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A propos des paroles d'une occultiste anglaise
Mon billet sur la conversion de la médium Doreen Virtue reste de loin le plus populaire de mon blog. Je pense que sur trois mois plus d'un millier de personnes ont dû le lire. Dans la mesure où j'ai essayé d'écouter des avis aussi bien de fondamentalistes chrétiens que de partisans de New Age - et même de sorciers - sur You Tube, ce site me propose maintenant automatiquement des vidéos sur ce sujet. Cette semaine donc j'écoutais celle de la médium chromathérapeute Amanda Ellis qui habite dans le Hampshire au sud de l'Angleterre (et qui a 14 000 abonnés, ce n'est pas rien...).
J'ai été intéressé par son témoignage sur le plan humain, car je me trouve bien des points communs comme elle j'ai grandi dans les années 1970 avec une propension certaine à la religiosité dans l'Eglise chrétienne (elle dans l'anglicanisme, moi dans le catholicisme). Comme elle j'adorais chanter, et comme elle je suis "tombé" à l'adolescence dans la vague de pop music qui a submergé l'Europe à ce moment-là. Evidemment il faut se défier des points communs que l'on peut avoir avec les gens. S'ils sont utiles pour nouer un dialogue, ils peuvent ensuite masquer des différences qui vouent le dialogue à l'échec. Or, à n'en pas douter, quand je vois cette dame canaliser des divinités et des morts, étaler des cartes de tarot sur une table, se vaporiser de je ne sais quel spray "magique", je me dis qu'un fossé nous sépare et je serais surtout enclin à prier pour son âme. D'ailleurs j'observe que son "guide" la fourvoie totalement quand dans une de ses vidéos elle dit que Michael Jackson dans les années 1980 dégageait une énergie "positive"- c'est oublier qu'en 1984 quand il travaillait avec Paul McCartney il avait enfilé la tenue du Sgt Pepper à la cérémonie des Grammy Awards en référence à la couverture de l'album des Beatles sur lequel se trouvait le portrait du mage sataniste Aleister Crowley. Qu'est-ce que cela peut bien avoir de "positif" ?
Ce point montre à lui seul à quel point elle est dans les Ténèbres. Il n'empêche que son témoignage sur ses expériences dans l'Eglise anglicane et celles de sa mère dans les milieux évangéliques méritait d'être entendu et posait des questions importantes. En quoi cela est-il si mal, demandait-elle notamment, d'aider des gens qui vivent des situations horribles ? C'était un point important. Certains médiums (pas tous) secourent des gens qui sont dans une misère terrible. Je repense à cette médium qui se disait chrétienne (elle travaillait avec de l'eau de Saint Benoît) qui avait aidé une femme violée qui restait poursuivie par son violeur - elle était parvenue à rompre le lien de persécution. Beaucoup de prédicateurs fondamentalistes qui affichent leur petit plaisir à tourner les pages de la Bible sur Internet et à menacer les gens des flammes de l'enfer ne seraient pas capables de donner un dixième de l'amour dont des occultistes sont capables. Même si du point de vue biblique cet amour est sans doute trompeur et représente un cadeau empoisonné, la faible capacité de beaucoup de fondamentalistes à entendre et secourir pose vraiment problème, me semble-t-il. L'autre problème que soulève cette occultiste est celui - récurrent - des entités intermédiaires. On ne peut pratiquement jamais toucher Dieu lui-même, dit-elle dans sa vidéo sur Doreen Virtue, et donc il faut passer par l'intermédiaire d'anges... (Elle-même se dit guidée par un archange du livre d'Hénoch). Et donc il est criminel de dire au gens de s'adresser directement à Dieu par Jésus-Christ comme le font les fondamentalistes évangéliques. C'est un argument que j'ai entendu souvent dans la bouche de médiums que j'ai interrogés pour mon livre. Je crois que le père Jean-Marie Verlinde se la pose aussi dans un de ses livres ou une de ses vidéos.
Je suis bien incapable de parler avec assurance de ce genre de sujet très délicat. Le devoir d'humilité m'interdit d'ailleurs de le faire. On peut se dire, d'un point de vue chrétien, qu'il existe une obligation d'avoir un coeur d'enfant : "si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. C'est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux" (Matt 18 : 3-4). Est-ce qu'un petit enfant à qui on proposerait le secours d'une entité intermédiaire refuserait de le faire si aucun signe visible ne l'en dissuadait ? Certes il est aussi écrit "Bien-aimés, ne vous fiez pas à tout esprit mais mettez les esprits à l'épreuve pour savoir s'ils sont de Dieu" (1 Jean 4:1). Mais si vous avez affaire à un médium qui se dit chrétien et à propos duquel aucune mise à l'épreuve sérieuse ne permet de douter qu'il marche sur le bon chemin, le seul fait qu'il recoure à des anges le disqualifie-t-il parce que "Satan lui-même se déguise en ange de lumière" (2 Cor 11:14) ?
J'aurais tendance à dissuader les gens d'aller vers des occultistes (surtout de ceux qui manquent de discernement comme cette Mme Ellis sur Michael Jackson). Mais si l'on est acculé à le faire comme je l'ai moi-même été en 2015, il y aurait un risque à "mettre Dieu dans une boîte" comme disent les anglo-saxons et à refuser avec obstination une voie qu'il vous propose. "Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies" (Esaïe 55:8). J'avoue que moi-même j'ai encore recours aux méthodes "peu orthodoxes" de l'église vieille catholique latine lorsque je suis attaqué et qu'aucune notre solution ne m'est proposée par l'Esprit saint. "Ce sont des hérétiques, m'avait dit une tertiaire franciscaine l'hiver dernier, n'allez pas vous faire nettoyer chez Satan". Certes il ne faut pas chasser des démons avec des démons, et, encore une fois, je déconseille au gens d'aller toucher à l'occulte s'ils n'y sont pas contraints. Mais quand aucune autre solution ne semble se dessiner, c'est pécher par excès d'orgueil et de dogmatisme que de s'interdire ce genre d'aide. C'est particulièrement le cas lorsqu'on fait l'objet de sortilèges, parce que l'on appartient à une famille maudite qui a ouvert des portes aux voies de la sorcellerie. L'abandon total au Christ, prôné par les fondamentalistes, n'est pas forcément donné à tout le monde comme voie de rédemption. Le passage par un médium "chrétien" peut être une voie intermédiaire, au moins à titre provisoire, si celui-ci n'est pas "visiblement" dans le double-discours.
Même si je suis méfiant à l'égard du quiétisme du prédicateur protestant Guillaume Argaud sur You Tube (parce que le quiétisme empêche de progresser - Philippiens 2:12-16 «travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement»), la base de l'Evangile reste la foi et le refus de la peur (Mt, 17, 72 - Jn, 6, 20), et je garde à l'esprit ce que ce prédicateur justement me disait il y a peu à propos d'une membre de sa famille : s'étant vue proposer l'aide d'un guérisseur, elle s'en est remise au Christ pour savoir si elle devait recourir à ses soins (autrement dit, elle a agi selon la foi). Elle est allé chez le rebouteux (elle n'a donc pas eu peur), celui-ci a diagnostiqué sa pathologie (un kyste ou quelque chose dans ce genre) mais lui a dit ne pas avoir les autorisations célestes pour la soigner, et l'a envoyée vers un chirurgien classique pour se faire opérer (alors que des coupeurs de feu soignent par leurs fluide même des organes intérieurs, je vous renvoie à mon livre à ce sujet). Il s'agit là d'un engagement pragmatique qui mêle foi et sens pratique sans dogmatisme excessif et sans peur, tout en restant à la fois "simples comme des colombes, prudents comme des serpents" (Matth 10:16).
Bien sûr l'infidélité à la Bible peut conduire à toute sorte de gnosticisme et d'ouverture à des possessions. Je lisais encore récemment dans le livre de Barbara Stiegler que Nietzsche était fasciné par l'Evangile de Jean et y voyait quelque chose de dyonisiaque inspiré des mystères d'Eleusis. D'ailleurs Amanda Ellis aussi cite cet Evangile à propos des noces de Canaan. C'est le genre de lecture trop partielle qui peut ouvrir la porte à des phénomènes très dangereux. Mais soyons honnêtes : tout le monde fait des lectures partielles de la Bible. La plupart des prédicateurs fondamentalistes sur le Net ressortent toujours les mêmes versets pour en disséquer chaque virgule. Aucun ne va se poser des questions sur des petits détails qui pourraient être tout aussi significatifs mais ne rentrent pas dans le "cadre général" comme ce passage des Actes des Apôtres (qui personnellement m'intrigue) où il est écrit (actes 28:11) que le navire de Saint Paul porte pour enseigne les Dioscures - pour moi je me demande pourquoi à cet endroit le Nouveau Testament fait référence aux divins jumeaux - ou encore cet autre passage où Saint Paul reconnaît à Epiménide le chamane crétois le statut de prophète (Tite 1:12) - Don Richardson a écrit des choses profondes là dessus. Cette lecture trop sélective aussi pose problème et réduit artificiellement la complexité du sacré. Il faut vraiment beaucoup de prudence, au sens presque aristotélicien du terme, sur ce genre de sujet. Cela passe par un dialogue vivant et subtil avec l'Esprit au jour le jour, dans une volonté honnête et humble de "crucifier la chair" (l'Ego), sans crispation dogmatique peureuse ou arrogante.
"Astrologie et religion au Moyen-Age" de Denis Labouré

Sapiens dominabitur astris
Un certain fondamentalisme chrétien, qui a eu des antécédents dans l’histoire, tend de nos jours à diaboliser l’astrologie comme pratique divinatoire occultiste. C’est une opinion que combat Denis Labouré, astrologue chrétien, titulaire d’un master de théologie qui, dans un récent essai historique très approfondi, propose une interrogation nouvelle sur l’articulation entre la «science» de la lecture des astres et la foi en la toute puissance divine.
Pour les Pères de l’Eglise, nous dit Denis Labouré, «le monde est un miroir dans lequel Dieu se fait contempler (…) chaque chose est un signe où Dieu se fait connaître à nous». Certes Ignace d’Antioche, Justin, Tertullien et Saint Augustin ont milité contre la divination par les astres, mais Isidore de Séville, en s’appuyant sur le précédent biblique des rois mages, a ouvert la voie à une astrologie qui, sans voir dans la position des étoiles et des planètes une cause de l’histoire humaine, l’analyse comme une série de signes que Dieu envoie aux hommes pour les éclairer sur leur condition.
Rien de mieux, pour convaincre le lecteur, que d’examiner dans une perspective historique, la période faste de l’astrologie chrétienne que l’auteur situe au Moyen-Age, plus précisément entre le XIIe et le XIVe siècles. Denis Labouré retrace précisément la généalogie de cette astrologie occidentale, à travers les auteurs indiens, babyloniens et perses. Il montre comment l’arabe Albumasar (787-886) synthétisa ces traditions et, par ses seuls travaux sur les astres, initia à l’aristotélisme de grands penseurs français ultérieurs comme Thierry de Chartres ou Guillaume de Conches.Pour atténuer la détermination du monde sublunaire par le monde supralunaire, Albert Le Grand (1193-1280), quant à lui, rattacha directement l’âme humaine à la cause première (Dieu) de sorte que les astres n’agissent que sur les corps (y compris les humeurs) ou comme signe du moment opportun, ce qui permit de résister à ceux qui accusent l’astrologie d’asservir l’homme aux démons de la nature, une voie de compromis que suivra Roger Bacon (1214-1294) en mettant l’accent sur l’influence qu’exerce l’astrologie sur les mouvements des foules.
Puis Denis Labouré se concentre sur les recherches d’un astrologue français dont les travaux firent date, Pierre d’Ailly (1351-1420) qui fut en son temps chancelier de l’université de Paris et aumônier du roi Charles VI. L’auteur montre comment le savant s’est positionné à l’égard de ses prédécesseurs sur les grands problèmes intellectuels médiévaux comme la datation de l’univers et la théorie des grandes conjonctions d’Albumasar (la mort des empires en fonction de la conjonction Saturne-Jupiter-Mars). Au terme de ces analyses, Pierre d’Ailly en viendra à voir dans le Grand schisme d’Occident (la dualité des papes), non pas un signe de la fin des temps mais une simple crise incitant à la réforme morale. Il en tirera aussi une vision prémonitoire de 1789 comme tournant de l’histoire du monde… Par ailleurs, en annexe du livre, le lecteur trouvera une intéressante traduction par le professeur Giuseppe Nastri assisté par Denis Labouré du traité du cardinal d’Ailly «Sur la concordance entre l’astronomie et la vérité des récits historiques» qui peut nourrir bien des travaux herméneutiques complémentaires sur la correspondance entre l’histoire humaine et les constellations.
On ne peut manquer d’être impressionné par la somme d’érudition mobilisée par Denis Labouré, féru de calculs astraux, lorsqu’il expose par exemple à propos des conjonctions de Jupiter et de Saturne, schémas à l’appui, que «les conjonctions de Jupiter avec Saturne sont éloignées de 20 ans environ, lorsque Saturne a parcouru les deux tiers de sa révolution (…). Or la longueur de l’arc séparant une conjonction et la suivante (mesurée en sens antihoraire) est légèrement supérieure à 240°. (…) Initiée dans Bélier, un signe de feu, la conjonction de Jupiter avec Saturne se reproduit ensuite dans les deux autres signes du même élément. Puis elle se produit ensuite dans le Bélier». L’aridité de ce genre de démonstration (qui en garantit aussi le sérieux) est toutefois heureusement tempérée par les résumés didactiques que Denis Labouré place à la tête de chaque chapitre et sous-chapitre, faisant de son livre un manuel d’une grande clarté, accessible aux étudiants et à tous les curieux qui, au-delà des modes actuelles - qui abandonnent l’astrologie au néo-paganisme ou aux «sagesses» asiatiques -, veulent comprendre la place que cette discipline a pu avoir, par le passé, dans l’intelligentsia européenne. Il ouvre aussi un champ de réflexion aussi passionnant que complexe sur la valeur que le chrétien accorde au monde créé pour l’éclairer dans son cheminement d’accomplissement spirituel sans rien sacrifier ni de son libre-arbitre ni de l’obéissance à son Créateur.
Une dame dont le propos m'intrigue

Cette dame, Arouna Lipschitz, dit dans cette vidéo ici dit que la kabbale explique que "les anges se nourrissent des parfums des amants pendant l'acte sexuel si l'acte sexuel est à un certain taux vibratoire". Et dans la vidéo suivante, elle évoque ses sources d'inspiration. Pour le reste j'avais bien aimé sur le Net sa remarque sur le fait que les gens qui se réalisent à travers la méditation ont du mal ensuite à garder la même pleine plénitude dans la relation à autrui et de s'ouvrir au discours d'autrui. Comme c'est le genre de femme à entendre par ouverture à l'altérité l'ouverture à l'altérité sexuelle, je lui ai demandé par mail ce qu'elle pensait de l'avortement. Elle n'a jamais répondu. Et pour cause : voilà une altérité, celle de l'embryon, dont on n'hésite pas à se débarrasser, qu'on flingue littéralement, pour garder sa petite "plénitude", sa "paix intérieure" à deux balles... Preuve de l'échec de ces pensées "orientales" énergétiques complètement égocentré, et même de leur côté criminél car elles rendent complices d'abominations.
Le comte Léonce de Larmandie
J'entendais il y a peu sur You Tube l'hermétiste Denis Labouré faire l'éloge du comte Léonce de Larmandie. J'ai lu ce matin sur Gallica son "Eôraka / notes sur l'ésotérisme par un templier" de 1891. Il est prêt à dialoguer avec tous et tout le monde, de Swedeborg à Blavatsky, trouve beaucoup de similitudes entres bouddhisme et christianisme, et du mérite dans toutes spiritualiéts. Il y a beaucoup d'approximations dans ses textes, comme j'en avais trouvées aussi chez Papus et chez Rozier.
Je ne pense pas que cet hermétisme là soit la "seconde chance" du christianisme comme certains l'ont cru à la Renaissance ou sous la IIIe République, ni qu'il soit le moyen de liquider la religion thélémique, antéchristique, qui a pris le pouvoir chez nos élites depuis 50 ans. Larmandie était le bras droit du Sar Peladan, et celui-ci fut des décennies après sa mort, dans les années 60, l'inspirateur de l'UFO Club, creuset de la pop culture londonienne qui a infesté culturellement (avec peut-être la soul américaine d'où naquit le rock) toute la fin du XXe siècle et le début du XXIe. C'est tout dire. Cette voie spirituelle me paraît condamnée.
Larmandie dans son livre se penche beaucoup sur les phénomènes spirites, la médiumnité. Je crois qu'il ne faut pas se complaire là-dedans. C'est le meilleur moyen d'attirer des démons. Orgueil, irrationalité et démesure se greffent toujours sur ces sujets d'étude, et cela ne mène nulle part. En août, une certaine Jessica Blum m'avait contacté pour que je parle sur mon blog des "Nuits du chasseur" qu'elle et ses amies organisaient dans des lieux hantés. J'ai refusé. J'ai croisé suffisamment de gens qui avaient des problèmes avec le paranormal (notamment dans les milieux des masseuses et des soins divers à la personne) pour ne pas vouloir encourager quiconque à enquêter sur ces voies là.
En tout cas si vous visitez la Dordogne, évitez le château de la Sudrie, demeure familiale des de Larmandie. Le comte de Larmandie y fut victime d'un Poltergeist le 31 août 1869.
Jollivet-Castellot et Rozier

Un extrait intéressant (p. 217) de "Destin ou les fils d'Hermès" roman dans lequel l'alchimiste Jollivet-Castellot (que nous citions dans un précédent billet ) se dépeint lui-même sous les traits de "Lambert". Ce passage évoque le Dr Rozier (aussi cité précédemment ) lors de leur rencontre à l'Hôtel de Savoie, rue de Savoie (qui était toute entière un repaire de voyants, astrologues et kabbalistes) au bureau de l'initiation de l'Ordre martiniste que Papus voulait redresser contre "l'anarchie morale et politique" qui l'avait surclassé après 1789 à travers l'illuminisme et la franc-maçonnerie.
"Papus qui précédait Gaston dans l'escalier, frappa trois coups légers à la petite porte que Sédir ouvrit aussitôt. En smoking noir, il fumait une longue pipe de terre blanche dont il tirait de lentes bouffées.
Il serra la main aux arrivants et conduisit, en boitillant, le comte dans une chambre garnie de bouquins et de registres, qui servait de bureau de rédaction, et où se trouvaient déjà réunis quelques messieurs en redingote, auxquels il le présenta. On lui nomma Sisera, Oswald Wirth, l'ami et le secrétaire de Guaita, le Docteur Rozier, Marius Decrespe.
Le Docteur Rozier l'entretint de médecine occulte et spagyrique, de cures étonnantes par des procédés magiques et théurgiques. Il racontait des choses extraordinaires et merveilleuses avec du bon sens, une assurance naïve. Mais il était fort bien documenté et Lambert obtint de lui des indications qu'il se promit d'utiliser, sans pour cela croire à l'intervention des fées, des lutins, des saints et des saintes que le Docteur Rozier évoquait et invoquait pêle-mêle."
La nature selon l'alchimie grecque
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Olivier Dufault, que nous avons cité récemment à propos de son article sur Zosime de Panopolis, a réalisé un effort de synthèse sur les tentatives de définition de la transmutation des métaux dans l'alchimie grecque de l'antiquité tardive autour de Zosime, de Synesius (que l'historien Martelli tient à distinguer de Synesius de Cyrène, le disciple d'Hypatie, mais nous en doutons) et Olympiodore d'Alexandrie. Il montre que le terme Ekstrophe ("inversion") s'appliquait à tout processus de transformation, même le simple changement de couleur. Il désigne une transmutation qui fait apparaître ce qui était déjà présent dans la nature de la matière.
L'alchimie grecque, expose Dufault, s'enracine dans le principe présocratique "hen to pan" (l'univers est un). On a décelé successivement trois théories de la nature au fondement de l'alchimie grecque
- la théorie de la sympathie naturelle (André-Jean Festugière). Une parenté entre les éléments. Festugière pensait que Bolos de Mendes serait le pseudo-Démocrite auteur de la Physica et Mystica et serait l'auteur de la maxime "la nature est charmée par la nature, la nature est la maîtresse de la nature, la nature conquiert la nature". Bolos aurait recherché à revenir à un substrat indéterminé (unqualified) par un processus d'obscurcissement de la matière, en mêlant certaines substances à de la masse obscure en fonction de leur réactivité. Mais en réalité l'obscurcissement n'est pas systématique et il n'existe pas de substrat indéterminé dans le texte du pseudo-Démocrite.
- la théorie de la maturation liée à l'idée que les métaux murissent sous terre et ont tous vocation à devenir de l'or à la fin (Mircea Eliade). L'idée que la terre produit les métaux était courante dans l'antiquité grecque et dans d'autres civilisation. Voilà pourquoi pour Zosime l'alambic est comme un utérus qui "cuit" le foetus, ou pour Stephanus plus tard l'alambic est l'univers. Mais croire que l'or est l'aboutissement nécessaire peut procéder d'une mauvaise compréhension de l'analogie. Cela n'est indiqué à titre littéral nulle part et l'idée de l'humidification ou de l'assèchement des métaux chez Aristote ne l'implique pas non plus.
- La théorie de la forme-transfert, inspirée de Karl von Prantl en 1856 : il y aurait d'abord réduction à la matière première ou indéterminée par obscurissement, puis vaporisation par le souffle, le pneuma (logoi spermatikoi selon Lippmann). Mais cette matière indéterminée des philosophes ne se trouve nulle part dans le corpus alchimique, comme l'a noté Cristina Viano, qui remarque que si les alchimistes empruntent au vocabulaire de Platon et Aristote (puissance, acte), mais n'en suivent pas fidèlement la physique.
Les philosophes n'avaient pas besoin d'un retour à la matière première pour créer de la transformation, et les alchimistes ne produisent pas vraiment une matière indéterminée. Selon Olivier Dufault, il n'y a pas une seule théorie de la transformation chez les alchimistes qui empruntent à plusieurs sources. Et s'il y a des emprunts aux philosophes, la théorie alchimique puise largement sa source dans d'autres références et d'autres vécus.
Zozime l'alchimiste
J'ai découvert Zozime de Panopolis, l'Egyptien (IVe siècle, selon Martelli), il y a quelques mois en lisant Jung qui décortiquait ses rêves.
Zozime n'était pas identifié en son temps comme un alchimiste parce que le mot n'existait pas. C'était juste un philosophe, un esprit universel qui empruntait à Proclus, à la doctrine mithraïque, (qui associaient les métaux aux sphères célestes). Olivier Dufault de l'université de Munich dans une tentative (accessible sur le Net) de le resituer dans son environnement social le compare à un des lettrés (pepaideumenoi) comme les décrit Lucien de Samosate qui apportent le savoir (paideia) de leur temps à leurs élèves, y compris le savoir magique. Dans son "De la vaporisation de l'eau divine qui fixe le mercure" extrait de ses "Mémoires authentiques", Zozime raconte une réception chez la riche Theosebie (Theosebeia), on soupçonne que le cuisinier est un officiant versé dans l'alchimie qui investit ce savoir dans les plats. Zozime y décrit ses oppositions à l'égard d'autres alchimistes sur les questions des techniques, du destin, de la nature de l'humanité (notamment il leur reproche de s'en remettre à l'astrologie et aux volontés des démons pour le choix des gestes - une critique qui rappelle la dénonciation de l'astrologie par St Augustin, je trouve). Ces rivaux selon lui ignorent les "leçons du corps - somatika paideuteria), les choses matérielles, et suivent aveuglément le destin. Comme Epiméthée, ils s'en tiennent à l'humain extérieur (exo anthropos) appelé Thot ou Adam, et ignorent l'intérieur (esos anthropos) appelé phos, la lumière, comme dans la Gnose. Selon lui il faut être comme Prométhée et Phos et ne pas se contenter des fruits du destin (cela évoque aussi, je trouve, Apulée : Isis au dessus du destin). Ceux qui s'en remettent aux "teintures opportunes" (les teintures relevant du kairos, "teinteure" désignant toute transformation de métal, minerai ou textile) sont identifiés aux prêtres des temples traditionnels égyptiens qui utilisent la magie des minéraux à des fins de bénéfices pécuniaires et qui en sont venus à vendre leurs services aux riches protecteurs comme Theosebie, tout comme Zozime lui même. Olivier Dufault décrit par ailleurs les expériences mystique de descente aux enfers et ascension aux cieux qu'implique sa pratique de l'alchimie.
Pour vous distraire, (je vous la livre en hommage à une autre Blanche, Blanche de Navarre l'alchimiste) une lecture alchimique de Blanche-Neige selon Patrick Burensteinas :