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La théologie d'Empédocle selon Catherine Rowett

28 Janvier 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

empedocle.jpgJ'apprécie les chercheurs qui tentent de sortir du rationalisme étroit et de retrouver, quand ils se penchent sur les présocratiques, leur véritable inspiration d'origine. C'est le cas de Catherine Rowett, de l'université d'East Anglia. On peut lire sur Academia.edu son essai intéressant sur Empédocle (le poête-philosophe-chamane du Ve siècle av JC), qui montre que les forces qui peuplent le monde d'Empédocle sont des forces personnelles, dotées d'une volonté propre. Il n'y a pas d'entité inerte dans ce monde là, ni impersonnelle. Ainsi la description des quatre éléments comme des dieux ou des "daimons" n'est pas qu'une fantaisie poétique chez ce philosophe. Les éléments intertes, nous dit Catherine Rowett, appartiennent à l'ontologie post-aristotélicienne, et c'est parce qu'au contraire toutes les composantes de l'univers sont des êtres dotés de volonté et de désirs que leur action peut changer à tout moment.

 

Quand Empédocle dit (fragment B6) que les quatre éléments sont Zeus Hera, Aidoneus et Nestis, il y eut  dès l'Antiquité (pseudo-Plutarque) des tentatives pour lier Zeus au feu, Héra à l'air, Aidoneus à la terre, et Nestis à l'eau et au sperme. Catherine Rowett, prenant le chemin de Peter Kingsley, veut bien rattacher Hera à la terre, Aidoneus (époux de Perséphone, assimilé à Hadès) et Nestis (la Perséphone sicilienne) à l'eau, ce qui donne en fait deux couples de dieux : le couple olympien et le couple infernal, des couples qui se réconcilient et se séparent périodiquement. A supposer même que Peter Kingsley se trompe dans l'attribution des éléments à chaque dieu, estime C. Rowett, l'idée des couples doit être retenue en lieu et place des éléments physiques, et donc ce sont des principes "maritaux" qui règlent la matière chez Empédocle. Ce qu'on retrouve dans l'anatomie de la chair et des os aux fragments B96 et B98. "I suggest that, for Empedocles, the roots really are pairs of gods, and the gods really are the roots of all things, and that the things that result from the marital union of these gods are also themselves gods and agents" dit clairement Catherine Rowett.

 

L'âge d'or est l'âge de Cypris (Aphrodite), celui d'avant les dieux mâles qui introduisirent la discorde.

 

"There was no God Ares for them, nor Cydoimos,
Nor was Zeus king, nor Cronos, nor Poseidon,
But Cypris was queen." (fragment 128-1-3 cité par Porphyre)

 

Par le travail de l'amour, le monde se réunifie en un seul dieu sphérique qui ne laisse rien hors de lui (Sphairos), ce dont on retrouvera des échos dans Xénophane, mais chez Parménide aussi il y avait un être sphérique. L'amour féminin, la lutte neutre, et le dieu sphérique unique masculin se succèdent suivant des périodes données.

 

Cette théologie des éléments dotés de personnalité est très éloignée du travail d'un Jean Bollack dont l'étude d'Empédocle restait dans le paradigme classique d'une séparation de la physique et du religieux.

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