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Une lactation bouddhique

A trois lieues au nord-ouest de Vaísali (Etat du Bihar actuel) se trouve un stupa appelé "de l'abandon des flèches et des armes", explique Faxian (p. 45). Là où coule le Gange, il y avait un roi. Une concubine du roi donna naissance à un fœtus de chair. L'épouse principale fut jalouse et dit : "Vous avez donné naissance à une manifestation de mauvais augure". On le plaça alors dans un coffret de bois que l'on jeta dans le Gange. En aval, un roi, qui regardait en se promenant, vit le coffret de bois sur l'eau. Il l'ouvrit pour l'examiner et vit mille petits enfants, à la fois bien faits et extraordinaires. Le roi les prit pour les élever. Lorsqu'ils furent grands, ils devinrent courageux et robustes. Puis ils attaquèrent le royaume du roi leur père. Le roi en fut extrêmement triste. La concubine lui demanda : "Pourquoi êtes vous triste ?" Le roi répondit : "Moi, roi de ce pays, j'ai mille fils d'un courage et d'une force incomparables ; ils veulent venir attaquer mon royaume, telle est la raison de ma tristesse." La concubine reprit : "Vous ne devez pas être triste et chagriné. Au contraire, faites faire une haute tour à l'est de la ville, et lorsque les bandits viendront, installez moi en haut de la tour, alors je pourrai les repousser." Le roi fit selon ses dires. Quand arrivèrent les bandits, la concubine qui se tenait en haut de la tour leur dit : "Vous êtes mes fils, pourquoi vous mettez vous en rébellion ?". Les bandits répondirent : "Qui êtes vous pour prétendre être notre mère ?" La concubine reprit : "Si vous ne me croyez pas, vous autres, levez la tête vers moi et ouvrez la bouche." Et, avec ses deux mains, la concubine pressa ses deux seins. De chacun de ses seins jaillirent cinq cents jets de lait qui tombèrent dans la bouche des mille fils. Les bandits comprirent qu'elle était leur mère et ils abandonnèrent leurs arcs et leurs armes. Les deux rois pères entrèrent alors en méditation et devinrent pratyekabuddha. Le stupa des deux pratyekabuddha existe encore. Plus tard quand le Vénéré du monde eut atteint l'éveil, il dit à ses disciples: "C'est l'endroit où moi, dans des temps anciens j'ai abandonné arcs et armes." Quand les gens l'ont su par la suite, ils ont bâti là un stupa qui pour cette raison porte ce nom. Les mille enfants, ce sont les mille buddha du kalpa des sages.
Voilà un conte assez mystérieux qui, par certains aspects, rappelle la Lactation de Saint Bernard de Clairvaux par la vierge : un texte du XIVe siècle nous dit que la Vierge mit son sein dans sa bouche pendant son sommeil pour lui enseigner un savoir divin. Les peintres ultérieurs en feront un jet de lait à distance.
Le mystère de la faculté d'allaitement d'une Vierge fait partie des indices du caractère surnaturel de la vie de Jésus et de sa divinité dans les sermons de Grégoire de Nysse (Discours catéchétique / Grégoire de Nysse ; texte grec, traduction française, introduction et index, par Louis Méridier, ed A. Picard Paris 1908 p. 109) : "Mais dans l'histoire de tous les temps, il ne connaissait rien de semblable à ce qu'il voyait se manifester alors : une conception se produisant sans union, une naissance exempte de corruption, l'allaitement donné par une vierge, des voix parties des régions invisibles, attestant d'en haut la condition merveilleuse de la naissance, la guérison sans effort et sans remèdes des infirmités naturelles" etc
Webdocumentaire sur Vimeo
J'ai été interviewé le 12 mai 2015 par Sophie Perez qui devait réaliser un "webdocumentaire" dans le cadre d'une licence à l'Institut Européen de Journalisme. La vidéo a été postée quelques semaines plus tard semble-t-il.
Apollonios de Tyane, Vindex et Epaminondas

Continuons notre lecture au hasard de la Vie d'Apollonios de Tyane...
Page 1182 du recueil de La Pleiade, la rencontre entre le grand pythagoricien thaumaturge Apollonios de Tyane et le gouverneur (qui n'est pas nommé) de Bétique (l'actuelle Andalousie).
Les rencontres entre les sages et les gouverneurs sont souvent mentionnées dans leurs biographies (ou leurs hagiographies). On connaît la rencontre entre Jésus et Pilate. Un peu moins celle entre Saint Paul et le gouverneur d'Achaïe qui était le frère de Sénèque...
Ici le biographe Philostrate nous dit que ce gouverneur est un opposant à Néron. La dictature de Néron incarne à l'époque l'anti-philosophie, et la théatrocratie (pour reprendre un terme de Platon) dans toute sa laideur. C'est un mélange de populisme et de despotisme de mauvais goût qui passe beaucoup par la chanson et l'image comme le pouvoir de nos médias de masse. La Vie d'Apollonios nous parle de ces chanteurs de cabarets qui déclament des poèmes de Néron et dénoncent à la police quiconque n'applaudit pas. Apollonios à Rome, où les philosophes sont interdits de séjour, s'est distingué par quelques actes de bravoure.
En Espagne, Apollonios séjourne à Gadès, l'actuelle Cadix, qui est la plus vieille ville de l'Ouest du bassin méditerranéen. C'est une ville fondée par les Phéniciens, qui baigne dans le culte de Baal et d'Ishtar-Astarté-Tanit. On a déjà parlé dans ce blog des danseuses nues de Gadès célèbres à Rome, comme la fameuse Télétuse qui doit son nom à la fervente dévote crétoise de la déesse égyptienne Isis dans la légende d'Iphis racontée par Ovide.
Apollonios fait venir le gouverneur (qui a peut être sa résidence à Hispalis) à Gadès. D'une part pour montrer que c'est le gouverneur qui doit se déplacer et non le philosophe. d'autre part parce que sans doute Gadès revêt une importance particulière pour lui (sans quoi il eût choisi un autre endroit).
Les pythagoriciens n'hésitaient pas à se mêler de politique, et Philostrate signale le goût d'Apollonios dans les cités grecques pour un système qu'on pourrait qualifier de "démocratie représentative" parce qu'il permet à deux partis de s'équilibrer. Et le biographe signale que, selon son secrétaire Damis Philosotrate aurait comploté pendant trois jours contre Néron avec le gouverneur puisqu'il lui aurait dit à la fin de la conversation "Souviens toi de Vindex". Vindex (que Philostrate crédite d'une inspiration philosophique, c'est à dire, dans sa bouche, divine ou pythagoricienne, pour lui ces mots sont équivalents) était un sénateur aquitain gouverneur de la Gaule lyonnaise, qui allait mener en 68 le premier soulèvement contre Néron qui allait constituer le début de sa fin. Philostrate crédite Apollonios d'une prescience de la prochain insurrection de Vindex qui n'a pas encore eu lieu. Apollonios s'embarque alors pour la Sicile. C'est là, au bout de plusieurs semaines qu'il apprend le suicide de Vindex (en juin 68) et l'échec provisoire du soulèvement. Et là Philostrate nous confie ceci :
"Comme ses compagnons lui demandaient à quoi cela aboutirait, et à qui finalement, appartiendrait le pouvoir, il répondit : 'A beaucoup de Thébains'. Car il comparait la puissance dont disposèrent, pour peu de temps, Vitellius, Galba et Othon, à celle des Thébains qui, pendant une période extrêmement brève, dirigèrent le monde hellénique".
J'ai déjà parlé dans ce blog d'Epaminondas, le général pythagoricien qui assura à la démocratie thébaine l'hégémonie, en abrogeant notamment dans la pratique militaire le tabou de l'usage de la main gauche. Je crois que la référence à Thèbes (la ville sacrée pillée par Alexandre, pour la reconstruction des murailles de laquelle l'hétaïre athénienne Phryné était prête à sacrifier sa fortune) va au delà d'une référence au caractère éphémère d'une hégémonie, et pointe plutôt vers une sacralité du pouvoir à venir d'Othon, Galba et Vitellius.
C'est l'occasion pour Philostrate de faire l'éloge de l'art divinatoire de la philosophie pythagoricienne (un art divinatoire qu'on avait vu aussi, dans la Pharsale de Lucain - le jeune écrivain inspiré assassiné par Néron - à travers la figure de l'astrologue étrusque néo-pythagoricien Figulus quand César entre à Rome) contre les magiciens (on dirait aujourd'hui "les médiums") que Philostrate qualifie de "plus infortunés des humains". Le philosophe, dit Philostrate, écoute les signes des dieux, là où les magiciens "ont tantôt recours à l'évocation, sous la contrainte, des esprits, tantôt à des sacrifices barbares, tantôt à des incantations ou à des onguents pour obtenir, disent-ils, que change le destin". Il souligne aussi que la philosophie pythagoricienne (dont Kingsley a bien montré les origines chamaniques en Asie mineure, et le lien avec la déesse mère), refuse de chercher à comprendre (par exemple pour Apollonios lorsqu'il était confronté à des automates en Grèce). C'est une philosophie de la soumission à l'essence des choses et de recherche de l'unité, contre l'affirmation des Egos (par une compréhension artificielle et une volonté d'agir sur les événements) et la recherche du conflit. Une philosophie de l'humilité et de l'harmonie.
Ce passage rappelle celui où le néo-platonicien Plutarque dans la Vie de Périclès fait l'éloge de l'herméneutique sacrée contre la science explicative (dans l'affaire du bélier à trois cornes), et aussi un autre passage de Plutarque dans son étude sur les visages de la lune où il tente de légitimer une religiosité grecque lunaire contre les pouvoirs magiques des Mèdes autour du culte superstitieux du feu. Dégager une religiosité philosophique "positive" des dérives de la magie noire est toujours un des enjeux majeurs de la pensée grecque de la période romaine.
Ce passage est un des plus politiques de la Vie d'Apollonios de Tyane, mais aussi un de ceux qui tracent le plus clairement le lien historique Pythagore-Epaminondas-Apollonios, et définissent leur rapport concret à l'être et aux modalités d'action humaines sur le devenir.
Colloque à l'assemblée nationale
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L'ancienne membre des Femen Eloïse Bouton organisait, avec le soutien de Sergio Coronado, député EELV de la 2e circonscription des Français de l'étranger, Amérique latine et Caraïbes, le 18 juin dernier à l'assemblée nationale un colloque assez axé, semble-t-il, sur le droit à exposer sa nudité (dans une optique très juridique). Je n'ai été prévenu par une association qu'un peu tardivement, mais les Inrockuptibles m'ont contacté aujourd'hui à ce sujet, ce qui sera l'occasion de poursuivre le colloque en quelque sorte en dehors de l'enceinte de nos institutions.
Ces touristes qui montrent leurs fesses devant les temples
Selon le Cambodia Daily, repris par Fox News, le dimanche 10 mai 2015, à Angkor trois touristes (deux hommes pantalons baissés et une femme qui prenait la photo) ont été arrêtés pour prendre des photos de leurs fesses nues devant les temples, ce qui en fait la troisième fois cette année que les autorités cambodgienne avaient à intervenir pour pareil incident. Cette mode a conduit les autorités à placarder des affiches pour signaler que ces dénudations sauvages désacralisaient le site.
L'année dernière huit personnes ont été arrêtées en une semaine pour s'être photographiées nues sur le Machu Pichu au Pérou.
Des sites comme NakedAtMonuments ou My Naked Trip encouragent ces pratiques.
Mais la pratique est risquée. Avant hier Eleanor Hawkins, britannique de 23 ans, a été arrêtée à l’aéroport de Tawau alors qu’elle s’apprêtait à prendre un vol pour Kuala Lumpur. Elle est incarcérée en Malaisie pour avoir "contrarié les dieux" en se déshabillant sur la plus haute montagne du pays (Huffington Post). Les Malaisiens estiment que sa dénudation ainsi que celle d'une demi-douzaine de touristes avec elle a causé un tremblement de terre meurtrier.
Elie, prophète du feu
Quand j'étais enfant, on guérissait mes nausées avec de l'eau de mélisse des carmes (ma mère disait "de l'eau de carmes"), un alcool qui brûlait et faisait penser au feu, quoique la mélisse puisse faire penser aux abeilles (melissa en grec) qui nourrirent Zeus pendant son enfance (les abeilles était le nom des servantes d'Artemis à Ephese et l'on sait ce que Lelouch fit de cet insecte dans son film initiatique sur la réincarnation "La belle histoire").
Les Carmes sont un ordre religieux catholique fondé en référence au prophète Elie du IXe siècle avant JC dont certains apôtres disaient que Jésus était la réincarnation, car la tradition juive pendant des siècles a attendu le retour d'Elie. Etant ce matin de passage à Lisieux où la mystique Sainte Thérèse s'était faite carmélite, il me faut dire un mot de ce prophète.
Voici ce que Jonathan Black dans son "Histoire secrète du monde" en dit (p. 278) :
"Elie était un homme démesuré, un prophète qui vécut au plus près de la folie. Il existe un grand nombre d'histoires qui attestent de son charisme : sa clairvoyance, sa capacité à changer l'eau d'un puits empoisonné en eau saine, à faire flotter le fer ou à guérir les lépreux. Parmi ces histoires, il en existe une étrange, qui raconte comment il a ramené un jeune garçon à la vie en se couchant sur lui et en le pénétrant de son esprit. Un jour, il dut retourner dans la nature pour sauver sa vie - et rejoindre Dieu. Il se retrouva au sommet d'une montagne au beau milieu d'un terrible orage. On peut aisément imaginer cet homme apostrophant les intempéries, mélange de roi Lear et de bouffon. Il s'écroula, épuisé et s'endormit sous un genévrier, où il rêva d'un ange. Il faisait encore nuit quand il partit escalader le mont Horeb à la recherche de Dieu, comme l'ange le lui avait suggéré dans son sommeil, lorsqu'un vent violent se leva et fit trembler la montagne et rouler d'énormes rochers dans sa direction, mais Elie savait que Dieu n'était pas ce vent et réussit à gagner une grotte pour se mettre à l'abri. Soudain, un éclair tomba devant la grotte et le feu ravagea la végétation, emprisonnant Elie dans son abri. Mais il savait que Dieu n'était pas non plus dans ce feu. Le feu finit par s'éteindre et, à l'aurore, tout était calme. L'étoile du matin apparut et, dans l'air doux du lever du jour, Elie entendit la petite voix tranquille de Dieu".
Sur le plan des synchronicités, cette histoire d'orage, à laquelle, je ne pensais pas ces derniers temps, est intéressante. Ce matin, la météo avait avant mon départ annoncé de l'orage sur Lisieux. Je ne m'en suis pas inquiété, pensant arriver là bas avant la pluie (je n'avais même pas de parapluie), et, comme de juste, dès ma sortie du train des trombes d'eau me bloquèrent dans la gare. Mais je n'y vis point de mauvais présage, et, bien que je n'eusse qu'une heure à passer dans la ville, pris le temps de manger un sandwich. Au bout de dix minutes un beau soleil baignait à nouveau le ciel, et pour tout mon séjour. Dans la crypte, par hasard, je vis au mur une citation de Ste Thérèse qui disait que dans les bras de Dieu on ne craint pas l'orage...
Elie est connu pour son lien avec le feu, puisqu'il fut vainqueur d'un concours de sacrifice au feu divin face aux prêtres de Baal (sur le rapport au feu, il est intéressant de se reporter à Plutarque - Visage qui apparaît dans le disque de la Lune p. 60 - qui blâme les Mèdes pour leur culte du feu), mais aussi ses liens avec les nuages que la tradition du Carmel (depuis le XIV siècle), associe à Marie, de sorte qu'une légende remontant au moins au XVIIe siècle prête à Elie d'avoir eu la vision de la vierge Marie dans le ciel qui l'aurait converti à la chasteté (cf Elie Prophète de Dieu de Kilian Healy p. 86).
Pour se faire une idée de ce qu'était un prophète dans le monde juif de l'époque, on peut citer ce passage de la bible (Livre de Samuel 1, Samuel 10,5-6) que reprend Sheldrake dans "L'âme du monde" (p. 207) :
"Quand Samuel oint Saül comme roi d'Israël, il lui donne des instructions pour le voyage qu'il va entreprendre, et notamment :
"Ensuite tu arriveras à Guivéa de Dieu, où résident les préfets philistins. Là, quand tu entreras dans la ville, tu tomberas sur une bande de prophètes descendant du haut lieu, précédés de harpes, de tambourins, de flûtes et de cithares. Ils seront en proie à une transe prophétique. Alors fondra sur toi l'esprit du Seigneur, tu entreras en transe avec eux et tu seras changé en un autre homme". "
Le perroquet d'Aimée Morgana
On connaissait le singe de Cléopâtre de Lucien de Samosate, voici le perroquet de feu l'artiste Aimée Morgana, N'kisi, une histoire qu'évoque souvent la voyante Maud Kristen dans ses conférences.
Le site métapsychique.org résume ainsi le témoignage de Rupert Sheldrake (dans ~~Rupert Sheldrake, le Septième Sens, 2004, ed. Du Rocher) à son sujet :
"Aimée a de quoi se flatter de posséder un animal hors du commun, et des talents de pédagogue animalier à la hauteur, ceci expliquant peut-être cela. Mais ce n’est pas tout encore. Aimée s’en est aperçue un jour où, perdue dans ses pensées (donc sans mot dire), elle songeait à appeler un de ses amis, Rob, en se reprochant d’avoir trop différé l’appel. Et au moment où elle se lève du canapé vers le combiné, N’kisi, à côté d’elle, prend la parole et dit : « Bonjour, Rob. »
Là... Comme, cette fois, cela dépasse le simple pouvoir d’abstraction, et même les pouvoirs humains dits normaux, Aimée se pose des questions. Ou plutôt, elle envoie un message électronique circonstancié sur les talents de N’kisi à Rupert Sheldrake, dont elle a entendu parler des travaux (L’histoire ne dit pas si, du coup, elle n’a pas oublié de téléphoner à Rob).
Sheldrake estime que le voyage en vaut la chandelle. Il lui rend visite à new York, muni du matériel permettant de tester les dons de l’animal. Il monte à domicile une expérience simple et efficace. N’kisi est laissé seul à l’étage, sous vidéo surveillance, et Rupert et Aimée, suivis par une deuxième caméra, synchronisée, s’installent au rez-de chaussée. Là, Sheldrake propose à Aimée des enveloppes opaques contenant des photos couleurs. Aimée les découvre une à une par tirage au sort, autrement dit sans prévention possible. La première est une superbe orchidée. Et à ce moment précis, à l’étage, N’kisi parle : « oh, la belle fleur ».
A chaque nouvelle image, même effet. Le deuxième représente une couple courant le long d’une grève. On remarque surtout sur le cliché la silhouette de l’homme. N’kisi : « regarde mon beau corps nu ! » Troisième image, une scène de rue à new York : le client d’un taxi, sur un trottoir, parle à son chauffeur, lequel sort la tête de la vitre. N’kisi : « attention la tête, attention la tête ». "
Ses découvertes sur la télépathie des animaux (entre autres) ont rendu Sheldrake sceptique sur le scientisme.
Voir notamment son interview par Deepak Chopra (une de mes références depuis un an).
Montaigne et le chamanisme des stoïciens
Il y a chez Montaigne une volonté non seulement d'acclimater la sagesse antique aux choses du quotidien, mais aussi une intention de découvrir en lui-même une sagesse spontanée (on dirait aujourd'hui une "sagesse du corps", une sagesse de sa nature), qui vient d'elle-même réaliser les préceptes des anciens. Mais cette "sagesse" n'est pas une petite quiétude ordinaire, elle peut au contraire se comprendre dans un sens très fort.
Cet après-midi je lisais par hasard ce passage dans le chapitre IX des essais III où l'écrivain explique tout le bien que lui apporte le fait de voyager loin de sa femme, et combien cet éloignement n'a pas pour effet de le séparer de sa compagne mais au contraire, en quelque manière, l'en rapproche : "Je sais que l'amitié a les bras assez longs pour se tenir et se joindre d'un coin de monde à l'autre ; et notamment celle-ci, où il y a une continuelle communication d'offices, qui en réveillent l'obligation et la souvenance. Les Stoïciens disent bien, qu'il y a si grande colligence (alliance) et relation entre les sages que celui qui dîne en France repaît son compagnon en Egypte ; et qui étend seulement son doigt, où que ce soit, tous les sages qui sont sur la terre habitable en sentent aide. La jouissance et la possession appartiennent principalement à l'imagination. Elle embrasse plus chaudement ce qu'elle va quérir que ce que nous touchons, et plus continuellement. Comptez vos amusements journaliers, vous trouverez que vous êtes lors plus absent de votre ami quand il est présent : son assistance relâche votre attention et donne liberté à votre pensée de s'absenter à toute heure pour toute occasion".
Le propos est fort. Il signifie que la pensée permet une présence à distance, et une syntonie plus intense avec ses proches que la présence physique, ce que Montaigne attribue au pouvoir de l'imagination, ce que des théologiens à la Henri Corbin appelleraient sans doute l'imagination créatrice (ce qui est aussi le vocabulaire de Castoriadis). Et la formulation stoïcienne est plus radicale encore puisque celui qui mange nourrit celui qui a faim à des milliers de kilomètres de distance.
Tout d'abord j'ai songé que cette idée donnait au cosmopolitisme stoïcien une signification bigrement puissante : ce n'est pas seulement que le sage stoïcien n'a point de frontières, il n'a tout simplement plus d'espace, et les milliers de kilomètres qui peuvent le séparer d'un autre sage, tout comme l'enveloppe corporelle, n'existent tout simplement pas. C'est l' "unus mundus" cher à Michel Cazenave, et ce n'est pas vraiment concevable dans le cadre d'une pensée rationaliste... Les érudits attribuent cette référence de Montaigne au chapitre XIII du Des communes conceptions contre les Stoïques de Plutarque.
Pour ma part j'y vois aussi un lien avec ce que Peter Kingsley note dans "A story waiting to pierce you" à propos de la métempsychose des chamanes : l'âme du chamane voyage du corps d'un sorcier à un autre, comme elle peut voyager dans les troncs des arbres, et c'est ce qui fait que les sorciers peuvent vivre une complète symbiose à distance tout comme ils peuvent se dédoubler (Pythagore présent dans deux villes différentes). Une vertu qu'il voyait à l'œuvre chez les philosophes guérisseurs pré-socratiques comme Parménide.
On peut certes réduire le propos de Montaigne à des futilités, mais on ne peut nier que la référence qu'il mobilise implique un programme "fort" : la négation pure et simple de l'individualité et de la solitude par la force de l'esprit. Ce n'est pas rien.