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Les mandéens
On les a appelés mandéens ou mandaïtes, ils sont disciples de Saint Jean Baptiste. Il n'en resterait que 65 000 dans le monde. Beaucoup vivaient en Irak mais n'y ont plus leur place depuis la chute de Saddam Hussein.
Leur persécution fait penser à celle des Yézidis. Il y a peu (le 22 février) une yézide m'expliquait par mail :
"I know Sabians of course, they are amazing nation, i have some friends of them, they are very peaceful people.
They and Yazidis are the oldest people in Iraq with history 7000-8000 years.
I am in love with their ideologie, they believe in power of Nature."
Clément Huart (1854-1926) dans un compte rendu de mission de Jacques de Morgan de 1889-1991 publié en 1904 écrivait :
La nudité des quakers
J'ai parlé dans mon livre "La nudité, pratiques et signification" de la nudité des Ranters qui était une secte radicale libertarienne de la période de la guerre civile anglaise (et qui,à certains égards me fait penser au quintinisme). Mais j'aurais pu citer aussi celles de certaines quakers.
L'historienne Diana Rapaport a récemment (en 2007) ressuscité le souvenir de Lydia Wardwell, la quaker qui, forcée par le gouverneur de Nouvelle Endicott du Massachusetts à assister aux offices puritains, se rendit totalement nue à la "meeting house" de Newbury au printemps 1663 malgré la froidure pour témoigner de la nudité des sermons du prédicateur (voir aussi la Revue d'Histoire moderne de l'année 1934, p. 118). Il y eut aussi Deborah B. Wilson, quelque temps après, décrite comme "une jeune femme d'une vie très modeste et retirée, et d'une conversation sobre" qui se dévêtit dans les rues de Salem au nom du Seigneur. L'une et l'autre le payèrent de coups de fouets en public (pour Lydia Wardwell ce fut à Ipswich, tout comme son mari, elle déménagea dans le New Jersey ensuite). Cette dénudation rituelle est une application à la lettre d'un précepte d'Esaïe (Isa. 20:2-4).
"2.l'Eternel avait parlé par l’intermédiaire d’Esaïe, le fils d'Amots. Il lui avait dit : « Va, détache le sac qui est autour de ta taille et retire les sandales qui sont à tes pieds. » C’est ce qu’il fit : il marcha sans habits et pieds nus.
3 L'Eternel dit alors : « Mon serviteur Esaïe a marché sans habits et pieds nus pendant trois ans. C’était un signe et un présage contre l'Egypte et contre l'Ethiopie :
4 de la même manière, le roi d'Assyrie emmènera les déportés égyptiens et les exilés éthiopiens, les jeunes garçons comme les vieillards, sans habits, pieds nus et l’arrière découvert. Ce sera une source de honte pour l'Egypte."
Ces provocations étaient du même ordre que celle du quaker James Nayler (1618-1660) arrivant à Bristol en Angleterre en 1656 sur un âne à l'instar de Jésus-Christ, ses admirateurs criant "saint saint saint" qui eut pour la peine la langue percée, les oreilles coupées et un B au fer rouge marqué sur le front.
"Toutes les extravagances dont certains des premiers Quakers furent indubitablement coupables, malgré la désapprobation officielle de la secte, étaient, comme pour les Puritains, le résultat d'une interprétation sur-littérale de leurs Bibles" écrit la spécialiste Amelia Mott Gummere.
"La passion des symboles et figures renouvelées d'Isaïe et d'Ezéchiel était si violente chez les premiers quakers, lit on à l'article "Quakers" du Grand dictionnaire du XIXe siècle p. 489, que [George] Fox écrivait : 'Plusieurs ont été poussés par le ciel à aller nus par les rues et sous ce règne, en signe de la nudité des hommes du jour, et ils ont déclaré à leur face que Dieu les dépouillerait de leurs dehors hypocrites, pour les laisser aussi nus qu'eux-mêmes ; mais les hommes du jour, au lieu de tenir compte des avertissements des prophètes, les ont fréquemment fouettés ou accablés d'autres outrages'"
Des nouvelles du livre "La nudité"
"La nudité pratiques et significations" a reçu, lors de sa publication, des commentaires contrastés. Une maître de conf en anthropologie l'avait étrillé en lui reprochant d'être trop partiel. D'autres recensions académiques avaient été plus clémentes, mais Parutions.com avait été hostile aussi et le livre a eu surtout du succès, au début, auprès des bloggeurs comme Lili Castille ou un chroniqueur du Mague, et des journalistes.
Aujourd'hui, grâce à ce livre, mon nom est cité dans des journaux du bout du monde : La Nacion (journal argentin - un journal colombien m'avait aussi cité en 2014 mais sans le titre du livre) le 2 février dernier, ou La Prospérité (République démocratique du Congo), le 20 février.
Mais je suis surtout touché par son succès auprès des Internautes, alors que l'éditeur ne cherche guère à le faire connaître. Sa diffusion repose principalement sur ce bouche à oreille. Ainsi un groupe a été constitué autour du livre sur Facebook, qui compte plus de 500 membres. Et récemment je tombais sur ces commentaires très touchant sur Priceminister.com :
par jacksonrcsb le 28/02/2012
Belle étude que nous propose là, Christophe Colera. Très documentée, sans prosélytisme elle retrace le rapport des société à la nudité à travers les ages et les différentes civilisations.
* * * * * Bien documenté et passionnant, tout simplement!
Ce n'est pas tous les jours que l'on reçoit 5 étoiles pour ce que l'on fait.... J'apprécie que les commentateurs soulignent ma neutralité et le refus de faire du prosélytisme. Un des buts du livre était en effet d'arriver à traiter le thème sur un mode qui ne soit ni hostile ni apologétique. Depuis 9 ans, ce soutien des lecteurs m'aura été précieux.
La nudité chez les Yézidis
Joachim Menant en 1892 évoquait (p. 135 ici) cette anecdote relatée par l'archéologue anglais Austen Henry Layard, dont il fut témoin à son arrivée au sanctuaire yézidi de Lalish (au nord de la Mésopotamie) qui revêt une couleur très particulière dans le contexte actuel où les forces de sécurité irakiennes viennent d'arrêter deux esclavagistes de Daech à Mossoul.
En se promenant tout autour des habitations, Layard aperçut des femmes occupées à faire leurs ablutions dans le principal torrent, pour se préparer à la fête du lendemain ; car personne ne peut entrer dans la vallée de Sheikh-Adi sans avoir purifié son corps et ses vêtements. Pour se purifier, les femmes faisaient leurs ablutions dans un état de nudité complet, sans se préoccuper des personnes qui pouvaient les voir. Il importe de noter que les hommes, de l'autre côté de la colline, se livraient aux mêmes ablutions, loin des regards des femmes. Quoi qu'il en soit, cette coutume, à laquelle les femmes s'abandonnent avec la plus sincère naïveté, n'a pas peu contribué à accréditer le fâcheux renom qu'on prête aux mystères de leur culte. En général, cette pratique a lieu toutes les fois qu'on se prépare à une cérémonie sacrée ; elle est donc assez fréquente, et les Nestoriens n'y font aucune attention ; mais il n'en est pas ainsi des Musulmans, si jaloux de leurs femmes. Aussi Mohammed-Pacha, qui, dans une autre circonstance, fut témoin avec Layard d'une de ces cérémonies, s'écria plein d'indignation que ces femmes étaient sans pudeur, les hommes sans religion et les chevaux sans frein ! Il trouvait que ces mécréants étaient plus sales que les Arabes et valaient moins que les bêtes des champs.
La journaliste yézidie Nareen Shammo que j'ai interrogée à ce sujet m'a répondu que Layard faisait peut-être référence à la fontaine sacrée de Kania Spi (Kaniya Spî - source blanche) à Lalish où les femmes encore de nos jours lavent leurs bébés avant la première visite au sanctuaire. Mais en fait Layard parle d'une rivière aux abords de Lalish et non d'une source sous le temple comme Kaniya Spi.
Mandéisme (suite)
Il semble que ce soient les pères de l'Eglise qui aient développé la thèse des origines juives du mandéisme.
Elkasaï ("Force cachée") personnage individuel ou pseudonyme d'un groupe, qualifié de "parthe" par Hippolyte de Rome cent ans plus tard, juif selon Epiphane de Salamine, aurait proclamé la force du baptême en l'an 3 du règne de Trajan (en 100) et reçoit son Apocalypse en 114 lors de la conquête romaine de la Parthie. GRS Mead a écrit sur le livre d'Elxai.
L'organe antisémite France d'hier et de demain du 15 avril 1911 p.4 parle de Maimonide " né à Bassorah, en Mésopotamie, c'est-à-dire près du pays de ces Mandaïtes judaïsés qui furent, au IIIe siècle, les pères du Manichéisme et qui sont de vieilles connaissances pour nos lecteur ". Le problème est que Maïmonide est né à Cordoue et non Bassorah et les mandaïtes sont dans la plaine de Ninive....
Son alter ego La Bastille p. 4 du 17 juillet 1909 publiait un article de Louis Dasté sur les mandaïtes dans la série "la franc-maçonnerie est-elle d'origine juive ?" "Le Mandaïsme, la greffe juive entée par Manès" (1).
Mais cette origine juive est démentie par Alfred Loisy en 1934, dans "Le mandaïsme et les origines chrétiennes" (eds Emile Nourry),qui soulignait que l'image de l'homme sauveur qui apporte la lumière incarnée par Jean Baptiste venait du zoroastrisme iranien.
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(1) Article de Louis Dasté :
Nous avons parlé la semaine dernière du Mithriacisme, qui fut l'arbre sur lequel Manès enta une greffe juive. Aujourd'hui nous parlerons de cette greffe juive : le Mandaïsme.
Déjà en 1844, M. Matter, dans son Histoire critique du Gnosticisme, pressentait le grand rôle qu'avait dû jouer le Mandaisme dans le passé :
Les Mandaïtes (écrivait-il), auxquels on donne aussi les noms de Nazaréens, de Sabiens et d'Hémérobaptistes sont peut-être ceux des théosophes de l'Orient qui méritent le plus de recherches spéciales. (Matter, Hist., t. III, p. 114, 115.)
Et il ajoutait plus loin :
Il est un fait curieux à signaler dans l'histoire du Mandaisme et du Gnosticisme, c'est que le premier s'est attaché à l'Orient et y est demeuré confiné comme il l'est encore tandis que le Gnosticisme s'est constamment dirigé vers l'Occident : que tous les chefs de ses écoles se sont portés vers Rome, l'Espagne ou la Gaule. On dirait que les chefs des deux systèmes s'étaient entendus pour se partager le monde connu. (Matter, III, p. 207.)
M. Matter eut là une remarquable intuition. Si en effet les chefs des écoles gnostiques furent les Juifs de Gnose que nous avons montrés à l'oeuvre, — les fondateurs du Mandaisme, nous allons le voir, furent eux aussi des Juifs ! Et après que la Gnose eut couvert l'Occident de ses hérésies, Manès (le Juif Manès, ont dit à Simonini les Juifs italiens !) va faire du Mandaïsme une religion conquérante qui s'étendra, vers l'Orient avant d'envahir tout Je monde connu. Mais les chefs des deux systèmes, la Gnose et le Mandaïsme-Manichéïsme, qui chacun à son tour et durant des siècles agitèrent l'univers, s'étaient d'autant mieux entendus qu'on réalité ils n'avaient tous qu'une seule et même tête : la Kabbale juive.
C'est au sud de la Babylonie (où la Kabbale juive était née, cinq siècles auparavant, de la. pénétration du Judaïsme par les idées et les traditions chaldéennes, assyriennes, etc.) que naquit aussi le Mandaisme au Ier siècle de notre ère.
Bans ce pays de Characène (ou Saracène, d'où : les Sarrasins) qui fut l'un des plus beaux jardins de la terre grâce à d'admirables canaux, il n'y a. plus que dos marais malsains où végétaient encore en 1881 quatre mille Mandaïtes. Us ont conservé avec une étonnante persistance leurs antiques traditions où se mêlent, avec les vieilles cosniogonies et astrologies cJialdéennes,
des récits juifs implantés là pendant la captivité de Babylone ou à l'époque de la composition du Talmud. (M. Babelon, Les Mandaïtes extr. des Annal, de Philosoph. chrétienne, Paris, 1881, p. 20.)
Le nom de ces sectaires vient de
....Manda ..., expression essentiellement sémitique qui signifie Science, Gnose, de sorte qu'au point: de vue étymologique Mandaïte est l'équivalent de Gnostiques. Quant aux doctrines religieuses, il n'en est pus tout à fait de mémo, bien qu'un grand nombre des croyances de la Gnose se rencontre également dans les livres des Mandaites. — On désigne aussi les Mandaïtes sous le nom de Nazaréens qu'on retrouve assez fréquemment employé dans leurs livrs ; ce qualificatif a été appliqué aux Mandaïtes parce que saint Jean-Baptiste, dont ils ont fait le chef spirituel de leur secte, était de Nazareth en Galilée. (M. Babelon......p. 10.)
..... (Tandis que) l'astronomie, les sciences physiques et médicales du Talmud étaient empruntées aux livres chaldéens, des emprunts analogues ont été faits par les Mandaïtes à la Bible, au Talmud, aux doctrines de la Kabbale juive. (M. Babelon, p. 27.)
On voit dès lors qu'on a raison d'attribuer au Manichéisme une origine juive, s'il est issu du Mandaïsme fabriqué lui même avec des emprunts faits au Talmud et à la Kabbale jinve. Mais voici des précisions bien plus grandes.
La langue dans laquelle sont écrits les livres des Mandaïtes est un dialecte araméen fort apparenté au syriaque, mais singulièrement corrompu. (M. Babelon , p, 20.)
Remarquons que l'araméen était la langue parlée en Judée au temps du Christ, alors que
saint Jean-Baptiste est le prophète de la religion des Mandaïtes : ils le regardent comme le médiateur entre Dieu et les hommes. (M. Babolon , p. 27.)
Mais qui donc opposa aux fidèles du Christ cette secte des Mandaïtes pour laquelle le ATai Christ était celui qui ne fut en réalité que son précurseur ? — Un Juif Kabbaliste nommé Elhasaï ou Elxaï, celui-là même que le Juif d'Institut Franck, dans son livre sur la Kabbale, nous a présenté comme un partisan de la thèse Kabbaliste qui voit dans le Saint-Esprit un être féminin :
Vers la fin du 1er siècle de notre ère,... il surgit chez les populations dos environs de Bassora qui formaient le royaume de Mésène et de Characène, une sortie d'homme inspiré, de réformateur religieux du nom d'Elhasaï. Ce personnage, originaire du nord-est de la Perse ... et initié à. la fois aux dogmes chrétiens et aux doctrines sabiennes (ou chaldéennes) qui remplissaient l'Orient à cette époque, paraît, être le véritable apôtre historique des Mandaïtes. C'est du moins l'opinion de M. Chwolsohn qui croit avoir démontré que les sectaires appelés par les Pères de l'Église d'Orient les Elhasahites ne sont autres que les Mandaïtes... M. Renan a suivi l'opinion de Chwolsohm et admis l'identité des Elhasahites et des Mandaïtes. (Renan, Jiisl. des Langues sémiliq., p. 251.) (M. Babelon , p. 21.)
M. Babelon écrit encore :
...La secte dont nous étudions les croyances regardait saint Jean-Baptiste comme son fondateur et son chef spirituel. Ce fut sans doute Elhasaï qui répandit chez les Mandaites le culte de saint Jean. (M. Babelon , p. 52.)
Mais n'ayons garde, d'oublier qu'Elhasaï, le singulier apôtre des Mandaïtes, était un Juif Kabbaliste et gnostique, au dire de Franck, Juif d'Institut. Et n'oublions pas non plus que les Mandaïtes étaient eux-mêmes un mélange de Chaldéens et de Juifs qui vivaient dans un pays colonisé par les Juifs à plusieurs reprises.
Or, au Juif de Perse Elhasaï — qui joua dans le manichéïsme ou Mandaïsme le même rôle de précurseur qu'avait joué dans la Gnose le Juif Simon le Mage — a précisément succédé Manès, né lui aussi en Perse: LE JUIF MANÈS, ont dit à Simonini les Juifs italiens, nous ne saurions trop le répéter ! Et le Juif de Perse Manès fut pour le Manichéisme (hérésie destinée à mordre sur l'Orient persan et dualiste !) ce que le Juif d'Egypte Valentin avait été pour la Gnose (hérésie destinée à mordre sur l'Occident pénétré des mysticismes isiaque et éleusinien) !
Cent ans environ après l'apparition d'Elhasaï, naquit Manès, de parents mandaïtes, et élevé dans les croyances mandaïtes jusqu'à l'âge de 24 ans, époque où il conçut l'idée de fonder lui-même une religion. Faut-il s'étonner que le Manichéisme contienne tant de croyances grossières, si son point de départ se trouve dans les Livres Mandaïtes ! (M. Babelon , p. 22.)
Faut-il s'étonner davantage que les Juifs italiens aient pu dire au commencement du XIXe siècle à Simonini que Manès était de leur race, alors que tant de recoupements nous font trouver le Juif dans le Mandaïsme, source du Manichéisme, comme dans la Gnose ?"
Jésus est-il né en 100 av JC ?
GRS Mead (1863-1933) fut un membre de la Société de théosophie en Angleterre. Il publia en 1903 une étude, "Did Jesus Live 100 B.C.?: An Enquiry Into the Talmud Jesus Stories, the Toldoth Jeschu, and Some Curious Statements of Epiphanius--Being a Contribution to the Study of Christian Origins " qui réunissait tous les arguments pour prouver que Jésus fut un rabbin qui vivait sous le règne de Jannai en 100 av. JC et non sous la tutelle impériale d'Auguste autour de l'an 0. Il utilise pour cela divers écrits talmudiques, dont le Toledot Yeshu mais pas seulement et aussi les écrits anti-hérétiques de l'évêque Epiphane de Salamine (v. 315-403 qui était né juif et connaissait bien les traditions talmudiques). Selon ces écrits Jésus serait le fils illégitime d'un légionnaire des troupes romaines de Grèce (avant même les guerres de Pompée), qui aurait volé en Egypte (en les écrivant sur son bras) des formules secrètes qui lui permettaient de se proclamer messie en accomplissant des miracles comme guérir le malades ou marcher sur l'eau, ce qui lui aurait valu d'être exécuté. Il aurait trouvé au Ier siècle av JC des disciples en Galilée et dans des communautés de mystiques thérapeutes en rupture avec les sacrifices sanglants des prêtres de Jérusalem, des groupes qu'on a pu appeler nazoréens, assimilés aux esséniens ou aux disciples de Jean-Baptiste qui pratiquaient la purification quotidienne par l'eau, autant de traditions judéo-chrétiennes mêlées à la Gnose que Paul de Tarse connaissait bien et combattit au Ier siècle ap JC.
GRS Mead écrit, dit-il, pour permettre aux chrétiens et aux juifs de se respecter davantage mutuellement. Il estime que le christianisme, s'il repose sur des falsifications de faits tout comme la tradition talmudique, doit être compris au niveau gnostique métaphorique. Jésus est l'époux de la Sophia divine qui est le Saint Esprit, comme messie il est appelé à renaître plusieurs fois en chacun de nous. Marthe, Marie et Lazare comme leurs noms même l'indiquent sont des allégories de cette résurrection possible. Il s'appuie encore sur Epiphane de Salamine pour rappeler que la fête de Noel, date de l'entrée de Jésus dans le monde par la chair, fut choisie pour coincider avec le solstice, c'est à dire les Saturnalia romaines, les Kronia d'Alexandrie et leur équivalent égyptien du même jour, au cours desquelles les chorê (jeunes filles) célèbrent celui qui naîtra de la Vierge (tout comme les Arabes nabathéens) tandis que l'épiphanie serait, au niveau gnostique, l'image de sa naissance par l'esprit.
Joseph Glanvill, défenseur de Descartes, et des témoignages sur la sorcellerie
Le protestant Balthasar Bekker (1634-1698), docteur en théologie et pasteur, partisan de Descartes, publie en français à Amsterdam (eds Pierre Rotterdam) en 1694 "Le monde enchanté" A propos d'un ensorcellement de 1670 il y expose tome 4 p. 576 et suiv (chap XIX) :
"L'on a fait grand bruit depuis vingt deux ou vingt trois ans, d'un ensorcellement inouï, qui fut en Suède , au village de Mohra , dans la Province d'Elfdalen, où les sorcières transportaient plusieurs enfants dans un lieu inconnu, qu'ils appelaient Blocula. Le bruit et les plaintes que l'on en fit, allèrent si loin » que le Roi fut obligé d'y envoyer des Commissaires, pour, avec les juges & les prêtres du lieu, établir un Tribunal- lesquels condamnèrent plus de septante personnes comme Sorcières , & quinze enfants qui s'y trouvèrent enveloppés, sans compter cinquante six autres. que l'on punit plus doucement, & quarante sept, que l'on laissa jusques à un nouvel examen. Le fameux Anglais, Joseph Glanvill, fait bien du bruit de cette affaire, jusques là, qu'il en a fait un extrait du Protocole du Roi, qu'il a mis à la fin de son Sadducismus triumphatus comme une preuve incontestable, à son avis, de la véritable Magie Diabolique. Mais je m'en vais en faire voir la vanité, & la fausseté notoire des confessions sur lesquelles ces pauvres malheureux ont été brûlés. L'on imprima dans la même année à la Haye, une pareille relation en Flamand, sur laquelle je m'arrêterai. Mais comme je serais trop long, si je voulais la mettre ici toute entière & y ajouter mes remarques, je n'en tirerai que le principal, & je ferai voir par les mêmes termes de la relation, tirés de différents endroits, que toute cette affaire n'était que pure imposture , & que les Dénonciateurs, les Sorciers, & les Juges mêmes, étaient ensorcelés.
§••2. L'abrégé de cette relation est donc qu'il y a un certain lieu appelé Blokula, qui n'est connu que des Sorciers & qui est le lieu où le Diable les emporte lequel après qu'ils l'ont invoqué par trois fois à l'entrée d'un antre, en disant 'Antesser, viens & nous porte à Blocula, leur apparait sous différentes formes , mais la plupart du temps en juste-au-corps, gris, en chausses rouges & en bas bleus , avec une barbe rousse, un chapeau pointu , des rubans bigarrés tout autour, & de longs rubans à ses chausses'. Il les porte donc à travers de l'air, mais il faut qu'ils aient quelques enfants soit des leurs, ou de quelqu'autre qu'ils aient dérobés & cette heure beaucoup plus qu'autrefois ,car il en faut jusques à quinze ou seize , & cela toutes les nuits qu'ils vont au Sabbat. Ils montent sur toutes sortes de bestiaux, mais particulièrement sur des chèvres, Ils se servent même pour cet usage d'hommes, de bâtons & de piques , seIon que cela leur échet Quand ils sont,arrivés à Blocula, l'on fait un festin. Les Sorciers se mettent à table, mais les enfants se tiennent debout contre la muraille.
§ 3. Voici les propres termes de la relation. 'La première chose qu'il faut qu'ils fassent à Blocula, c'est, qu'ils renient tout ce qu'ils ont de plus saint , qu'ils le donnent au Diable en corps en âme , & qu'ils ratifient ce don par serment', (je ne sais par quel Dieu ils jurent) (...) § 7 Que si ces échantillons ne suffisent pas, pour faire voir que toute cette affaire de Blocula n'est qu'une méchante sottise, considérez, je vous prie, ce qui s'ensuit." Et il continue de détailler les absurdités du récit de Glanvill (Glanvill dont on a évoqué précédemment la mémoire et le livre de 1681 à propos de Wesley).
Glanvill, on le voit dans cet exemple, a donné du fil à retordre à ses contemporains. Il a assez d'autorité intellectuelle pour susciter les controverses, et cependant (Wesley lui-même le lui reprochera), il accorde trop de crédit aux témoignages des gens simples (quoique sur les sorciers le témoignage en rejoigne beaucoup de remarques de Carlo Ginzburg dans "Le sabbat des sorcières").
"Le mysticisme, la théurgie, l'hermétique, la magie, la kabale se sont dans plus d'un esprit supérieur confondus avec la sagesse. Depuis les Alexandrins, ces illusions ne se sont jamais peut-être emparées d'un esprit plus sain et plus vigoureux que celui de Joseph Glanvill" allait dire de lui Charles de Rémusat au XIXe siècle (Histoire de la philosophie en Angleterre t2 : p. 187 et suiv) "c'était un écrivain plein de verve et d'esprit, continue-t-il, et il promettait à la vérité un utile et brillant athlète. Malheureusement, il ne tarda pas à compromettre sa cause; son premier ouvrage avait paru depuis peu, que dans sa Scepsis scientifica qui n'en est guère que la paraphrase, il donnait déjà le scandale d'un scepticisme qui admet la possibilité de la sorcellerie, et il confirmait aussitôt celte rêverie avec un grand appareil de preuves dans un traité spécial.C'est un point dont il n'a jamais douté". Il s'agit du traité "A Blow at modern Saduccesims in Some philosophical considerations touching the beings of Witches and Witchcraft" de 1666. "Il n'est pas le seul de ses contemporains que le spiritualisme entraînât au spiritisme" ajoute Rémusat qui précise que Glanvill était un admirateur et disciple de Descartes comme Bekker : il voyait en lui un chantre du pouvoir de l'esprit, du scepticisme et du spiritualisme. Glanvill était une illustration grandiose de la possibilité de concilier défense de la science et de la philosophie et adhésion aux témoignages sur la sorcellerie.
Edgar Poe allait citer Glanvill dans "Les plus beaux contes" traduit par Baudelaire.
En Amérique Cotton Mather, savant théologien né à Boston en 1663 allait suivre les pas de Glanvill dans un traité "Wonders of the Invisible World" ("Les Merveilles du monde invisible, tirées de l'analyse des procès de différents sorciers, exécutés récemment dans la Nouvelle Angleterre), sur la chasse aux sorcières de Salem, publié par ordre du gouverneur du Massachussetts et réimprimé à Londres en 1693. Sur le "champ" de discussion dans lequel s'insère le débat sur les sorciers, voir la page Wikipedia ici.
Ce que personnellement je trouve très intéressant chez Glanvill comme chez Wesley, c'est qu'il voit dans l'adhésion au témoignage des personnes victimes de sorcellerie un argument décisif contre l'athéisme. Dans sa préface au "A blow to modern saducceism" il écrit "I appear thus much concerned for the justification of the belief of Witches, it suggesting palpable, en current evidence of our Immortality, which I am exceedingly solicitous to have made good".
Le Psaume 91
J'ai entendu il y a peu le rav Ron Chaya affirmer qu'un escadron d'infanterie anglais (121e) qui avait récité le Psaume 91 tous les jours pendant toute la première guerre mondiale n'a eu aucun mort dans ses effectifs.
Craig A. Evans l'expose dans Jésus et le Psaume 91 à la lumière des manuscrits d’exorcisme (publié dans Celebrating the Dead Sea Scrolls: A Canadian Contribution, dirigé par Peter W. Flint, Jean Duhaime, and Kyung S. Baek. Early Judaism and Its Literature 30.Atlanta: Society of Biblical Literature) : la découverte, à Qumrân, du Psaume 91 combinée à trois psaumes d’exorcisme extracanoniques dans 11QapocrPs (11Q11) a fourni la preuve évidente que ce psaume était apparemment compris, à l’époque de Jésus, comme un texte qui fournissait l’assurance de la protection divine contre les puissances démoniaques.
Rachi de Troyes attribue ce psaume à Moïse. La version grecque l'a attribué à David.
La version du Targum rajoute des mots plus explicitement démoniaques que la version de nos bibles. v. 5 : "terreur de la nuit" est traduit par "terreur des démons qui marchent la nuit", à midi "ange de la mort qui tire la flèche à midi" "aucune peste" est suivi par "ou démon", au verset 10. Le commentaire de Rachi qu'on peut lire ici est tout aussi clair.
Au verset 9 il y a une référence à Salomon qui parle (car c'est une enseignement de David à Salomon).
Il s'agissait d'une tradition sur Salomon comme guérisseur-exorciste (déjà connue par Josèphe, transposée dans le traité de démonologie du Testament de Salomon au 1er siècle dans les cercles juifs, puis enrichi par les chrétiens - publié en français récemment par l'ingénieur Jean-Pascal Ruggiu de l'Ordre hermétique de l'Aube dorée, occultiste à l'écoute des "extraterrestres").
Josèphe le raconte ainsi : « Cet admirable roi composa cinq mille livres de cantiques et de vers (2), et trois mille livres de paraboles, à commencer depuis l'hysope jusques au cèdre, et à continuer par tous les animaux, tant oiseaux que poissons et ceux qui marchent sur la terre. Car Dieu lui avait donné une parfaite connaissance de leur nature et de leurs propriétés dont il écrivit un livre ; et il employait cette connaissance à composer pour l'utilité des hommes divers remèdes, entre lesquels il y en avait qui avaient même la force de chasser les démons sans qu'ils, osassent jamais revenir. Cette manière de les chasser est encore en grand usage parmi ceux de notre nation ; et j'ai vu un juif nommé Eléazar qui, en présence de l'empereur Vespasien, de ses fils et de plusieurs de ses capitaines et soldats, délivra divers possédés. Il attachait au nez du possédé un anneau, dans lequel était enchassée une racine dont Salomon se servait à cet usage : et aussitôt que le démon l'avait sentie, il jetait le malade par terre et l'abandonnait. Il récitait ensuite les mêmes paroles que Salomon avait laissées par écrit, et en faisant mention de ce Prince, défendait au démon de revenir. Mais pour faire encore mieux voir l'effet de ses conjurations, il emplit une cruche d'eau, et commanda au démon de la jeter par terre pour faire connaître par ce signe qu'il avait abandonné le possédé ; et le démon obéit. J'ai cru devoir rapporter cette histoire afin que personne ne puisse douter de la science tout extraordinaire que Dieu avait donnée à Salomon par une grâce particulière. » Antiquités Judaïques VIII, II Trad. Arnaud. P. 1700 in-4° I, 304-305.
A tel point qu'à l'époque d'Ezechias il fallut détruire une livre de Salomon parce qu'on guérissait et exorcisait au nom de Salomon et non plus de Dieu. Le Coran parle aussi du Salomon exorciste qui possède un anneau magique et parle le langage des oiseaux (ce qui est peut-être à rapprocher du fait selon nous que le Psaume 91 parle de l'oiseleur, car le Coran puise à des sources proche-orientales très anciennes, mais peut-être parce que le Coran se méprend sur le fait que l'oiseleur est en fait le démon et non Salomon).
"Dans nombre de légendes chrétiennes Salomon est devenu un personnage fabuleux qui n'a plus grand chose de commun avec le héros palestinien. Ce n'est plus guère qu'un homme habile à poser ou solutionner des énigmes ou un donneur de bons conseils. Parfois même sa sagesse y est tournée en ridicule (1). Mais d'autre part nous voyons persister la tradition indiscontinue et sans doute souvent rafraîchie aux sources juives ou musulmanes d'un Salomon dominateur des génies et possesseur de maints secrets magiques. SaintJustin lui attribue l'application des exorcismes à la guérison des maladies (2): Au IVe siècle on montrait au pèlerin de Bordeaux à Jérusalem une crypte dans laquelle Salomon torturait les démons (3). En 494 un décret du pape Gélase range parmi les apocryphes un livret d'exorcismes attribué à Salomon et intitulé Conlradictio ou Interdictio Salomonis. Il fallait donc qu'il fut employé par certains chrétiens au Ve siècle. Procope de Gaza dit qu'il est très vraisemblable que les auteurs qui ont écrit sur la médecine ont fait de grands emprunts aux livres de Salomon sur les bois, sur la nature et la vertu des plantes, des arbres, des pierres et des animaux (4). D'autres auteurs grecs s'expriment de même. Dans un sermon In mediam Pentecostem, Léonce de Constantinople (5) affirme la puissance de Salomon sur les démons, c'est pour lui une chose indubitable. Vers la fin du XIIe siècle Nicétas Choniatès parle dans ses Annales d'Aaron Isaac, interprête auprès de l'empereur Manuel Commène et magicien réputé comme étant possesseur du Livre de Salomon grâce auquel il faisait venir des légions de démons et les contraignait à exécuter ses ordres. Le chrétien ne met pas en doute le pouvoir du juif. Gregentius, archevêque de Tephra, raconte que Salomon enferma les démons dans un vase qu'il cacheta et qu'il
(1) Cf. Certaines légendes chrétiennes de l'Uchraine dans Rev. des Trad. Popul., II, 510-524 et beaucoup d'autres, voir : LYDIA SCHISHMANOFF, Légendes Religieuses Bulgares, Paris, 1896, in-12, p. 78-87.(2) Ad Orthodoxos Quaest, 55. (3) TOBLER, Palestinae descriptiones, Saint-Gall, 1869, p. 3. (4) Ad. III, Reg. IV, 33. (5) COMBÉFIS, Auctuarium novum, 1, 724 cf. FABRICIUS, Codex pseudèpigraphus veteris Testamenti, Hambourg, 1713, in-8°, p. 1036-1037.
couvrit de terre (1). Michel Glycas (2) dit que Salomon composa des écrits sur les pierres précieuses, expliquant d'où provenait leur couleur, de quelle façon elles se formaient et à quels usages elles pouvaient servir. Il signale celle qui est gardienne de la chasteté, celle qui sert de remède aux inflammations de la fièvre, et celle qui chasse les esprits malins. Il écrivit aussi un livre Sur les génies, expliquant par quel pacte on peut les faire sortir du monde invisible, et sous quelle forme ils apparaissent. Il signala leur nature et leurs propriétés, disant par quelle conjuration on les enchaîne et comment on les réduit, en servitude en certains lieux (3). Vers le milieu du XIVe siècle. Innocent VI aurait condamné au feu un gros livre divisé en sept parties et intitulé le Livre de Salomon. Parmi les Byzantins, Zonare et Léon le Grammairien parlent aussi des ouvrages et des pouvoirs magiques de Salomon (4). Ce livre rempli d'invocations et de pratiques coupables destinées à soumettre les démons (5) était évidemment d'origine juive mais avait -sans doute séduit bien des chrétiens.
Qu'était-ce Livre de Salomon condamné par Innocent VI et cette Contradiction déclarée, apocryphe par le pape Gélase. ? Nous n'en savons rien. Mais vraisemblablement il s'agissait bien là de livrets d'exorcismes magiques emplis de sottises et de superstitions"
(1) BRUNET, Dict. des Apocryphes, II, 812. (2) fin du XIIe s. (3) MICHEL GLYCAS, Annales. Boun. 1835. in-8°, p. 182-183. (4) ZONARE. Hist., Liv. II, ch. VIII : LÉON LE GRAMMAIRIEN, Chronographie, Bonn, 1836, in-8°, p. 32. ' (5) NICOLAS EYMERIC, Direct or Inquisitor, Part. II. quaest 28. (6) NAUDÉ, Apologie pour tous les grands hommes accusés de magie P. 1009 in-16 p. 431, 432."
écrit Pierre Saintyves (1870-1935), président de la Société du folklore français - qui traite avec le même mépris le Testament de Salomon qui à son époque n'existe plus qu'à la BNF - dans "Salomon son pouvoir et ses livres magiques" in Revue des Traditions populaires de septembre 1913 (A28,T28,N9) p. 410-425.
Enfin remarquons que dans v. 7 les “mille” et "dix mille" sont des démons. Les psaumes Targum le suggèrent, ainsi que la tradition rabbinique (Midr. Pss. 91.4 [on Ps 91:7]). Rachi de Troyes à propos des démons dit que chacun d'entre nous en a mille sur sa gauche et une dizaine de milliers sur sa droite (dans la vidéo en minute 1'38 le rav Ron Chaya cite ça 3'11), c'est aussi dans la Gemara (video minute 39).
Il est très étrange que dans Matthieu 4:6 le démon cite le Psaume 91 (versets 11-12).
Rabbi Shimon bar Yochai (2e siècle ap JC) affirmait que ce psaume comprenait tous les noms divins qui enlèvent les démons du chemin et tous ceux qui viennent accuser le fidèle dans les cieux (voir enseignement du Rav Touitou ici minute 38). C'est le tehilim fait pour les morts.
Dans "Moeurs et Pratiques des démons", Gougenot des Mousseaux (cité dans Du surnaturel. tome 2 / par le Cte Agénor de Gasparin Gasparin (1810-1871) p. 364) La parole âpre (qui était à l'époque la traduction de "la peste meurtrière), c'est le sort jeté par des paroles. La flèche volante, ce sont les fées La terreur nocturne et les dangers du milieu du jour, c'est la reconnaissance expresse de la sorcellerie, des fantômes, des différents relais préparés par les démons, "ces admirables chasseurs qui nous poursuivent et nous assiègent"...