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Epaminondas ou le problème du rapport entre philosophie et guerre

9 Avril 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Pythagore-Isis, #Histoire des idées

Dans le cadre de ma réflexion sur le pythagorisme, je ne peux éviter de me pencher sur le cas du général thébain toujours victorieux Epaminondas, dont Châteaubriand nous apprend que Bonaparte avait adopté son nom comme pseudonyme pendant le siège de Toulon en 1795.
pyrrhique
Vidal-Naquet avant de mourir a bien voulu reprendre dans son ouvrage "Le chasseur noir" son article de la revue Historia de 1960 intitulé "Epaminondas ou le problème tactique de la droite et de la gauche". Epaminondas remporta ses batailles de Leuctres à Mantinée (qui assurèrent l'hégémonie thébaine en Grèce) en révolutionnant l'art de la guerre par la tactique de masser ses meilleures troupes dans une fonction offensive à gauche, et non à droite comme le voulait la tradition (révolution qui d'ailleurs ne sera pas adoptée par les grands généraux qui suivirent).

Chez les Grecs comme chez les Romains, la gauche est du côté de la faiblesse passive et de la mort (on trouve déjà cela chez Homère). Tout indique (et notamment les tables des contraires d'Aristote, que les pythagoriciens ont systématisé l'opposition entre haut et bas et entre droite et gauche, au point qu'il était très impudique de placer la jambe droite sous la jambe gauche quand on croisait les jambes. Les "acousmatiques" ordonnaient d'entrer dans un sanctuaire par la droite et de chausser le pied droit en premier.

 

A l'époque des Lumières athéniennes (notamment avec le Timée de Platon prolongé ensuite par Aristote, mais aussi les Lois où Platon comme le médecin Diogène d'Apollonie, recommande d'utiliser les deux mais indifféremment), dans la géométrie ("siège et métropole des autres disciplines" selon Philolaos de Crotone cité par Plutarque) et la métaphysique, l'espace et des plus en plus indifférencié (quoique l'opposition droite-gauche ne disparaisse jamais).

 

Vidal-Naquet considère qu'il faut prendre au sérieux la formation philosophique d'Epaminondas auprès du pythagoricien Lysis (présenté par Plutarque comme un compagnon d'infortune de Philolaos de Crotone chassé de Métaponte) voire selon certains auteurs auprès de Philolaos lui-même (qui fut un pythagoricien hétérodoxe qui, en tant que géomètre, voulut relativiser la polarité des lieux). Pour lui, Epaminondas fut un véritable général philosophe : Alcidamas d'Elée remarque que la prospérité de Thèbes fut liée au fait que les philosophes y devinrent chefs et six siècles plus tard Elien cite Epaminondas comme exemple de philosophe compétent dans les choses de la guerre. Dans son actualisation de 1980 (p. 118 et suiv de l'édition de 2005 La Découverte Poche), il regrette que dans les vingt années qui ont suivi la publication, les historiens n'aient pas donné d'écho à sa thèse selon laquelle le privilège accordé à l'aile droite dans la tactique grecque n'était pas seulement lié au fait que les guerriers portaient leur bouclier à gauche, mais aussi à un tabou culturel inhérent à la dévalorisation de tout ce qui est attaché au côté gauche. Il reproche à ses collègues historiens de n'expliquer le militaire que par le militaire sur la base des remarques techniques de Thucydide en occultant la part des surdéterminations culturelles. Selon lui l'articulation entre philosophie pythagoricienne et art de la guerre dans le cas des victoires de Leuctres et de Mantinée reste largement à étudier.

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