Un massage "énergétique"
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Vous savez que j'ai publié il y a dix ans, un livre sur les salons de massage chinois, puis en 2017 un livre sur les médiums (ces sujets, mine de rien, se recoupent souvent).
Aujourd'hui j'étais chez une masseuse "énergéticienne", comme celle qui me servait aussi de magnétiseuse en 2015. Beaucoup de points communs aussi avec celle qui pratiquait l' "alchimie du coeur" en novembre dernier, notamment le fait qu'elle officie dans un "espace détente" où se loue une piscine privative : l'alchimiste du Béarn avait transformé sa propre maison en espace à louer avec piscine, celle d'aujourd'hui officie avec d'autres masseuses dans un salon partagé avec un espace médical, dont on ne sait comment la piscine et le jacuzzi y sont rattachés. Toujours est-il que la masseuse offre aussi des prestations sur les bords de la piscine sur demande. Certains esprits religieux pourraient dire qu'il s'agit là d'officines "antéchristiques" banalisées à proximité de chez soi.
Je referme cette parenthèse sur laquelle mon obligation de neutralité sociologique m'interdit de faire un commentaire.
La masseuse a peut-être moins de trente ans, de taille élancée (peut-être 1m75 ?), portant un tatouage de dragon sur le bras (ce qui ne m'inspire pas beaucoup confiance), elle explique qu'elle a été infirmière pendant cinq ans ce qui lui donne une bonne connaissance de l'anatomie (même discours qu'une ostéopathe coupeuse de feu que j'ai connue, qui, elle, avait été infirmière plus longtemps).
Différence avec mon expérience de 2015 : un plus grand respect de la pudeur des gens (on se déshabille derrière un paravent, on garde un caleçon). Il est vrai que celle de 2015 travaillait aussi occasionnellement dans le tantrisme, mais peut-être cette insistance sur le respect de la pudeur est-elle plus généralement plus marquée dans le domaine du bien-être qu'il y a dix ans. Point commun : le langage un peu abscons dans le domaine énergétique, des remarques après la séance sur la "division" de ma personnalité, sur les muscles du haut du dos crispés (ce qui s'accompagne de prescriptions morales contestables sur le thème "vous assumez trop de responsabilités" ce que me disait aussi la voyante Maud Kristen - ; vous devriez exiger plus des autres et vous affirmer : autant de prescriptions morales dont les présupposés ne sont pas du tout neutres mais que les gens peu avertis peuvent gober naïvement sans se rendre compte de l'ingérence que cela représente dans leur vie). Même remarque aussi sur le fait que sur le plan du "mental" je "m'ouvre puis je me reprends sans cesse" (le médium de février 2014 dont je parlais dans mon livre disait "tu t'ouvres et tu te fermes"). Même discours aussi que les médiums de 2014-2015 sur la présence d' "entités". "Une forte présence de votre grand-père ou de votre arrière-grand père, ils m'ont aidée à faire votre massage". Puis, comme pour banaliser son propos elle ajoute : "C'est normal, on a tous des guides" - comme si cela allait totalement de soi.
Quand je lui parle de mes mauvaises expériences avec des "entités" en 2015, elle dit qu'elle même "chasse beaucoup d'entités" pendant les massages, mais pas celles qui sont trop "lourdes", qu'il faut avoir des rituels pour se protéger, ou des pierres comme la tourmaline. Je lui raconte que ma secrétaire en 2015 m'avait offert une tourmaline qui s'est cassée toute seule dans un tiroir chez moi. Elle me dit que les pierres se fragmentent en absorbant les "énergies négatives" des lieux. Elle me conseille un magasin où l'on me vendra une pierre "bien adaptée à ma situation" (les détracteurs peuvent voir là une sorte de réseau du commerce de la sorcellerie ou du paranormal banalisés dans lequel voyants, magnétiseurs, vendeurs de pierres et d'huiles essentielles se renvoient les uns vers les autres - voyez le risque d'emprise mentale que ces réseaux imposent dénoncé par le dernier rapport de la Miviludes - Le Monde 8 avril 2025). Elle dit qu'il me faut aussi un contact avec la nature (encore une constante du discours des médiums New Age, celle de 2015 recommandait le câlin avec les arbres).
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La jeune femme dont les mains chauffent beaucoup dit être magnétiseuse, fille d'un magnétiseur qui a exercé pendant trente ans (le "don" est souvent héréditaire). Dans son cabinet il y a un attrape-rêves (les instruments bouddhistes sont presque inévitables dans les "salons de bien-être", comme chez les ostéopathes), et un copie de la saison "été" des quatre saison de l'illustrateur tchèque (franc-maçon) Mucha (il est certain que l'oeuvre était de Mucha, je ne suis pas complètement sûr que c'était cette image là, je ne l'ai vue que furtivement dans la pénombre, la masseuse a dû lire le nom de l'auteur pour savoir de quoi elle s'agissait, elle m'a dit que cela avait appartenu à sa grand-mère). Voilà pour le décor (qui a son importance dans les résonnances culturelles et spirituelles). A part ça le massage ne fut pas spécialement doux bien qu'il fût censé être relaxant. J'ignore quels en furent les bénéfices et inconvénients.
La journaliste et le pape
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Vers 11 h 20 j'étais à la messe près de chez, en latin, mais c'était la seule de toute la matinée dans la ville en ce lundi de Pâques.
A la sortie une femme m'interpelle : "Je peux vous poser une question ? Etiez vous à la messe pour le pape François qui vient de mourir ?". C'était une journaliste d'une station régionale venue recueillir des avis sur le parvis de l'église avec son gros micro.
Je lui fais comprendre que je ne fais que passer, que je ne suis pas représentatif des fidèles. Je lui fis remarquer que c'était une messe traditionnelle. "Ah oui. Ca revient au goût du jour, me dit-elle. C'est terrifiant !"
La violence du propos me surprit venant d'une journaliste censée recueillir des propos en toute neutralité.
Mais elle ne s'arrêta pas en si bon chemin et partit dans des imprécations contre le "repli sur soi" des chrétiens, leur intolérance à l'égard de l'IVG, des migrants. Comme je lui faisais remarquer que la moyenne des gens à cette messe était plus basse que la moyenne des autres messes, elle critiqua cette "jeunesse qui rejoignait l'extrême droite". Au début j'essayai de nuancer ses certitudes sur le lien "intégrisme religieux-positionnement politique", pour au moins essayer de la faire réfléchir, de même je lui dis que l'Eglise ne pouvait quand même pas renoncer aux textes sacrés qui prohibent le meurtre des enfants, mais on sentait bien que c'était épidermique.
Plutôt que de contrer ses propos - ce qui semblait totalement vain - j'essayai plutôt de mieux comprendre qui j'avais devant moi. Et je fus surpris par le besoin profond qu'elle semblait avoir de se confier. Elle me dit qu'elle même était issue d'une famille très catholique sur des générations, qu'elle était baptisée, confirmée et même qu'elle avait reçu l' "extrême onction" car elle avait été dans la mort pendant un temps assez long avant de revenir à la vie. Je lui demandai si elle avait eu une expérience de mort imminente mais elle me dit que non. "Vous êtes revenue à la vie parce que vous aviez des choses à apprendre encore ici bas" lui dis-je tout en m'interrogeant sur ce qu'avait bien pu être le plan de Dieu en sauvant cette femme puis en la mettant sur mon chemin aujourd'hui, quelques heures seulement après une intéressante conversation que j'avais eue avec d'autres catholiques la veille.
"L'Eglise rejette les immigrés, me dit-elle encore, alors que dans mon enfance mes grands-parents avaient toujours une place pour le pauvre". La mort du pape "progressiste" la laissait orpheline et inquiète...
Son point d'honneur à prétendre parler en tant que catholique contre ces "intégristes" en disait long sur l'état de division de l'Eglise actuelle. Je ne pus échanger davantage avec elle car le prêtre donna sa bénédiction et elle se rua alors vers l'église pour trouver quelqu'un à interroger. Entretemps elle m'aura eu dit qu'elle avait 47 ans et que son fils était dans un lycée public de la ville. Pas suffisant pour faire une "socioanalyse" de cette journaliste.
Le catholicisme de JD Vance
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Le catholicisme "post-libéral" du vice-président américain JD Vance en ce moment en visite au Vatican intéresse Le Monde. J'encourage mes lecteurs à lire "Comment j'ai rejoint la résistance" dans The Lamp Magazine ici (avec le navigateur Google Chrome et son traducteur automatique par exemple), le récit de sa conversion. Il y décrit le protestantisme assez déboussolé de sa famille prolétaire protestante, son engagement militaire en Irak en 2015, son ralliement à l'athéisme pour s'intégrer aux élites universitaires (il y montre notamment que le libertarianisme athée d'Ayn Rand pouvait être le vecteur d'une tell integération, ce qui est assez contre-intuitif pour un Français de mon âge).
Il fait une analyse intéressante du déficit moral qu'il ressentait dans cette nouvelle culture (à rapprocher selon moi sociologiquement du clivage de son habitus quand il était étudiant à Yale). Il semble qu'il ait commencé à trouver une voie de compromis (même s'il ne le formule pas comme cela) dans une citation de St Augustin dans la Cité de Dieu recommandant aux chrétiens de ne pas être ignorants des vérités scientifiques. Il détaille l'influence sur lui à partir de 2011 des théories de l'entrepreneur (et ex-élève de René Girard à Stanford) Peter Thiel sur la stagnation technologique mise en parallèle avec la rareté des postes de pouvoir.
A propos de la théorie du bouc-émissaire de Girard, il écrit : "en 2013, elle reflétait si bien la psychologie de ma génération, en particulier de ses habitants les plus privilégiés. Embourbés dans le bourbier des réseaux sociaux, nous avons identifié un bouc émissaire et nous nous sommes jetés dessus. Nous étions des guerriers du clavier, nous déchargeant sur les autres via Facebook et Twitter, aveugles à nos propres problèmes. Nous nous disputions des emplois que nous ne voulions pas vraiment, tout en faisant semblant de ne pas nous battre du tout. Et au final, pour moi du moins, j'avais perdu le langage de la vertu. J'avais plus honte d'avoir échoué à un examen de droit que d'avoir perdu mon sang-froid avec ma petite amie. Il fallait que tout cela change. Il était temps d'arrêter de chercher des boucs émissaires et de me concentrer sur ce que je pouvais faire pour améliorer les choses."
Revenant à St Augustin, il y a trouvé une critique des inégalités et de la consommation qui l'a aiguillé très progressivement vers les "sagesses" (pour ainsi dire) du communautarisme catholique, en dialogue avec des frères dominicains. Il dit que depuis lors son épouse (une juriste hindoue) trouve que sa foi catholique est bonne pour sa santé (sic)... On n'est pas loin de la phrase d'Ariston de Chios "la vertu est la santé de l'âme", transformée par Nietzsche en "ta vertu est la santé de ton âme".
Le corps-signe de Gemma Galgani
Voici un récit du RP Germano di Santo Stanislao dans "Gemma Galgani, la séraphique vierge de Lucques" p. 77.
Nous sommes le mardi 29 août 1899. Ce jour là, si j'en crois le journal Le Temps du lendemain, leministre des colonies anglais Chamberlain a adressé un ultimatum aux Boers dans sa guerre contre eux, uen grande solennité est organisé à la basilique Saint-Pierre pour le centenaire de la mort de Pie VI en exil à Valence,la Serbie est agitée par le procès de l'ex-roi Milan, au conseil de guerre de Paris, le colonel Cordier dépose dans le cadre du procès Dreyfus, et des révolutionnaires menacent d'envahir Saint-Domingue.
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Loin de cette agitation, à Viareggio (14 000 habitants, en bord de mer) à 20 mn de Lucques (73 000 habitants), en Toscane, le RP Pietro Paul Camilo Morescini, provincial des passionistes, 41 ans, qui sera dix ans plus tard archevêque de Carmerino, se rend chez la pieuse Cecilia Giannini, 52 ans, soeur du chevalier Matteo Giannini. Il veut y constater les charismes de la jeune Gemma Galgani, 21 ans (dont il sera le directeur de conscience et qui mourra quatre ans plus tard, et sera canonisée en 1940). On sait que la jeune femme - connue pour dialoguer régulièrement avec son ange gardien - guérie miraculeusement d'une maladie mortelle 5 mois plus tôt le 3 mars 1899 par l'intercession de Sainte Marguerite-Marie Alacoque, a reçu des stigmates le 8 juin.
Voici son récit du 29 août :
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« J’avais, dit-il, entendu raconter sur la jeune fille des choses merveilleuses. Soupçonnant là de pures illusions, assez fréquentes dans son sexe, je formai le projet de m’en rendre compte par moi-même. Je me rendis donc à la maison de la famille Giannini ; c’était un mardi. Après l’avoir vue, je me sentis inspiré de demander à Dieu quelque signe palpable de l’origine divine de ces faits prodigieux, et, sans en rien dire à âme vivante, j’en spécifiai deux : une sueur de sang et la formation des stigmates.
« A l’heure des vêpres, la jeune fille se rend seule, pour ses prières habituelles, devant le grand crucifix de la salle à manger. Quelques minutes après, j’ouvre la porte et je la vois en extase, toute transfigurée. Bien que plongée dans une immense douleur, elle paraît vraiment un ange. Je m’approche: de son visage, de la tête, des mains et sans doute de toutes les parties de son corps coule un sang vermeil, qui se dessèche avant d’arriver à terre et ne s’arrête qu’après une demi-heure. Je me retire vivement ému.
« Sortie de l’extase. Gemma dit confidentiellement à madame Cécilia : « Le père a demandé deux signes à Jésus, et Jésus lui en a donné un ; il lui donnera également l’autre. Quels peuvent bien être ces signes ? le savez-vous ? » Le soir venu, cette dame m’aborde, haletante d’émotion : « Père, me demande-t-elle, n’attendriez-vous pas pour second signe les stigmates ? » Je restais interdit, et elle de reprendre : « Je vous le demande parce que s’il en était ainsi Gemma les a déjà ouverts ; venez voir. » J’y cours et je trouve cette enfant bénie en extase comme la première fois ; ses mains sont transpercées, transpercées, dis-je, de part en part ; elles portent en pleine chair une large plaie d’où le sang jaillit en abondance. L’émouvant spectacle dure cinq minutes. (Ici le prélat en fait une description minutieuse qui concorde parfaitement avec celle que le RP Germain a donnée). A la fin de l’extase l’épanchement sanglant cesse, les blessures se ferment, la peau déchirée reprend subitement son premier état, et dès que la servante de Dieu s’est lavé les mains on n’aperçoit plus aucune trace du phénomène. Jésus avait daigné entendre ma prière. En lui rendant de vives actions de grâces, je déposai tout doute défavorable, fermement convaincu qu’il y avait là le doigt de Dieu. »
Cette relation, envoyée par l’auteur à Monseigneur Volpi (évêque auxiliaire de Lucques) le 3 septembre 1899, se terminait par ces lignes : « J’ai vu de mes propres yeux les plaies des mains, tant celles de la face dorsale que de la face palmaire, et c’était de véritables blessures. A la fin de l’extase toutes s’étaient fermées ; il ne restait que les cicatrices. Or, comment est-il possible qu’une plaie se ferme ainsi naturellement ? Pour moi j’y reconnais l’opération divine. »
" Madame Cécilia, remarque le RP Germain, pour ne point contrister la servante de Dieu, ne manifestait aucun étonnement devant de tels faits prodigieux. Elle en bénissait le Seigneur, redoublant pour son hôte de vénération et d’amour. « Vive Jésus, disait-elle, nous possédons un ange à la maison. Comment correspondre à une si grande grâce ?"
Le carme Salvator Thor-Salviat (1881-1954) - qui bizarrement dans son livre déplace un peu le lieu et la date du témoignage du prêtre passioniste - pour sa part allait ajouter ceci à propos de ce phénomène :
"On n’a pas manqué d’objecter que des phénomènes de ce genre avaient pu être observés et suivis dans les cliniques où des médecins spécialisés soignent des maladies mentales et des tares physiques dont l’ensemble constitue ce que l’on a appelé d’un nom générique : l’hystérie... Il en fut grandement question, notamment à l’époque où le D r Charcot faisait des expériences plus ou moins probantes sur des sujets spéciaux qu’il traitait à la Salpêtrière, à Paris. Disons tout d’abord que, depuis le D r Charcot, il a été démontré que la plupart, pour ne point dire tous les sujets dits hystériques dont ce praticien éminent faisait grand cas, étaient des simulateurs plus ou moins conscients et qui se trouvaient produire sur eux- mêmes, à la suite de réactions psychologiques et physiologiques apparentes, les phénomènes qu’on leur suggérait.
On ne croit plus guère aujourd’hui, dans le monde médical, à l’hystérie, sous la forme où prétendait la décrire le D r Charcot, mais il y a toujours des simulateurs, spontanés ou suggérés. On va voir que ces faits ne nous gênent aucunement. Car d’abord — il convient de le répéter — il n’est point démontré qu’il y ait réellement des stigmates hystériques où les capacités de destruction régulière des tissus ou bien de reconstitution de ces mêmes tissus (ainsi qu’on le voyait dans les stigmates à périodicité fixe de Gemma Galgani) attesteraient un pouvoir persistant et une activité positive dans l’imagination du sujet « hystérique ». On n’a pu constater jusqu’à présent que des phénomènes approchant de celui des stigmates d’ailleurs non spontanés, mais provoqués par une force humaine relative, soit extérieure, comme serait la suggestion du médecin (cas le plus fréquent à la Salpêtrière), soit intérieure, par autosuggestion... suggérée.
Or, on n’explique pas le plus par le moins, et il est donc clair que l’hystérie n’explique pas les stigmates mystiques. C’en est, tout au plus, l’imitation ou plutôt la caricature. Cependant, soyons larges et concédons que l’on puisse parvenir quelque jour à présenter des « hystériques » qui, spontanément, régulièrement, périodiquement, offrent les caractères extérieurs de la stigmatisation. La question ne sera pas encore résolue en faveur de la thèse rationaliste selon laquelle les stigmatisés relèvent de l’hystérie pure. Il faut faire intervenir ici d’autres critères. En effet, rien n’empêchera qu’il y ait encore des stigmatisations surnaturelles à côté d’autres, naturelles. Le tout sera de les discerner. Comment? Par l’examen attentif de la stigmatisation dans chaque cas. Il faudra examiner le sujet sur lequel se produisent ces faits étranges, en fonction d’abord de son caractère, en fonction ensuite de sa vie naturelle et surnaturelle. Et c’est seulement après ces considérations globales que l’on pourra fixer la valeur, naturelle ou surnaturelle, de la stigmatisation. Ceci dit, venons aux critères permettant de faire les discernements voulus. Un sentiment vital, profond, doit se trouver à la base du phénomène surnaturel. Qu’un sujet hystérique arrive, après un dressage spécial, à reproduire certains phénomènes extérieurs de la vie spirituelle, il se borne après tout à mimer, à singer, et cela de façon faible et non spontanée. II y manque le point central, l’animation intérieure, le moteur, et ces phénomènes demeurent, chez « l’hystérique », larvaires, affaiblis, comme grimaçants. Ils accusent tout simplement l’état anormal du sujet. Au contraire, chez le stigmatisé, les phénomènes procèdent à la fois de dispositions intérieures très élevées et d’une idée centrale qui leur donnent un sens, une irection ascendante. Ces dispositions sont une piété régulière, un profond amour de Dieu, avec les austérités et retranchements souvent héroïques qui le manifestent. L’idée centrale, c’est la constante recherche de Dieu, c’est une aspiration continue vers la perfection. Voilà, en fait, le vrai lien synthétique des manifestations extraordinaires chez le stigmatisé et que l’on ne découvre pas, au contraire, chez l’hystérique. Dans le premier cas — le saint — les stigmates sont l’expression vitale d’un sentiment qui transcende, par ses origines et ses tendances, la nature humaine. Dans le second — l’hystérique — ils ne sont qu’une reproduction mécanique. Et l’on a rapproché les deux ordres de sujets et de phénomènes de la voix, qui est organique, et du disque, qui est mécanique. Ce caractère vital des manifestations mystiques chez Gemma apparaît aisément si l’on constate, en effet, chez elle, l’absence d’antécédents morbides dans son ascendance et dans son enfance, l’absence de suggestions extérieures autour d’elle, l’adéquation parfaite entre lesdits phénomènes et la vie profonde de la jeune fille. Et comme, en fait, ces conditions sont bien réalisées dans son « cas », on est logiquement autorisé à conclure à l’évolution harmonieuse, chez elle, d’une série de prodiges se déroulant dans les cadres réguliers et surnaturellement normaux d’une finalité transcendante ou divine. En résumé : l’unité, le rythme, l’originalité des manifestations extraordinaires chez Gemma attestent à la base et comme lien continu de ces phénomènes, un sentiment vital profond qui ne se trouve pas chez les sujets hystériques. La sainteté de sa vie, sa sincérité, excluent la simulation ou l’état mental anormal qui caractérisent les phénomènes artificiellement provoqués dans l’état de la pure hystérie"
Personnellement je ne connaissais pas les sueurs de sang, qui sont aussi une pathologie rare appelée hématidrose (exemples ici), mais qui va avec la morbidité, c'est pourquoi S. Thor-Salviat soutient que cela n'a rien à voir avec la psychologie de la sainte. Emmanuel Falque, philosophe qui s'intéresse à la "chair de Dieu" devrait peut-être nous dire un mot de ce phénomène.