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Articles avec #christianisme tag

L'enseignement gnostique de Manjir Samanta-Laughton sur Marie-Madeleine

23 Février 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Sainte-Baume, #Pythagore-Isis, #Spiritualités de l'amour, #Médiums, #Christianisme

En général les New Agers/New Ageuses complètement évaporés, les artistes jouisseurs qui font semblant de s'intéresser à l'alchimie et autres doux rêveurs ne m'intéressent guère. Ils ne savent qu'étaler les délires de leur égo narcissique et ajouter à la confusion de notre époque. J'aurais classé le Dr Manjir Samanta-Laughton dans la même catégorie si je ne l'avais entendue ici dans une vidéo d'il y a dix ans fournir une critique sérieuse du livre de Lomas et Knight "The Second Messiah".

En l'entendant, je me suis dit qu'au moins elle était capable de faire fonctionner sa raison, son logos, et que donc, à supposer même qu'il y ait 80 % de mensonge dans son propos, je pourrais y trouver quelques vérités vérifiables, ou du moins des thèses dont je pourrais retrouver la "traçabilité historique".

Or, il se trouvait que cette chercheuse s'intéressait à Marie-Madeleine à l'égard de laquelle, comme le savent les lecteurs de mon livre "Les Médiums", j'ai une dette (qui que soit ou quelle que soit la mystérieuse entité qui agisse sous ce nom à la Sainte-Baume).

Parlons donc un peu de cette Manjir Samanta-Laughton, ancienne médecin généraliste, devenue bioénergéticienne.

Elle raconte dans cette vidéo "The Magdalene Prophecies 1" (un titre qu'elle a reçu par canalisation, qui doit aussi devenir celui de son livre) qu'en 2001,  au Nouveau Mexique (Etats-Unis) où elle s'était rendue pour la conférence "Science and Consciousness" d'Alburquerque qui réunissait mystiques et scientifiques, elle a rencontré une certaine Jenna Shulman qui l'invitée chez elle dans les collines de Santa Fé. "Tout d'un coup raconte-t-elle, cette fille juive et la fille hindoue que j'étais nous sommes d'un coup transformées en Marie-Madeleine et la femme qui allaient à la tombe de Jésus". A l'époque Madeleine ne représentait qu'une figure vague pour elle. "Toute la nuit il y eut une énergie qui me traversait, et nous savions toutes les deux de quelle énergie il s'agissait (...) Je devais prendre mon avion à 5 heures, mais à 3 heures nous étions encore éveillées, et toute la nuit je n'ai cessé d'avoir des visions tout le temps. Je voyais la mère de Jésus, très différente des représentations que j'en avais vues jusque là". "Un peu plus tard dans cette année, à la fin de l'automne, comme je rendais visite à une amie, elle eut un appel téléphonique et me laissa seule dans son salon avec une musique de Hildegarde de Bingen. Cette musique me fit partir en transe. Je commençai à avoir des visions Dans une j'étais avec  un groupe de gens et j'étais un jeune garçon avec des cheveux blonds bouclés qui attaquait un soldat romain. Et j'avais l'impression d'avoir déjà vu cela dans un film." Son amie eut la même vision en même temps. "Mon bras gauche est resté tendu en l'air pendant deux minutes,je ne pouvais pas le contrôler, comme si le soldat romain le tenait en l'air, ce qui me fit très mal au bras comme si ça avait duré longtemps". "Je changeai de pièce, mais dansl a cuisine de mon amie, je fus à nouveau transportée, avant la crucifixion, dans une école de mystères, celle de Marie Madeleine".  Manjir Samanta-Laughton  vante alors les pouvoirs de connaissance de cette sainte, et se perçoit comme le jeune garçon qui connaît bien Marie-Madeleine.

Puis elle a laissé cette expérience initiatique de côté, a écrit "Punk Science" et" Genius Group".

En 2003, après la sortie du Da Vinci Code (mais il n'était pas encore très connu), alors qu'elle va se coucher, elle est transportée dans la conscience de Marie-Madeleine, "quand elle accouchait" (sic)... Elle entendait ses pensées directement traduites en anglais. "Je sentais ce qui se passait dans son corps quand elle poussait le bébé, ce qui se passait dans ses hanches et tout". Elle voit un homme de 22 ans avec une barbe fine qui la regarde. Elle se dit "ce n'est pas le père de l'enfant, mais il est très proche d'elle pour être accepté dans la pièce juste après la naissance du bébé". Manjir Samanta-Laughton s'endort puis elle se réveille avec une autre vision, antérieure à cette scène : c'est le désert, avec des tentes, les femmes ont des tenues brunes et parlent un langage qu'elle ne connaît pas. Marie-Madeleine sort d'un bateau et marche vers ces tentes. Elle est enceinte et vient faire enregistrer "spirituellement" (sic) le bébé. Une femme qui ressemblait à Madonna (resic) - Samana-Laughton parle ailleurs de Katy Perry, on voit à quel imaginaire sataniste cela renvoie - lui tend un papier d'enregistrement avec des hiéroglyphes dessus.

L'homme venu à l'issue de l'accouchement, dit-elle, c'est Thomas le jumeau de Jésus. La conférencière admet que tout cela était étrange pour elle qui venait d'un univers hindouïste sans rapport avec le christianisme. Elle s'intéressa alors aux évangiles gnostiques dont celui de Jean. L'enseignement principal, dit-elle, c'est que le Dieu de l'Ancien Testament n'est pas le vrai Dieu. Sophia a créé ce monde.

Yaldabaoth, créateur du monde matériel (que Samanta-Laughton  écrit de travers Yaldaboath, et le prononce aussi de travers, ce qui ne fait pas très sérieux), est le démiurge, dieu du chaos, YHWH, qui a oublié sa mère Sophia, mais celle-ci a placé l'étincelle divine dans l'humain.

Les êtres reptiliens comme le serpent à plume existent dans toutes les civilisations, comme des initiateurs mais aussi ennemis potentiels des hommes. Elle se réfère aussi, à l'écossais Graham Hancock, défenseur de l'ayahuasca, sur les neter dieux qui gouvernèrent l'Egypte par le passé. Elle défend l'idée de cycles des âges 26 000 de l'âge d'or à l'âge sombre qui revient suivant une courbe sinusoïdale.

Elle dit qu'elle a voyagé dans des "dimensions lémuriennes" qui sont en fait encore là. 2012 était la fin d'un cycle selon les Mayas. Il y a un effet d'accordéon qui fait que le voile va devenir fin à nouveau et les dieux vont devenir physiques à nouveau. L'Ancien Testament lui aussi témoigne de cette évolution sinusoïdale (elle dit "en spirale" mais ce n'est pas ce que montrent ses illustrations), et de l'intervention d'êtres d'autres dimensions. Manjir Samanta-Laughton parle aussi des "anciens astronautes" qui pour elle sont des anciens êtres interdimentionnels (voir mon livre sur les Nephilim : au fait je précise que Michael Heiser, que mon livre sur les Nephilim citait beaucoup, est mort le 20 février dernier d'un cancer du pancréas). Elle aborde le thème de la vente de l'âme au diable à travers cette problématique d'une transaction avec des énergies transdimensionnelles qui sont "hidden in plain sight" dans la culture et les représentations qui nous entourent.

A la lumière de ses théories sur les trous noirs et les dimensions interdimensionnelles, elle va expliquer dans une conférence sur le Suaire de Turin ici, que le Christ a émergé d'un "jet bipolaire", avec une collision de la matière avec l'anti-matière (à1h51 de la vidéo), ce qui a pu créer une image en négatif de son corps, l'anti-matière a pu l'emporter sur la matière créant une antigravité, à un moment où s'inversait le mouvement sinusoïdal du périgée de la chute dans l'Age sombre. Selon les gnostiques Jésus venait du royaume de Barbelo, royaume de la conscience. Il aurait par sa mort et sa résurrection traversé un jet bipolaire de trou noir envoyant une information dans l'univers holographique (voir le livre du Père Brune sur cette notion) provoquant une ascendance vers un nouvel Age d'Or.

Evidemment pas d'Apocalypse dans ce dispositif, pas de fin des temps, pas de pardon des péchés. Ca a un vernis scientifique un peu plus élaboré que les youtubeuses New Age ordinaires (vernis que je ne peux pas juger, mais que sans doute les vrais scientifiques contesteraient) et c'est un peu plus construit que le Manuscrit de Marie-Madeleine. Mais personnellement je ne suis pas convaincu du tout, et je n'ai pas (encore) trouvé d'aspects réellement exploitables ou à retenir dans cet enseignement. Le Père Brune qu'on citait plus haut avait lui au moins le mérite, tout en s'ouvrant aux considérations "quantiques" de maintenir le message moral du christianisme qui chez Samanta-Laughton est complètement élidé, pour laisser place à une attente sans discernement du contact avec des créatures de l'au-delà (avec le lot de tromperies et de possessions que cela implique). Bref, selon moi c'est du pur égarement.

 

PS : notons que la dame a une théorie intéressante sur les trous noirs multiples qui partout dans l'univers, y compris dans les volcans et au centre de la terre, produisent de la matière, y compris de l'eau, du pétrole etc.

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Saint Paul et le stoïcisme

14 Février 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées, #Philosophie, #Christianisme

Carol Korak, enseignante d'un séminaire baptiste de Minneapolis, écrivait il y a 11 ans dans son article "The Influence of Philosophy in Early Christianity" :

"Lorsque Paul écrivait sa lettre aux Romains (vers 55‐58 de notre ère), Sénèque était  conseiller du jeune Néron.


   Thorsteinsson soutient que Paul, tout en proclamant le bien nouvelles, modifie les composants standard de l'éthique stoïcienne du premier siècle pour un plus spécifique application au sein de la communauté chrétienne, et j'offrirai plusieurs de ces exemples.

Premièrement, il fonde cette conclusion sur ce qu'il considère être des allusions claires au la termonoligie stoïcienne standard. Par exemple, l'utilisation par Paul de λογικος, pour définir la bonne façon dont les chrétiens doivent servir Dieu, fait allusion à la façon dont les stoïciens décrivent les relations entre l'homme, comme doté de raison (λογικοι), et Dieu comme λογος.

Deuxièmement, un autre parallèle peut être observé entre Sénèque,
Les idées très similaires d'Épictète et de Paul sur le culte. Pour les trois, adorer convenablement signifie s'efforcer de suivre et d'imiter Dieu, qui définit ce qui est moralement bon. Pour Epictète, c'est être guidé par la « Loi de Zeus »56 ; et pour Sénèque, cela signifiait se consacrer entièrement à un mode de vie et vision du monde :

"L'honneur qui est rendu aux dieux ne réside pas dans les victimes pour le sacrifice, bien qu'elles soient grasses et scintillantes d'or, mais dans le désir droit et saint des adorateurs. Les hommes bons doivent dont plaire aux dieux avec une offrande de farine et de bouillie; le mauvais par contre, n'échappent pas à l'impiété bien qu'ils teignent les autels avec des flots de sang." (Sénèque, "De Beneficiis," 1.6.3)


Dans Romains 12 : 1, Paul enseigne aux chrétiens qu’un culte convenable n’exige plus un sacrifice littéral de leur corps, mais qu'ils doivent vivre leur vie comme une incarnation de la volonté et des voies de Dieu dans le monde.

Troisièmement, il existe une similitude entre l'importance que le stoïcisme accorde à la nécessité de la transformation de l'esprit, comme fondement nécessaire à la vie morale, et l'appel de Paul à la transformation par le renouvellement de l'esprit dans Romains 12:2. 58

Selon Sénèque, « Celui qui a appris et compris ce qu'il doit faire et éviter, n'est pas un homme sage tant que son esprit ne prend pas la forme de ce qu'il a appris. » ("Epistulae Morales," 94.47‐8)


  Autrement dit, pour les deux, Sénèque et Paul, vivre des vies transformées confirme  la transformation intellectuelle. La différence entre les deux est que pour Paul cela commence par une transformation spirituelle, qui débute par le séjour du Saint-Esprit.

Quatrièmement, l'éthique stoïcienne du premier siècle est centrée sur les quatre vertus traditionnelles - la prudence (φρονσις), modération ou maîtrise de soi (σοφρουνη), justice (δικαιοσυνη) et courage (ανδρεια).
 
  Sénèque affirme que le but premier de la philosophie est d'offrir une direction aux gens,
au sein de la société, pour parvenir à une société dans laquelle l'unité et le soin mutuel se répandent.
 
  Selon Runar Thorsteinsson, l'appel de Paul à l'humilité et à la modération (Romains 12:1-6) des membres du corps de Christ, et son accent sur les dons individuels et la fonction donnée par Dieu pour le bénéfice de l'ensemble, coïncide avec l'éthique du stoïcisme du premier siècle.
 
  En plus de cela, la description de Paul du Christ comme le chef de l'église, et le l'Église comme son corps, est analogue à celui utilisé par Sénèque qui décrit Néron, comme le chef de l'empire, et appelle ses citoyens à agir avec humilité, modération et amour envers un
autrui. ( "De Clementia," 1.21.4; 1.11.2; 1.4.3; 1.5.1)


  Sénèque écrit :
"Et si les mains désiraient blesser les pieds, ou les yeux les mains ? Comme tous les membres de
corps sont en harmonie avec un autre parce que c'est à l'avantage de l'ensemble que les membres individuels soient sains et saufs, de sorte que l'humanité devrait épargner l'homme individuel, car tous sont nés pour une vie de camaraderie, et la société ne peut être sauvée que par la protection mutuelle et l'amour de ses parties"


Ces métaphores partagent non seulement un langage et une forme parallèles, mais les principes sous-jacents de ces métaphores sont les mêmes : 1) elles illustrent que le tout dépend de ses parties ; et 2) ils enseignent chacun le principe stoïcien de l'humanité universelle - chaque être humain est sacré.


L'appel de Paul dans Romains 12:14 pour bénir ceux qui vous persécutent, reflète également l'enseignement stoïcien. Cela pose la question de savoir si les enseignements de Paul peuvent ou non avoir leurs racines dans les enseignements de Jésus. Stanley Stowers souligne, cependant, que si Paul savait que Jésus avait un tel enseignement, il n'utilise pourtant pas l'idée que Jésus était un maître d'éthique même si plus tard les enseignements trouvés dans Matthieu et Luc recouperont plus tard ses propres enseignements.65

A la fois Épictète et Musonius plaident contre la vengeance, et dans le cas d'Épictète, il appelle même à la compassion (Epictète, 3.22.54. Musonius Rufus, "Fragment 41.136.").


Cinquièmement, dans Romains 13 : 8‐10, Paul réitère de nombreux commandements donnés à Moïse qui parlent de vivre en communauté, mais soulignent l'importance de l'amour envers
voisin comme accomplissant la loi. Cela coïncide avec l'enseignement moral de Sénèque, qui dit que l'on doit vivre pour son prochain, [comme] si l'on voulait vivre pour soi-même.67

  Mettre les besoins des autres sur le même niveau d'urgence que soi-même contribue également à affirmer le caractère sacré de toute l'humanité.


Enfin, la compréhension stoïcienne des choses indifférentes pourrait expliquer le raisonnement de Paul pour maintenir sa condition ou sa situation dans I Corinthiens 7:17‐20."

Évidemment la similitude entre Paul et les stoïciens de son temps peut trouver trois éléments d'explication non exclusifs entre eux : 1) Paul les avait entendus et lus à Tarse, ville de philosophes, et d'ailleurs c'est pourquoi il va encore dialoguer avec eux à Athènes, 2) il y a une sorte de phénomène de "champ morphogénétique" à la Sheldrake autour de l'apparition de ces idées, 3) c'est l'action simultanée du Saint-Esprit à la fois à Rome chez les philosophes et dans le monde hellénophone où Paul déploie sa prédication.

A rapprocher par exemple du fait que l’année même où la figure de proue du catholicisme libéral le RP Lacordaire installait les dominicains à Saint Maximin et publiait un livre sur Marie-Madeleine qui consacrait une part importante à la résurrection de Lazare son frère, comme paradigme du pouvoir de l’amitié, en 1859, le socialiste Pierre Leroux en exil à Jersey allait méditer dans le tome 2 de la Grève de Samarez (p. 394 et suiv) sur cette résurrection de Lazare (qu’il n’avait fait qu’effleurer dans De l’Humanité en 1840) pour y puiser sa définition des relations entre les deux sexes.

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Un sonnet étrange sur l'Immaculée conception

12 Février 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Entendu hier sur la chaîne "Sur les Pas du Padre Pio" un récit qui selon le présentateur "donne la chair de poule" à un catholique (mais qui sans doute donnerait la nausée à un protestant) : il est extrait des mémoires du célèbre exorciste romain le P. Gabriel Amorth (1925-2016), et figure aussi sur le site Aletheia.

En 1823, à Ariano Irpino,un jeune homme est possédé. Deux dominicains réalisent l'exorcisme, et forcent le démon, pour l'humilier, à démontrer que Marie est immaculée et de le faire sous forme de sonnet (à rapprocher peut-être de ce que j'écrivais il y a 7 ans sur un exorcisme de 1610 à la Sainte-Baume, je referme la parenthèse). Voici quel en fut le résultat.

« Je suis la vraie Mère d’un Dieu qui est Fils
et je suis fille de Lui, bien que sa Mère.
Il est né de toute éternité, et c’est mon Fils,
Dans le temps je suis née, et pourtant je suis sa Mère.
Il est mon créateur et il est mon Fils
Je suis sa créature et je suis sa Mère.
C’est un prodige Divin que soit mon Fils
un Dieu Éternel, et de m’avoir pour Mère.
L’être est presque commun entre Mère et Fils
parce que l’être, c’est de son Fils que l’eut la Mère,
et l’être de la Mère, l’eut aussi le Fils.
Or si l’être du Fils l’eut la Mère,
Ou bien on dit que fut maculé le Fils
Ou sans tache on dira la Mère »

Je me garderai évidemment de tout commentaire sur ce texte étrange qui fut transmis trente ans plus tard au pape Pie IX qui proclama le dogme de l'Immaculée conception.

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Encore un mot sur Richard Bentley

30 Janvier 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Médiums, #Sociologie des institutions

Dans mon livre sur les services juridiques de l'Etat (p. 298) j'ai parlé de l'histoire du principe du contradictoire ("audi alteram partem" : il faut écouter le point de vue de l'autre, entendre sa défense) et, encore il y a cinq ans,  je rappelais qu'une mésaventure survenue à Richard Bentley en 1723 fut à l'origine de l'invention en Angleterre de ce principe du contradictoire, transposé par les libéraux en France au XIXe siècle (notamment par les tendances anglomanes du Conseil d'Etat au XIXe siècle, ceux que Leroux appelait "la France carthaginoise". Finalement le principe s'est introduit dans toutes les procédures administratives en France et dans les autres pays européens)

Notons que Bentley fut par ailleurs auteur de "La friponnerie laïque des prétendus esprits-forts d'Angleterre, ou Remarques de Phileleuthere de Leipsick sur le Discours de la liberté de penser" qui fut traduit en français par Armand Boisbeleau de La Chapelle, écrivain protestant français exilé qui avait tout intérêt à faire cause commune avec Bentley. C'est une réaction à la parution sous couvert d'anonymat en 1713 du Discours sur la liberté de penser d’Anthony Collins qui avait mis Londres en ébullition et affaibli le parti Whig au pouvoir en Angleterre. Le livre allait si loin dans l'athéisme qu'il affaiblissait les défenseurs de la liberté en les faisant passer par ses excès pour des bandits anarchistes, et jetait l'opprobre sur le protestantisme capable de devenir un tel nid de vipères.

Collins avait, outre ce discours, fait paraître aussi en 1710 "Priestcraft in perfection" traduit en français par "La friponnerie ecclésiastique portée à son comble", que La Chapelle décrit comme une entreprise "don quichottesque" contre toute forme de cléricalisme auquel il finit par donner une portée totalement antichrétienne.

Parmi les réponses à cette provocation, celle de Bentley, nous dit La Chapelle, fut la plus impérieuse car à la fois elle démontait la lecture historique que Collins faisait des autorités ecclésiastiques et discréditait l'honnêteté intellectuelle de l'auteur (alors, nous dit le traducteur, que les déistes ont tendance à se draper dans la pureté morale).

Vous savez que depuis mon passage par les magnétiseurs, je prête une certaine attention à la question de la sorcellerie (cf mon livre). J'observe que la question n'est pas absente du livre. On se souvient que dans les années 1660 en Angleterre sous la plume notamment de Glanvill dont on a déjà parlé, la question était d'une certaine importance, alors qu'en France Louis XIV allait encore affronter une affaire de sorcellerie, et Colbert ne mettra fin à la condamnation des sorciers qu'en 1682.

Collins, note Bentley, attribuait aux progrès de la liberté de penser un mérite : celui d'avoir fait déchoir en Grande-Bretagne "le pouvoir que l'on attribue au diable dans les possessions, et dans les sortilèges" (p. 78 de la traduction). Le théologien répliquait que c'était faux car les prêtres anglicans estimaient que les sortilèges existaient, et que c'est la loi votée en 1562 à l'initiative de la chambre basse qui avait qualifié d'acte de félonie "l'usage et la pratique des enchantements, de la magie et des sortilèges" de sorte qu'on ne pouvait en imputer le responsabilité aux ecclésiastiques.

A propos de la loi sur les sorcières, La Chapelle se réfère à John Stype, et cite ce passage en note de bas de page : "La raison qui fit porter ce Projet, vint du grand nombre d'Enchanteurs, de Sorciers & de gens qui invoquent le malin Esprit, qui s'accréditèrent dès les premiers momens de l'Avénement de la Reine à la Couronne, & peut-être auparavant. Ces gens-là se mêlaient des Affaires de l'Etat, & se servaient de Sortilèges, & de la Magie noire, pour ôter le Royaume à cette Princesse (Elizabeth Ie). On remarquait d'ailleurs qu'il régnait beaucoup de Maladies extraordinaires, qu'il y avait beaucoup „ de gens qui perdaient la parole, ou l'usage des sens, qui tombaient en langueur, ou dont la chair pourrissait ; ce que l'on crut avec raison, „ être les effets des Conjurations & des Enchantemens. Aussi est-ce ce que l'on dit dans le préambule de l'Acte" (Strype Annales t 1, ch 2 p. 61).

En réponse à Bentley, Collins allait d'ailleurs reconnaître que le clergé anglican n'était pas responsable des excès de la lutte contre la sorcellerie, notamment dans le procès d'Hertford de 1712 (dernière condamnation de sorcière en Angleterre).

Bentley poursuit son propos sur la sorcellerie en estimant qu'avant la Renaissance et la Réforme c'est une faiblesse générale de l'esprit humain et non une "friponnerie ecclésiastique" qui faisait imputer au diable beaucoup de problèmes aux causes naturelles : "les délires, les convulsions, les envies de manger" etc.  Seules les "lumières de la philosophie et de la médecine" ont eu le mérite de régler le problème, il revient donc "aux Boyles, et aux Newtons, aux Sydenhams, et aux Ratcliffs". "Lorsque ce peuple vit que des ordonnances de médecins guérissaient des maux qu'il imputait au Sortilège, il n'en fallut pas davantage pour le guérir lui-même de ses préjugés". Bentley salue d'ailleurs le travail contre la superstition de pasteurs comme le hollandais Balthazar Becker (1634-1698) et l'archevêque d'York Samuel Harsnet (1561-1631).

La Chapelle précise ceci  en note de bas de page à propos de Harsnett : "En 1586 , un jeune homme nommé Darrel s'érigea en Exorciste, & fit imprimer des Relations de quelques-unes de ses prouesses. La prétendue guérison d'un garçon de 14 ans faite à Barton en 1596, fit un grand bruit. A cette occasion Harsnet, qui n'était encore que Chapelain de l'Evêque Bancroft, écrivit un Ouvrage, intitulé, Découverte des Pratiques frauduleuses du Ministre".

Bentley était donc un théologien aux tendances rationalistes (à la différence de ce qu'allait être un Wesley par exemple), tout en étant très opposé au déisme.

Pour ma part, en tout cas, je compte appliquer le principe "audi alteram partem" dans un billet que j'écrirai dans quelques semaines sur le Suaire de Turin.

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Morand sur le Journal de Claudel

30 Janvier 2023 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées

Puisque je citais il y a peu le Journal de Claudel, voici ce que Morand en disait en avril 1969, dans son propre journal :

Bourdieu disait que Bakhounine avait la vérité sur Marx et réciproquement. Morand livre-t-il là une part de vérité sur Claudel ? Ailleurs dans ce journal il dit que ce dernier n'aimait personne, qu'il était profondément anti-démocrate ce qui aurait pu lui valoir des problèmes dans sa carrière de diplomate à la fin des années 1910 sans la protection de Berthelot (Morand diplomate à la même époque était bien placé pour le savoir, et il avait fréquenté Claudel d'assez près).

On est loin des paroles cordiales de Claudel sur Romain Roland et des amabilités que celui-ci lui rendait. Là les roses, avec Morand les épines. Mais Morand est toujours âpre avec tout le monde, et toujours mauvaise langue comme les diplomates aiment l'être.

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Romain Rolland à Vézelay

29 Décembre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

On trouve ceci dans le journal de Claudel cette page :

Claudel se réjouissait de l'abandon du panthéisme par Romain Rolland.

 

 

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Le sang de Saint Janvier se liquéfie à nouveau

17 Décembre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

Il y a eu des inquiétudes à Naples en décembre 2020 quand le sang de Saint Janvier a cessé de se liquéfier (de même en 2016). Mais le miracle a recommencé à se produire en mai et décembre 2021 et mai et septembre 2022 (jour de la Saint Janvier). Le 16 décembre 2023 cela s'est produit à nouveau, à 10 h 56.

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Sainte Hildegarde et la symphonie de l'âme

8 Décembre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Pythagore-Isis

En février 1947, Paul Claudel reçoit "un énorme volume fort nourri et fort intéressant, de Joseph Samson, maître de chapelle à la cathédrale de Dijon intitulé "Paul Claudel, poète-musicien". Il le mentionne dans son journal, et ajoute "Symphonialis est anima. Sainte Hildegarde". Cela m'a fait penser aux mystiques de la musique pythagoriciens, les acousmates.

Puis j'ai voulu  en savoir plus sur cette "âme est symphonique" de la mystique médiévale (1098-1179), et, comme je ne peux lire des traités en latin, j'ai d'abord regardé ce qu'en disait Georgina Rabasso docteur en philosophie, chercheuse à l'université de Barcelone dans "Redécouvrir les secrets de la voix".

Hildegarde, nous dit-elle, était souvent forcée au silence par la maladie. Néanmoins, "le silence contredisait les préceptes de la Divinité, qui lui a ordonné de parler et d'écrire sur ce qu'elle a vu et entendu. A la fin de sa vie, la hiérarchie ecclésiastique imposa silence à sa communauté mais Hildegarde, non sans effort, réussit à ramener la musique dans la vie quotidienne du monastère. Elle le fit en adressant une épître aux prélats de Mayence, dans laquelle elle plaidait à la fois contre l'interdiction de chanter pendant l'office divin, et fait l'éloge de la musique et du chant à partir d'une théorie suggestive néoplatonicienne-chrétienne de leur fonction dans l'univers et dans l'histoire de l'humanité".

Cette seule phrase de la chercheuse suffit à me faire penser que mon intuition sur le rapport avec Pythagore n'était pas si déplacée que cela. Le pythagorisme se reflétant dans le néo-platonisme.

Quelques années auparavant, précise Rabasso, Hildegarde de Bingen avait expliqué dans une lettre au moine Guibert de Gembloux comment "fonctionnaient" ses perceptions auditives mystiques. "Je n'entends pas ces choses, écrivait-elle, avec des oreilles corporelles, et je ne les perçois pas avec les cogitations de mon cœur ou l'évidence de mes cinq sens. Je ne les vois que dans mon esprit, les yeux grands ouverts, et ainsi je ne souffre jamais le défaut de l'extase dans ces visions. Et, pleinement éveillée, je continue à les voir jour et nuit". La compréhension du sens caché des choses que le divin donne à Hildegarde n'est pas seulement issu de l'intellect et de la vision mais aussi de l'audition. Il y a autant uisio intellectualis qu'auditio intellectualis, ce que Rabasso rapproche de certaines considérations de St Augustin dans son traité De musica.

Cet aspect auditif, Hildegarde a essayé de le restituer dans ses compositions musicales auxquelles le musicologue Marcel Pérès à Moissac essaie de rendre vie en partie dans une visée thérapeutique (ce qui est aussi très pythagoricien).

"Dans un passage autobiographique inclus dans sa Vita, note Rabasso, elle déclare qu'elle a composé des chants et des mélodies à la louange de Dieu et des saints sans avoir n'a jamais reçu de formation spécifique, et qu'elle les a jouées sans jamais avoir étudié ni la notation musicale pneumatique ni le chant. Juste de la même manière elle a déclaré qu'elle avait écrit ses œuvres en latin bien qu'elle ne connaisse pas la grammaire latine".

Dans une lettre à un prélat de Mayence de 1178-79, Hildegarde explique que l'interdiction du chant qu'avait imposée à sa communauté sa hiérarchie épiscopale était condamnée par ses voix intérieures qui avaient mis en avant les diverses louanges dont parle le roi David dans le Psaume 150:3-6. Elle ajoute que la voix d'Adam au principe était en harmonie avec les voix des anges. "A cause de la faiblesse que la Chute a imposée aux êtres humains, il n'a plus supporté la puissante sonorité son ancienne voix, mais celle-ci peut être restaurée par les chants de louange. "

"La symphonie réveille l'âme humaine léthargique et la met en mouvement vers la recherche de sa rationalité perdue." Hildegarde prévient en outre les prélats que leurs décisions renforcent les dissonances diaboliques dans le cosmos. A la fin de ses Sciuias, elle dit avoir entendu "une multitude « faisant de la musique en harmonie louant les rangs du Ciel» et qu'ils venaient d'un air plein de lumière". Cette multitude hétérogène produisait un son harmonieux qui, à travers ses louanges, faisait écho à l'harmonie céleste elle-même, ce que Rabasso rapproche de l'harmonie des sphères chez Pythagore.

Le sens des compositions d'Hildegarde est donc de permettre aux hommes de pouvoir par le chant et la symphonie interprétés à la fois par l'âme et le corps (par la voix et les instruments) remonter l'échelle de Jacob vers les sphères angéliques.

Une autre philosophe catalane avant Rabasso, dans les années 1990, Rosa Rius Gatell, dans la Revista d'Estudis Feministes 16-1999,  s'était intéressée au rapport d'Hildegarde à la musique, et elle avait ajouté que la sainte défendait la thèse platonicienne et stoïcienne d'un cosmos vivant dont les composantes sont en interaction sympathiques entre elles, avec une âme et un corps qui se fortifient mutuellement comme les planètes réchauffent le firmament. Dans ce dispositif, l'homo rationalis fait des choix qui rapprochent ou éloignent la réalisation du plan de Dieu. L'homme de Dieu (vir deus) est un intermédiaire du macrocosme qu'il reflète jusque dans sa physiologie. C'est par rapport à ce dispositif cosmique, dispositif qui a été "abîmé" par la Chute, que doit se comprendre l’œuvre rédemptrice de la musique. Hildegarde prend appui sur le Psaume 150 pour montrer que le choix adéquat des instruments harmoniques permet d'atteindre la science de Dieu originelle et son harmonie céleste.

On a là une théologie de la musique très hautement inspirée et qui bien sûr fait écho à d'autres formes de mysticisme musical dans d'autres cultures (Inde, Chine, Perse etc). Bien sûr, comme toutes les formes de mysticisme, celui de Ste Hildegarde subit beaucoup de distorsion, notamment dans la mouvance New Age, et il faut se méfier de ces égarements. Mais dans le message initial il y a quelque chose de très puissant (et d'ailleurs de très enraciné dans la Bible, dans les Psaumes), qu'il convient de méditer...

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