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Glamour m'interviewe - quelques réflexions qui me viennent

12 Janvier 2011 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité"

Une journaliste de Glamour m'interroge sur l'exhibitionnisme ambiant qui semble régner chez les jeunes adolescentes (sur les réseaux sociaux notamment), et sur les revues qui comme Edwarda ou L'Imparfaite ouvrent leur page à des amatrices prêtes à poser nues.

 

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La nudité dans toutes les civilisations fonctionne à la fois comme instrument d’affirmation de soi et comme instrument de don, dans la relation amoureuse par exemple. L’affirmation de soi à travers la nudité étant plutôt l’apanage des hommes (mais pas seulement), et le don celui des femmes (pour des raisons qui tiennent en partie aux fondamentaux de la sexualité masculine et féminine).

 Depuis 30 ans on a un langage du corps qui est très valorisé dans la société et qui s’est substitué aux mots à la recherche du beau langage

On a ça dans tout : le théatre, le cinéma même la philosophie, une attention de plus en plus grande accordée au corps comme expression de la personnalité.

 On a aussi des moyens technologiques qui ont permis une démocratisation de la mise en scène du corps et la démultiplication de sa diffusion. Le téléphone portable muni d’une caméra, la webcam, la diffusion par email et sur les réseaux sociaux.

 On a enfin des icônes très médiatisées de Madonna à Lady Gaga qui ont été des points de cristallisation de cette affirmation de soi à travers un corps provocant.

 

Mais aussi les actrices de Walt Disney comme Lindsay Lohan, Vanessa H, Miley Cyrus etc

 
Cela tend à valoriser la photo nue, la sextape, le striptease comme autant de preuves d’une aisance dans ce qu’on est.

Les jeunes filles qui font l’apprentissage de leur corps, de leur sexualité, du rapport à l’autre au seuil de l’âge adulte trouvent donc là un langage et des éléments fédérateurs qu’elles peuvent difficilement refuser. C'est l'équivalent du poême d'amour au milieu du 20ème siècle.

Cela dit l’adhésion se module en fonction de la psychologie de chacun.

Sur les réseaux sociaux ce sont souvent des profils assez typés de jeunes filles qui éprouvent le besoin de se montrer seins nus

Soit des filles timides, qui sortent peu en boîte, qui parlent peu et qui se mettent ainsi en valeur par l’image, soit des filles qui ont un profil psychologique plus extraverti que la moyenne.

Les filles qui sont moins dans la dépendance à l’égard du regard d’autrui (et du regard masculin), pouvant plutôt se contenter de diffusion d’images d’elles dans des réseaux plus restreints, ou l’envoi du strip tease à leur petit ami.

Ce n’est pas pour autant une abolition complète des normes de pudeurs, car les filles qui s’affichent sur Facebook sont un peu dans des univers parallèles façon la Second Life et ne sont pas forcément capables d’assumer toutes les conséquences dans la vie réelle (agressions, chantages etc) que ces exhibitions peuvent entraîner. D’ailleurs elles ne se montreraient pas ainsi s’il n’y avait pas un appareil photo ou une caméra qui les « campent dans le rôle » et donnent une théatralité à leur geste.


N'oublions pas les chiffres du sondage de Tena qui indiquaient en 2009 un fort pourcentage de femmes qui se disaient pudiques dans la vie réelle même chez les ados.

Pour les revues l’oscillation entre des représentations réalistes et des représentations idéalisées de la nudité est une constante en Occident depuis la Renaissance. On peut penser à L’Origine du monde de Gustave Courbet contre la Naissance de Vénus d’Alexandre Cabanel

On a eu ces mêmes tendances dans le porno depuis sa création et dans l’érotisme.

Au début des années 2000, le porno chic a d’une certaine façon diffusé dans le domaine de la publicité un imaginaire à la Marc Dorcel et Hot Vidéo qui s’opposait au porno trash.
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Puis dans le domaine du porno le gonzo  est venu remettre en cause le porno classique (avec décors et scénarios) tout en valorisant les corps ordinaires. Internet, les nouveaux moyens de filmer les corps allaient dans le sens de la démocratisation du porno. Et du coup, cette démocratisation est allée un peu à l’encontre de l’effort qui avait été fait dans la période précédente d’esthétiser la sexualité même la plus hard.

On est au delà du clivage hard-trash qu’on trouvait dans les années 1990. C’est un « porno démocratique » , « next door » un porno dont tout un chacun peut être l’acteur qui s’impose.

Et donc les gens qui travaillent sur l’esthétisation de l’image comme la revue Edwarda doivent en tenir compte. Sa directrice Sam Guelimi déclare dans une interview à Grazia.fr que « la vulgarité s’invite parfois » dans sa revue. Idem avec « L’Imparfaite » essaie de s’ouvrir à toutes les sexualités. American Appel a su anticiper sur ce besoin de chacun de s’approprier un droit à montrer son corps. Terry Richards aussi.

L’aristocratisme est mal vu, soupçonné d’entretenir une spiritualité surannée autour d’un « Eternel féminin » figé, jusque dans la façon dont Andrew Blake filmait autrefois les fellations

En France 62 % des ados ont vu un film X au cours des derniers mois (Inserm 2005) et le X irrigue l’imaginaire des autres genres de représentation, donc cette démocratisation du X devait aussi avoir des effets sur la représentation de l’érotisme en général. D'une manière générale c'est la démocratisation du nu, façon "Belle toute nue".

 

Je parlerai plus précisément de tout ça à la journaliste de Glamour demain.

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