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"Le Sexe, l'Homme et l'Evolution" de Pascal Picq et Philippe Brenot

15 Juillet 2009 , Rédigé par CC

Ayant développé dans mon livre sur la nudité une approche évolutionniste de l'anatomie et de la psychologie humaines, je ne pouvais éviter de faire une recension pour Parutions.com du dernier livre Pascal Picq (paléoanthropologue au Collège de France) et  Philippe Brenot (psychiatre et directeur d'enseignement en sexologie).

"Ce livre n'est ni un traité, ni une encyclopédie du sexe ; il a la seule prétention d'éclairer la question de l'origine et de l'évolution de la sexualité humaine" avertissent les auteurs au début de l'ouvrage. Le livre est en effet loin des sommes universitaires, c'est avant tout une présentation très limpides de ce qui dans la sexualité animale permet de comprendre la sexualité humaine puis des facteurs de l'évolution qui en expliquent les particularités actuelles.

C'est un ouvrage pédagogique, qui ne laisse, au fil de ses développements, aucun concept dans l'ombre, des plus accessoires (anisogamie,*), aux plus essentiels (l'exogamie, l'uxolocalité, la compétition intersexuelle et intrasexuelle).

Il rappelle que la reproduction sexuée n'est pas la seule reproduction possible dans l'ordre du vivant, coûteuse (ne serait-ce que du fait qu'elle suppose l'existence de mâles) et même violente (p. 22), elle présente des avantages mais aussi beaucoup d'inconvénients. Quant aux orientations sexuelles "naturelles" de notre espèce, on ne peut la déduire des caractéristiques des différentes espèces multicellulaires qui habitent notre planète tant la diversité de leurs pratiques est grande, ni même de l'étude des singes chez lesquels l'on rencontre tout à la fois des couples fidèles et des pratiques de polyandrie ou de poligynie (les harems) avec une infinité de nuances dans les stratégies adoptées par les mâles et les femelles.

Tout au plus peut-on reconstituer les moeurs sexuelles de nos ancêtres à partir de la manière dont l'évolution a façonné notre morphologie. Du fait que les hommes sont en moyenne de plus haute stature que les femmes, on peut ainsi déduire**

Le livre de Picq et Brenot règle le compte de ce qu'ils considèrent comme des idées reçues, des plus anciennes aux plus récentes.

Ainsi démontre-t-il sans peine que la vie de harem est l'antithèse d'un paradis, tant la compétition entre les mâles pour le contrôle des femelles leur mine l'existence, surtout dans les harems où les femelles ne choisissent pas leurs protecteurs comme chez les gorilles (elle cause même des ulcères aux éléphants de mer). Le bonobo est détronné de son statut d'icone de la liberté sexuelle par l'orang-outan et même à certains égards le chympanzé (p. 51).

Plus subtilement les auteurs s'en prennent à la thèse selon laquelle le nouveau-né humain serait forcément prématuré à cause de la station verticale (p. 23). Il s'en prend aussi à la thèse popularisée entre autres par Helen Fisher (curieusement répertoriée en bibliographie sur un seul de ses livres, et pas le plus connu) selon laquelle "parce que les mâles produisent des millions de spermatozoïdes et les femelles des ovules beaucoup plus rares (...) ceux-là auraient une tendance naturelle à la multiplication des partenaires" (p. 24) - thèse au demeurant reprise par Steven Pinker, lui aussi cité par un seul de ses livres.

L'idée que l'orgasme serait une particularité humaine (développée par des sexologues humanistes comme Jacques Waynberg) est aussi battue en brèche (p. 72). Les auteurs s'en prennent avec force et à juste titre à l'obscurantisme des sciences humaines (qu'ils rapprochent de celui du créationnisme) et au refus obstiné de la culture française jusqu'à très récemment de s'intéresser sérieusement aux singes (p. 78).

L'hypothèse du redressement des hominidés qui fondait chez Timothy Taylor une théorie de la mutation de l'oestrus est abandonnée (p. 91-92), l'oestrus visible étant d'ailleurs jugé compatible avec une bipédie fréquente chez l'australopithèque - il aurait disparu chez le paranthrope (p. 104). Cette rupture avec la linéarité du gradualisme est présentée par les auteurs à la fois comme plus scientifique et source deplus d'incertitudes que la précédente.

Ce livre rend ainsi honnêtement compte, et dans un style agréable, de l'état le plus récent des savoirs sur l'histoire de la sexualité. Certains de ses partis pris (dont la science n'est jamais totalement exempte sur pareil sujet) prêtent cependant à questionnement. A certains moments de leur développement Picq et Brenot s'emportent contre les Etats-Unis taxés de "société malade du harcèlement sexuel, du viol et du puritanisme" (p. 36). L'attaque semble viser les oeuvres de vulgarisation comme celle de John Gray, mais aussi, comme on l'a vu, des travaux académiques comme ceux de Pinker. Or sur ce point la disqualification par la stigmatisation "globale" de la société où ont fleuri ces oeuvres n'apparaît pas totalement convaincante. D'autant que les thèses étatsuniennes attaquées sont souvent critiquées sans que la méthode dont elles résultent ne soit explicitement critiquée : ainsi de la thèse du faible engagement des mâles dans les conséquences procréatives de l'acte sexuelle (et sur le plan de la fidélité), qui, chez Helen Fisher, ne s'appuyait pas seulement sur la densité des gamètes mais aussi sur une étude statistique de l'organisation d'un grand nombre de sociétés humaines.

L'anti-américanisme du livre participe sans doute de l'air du temps comme la valorisation des femmes (affublées à plusieurs reprises dans le livre de l'attribut flatteur de "sexe écologique") ou des traits d'humour douteux (peut-on rire - p. 50 - du fait que les bonobos du zoo de Berlin en 1944 soient tous morts d'une crise cardiaque sous les bombardements, quand on sait quelle tragédie le carpet bombing fut pour la capitale de l'Allemagne ?)

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Une préhistoire polémique

 

 

Philippe Brenot et Pascal Picq, Le sexe, l’homme et l’évolution

L'auteur du compte rendu : Docteur en sociologie, diplômé de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de la Sorbonne (maîtrise de philosophie), Christophe Colera est l'auteur, entre autre, aux Editions du Cygne, de La nudité, pratiques et significations (2009).

 

A l’heure où notre espèce, débarrassée des tabous religieux, ne cesse d’approfondir aussi bien sa connaissance de ses origines que sa réflexion sur les relations interpersonnelles, Pascal Picq (paléoanthropologue au Collège de France) et Philippe Brenot (psychiatre et directeur d'enseignement en sexologie) nous invitent à revisiter les origines d’un des aspects les plus intriguants de notre vie sociale : nos pratiques sexuelles.


"Ce livre n'est ni un traité, ni une encyclopédie du sexe ; il a la seule prétention d'éclairer la question de l'origine et de l'évolution de la sexualité humaine" avertissent les auteurs au début de l'ouvrage. Le livre est en effet éloigné des sommes universitaires. C'est avant tout une présentation très limpide de ce qui dans la sexualité animale permet de comprendre la sexualité humaine puis des facteurs de l'évolution qui en expliquent les particularités actuelles.

L’ouvrage, pédagogique, ne laisse, au fil de ses développements, aucun concept dans l'ombre, des plus accessoires aux plus essentiels (l'exogamie, l'uxolocalité, la compétition intersexuelle et intrasexuelle). Il rappelle que la reproduction sexuée n'est pas la seule reproduction possible dans l'ordre du vivant, coûteuse (ne serait-ce que du fait qu'elle suppose l'existence de mâles) et même violente (p. 22), elle présente des avantages mais aussi beaucoup d'inconvénients. Quant aux orientations sexuelles "naturelles" de notre espèce, on ne peut les déduire des caractéristiques des différentes espèces multicellulaires qui habitent notre planète tant la diversité de leurs pratiques est grande, ni même de l'étude des singes chez lesquels l'on rencontre tout à la fois des couples fidèles et des pratiques de polyandrie ou de poligynie (les harems) avec une infinité de nuances dans les stratégies adoptées par les mâles et les femelles.


Tout au plus peut-on reconstituer les moeurs sexuelles de nos ancêtres à partir de la manière dont l'évolution a façonné notre morphologie. Du fait que les hommes sont en moyenne d’un peu plus haute stature que les femmes, on peut ainsi déduire une compétition intrasexuelle modérée entre mâles. Et, compte tenu de la marge de développement du cerveau humain entre l’enfance et l’âge adulte (une singularité de notre espèce qui requiert des mâles un plus grand investissement dans l’éducation des enfants) à partir de l’homo ergaster, on peut supposer une relative permanence des couples sur plusieurs années, éventuellement tempérée par l’infidélité (qu’on remarque même dans les sociétés animales polygynes), les femelles gardant la haute main sur les techniques de séduction.


A mesure qu’ils développent ce scénario et les raisons d’y croire, Picq et Brenot règlent le compte de ce qu'ils considèrent comme des idées reçues, des plus anciennes aux plus récentes.


Ainsi démontrent-il sans peine que la vie de harem est l'antonyme du paradis, tant la compétition entre les mâles pour le contrôle des femelles leur mine l'existence, surtout dans les harems où les femelles ne choisissent pas leurs protecteurs comme chez les gorilles (elle cause même des ulcères aux éléphants de mer). Le bonobo est détrôné de son statut d'icône de la liberté sexuelle par l'orang-outan et même à certains égards le chimpanzé (p. 51).

Plus subtilement les auteurs s'en prennent à la thèse selon laquelle le nouveau-né humain serait forcément prématuré à cause de la station verticale (p. 23), ainsi qu’à l’idée que les caractéristiques actuelles du corps féminin porteraient les traces d’une néoténie (p. 125). Le livre s'attaque aussi à la thèse popularisée entre autres par Helen Fisher (curieusement répertoriée en bibliographie sur seulement deux de ses livres, et pas le plus connu) selon laquelle "parce que les mâles produisent des millions de spermatozoïdes et les femelles des ovules beaucoup plus rares (...) ceux-là auraient une tendance naturelle à la multiplication des partenaires" (p. 24) - thèse au demeurant reprise par Steven Pinker, cité par un seul de ses livres.


L'idée que l'orgasme serait une particularité humaine (développée par des sexologues humanistes comme Jacques Waynberg) est aussi battue en brèche (p. 72, p. 226). Les auteurs s'en prennent avec force et à juste titre à l'obscurantisme des sciences humaines (qu'ils rapprochent de celui du créationnisme) et au refus obstiné de la culture française jusqu'à très récemment de s'intéresser sérieusement aux singes (p. 78).


L'hypothèse du redressement des hominidés qui fondait chez Timothy Taylor une théorie de la mutation de l'oestrus est abandonnée (p. 91-92), l'oestrus visible étant d'ailleurs jugé compatible avec une bipédie fréquente chez l'australopithèque - il aurait disparu chez le paranthrope (p. 104). Cette rupture avec la linéarité du gradualisme est présentée par les auteurs à la fois comme plus scientifique et comme une source de plus d'incertitudes que la précédente. Au passage  l’image forgée par Yves Coppens d’un redressement « d’un coup de rein » dans le Rift est tournée en ridicule, Brenot et Picq reprochant même au documentaire produit sous le contrôle du célèbre paléoanthropologue « L’Odyssée de l’espèce » de comporter des scène « grotesques » (p. 166).

 

A longueur de chapitres, le goût de la démystification pousse souvent les auteurs sur les sentiers de la polémique, et ce sur un ton qui parfois peut prêter à questionnement. Ainsi lorsque Picq et Brenot s'emportent contre les Etats-Unis qualifiés de "société malade du harcèlement sexuel, du viol et du puritanisme" (p. 36). L'attaque semble viser les oeuvres de vulgarisation comme celle de John Gray, mais aussi, comme on l'a vu, des travaux académiques comme ceux de Pinker. Or sur ce point la disqualification par la stigmatisation "globale" de la société où ont fleuri ces oeuvres n'apparaît pas totalement convaincante. D'autant que les thèses étatsuniennes attaquées sont souvent critiquées sans que la méthode dont elles résultent ne soit explicitement invalidée : ainsi de la thèse du faible engagement des mâles dans les conséquences procréatives de l'acte sexuelle (et sur le plan de la fidélité), qui, chez Helen Fisher, ne s'appuyait pas seulement sur la densité des gamètes, comme le laissent croire Picq et Brenot, mais aussi sur une étude statistique de l'organisation d'un grand nombre de sociétés humaines sur laquelle les auteurs font complètement l’impasse. Leur haine de la psychologie évolutionniste confine même à la diffamation quand ils taxent implicitement de raciste la thèse de la préférence tendanciellement universelle des hommes pour les blondes (p. 176) sans prendre la peine d’en critiquer les arguments, par exemple les remarques factuelles de Desmond Morris sur l’usage des perruques blondes dans la Rome antique. Le degré zéro du débat scientifique est même atteint quand (p. 177) la thèse évolutionniste selon laquelle les hommes universellement préfèrent les femmes aux visages plus ronds et à la pilosité très légère est balayée sans argument par cette seule phrase assassine : « A croire que l’on cherche à justifier les horreurs du tourisme sexuel » (sic !).


L'anti-américanisme du livre, qui se révèle dans la disqualification du « puritanisme » étatsunien, participe sans doute d'un air du temps comme la valorisation des femmes (affublées à plusieurs reprises dans le livre de l'attribut flatteur de "sexe écologique") ou certains traits d'humour douteux (dans nos sociétés préservées de la guerre, peut-on rire au moyen d’un jeu de mot très étrange - p. 50 - du fait que les bonobos du zoo de Berlin en 1944 soient tous morts d'une crise cardiaque sous les bombardements, quand on sait quelle tragédie le carpet bombing fut pour la capitale de l'Allemagne ?), ainsi que la reprise de clichés médiatiques qui prêtent à caution (les femmes violées de Bosnie, dont le chiffre cité p. 211 a pourtant été maintes fois contesté). On aurait pu attendre mieux de chercheurs de ce niveau.

 

A part ces points faibles qui viennent parfois gâcher un peu sa lecture, il faut mettre à l’actif de ce livre qu’il rend honnêtement compte, et dans un style agréable, de l'état le plus récent des savoirs sur l'histoire de la sexualité humaine. A  travers leurs analyses subtiles des mille et une petites bizarreries des organes et des comportements de notre espèce (la rareté des poils, le volume des seins, celui du pénis dépourvu d’os, l’existence de l’homosexualité) les auteurs font finalement prendre conscience de la beauté (improbable dans la nature) de cet érotisme érigé par l’humain au rang de production quasi-artistique, qui, en retour, a influencé notre morphologie aussi bien que nos formes de vie sociale au point de constituer un facteur absolument central de la conquête de notre liberté.

 

Christophe Cole

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Ecrire l'histoire à Rome

9 Juin 2009 , Rédigé par CC Publié dans #Notes de lecture

Je signale ici mon dernier compte-rendu de lecture livré à Parutions.com concernant l'ouvrage : "Ecrire l’Histoire à Rome" dirigé par Stéphane Ratti - cf http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=95&ida=10958

Une histoire de l’histoire à Rome

 

 

Stéphane Ratti (dir), Ecrire l’Histoire à Rome

Qui sont ces hommes grâce auxquels l’histoire de Rome nous a été transmise ? Que sait-on de leur vie, de leurs itinéraires ? C’est à ces questions que s’attache à répondre ce nouveau manuel dirigé par Stéphane Ratti, professeur à l’université de Bourgogne.

L’ouvrage d’un accès simple, très clair et didactique, aborde successivement les œuvres et les biographies des grands classiques que sont César, Salluste, Tite-Live, Tacite, Suétone en resituant leur projet historiographique dans le contexte politique de leur époque. Il s’intérese aussi à des auteurs plus tardifs et moins connus du grand public lettré comme Aurélius Victor, Eutrope, Ammien Marcellin. En citant des extraits en version originale et traduite, il fait saisir l’originalité du style de chacun et révèle combien l’exercice de la narration historique, comme celui de la philosophie, engage complètement la personnalité de son auteur (en lieu et place souvent d’un engagement politique).

La lecture de ce manuel ouvre la voie à diverses réflexions sur la singularité de l’entreprise historiographique : à Rome pas plus qu’ailleurs elle n’allait de soit. Inspirée par les Grecs et ne s’est imposée que difficilement face à une tradition annalistique qui se bornait à enregistrer presque « administrativement » les événements de chaque année.

Les étudiants trouveront dans ce livre des résumés très complets pour leurs dissertations. Les curieux y saisiront pour leur part une occasion de réfléchir sur la manière dont s’écrit l’histoire. Ils trouveront aussi dans cet ouvrage des portes d’entrées facilement accessibles qui leur ouvrent la voie qui mène aux grands textes classiques, et leur donneront envie de les lire ou de les relire. On ne sait pas toujours que Salluste, au Ier siècle avant Jésus-Christ, fit le récit d’une véritable « guerre d’Algérie romaine », La guerre de Jugurtha, et qu’Ammien Marcellin, quatre siècle plus tard évoqua une campagne de Mésopotamie bien différente de nos guerres d’Irak contemporaines. Sans vouloir porter de regard anachronique sur le monde antique (ce que fait parfois un peu le livre,  hélas, par exemple quand, en quatrième de couverture il taxe les historiens de « manipulateurs », ou, à propos de César, compare l’alignement de la monnaie gauloise sur Rome à la création de l’euro…), l’évocation de la manière dont les grands historiens ont construit leur récit sur ce genre d’opération militaire peut susciter un sain intérêt pour une lecture directe de ces remarquables auteurs et de leurs imaginaires, toujours très différents des nôtres, et cependant toujours susceptibles de nourrir un dialogue fructueux par delà les millénaires.

Christophe Colera

 

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Sociologie du X

8 Juin 2009 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps

En 2000, j'avais réalisé une petite recherche sociologique dans un salon du X. Cette recherche a été (assez tardivement) publiée dans la revue québecquoise Sociologie et Société d'octobre 2008.

J'ai découvert sur Internet que le 25 mai Arte a réalisé une "Soirée spécial - Génération porno". Ce qui m'intrigue dans les extraits disponibles sur Dailymotion, c'est cette succession entre les "confessions" de l'étudiante des Langues O ("Xtina", je crois) et les démentis qu'elle s'est sentie obligée de fournir, en faisant "comme si" elle avait été un peu poussée à dire ce qu'elle a dit... Ce qui est bien la preuve que les censures ont la vie longue.

Le documentaire désigne en tout cas une évolution des comportements des plus jeunes qui donne à penser pour l'avenir. Le phénomène n'est pas propre à la France, évidemment. En 2005, le Guardian et d'autres journaux britanniques attiraient l'attention de l'opinion publique sur le "Daisy chaining" dans les collèges. Il est difficile de savoir quelles implications ces pratiques ont sur l'horizon affectif des jeunes, et quelle "culture" peut naître sur ce terreau là. Ce sera intéressant à suivre.
 

 

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"Les services juridiques des administrations centrales"

16 Mai 2009 , Rédigé par CC Publié dans #Sociologie des institutions

Vient de paraître chez L'Harmattan un livre qui condense ma thèse soutenue à Paris I-Panthéon Sorbonne en juillet 2006. Le livre s'appelle tout simplement "Les services juridiques des administrations centrales", il peut être commandé sur http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=28732, et prochainement dans toutes les librairies de quartier et chez les libraires sur Internet. Je livre ci-dessous la présentation telle qu'elle figure en quatrième de couverture.

Le thème de ce livre est un peu éloigné de mes travaux actuels, et un certain nombre d'analyses sont assez marquées par l'état d'esprit du labo auquel j'étais rattaché à l'époque, entre 2001 et 2005 (le Centre de sociologie européenne) qui n'est plus tout à fait le mien aujourd'hui. Toutefois je ne regrette pas cette publication qui concerne un sujet peu exploré dans le champ des sciences sociales (j'ai toujours aimé défricher de nouvelles terres). Je pense qu'il peut être utile à la fois aux praticiens, et à un public d'étudiants qui se destinent à travailler dans le champ bureaucratique, mais aussi aux gens qui réfléchissent à la place du droit dans nos sociétés. On voit ici comment le discours juridique s'impose aux institutions françaises, du moins aux ministères - notamment les stratégies des acteurs qui concourent à cette imposition. La force du livre, je pense, tient au fait qu'il s'appuie sur une expérience de terrain, une "observation participante" comme on dit en ethnologie. Rares sont les chercheurs dans ce domaine très spécifique qui ont à la fois la possibilité d'observer et de pratiquer, en mettant en oeuvre pendant quatre ans une sorte de va-et-viens entre ces deux activités.

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Au cours des années 1990 et 2000, la spécialisation juridique de certains services ministériels français a abouti à l’émergence d’espaces de transition entre l’univers juridictionnel et les organes gestionnaires ou opérationnels de l’Etat. Représentantes de l’administration devant les tribunaux, ces structures agissent aussi comme des interprètes de la parole du juge dans l’univers bureaucratique et, comme telles, sont des acteurs importants de l’imposition d’une légalité à l’action administrative au quotidien. Le présent ouvrage, qui se nourrit d’une observation participante de quatre ans dans une administration centrale, brosse un tableau de l’émergence de ces services tout au long des vingt dernières années, et analyse les dispositions et stratégies mobilisées par les fonctionnaires juristes pour inscrire le discours du droit dans la pratique bureaucratique.
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"La guerre d'Espagne vue de Barcelone" dans la presse

13 Avril 2009 , Rédigé par CC Publié dans #Guerre civile espagnole

L'Amicale du camp de Gurs a bien voulu signaler l'existence des mémoires de José Colera dans son dernier numéro (mars 2009 n°114). Ils organisent une cérémonie pour les 70 ans du camp le 25 avril 2009.

Un site jurançonnais mentionne aussi ce livre.

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Ce qu'il faudrait faire en philosophie

9 Avril 2009 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

Les philosophes professionnels, académiques, qui vivent de leur art sont donc condamnés à écrire des tonnes de livres d'histoire de la philosie ou des plagiats des anciens auteurs sans vraiment chercher à faire de la vraie philosophie, une philosophie qui réponde aux besoins réels de l'humanité à son stade actuel d'évolution.

Un correspondant me parlait ce soir d'Agamben en ces termes : "Un "philosophe" italien néo-nietzschéen prétentieux post-moderne assez creux mais bavard". L'Italie n'est pas un pays de philosophes, précisément parce que la culture y est trop bavarde. J'ai lu il y a quelques années son livre "L'ouvert de l'animal", c'était assez pathétique parce que ça travaillait l'animalité (un sujet qui me préoccupe) dans le prolongement de Heidegger  mais dans l'ignorance complète de l'éthologie animale et de ce que la science peut vraiment savoir des instincts.

Je n'ai rien contre le fait qu'on reprenne certaines problématiques heideggériennes (la dimension "existentiale" de sa philosophie).

La philosophie heideggerienne a des côtés très intéressants. J'aime bien chez Heidegger son côté vieux paysan allemand bourru. Il l'a cultivé. Il avait raison.

Sa façon de s'opposer à l'intelligentsia néokantienne (qu'a si bien décrite Bourdieu) en s'appuyant sur les présocratique. Son idée, de génie, de ressortir ce vieux mot allemand archiplouc, Dasein, contre les pédants qui utilisaient le mot d'origine latine d'Existenz.

C'était une belle façon d'enraciner la pensée dans un vécu "terrien".

En revanche, je réfute l'être-pour-la-mort. C'est de la morbidezza. Je préfère ce passage spinozien (et épicurien) de Nietzsche où il observe que tout le monde vit dans l'ignorance de la mort, et qu'en cela tout le monde a raison. (Il le dit dans son plus beau livre d'ailleurs la Gaya Scienza si je me souviens bien, un livre qui parle italien jusque dans le titre, un livre solaire, où il dit qu ela mort suit les gens comme une ombre mais qu'ils ne la voient pas). Il a raison. La possibilité du jeu social, et du jeu du désir est à ce prix.

Il y a une erreur d'Heidegger de se concentrer sur la mort, et, du coup, une façon de jeter le bébé avec l'eau du bain (le jeu social, la science, toute forme d'objectivation du savoir).

Je parle ici de sa philosophie avec des mots très terre à terre, pour ompre un peu avec de mauvaises habitudes que m'avait données la Sorbonne il y a 15 ans. Comme Hume maintenant je crois qu'il faut parler de philosophie avec le langage de Monsieur tout le monde, le langage du "common sense" comme il disait

Je n'ai donc rien contre le fait que l'on reprenne quelques problématiques heideggériennes (la dimension "existentiale" de sa philosophie) pourvu qu'on le fasse dans un esprit d'échange avec la science (ce qui suppose de ne plus poser de la même façon l'opposition être/étant dessinée par Heidegger).

De même je crois aussi qu'il est possible de faire dialoguer le deleuzisme avec la science.

On ne pourra pas éviter cette espèce de dialogue ternaire Heidegger-Deleuze-Sciences. C'est à dire au fond confronter la philosophie comme expérience intime et esthétique de la condition humaine (qui a été poussée de la façon la moins métaphysique qui soit dans le nietzschéisme et l'heideggérianisme), au savoir objectif sur cette même condition.
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Localisation de mes derniers ouvrages dans les bibliothèques universitaires

1 Avril 2009 , Rédigé par CC Publié dans #Publications et commentaires

Si j'en crois le répertoire Sudoc, chacun de mes deux derniers ouvrages publiés aux éditions du Cygne se trouvent dans trois bibliothèques universitaires. A suivre...

Livres
Titre: 
La nudité [Texte imprimé] : pratiques et significations / Christophe Colera
Auteur: 
Colera, Christophe

Le livre est aussi à la bibliothèque municipale de Marseille, et celle de Nîmes.

A l'étranger Yale , Harvard, Stanford en ont déjà fait l'acquisition. Idem la bibliothèque universitaire de Genève, la bibliothèque publique de Genève, celle de Neuchâtel, la bibliothèque municipale de Lausane, la librairie du Congrès aux Etats-unis, la Bayerische Staatsbibliothek.

Livres
Titre: 
La Guerre d'Espagne vue de Barcelone [Texte imprimé] : Mémoires d'un garde civil républicain (1936-1939) / José Colera ; traduit de l'espagnol et annoté par Christophe Colera
Auteur: 
Colera, José (1905-1990)
 
 A l'étranger le livre se trouve à la bibliothèque universitaire de Genève, à la bibliothèque publique de Genève, et à la
[+]  Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek <24>

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Mon livre"La Nudité" dans la revue "Sciences humaines"

28 Mars 2009 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité"

La revue Sciences Humaines , n° 203, d'avril 2009, en page 58, dans la rubrique "Anthropologie", sous un thème "Lettre à mon corps", a bien voulu faire une mention de mon livre sur la nudité sous la plume de Flora Yassine. Ce texte étant en ligne sur http://www.scienceshumaines.com/lettre-a-mon-corps_fr_23484.html, je crois pouvoir le reproduire ci-dessous sans craindre d'enfreindre la "Nétiquette" comme on dit.

La revue Sciences Humaines, est assez lue, et ce numéro d'avril, consacré à l'école, risque de l'être en particulier par les enseignants. J'observe que le blog "Ethnologiques" s'est fait l'écho de cet article dès le 20 mars.

Une précision quand même sur le commentaire que fait Flora Yassine de mon livre : toutes les thèses que je décris dans la première partie sont évolutionnistes, et celle que je privilégie, ne part pas du tout du principe que le sexe des femelles "est caché par les poils" chez les autres animaux : d'abord je ne compare pas l'humain femelle aux autres animaux mais aux primates du même sexe (les espèces les plus proches de la nôtre), lesquelles n'ont pas du tout le sexe caché mais au contraire la vulve visible et qui se colore pour attirer les mâles quand elles sont en chaleur. Par conséquent ce n'est pas dutout une problématique de la dissimulation par les poils qui peut expliquer la nudité (chez l'humain aussi la femelle a le sexe dissimulé par les poils), mais celle de la dissimulation de la vulve par la station verticale qui aurait entraîné une substitution du corps sans poil à la vulve sans poil comme stimulus sexuel permanent. Je précise cela pour le cas où des spécialistes tomberaient sur le résumé de Flora Yassine et me suspecteraient d'avoir commis un contresens sur les thèses que je rapporte.

Je lis en ce moment, pour en faire une recension sur Parutions. com, l'Histoire de l'adultère d'Agnès Walch. J'y pêche des petits détails qui, d'une certaine façon, peuvent compléter les exemples que j'avançais à l'appui de mes idéaux-types (ou de mes idealtypes, utilisez le vocable que vous voulez). Ainsi quand je me demandais si la poésie courtoise médiévale visait un Eternel féminin nu ou habillé, j'apprends en lisant Agnès Walch que celle-ci codifiait précisément les gestes autorisés par le jeune chevalier, et que ces gestes pouvaient aller jusqu'à faire dévêtir complètement la Dame mais sans aller jusqu'à la toucher, ce qui peut confirmer, au fond, l'idée qu'une sorte de nudité féminine visuelle, apollinienne,  qu'on trouve aussi dans la métaphysique grecque, pouvait plus ou moins consciemment dominer l'imaginaire courtois. Mais j'avance cela sous toute réserve. De même j'ai lu avec intérêt les pages d'Agnès Walch sur la sanction de l'adultère par la peine dite de l' "authentique" qui mobilie souvent la nudité. Je rattachais ces peines à la culture germanique en suivant Dominique Barthélemy. Mme Walch l'inscrit dans la filiation du droit romain. J'y reviendrai peut-être plus en détail ultérieurement.

CC


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Lettre à mon corps (Revue "Sciences humaines" - avril 2009) 

L’Aventure du corps. Des mystères de l’Antiquité aux découvertes actuelles. Gilles Vignaux, Pygmalion, 2009, 420 p., 21,90 €

La Peau. Enjeu de société. Bernard Andrieu, Gilles Boëtsch, David Le Breton, Nadine Pomarède et Georges Vigarello(dir.),CNRS,2008, 380 p., 12 €

La Nudité. Pratiques et significations. Christophe Colera, Le Cygne, 2008, 187 p., 20 €

Flora Yassine


Cher corps
,


Décidément, l’intérêt que l’on te porte ne faiblit pas. En cette année 2009 chargée, si l’on en croit l’actualité, de soucis bien lourds, te voilà à nouveau examiné sous toutes les coutures.


C’est d’abord le tour d’un philosophe du CNRS qui se fait fort de raconter ton histoire sous l’angle médical, dans un ouvrage ambitieux et passionnant. Le premier traité de médecine antique, affirme Georges Vignaux, remonterait au xviiie siècle avant notre ère, à Babylone : le Code d’Hammurabi réglementait l’activité des médecins et prévoyait les risques encourus en cas de faute professionnelle grave ! Et l’auteur de nous conter comment a progressé la connaissance de tes fonctionnements, comment se sont croisées les croyances, la magie, l’alchimie et les avancées de savoirs plus précis et plus scientifiques, de l’Antiquité à nos jours, des dissections à l’étude des grandes épidémies… Il n’oublie pas non plus les perspectives que t’offrent aujourd’hui les nouvelles techniques de pointe, propres à te transformer pour que tu ne laisses plus l’âge nous trahir, que tu nous permettes de mieux jouir, d’être plus performants, plus beaux, et éternellement jeunes…


Tu serais même en train de devenir l’objet d’une « nouvelle religiosité », affirme Aurélien Guérard dans un second ouvrage (La Peau. Enjeu de société). Il consacre sa contribution aux nombreux implants que l’on peut aujourd’hui glisser sous ton épiderme : médicaux pour booster un organe défaillant, « techno-sécuritaires » pour déclencher son ordinateur ou la fermeture de sa maison, esthétiques bien sûr pour gonfler les poitrines féminines ou les sexes masculins. Historiens et anthropologues se penchent sur ton enveloppe, cette interface entre le biologique et le social, « entre la nature et la culture », écrit David Le Breton. Les couleurs de la peau y font l’objet de plusieurs analyses, de la blanche noblesse aux hiérarchies raciales – blanc, jaune, noir –, et aux fantasmes suscités par le corps métis, que Gilles Boëtsch nous décrit à la fois stigmate et objet de désir. Et si l’on considère que l’on peut devenir rouge de honte, bleu de peur, vert de rage…, c’est dire ce que ta peau communique !


Un troisième ouvrage enfin (La Nudité) se penche sur ton plus simple appareil. Pleine de récits et d’anecdotes – des bains romains à la douche collective des ouvrières dans l’ancienne URSS en passant par le film porno –, l’étude du sociologue Christophe Colera passe en revue les messages que ta nudité est capable de livrer. Mais d’abord, se demande-t-il d’entrée, pourquoi avons-nous perdu notre fourrure et la plupart de nos poils ? Les théories les plus fantaisistes circulent sur cette question. Je te laisse les découvrir. L’auteur, lui, en pince pour une thèse évolutionniste : le redressement du squelette aurait occasionné l’occultation des parties génitales féminines, cachées, chez les autres mammifères, par les poils… Plus grand-chose à cacher, plus beaucoup de poils ! Ces lectures stimulantes, cher corps, prouvent que tu restes l’objet de toute notre attention.

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