pas le seul point de vue de son auteur (or le pape Innocent XI le valida en 1679) ils n'avaient plus de raison de rester en dehors de l'Eglise catholique.
Richardt sousentend qu'ensuite les théologiens protestants Claude, Daillé, Alix, de Langle, de La Bastide et Noguier montèrent au créneau en dénonçant une manoeuvre intéressée de Bossuet et de ses soutiens, uniquement dans un but d'autodéfense corporatiste ou sectaire. Exagère-t-il ? Bossuet allait-il autant que cela dans le sens du protestantisme et est-on passé à deux doigts d'une réunification des Eglises, à ce moment là, en France ? Il faudrait lire l'ouvrage sur Gallica pour vérifier cela point par point. Mais on ne peut pas soupçonner Bossuet, qui était profondément un homme de Dieu - même si Richardt note à juste titre qu'il le fut moins face aux débauches de Louis XIV que le prophète Nathan face à celles du roi David - d'avoir écrit sous l'inspiration d'une pure Realpolitik. Il est étrange en tout cas que la main tendue de la monarchie française ("fille ainée" de la papauté) aux protestants soit allée si loin (car poussée au bout de sa logique elle aurait entraîné un profond changement de l'Eglise française catholique). Il est probable que ni les catholiques ni les protestants de notre époque n'aient pas connaissance de cet épisode et n'aient donc pas l'occasion de méditer à ce sujet. Une piste de réflexion à creuser ?
L'intercession des saints

A la chapelle cet après-midi, il y avait une cérémonie en l'honneur de Sainte Rita de Cascia (que l'on fête pourtant le 22 mai au sein de l'Eglise catholique romaine). J'y assistai en me répétant cependant que ce culte n'est guère "biblique", comme le disent les protestants, mais ceux ci se trompent souvent sur la licéité des oeuvres, par exemple quand ils prétendent que la Bible ne vante pas les pouvoirs des reliques.
Admettre qu'une sainte peut nous aider sans verser dans le paganisme est chose difficile, mais c'est le mystère de l'intercession. Le curé d'Ars ne dut-il point tout à l'intercession de Sainte Philomène, une sainte dont l'Eglise dut même remettre en cause l'existence à sa mort ? Et n'est-ce point ce curé qui m'a incité à Lourdes à confier à un prêtre mes péchés de l'été avant le 15 août dernier ? Dira-t-on que le curé d'Ars était diabolique parce qu'une sainte l'aidait ?
La voie de l'intercession de saints est chose bien étrange mais difficile à rejeter malgré tout. Je ne sais pas si Sainte Perpétue m'a aidé en janvier 2014, mais je ne puis douter, ainsi que je l'ai raconté dans mn livre sur les médiums, que Ste Madeleine me sauva d'une malédiction en 2015. Ce sont là des manifestations du divin qu'il est inutile de chercher à comprendre.
Pourquoi Ste Rita intercèderait-elle mieux auprès du Seigneur que Ste Marguerite de Cortone vers qui Dieu m'orienta cet été ? Je ne sais pas. Est-ce parce que le Seigneur, en plantant une épine sur son front, a indiqué aux fidèles qu'il la disposait mieux à nous aider que la nouvelle Ste Madeleine italienne ?
Je serais de toute façon enclin, comme les jansénistes et les calvinistes, à croire en la prédestination, et penser que le plan de Dieu pour moi (comme pour chacun) depuis l'origine des temps compte plus que la question de savoir si je me tourne vers Ste Rita ou vers Ste Marguerite de Cortone, ou si j'achète deux roses à bénir ou rester chez moi à écouter un prédicateur.
Nos oeuvres comptent peu, sauf peut-être pour éloigner un peu deux ou trois démons.
Mais je ne peux pas penser que l'intercession des saints compte plus que la volonté divine. Sans quoi j'aurais tôt fait de me constituer mon panthéon de sentes avec celles que j'ai déjà citées ou encore Bernadette Soubirous et Ste Gemma. Et cela pourrait vite devenir malsain, moi qui ai encore des femmes nues dans mes rêves (j'ai encore vaguement repensé à elle pendant la journée).
Je me sais pêcheur, inévitablement pêcheur, mais aussi sauvé du pouvoir des démons chaque fois que j'invoque le sang de Jésus. Donc j'accepte mon péché, tout en essayant de le limiter pour éviter que cela noue autant de pactes avec les démons. Puis je me tourne vers Dieu, implore sa miséricorde, et lui demande de réaliser à travers moi, en moi et autour de moi le plus possible sa volonté. Dans ce dispositif-là l'intercession des saints ne peut être qu'un petit "plus" secondaire, que je ne dois surtout pas mettre au premier plan car elle peut vite constituer un petit décor identitaire malsain qui conforte trop mon Ego.
Je n'y recours donc que lorsque le Seigneur lui-même m'oriente vers cela. Cet été il m'avait poussé vers Marguerite de Cortone. Lors de mon précédent passage à la chapelle vers Ste Rita. J'effectue donc quelques actes en temps voulu en direction de ces saintes, mais je me garde de pousser trop la dévotion à leur égard, de peur qu'elle me fasse oublier la soumission que je dois avoir en priorité à l'égard de la volonté du Seigneur, qui me la manifeste à travers ses Anges et son Saint Esprit.
Une tentative pour contrer l'histoire secrète occultiste

Le québécois Pierre Gilbert, ancien naturopathe new age rosicrucien converti au christianisme en 1981 n'est forcément pas toujours très pertinent ni très précis dans son maniement des références culturelles (il tient des propos réducteurs, fait des fautes de français, prononce Mérovée - Mérovi, écorche le nom de Godefroy de Bouillon etc) mais au moins l'histoire du monde qu'il propose dans la vidéo ci-dessous "Ordo ab chao" (31e minute et suiv) des années 1990 ci-dessous est une intéressante inversion de Plantard et de Dan Brown. Là où l'auteur du best seller Da Vinci Code voyait chez les Mérovigiens et les Templiers les gardiens de la descendance de Marie-Madeleine appelés à régner sur le monde contre une Eglise catholique qui aurait trahi Jésus, Gilbert semble les placer dans le lignée des imposteurs dans laquelle il situe aussi Godefroy de Bouillon sacré roi de Jérusalem en 1061 et qui s'autoproclame roi de Jérusalem de la lignée de David. On peut regretter que P. Gilbert passe très vite sur Pépin III, auquel un partisan du New Age sur un blog ici accorde des développements intéressants.
Il inscrit l'ordre des Pauvres chevaliers fondé en 1118 dans la lignée de l'imposture mérovingienne comme préface à un projet diabolique de gouvernement mondial qu'aurait repris la franc-maçonnerie spéculative au 18e siècle en se faisant l'héritière des templiers.
Un des aspects un peu gênants de ce récit est qu'il fait l'impasse sur le rôle d'un saint catholique comme Bernard de Clairvaux dans la fondation des Templiers (mais il est vrai que l'Eglise officielle aussi lui semble aussi diabolique ou luciférienne que l'imposture mérovingienne). Il prend pour argent comptant l'hypothèse que l'or du temple de Salomon aurait été ramené en Europe par les templiers qui l'auraient trouvé sous le mont du temple après dix ans de fouilles.
Gilbert se trompe quand il fait de Hitler un membre du groupe de Thule (seuls ses adjoints le furent - voir ici). Et l'on ne voit pas bien le lien de ce groupe avec la maçonnerie, vue l'anti-maçonnisme des nazis. De même le lien tracé entre maçonnerie et antisémitisme est peu crédible.Rien sur les origines catholiques de la franc-maçonnerie écossaise. L'effort de contrer l'histoire secrète new-age ou occultiste avec des arguments chrétiens est intéressant, mais des systématisations trop rapides font planer bien des doutes sur son bien-fondé...