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Petite précision sur la philosophie morale

9 Septembre 2008 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

En réponse aux remarques de Laurent dans mon précédent post ci dessous, je dois préciser ceci : la philosophie morale a toujours été une des sous-parties de la philosophie, mais elle s'articulait toujours à une ontologie (même chez les stoïciens et les épicuriens). Avant Kierkegaard, personne n'aurait jamais songé définir une éthique sans avoir d'abord avancé une hypothèse sur la place de l'humain dans le cosmos et ce qu'on croyait être les "lois de la nature".

Laurent affirme que Kant n'aimait pas la métaphysique, mais c'est tout le contraire. Kant à ses débuts, dans ses premiers traités, était un métaphysicien dogmatique frénétique. Un leibnitzien convaincu. Le problème c'est qu'il était confronté au scepticisme de Hume (et aussi à l'irrationnalisme d'un mage si l'on en croit certains ouvrages) qu'il devait réfuter. Si bien que sur ses trois ouvrages majeurs (les trois critiques), le premier ("La Critique de la Raison pure"), est tout entier consacré à la métaphysique (ou si l'on veut à l'ontologie).

L'oeuvre de Kant est, d'une certaine façon, tout entière une tentative de restaurer la possibilité d'une ontologie. Mais, face aux crises du savoir (et de la religiosité) de son temps (une crise dont Hume "est le nom", si l'on veut, pour parler comme Badiou), il lance l'idée originale de "sauver" la métaphysique par la pratique, c'est à dire de montrer que les options métaphysiques (l'existence de Dieu, la spiritualité de l'humain, les vérités théologiques sur le cosmos etc) peuvent être validées par la possibilité même qu'a l'humain d'introduire de l'inconditionné dans sa pratique morale (Critique de la raison pratique) et dans sa production artistique (Critique de la faculte de juger). Entreprise identifée comme une trahison (ou un moment sceptique) de la métaphysique par Hegel. Tout un existentialisme catholique, et protestant ensuite allait s'inspirer de critiques plus ou moins rationnelles de la métaphysique classique pour réhabiliter les Mystères de la religion chrétienne, tandis que l'existentialisme athée allait, lui, mettre l'accent sur les options politiques que la fin de la métaphysique offre à l'être humain.

Aujourd'hui je ne sais pas trop à quoi sert cette philosophie morale qui n'a ni l'ambition de fonder la possibilité d'une quelconque ontologie, ni celle d'ouvrir la voie à une rédemption du sens par la politique. Il est tout à fait exact que la philosophie morale à diverses époques a pu fonctionner comme un supplétif de la religion (de la religion civique en faillite chez les Grecs et les Romains, du christianisme ou de l'Islam ensuite, du républicanisme sous Jules Ferry) auprès des "classes moyennes" qui ne pouvaient se consacrer à plein temps à la lecture. Aujourd'hui elle rend service à beaucoup de gens, et à beaucoup d'institutions : par exemple au marché de l'art, en poussant les gens à "soigner leur subjectivité" en allant visiter des galeries et des musées. Mais je trouve qu'elle n'est pas à la hauteur des vrais enjeux de notre temps. La science nous pose mille questions sur le statut de la matière, ses lois, les lois de l'esprit "adapté", suivant la sélection darwinienne, au fonctionnement de la matière. Ce sont là des questions ontologiques qui doivent être pensées, et qui doivent être prolongées par une réflexion éthique et politique sur l'animalité de l'humain, la manière dont celle-ci doit être comprise, organisée par les institutions, et l'avenir collectif que notre espèce doit s'assigner en relation avec les autres espèces, en relation aussi avec les machines, la technologie, des questions à repenser radicalement et de la façon la plus iconoclaste possible, ce que ne fait pas la philosophie morale des supermarchés.

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D
Vous trouvez que la morale « n'est pas à la hauteur des vrais enjeux de notre temps » et vous ne savez « pas trop à quoi sert cette philosophie morale qui n'a ni l'ambition de fonder la possibilité d'une quelconque ontologie, ni celle d'ouvrir la voie à une rédemption du sens par la politique ». <br /> Puis-je quelques premières remarques ? 1) l’ontologie ne participe pas à la politique, sauf si l’être est Dieu et que Dieu se mêle de politique, 2) la politique participe au sens sans rédemption : elle ne rachète pas nos fautes et n’échange rien mais sans doute impose. Donc, je ne vois pas qu’il y ait « une rédemption du sens par la politique », ni par la science politique, car la politique est une affaire de force pour maîtrise les forces ; mais je vois exactement le contraire : une rédemption de la politique par le sens lorsque la philosophie produit des idées. 3) En quoi la morale qui est une force faible (la politique est une force forte) peut-elle être une voie vers l’ontologie ? 4) Que veut dire « ontologie » car ce mot cache la complication du mot « être » : vous voulez dire « Dieu » ?<br /> Puis-je remarquer aussi que l’on peut imaginer au moins deux ontologies ? Une ontologie extérieure qui considère l’être supérieur à nous, et une ontologie intérieure, qui considère l’être en nous ou au plus en coïncidence avec nous. Pour la première, Dieu supérieur est autant extérieur que n’importe quelle chose sensible inférieure ou égale à nous, même si Sa petite voix parle en nous.<br /> Or, l’être est aussi au sens de Platon ce que l’esprit géomètre perçoit, ce que la conscience voit de l’œil de l’esprit : la droite qu’il convient d’ajouter pour démontrer le théorème de Pythagore, la diagonale irrationnelle qui double la surface d’un carré, et aujourd’hui, ce que la recherche philosophie produit depuis Meinong, Frege, etc. L’être est aussi intérieur, complètement intérieur ; c’est d’ailleurs aussi le sens de l’être primitif pour Heidegger ou scientifique pour Parménide.<br /> DéfiTexte : le défi des textes et des commentaires.defitexte.over-blog.frFaites le connaître !
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O
Un grand merci pour votre commentaire additionel.CodrilamentOsmose
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