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Bergson à propos de l'histoire des idées
Cité par Jean Guitton dans son journal 1952-1955 (p. 263), qui relate ses propos de 1922 :
"De nos jours on tendrait à comprendre l'histoire de la philosophie comme l'histoire du meuble ou du costume. Je n'approuve pas cela. Car, si l'on veut faire de l'histoire pure, l'histoire véritable, celle des historiens, est plus intéressante. L'histoire des Idées, je n'y crois guère. Je suis persuadé que cela vient d'Allemagne. Il ne peut y avoir de vraie filiation entre les Idées. Mais dans chaque grande philosophie, il y a quelque chose d'intérieur, qu'il faut ressaisir".
Cela fait penser à l'histoire de la philosophie comme "art du portrait" de Deleuze.
Les danseuses nues de Gadès (Cadix)
Catherine Salles l'explique bien dans "Les bas-fonds de l'Antiquité" (p. 213) : "Il faut faire une place à part aux danseuses de Gadès, l'actuelle Cadix, dont les Romains font un des divertissements les plus recherchés de leurs banquets. Même si elles ne sont pas toujours de sang espagnol, elles exécutent des danses d'origine ibérique, dont la spécialité est d'éveiller l'érotisme des convives. Leurs castagnettes, leurs trémoussements lascifs, les cris obscènes dont elles scandent le balancement de leurs reins sont particulièrement prisés à Rome".
Elle cite à l'appui de cette remarque un texte de Juvénal (Satire XI, v. 162-175) : "Peut-être comptes-tu que les danseuses de Gadès vont se mettre à exciter les désirs par leurs chansons lascives et que ces filles, encouragées par les applaudissements, se laisseront glisser jusqu'au sol, en agitant leur croupe... Ce crépitement de castagnettes, ces parole dont aurait honte l'esclave toute nue qui se tient à l'entrée du bordel, ces vociférations obscènes".
L'art des danseuses de Gadès (Puellae Gaditanae) serait un peu supérieur à celui de la cabaretière syrienne (p. 207) ornée d'un turban grec qui fait "onduler des hanches au son du crotale, déjà ivre" (les crotales sont des sorts de castagnettes orientales).
Martial (VI 71) évoque la danseuse Telethusa :
"Telethusa, cette belle si habile à prendre des poses lascives au son des castagnettes de la Bétique, et à reproduire les pas des danseuses de Cadix ; Telethusa, capable de redonner du nerf au tremblant Pélias, et de réveiller les sens du mari d'Hécube, jusque sur le bûcher d'Hector ; Telethusa consume et met au supplice son premier maître : servante, il l'a vendue ; maîtresse, il la rachète aujourd'hui. "
Telethusa dansait-elle nue ?
Il existe un épigramme sur Telethusa qui peut le laisser penser, si cette Telethusa est bien la même :
"Hic quando Telethusa circulatrix,
Quae, clunem tunica tegente nulla,
Sexum latius altiusque motat,
Crisabit tibi fluctuante lumbo:
Haec sic non modo te, Priape, possit
Privignum quoque sed movere Phaedrae."
Après la traduction initiale datant de 1890, de Leonard C. Smithers et Sir Richard Burton, une version plus récente dit :
"Quand Telethusa, cette petite pute des rues qui aime secouer son derrière nu / Bougeant son minou en haut et en bas, à gauche et à droite agitant sa chatte à la vue de tous ; / Elle t'émeuvra, Priape, elle te donnera chaud et même Phèdre ne peut lui résister."
On peut trouver sur le Net un texte intéressant qui laisse entendre que les danseuses de Gadès portaient un très mince vêtement à la taille ou plus vraisemblablement étaient nues (http://www.public-domain-content.com/books/classic_greece_rome/priap/prp107.shtml). Selon Gifford, la danse de Telethusa pouvait avoir un rapport avec le fandango tandis que des femmes esclaves ("tractatrices") masturbaient les spectateurs. Ce serait une sorte de fandango nu.
On peut se poser mille questions sur cette "école de danse" particulière qu'on trouvait à Cadix (Gadès en latin, Gadeira en grec). Et notamment si elle n'avait pas quelque chose à voir avec l'origine phénicienne de la ville (Gadir), puisque Cadix a été au monde Phénicien ce que Marseille fut aux grecs : la première fondation en Méditerranée occidentale, et l'avant-poste du commerce maritime dans cette zone barbare. Gadès avait-elle encore gardé quelque chose de phénicien à l'époque romaine - après tout ne dit-on pas qu'on parlait encore le punique à Carthage à l'époque de Saint Augustin ?
Le cas échéant, la danse des filles de Cadix aurait moins à voir avec le fandango qu'avec la danse de la cabaretière syrienne dont parle Catherine Salles, et serait donc beaucoup plus phénicienne qu'ibérique.
Le Proche-Orient possède une longue tradition en ce qui concerne la danse nue. Dans un article d'octobre 2009, Andrea Deagon évoque les danseuses nues (vêtues de bijoux) en Egypte à partir d'une fresque du tombeau de Nebamun vers 1 400 av. JC. Selon elle il pourrait s'agir de "danses du ventre" mais elle reconnait ne pas en avoir la preuve (de même d'ailleurs qu'on ne sait pas s'il s'agit d'une image réaliste de banquet ici-bas ou d'une allégorie de banquets dans l'au-delà). La fresque d'époque romaine (2ème siècle de notre ère) qu'elle repère relative à une fête d'Apis lui paraît en tout cas cautionner l'idée qu'il y avait des danses du ventre (définies largo sensu) dans l'Egypte hellénistique. On note que les femmes y sont nues vêtues d'un voile transparent. Elle rattache ce style de danse explicitement aux danses syriennes et à l'école de danse de la colonie "syrienne" (selon ses propres termes) de Gadès.
Ces danses pourraient être en filiation (sur un mode profane) avec le culte phénicien d'Astarté (Ishtar) souvent représentée nue, et avoir un rapport lointain avec la hiérodulie proche-orientale, à Babylone et au-delà (la prostitution dans les temples, par laquelle les gens s'unissaient à la divinité - hiérogamie - et étaient possédées par elle, voir Hérodote à ce sujet).
Pour aller plus loin dans la réflexion sur la danse nue dans l'antiquité, on peut aussi lire du même auteur cet article.
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--- bailadoras desnuda Cadiz. naked dancers
http://mrstiff.fr/film/sophie-mae-enseigne-la-danse-du--6729525
http://www.sexyandfunny.com/watch_video/nude-belly-dancer_38108.html
Nudités russes (suite)
J'ai cité dans mon ouvrage sur la nudité le livre de Mikhaïl Stern (sexologue de son état) sur la vie sexuelle en Union soviétique, livre très apprécié par la propagande occidentale dans les années 1970 car il révélait certaines pathologies psychiques de la société russe (mais n'importe quel ouvrage d'un de ses homologues occidentaux en eût sans doute révélé autant sur l'Europe et les Etats-Unis).
L'utilisation quasiment officielle aujourd'hui de la nudité féminine dans la stratégie de communication de M. Poutine ferait oublier combien l'esthétique soviétique des grands-mères des jeunes russes actuelles était aux antipodes du phénomène actuel. La revue "La Vie parisienne" de juillet 1956 note dans sa chronique de cinéma :
"De passage à Paris, la plantureuse vedette soviétique d'Othello, Irène Skobtseva, a déclaré aux journalistes :
- Nous n'entendons jamais parler de sex-appeal dans nos studios. Il est convenu chez nous que cela n'a rien à faire avec l'art...
Et, avec un soupir de regret qui dilata son ample poitrine, elle précisa :
- On ne nous laisse même pas poser en maillot de bain...
En somme la ligne générale du parti est en désaccord formel avec celle des vedettes."
Dans le contexte de l'époque, les moeurs soviétiques tranchent avec celles de l'Europe occidentale où les pin-ups partiellement ou entièrement dévêtues font florès, notamment dans La Vie parisienne elle-même où la nudité en dessin est à chaque page de la revue.
N'étant pas spécialiste du cinéma russe, je ne peux me fier qu'aux éléments que donnent les fiches de Wikipedia. L'Othello auquel fait référence la revue est un film de Sergueï Yutkevitch (Ioutkevitch), qui a déjà une filmographie abondante à son actif à l'époque. Irina Skobtseva y joue Desdémone. Son partenaire sur scène qui joue le rôle d'Othello sera aussi son mari et le père de ses deux enfants (dont une actrice connue). Elle a 29 ans quand ses propos sont rapportés par La Vie parisienne. Elle vient alors de recevoir (en 1955) son diplôme d'actrice du Studio du théâtre d'art de Moscou. Othello, qui est son premier film, semble avoir connu un grand succès puisqu'il la conduit à visiter Paris peu de temps après sa sortie. Ses regrets sur les censures vestimentaires du cinéma soviétique ne l'ont cependant jamais conduite à s'exiler...
Les partisans de Vladimir Poutine jouent-ils la carte de la nudité?
Le Figaro en dit un mot dans sa version numérique. "Je déchirerai tout pour Poutine" (traduction que le Figaro et The Independent donnent pour порву за путина !), lancé par un député du parti du premier ministre en Russie semble "faire le buzz" comme on dit. Certains journaux interprètent ce slogan comme une injonction faite aux femmes de se dénuder pour encourager les électeurs à voter pour M. Poutine aux élections présidentielles. Une méthode de conquête politique pour le moins étonnante.
Le lien entre M. Poutine et le strip féminin n'est pas nouveau. Le 8 mars dernier une douzaine de filles s'étaient dénudées au rythme de "seulement Poutine, seulement du sexe" et de "Blueberry Hill" (chanté par M. Poutine l'an dernier) au club Rai de Moscou.
En 2010 des étudiantes russes avaient composé un calendrier sexy pour l'anniversaire de M Poutine.
Censures nationales selon François des Aulnoyes
Histoire et philosophie du strip-tease (Ed; Pensée moderne 1958, p. 71) :
"En France, la femme peut être nue, mais elle doit porter une coquille de dimensions déterminées selon les lois de la bienséance locale. En Italie, où le sein joueun rôle considérable dans l'échelle des valeurs érotiques (le cinéma italien recherche les comédiennes dont le sein troue l'écran) la pointe doit en être cachée parce que cet organe est un point de cristallisation du désir pour les populations locales qui aiment la bonne vie et les joies des sens.
En Espagne, où le goût de l'Amour se mêle à celui de la Mort, et la religion, au plaisir ; pays où la femme a été longtemps considérée comme la procréatrice qui reste au foyer ; c'est le nombril qui ne saurait paraître aux regards, sous le feu des projecteurs. Le ventre est pour l'Espagnol le symbole du sexe, l'élément érotique par excellence."
L'auréole de lumière judéo-chrétienne sartrianisée et écologisée
Je trouve chez Sartre (L'Etre et le Néant Tel Galimard p. 440) une version intéressante de la thématique chrétienne médiévale du vêtement de lumière - dont Bologne notamment explore divers aspects dans son dernier livre :
"Dans la grâce, le corps apparaît comme un psychique en situation. Il révèle avant tout sa transcendance comme transcendance-trasncendée (...) le but à venir éclaire l'acte dans sa totalité ; mais toute la part future de l'acte demeure imprévisible, encore que l'on sente sur le corps même en acte qu'elle apparaîtra comme nécessaire et adaptée dès qu'elle sera écoulée. (...) La grâce figure donc l'image objective d'un être qui serait fondement de soi-même pour... La facticité est donc habillée et masquée par la grâce : la nudité de la chair est tout entière présente, mais elle ne peut être vue. En sorte que la suprême coquetterie et le suprême défi de la grâce, c'est d'exhiber le corps dévoilé, sans autre voile que la grâce elle-même. Le corps le plus gracieux est le corps nu que ses actes entourent dun vêtement invisible en dérobant entièrement sa chair, bien que la chair soit totalement présente aux yeux des spectateurs."
A cette grâce Sartre oppose l'obscène qui "apparaît lorsque le corps adopte des postures qui le déshabillent entièrement de ses actes et qui révèlent l'inertie de sa chair. La vue d'un corps nu, de dos, n'est pas obscène. Mais certains dandinements involontaires de la croupe sont obscènes. C'est qu'alors ce sont les jambes eules qui sont en acte chez le marcheur et la croupe semble un coussin isolé qu'elles portent et dont le balancement est pure obéissance aux lois de la pesanteur".
La grâce, nous dit Sartre (p. 442) "renvoie obscurément comme font les contradictions du monde sensible dans le cas de la réminiscence platonicienne, à un au-delà transcendant dont nous ne gardons qu'un souvenir brouillé et que nous ne pouvons atteindre que par une modification radicale de notre être, c'est-à-dire en assumant résolument notre être-pour-autrui. En même temps elle dévoile et voile la chair de l'autre, ou, si l'on prégère, elle la dévoile pour la voiler aussitôt : la chair est dans la grâce l'autre inaccessible"
Il faudrait détailler davantage ici les réflexions de Sartre sur le désir "comme pro-jet de s'enliser dans le corps" (p. 429) et sur la pudeur d'Adam et Eve qui prennent conscience de leur nudité comme paradigme de la honte devant l' objectité (p. 328). En tout état de cause j'y trouve une trace laïcisée de la thématique chrétienne - dont l'héritage est assumé dans le choix-même de la liaison des termes grâce-transcendance - quoique cette thématique soit transposée aux seuls rapports de conscience autour de l'interaction des corps.
C'est sur un site juif Sefarad.org sur Internet que je trouve le meilleur résumé de la dialectique vêtement-nudité dans le monothéisme :
"les vêtements sacrés ordonnés par le Grand-Prêtre, font pendant aux tuniques de peau que l’Eternel a confectionnées pour Adam et Eve après le péché. Le Midrach (Berechith raba 20) rapporte que ce vêtement de peau était, selon la version de Rabbi Meïr, comme un vêtement de lumière, une source de clarté et de progrès, si on en fait un usage adéquat. Certes, ces tuniques servaient de protection physique du corps, mais elles offraient en même temps une préservation de l’âme, celle-ci ayant été entachée par le péché auquel elle succomba emportée par la tentation des désirs charnels. Les tuniques rappellent l’état antérieur au péché où l’homme était enveloppé d’une auréole de lumière qui lui conférait une splendeur majestueuse aux yeux de toutes les créatures du ciel et de la terre. C’est à cela que fait allusion le psalmiste lorsqu’il s’écrie : ‘’Tu as fait l’homme presque l’égal des êtres divins, tu l’as couronné de splendeur et de magnificence’’. Ainsi, l’homme tout entier baignait dans la lumière divine. Mais depuis le péché, cette auréole de gloire qui illuminait son esprit a disparu, et il n’est resté à l’homme que le vêtement qui couvre la peau. Les vêtements sacerdotaux jouent un double rôle. D’une part, leur caractère sacré est conféré à l’homme qui incarne en sa personne l’idéal de sainteté ; et d’autre part, ils ont pour effet d’éloigner le péché par le rayonnement de l’esprit de sainteté. "
Cette auréole de lumière qu'on retrouve chez certaines saintes martyres chrétiennes dévêtues par le sadisme romain n'est-elle pas au fond ce que l'Occident cherche à faire rayonner dans son besoin actuel de nudité ? La "grâce" sartrienne, qui peut résulter d'une adéquation des actes à la condition d'être-pour-l'autre qui caractérise le sujet, étant peut-être placée aujourd'hui à un niveau d'exigence politique moins élevé que chez Sartre, dans la simple conscience d'une symbiose avec un cosmos (et un écosystème) naturel sublunaire en péril (ce qui va aussi avec l'acte de contrition permanent de l'humain devant le péril occasionné).
Le fantasme judéo-chrétien du retour à la pureté adamite (qui est ce pour quoi la nudité peut être recherchée mais jamais "bradée") vient peut-être recouvrir ici la violence métaphysique d'un corps nu mathématisable image parfaite de l'Idée pure. En ce sens l'événement « Nus et Debout » lancé "à l'initiative d'une association libre de personnes engagées contre la construction de l'incinérateur de Clermont-Ferrand et contre tous les incinérateurs en général" le 21 août prochain serait du côté du rituel néo-adamite, sartrianisé et écologisé, là où le striptease du top-model serait au fond plus grec...
Interviewé par Anthony Bellanger - Emission Le Blogueur (Arte)
Je suis interviewé quelques minutes dans l'émission Le Blogueur sur Arte aujourd'hui (12h30). J'intègre la vidéo de l'émission ci-dessous (version You Tube)
Ces enseignantes qui se dénudent ...
Depuis un an, les actualités des antipodes sont marquées par des strip-tease d'institutrices qui se dénudent dans des revues puis se font licencier.
En 2009 une australienne de 24 ans, Lynne Tziolas, est licenciée de son école après avoir posé nue avec son mari pour la revue Cleo, dans un article intitulé "Buck naked couples talk about their sex lives". En janvier 2010 c'est l'institutrice néozélandaise de 28 ans Rachel Whitwell qui pose pour une édition locale de la revue érotique Penthouse et se fait exclure de son école. Pour sa défense elle affirme qu'elle n'était plus enseignante au moment des faits et qu'elle s'était déjà reconvertie dans le mannequinat. Dans ce dernier cas, Penthouse avait fait une allusion directe à ses activités pédagogiques. Les deux jeunes femmes ont entamé des procédures pour invalider leur licenciement. La première a finalement obtenu sa réintégration comme contractuelle (ce qu'elle était déjà) dans une classe pour enfants en difficulté, mais a décliné l'offre.
En revanche une enseignante allemande de 20 ans qui supervisait une fête de lycéens de 15 ans dans l'Ouest de la Hongrie en octobre 2008 a pu se livrer à un strip-tease sans perdre son emploi dans ce lycée. La vidéo est ci-dessous.