Mon livre"La Nudité" dans la revue "Sciences humaines"

La revue Sciences Humaines, est assez lue, et ce numéro d'avril, consacré à l'école, risque de l'être en particulier par les enseignants. J'observe que le blog "Ethnologiques" s'est fait l'écho de cet article dès le 20 mars.
Une précision quand même sur le commentaire que fait Flora Yassine de mon livre : toutes les thèses que je décris dans la première partie sont évolutionnistes, et celle que je privilégie, ne part pas du tout du principe que le sexe des femelles "est caché par les poils" chez les autres animaux : d'abord je ne compare pas l'humain femelle aux autres animaux mais aux primates du même sexe (les espèces les plus proches de la nôtre), lesquelles n'ont pas du tout le sexe caché mais au contraire la vulve visible et qui se colore pour attirer les mâles quand elles sont en chaleur. Par conséquent ce n'est pas dutout une problématique de la dissimulation par les poils qui peut expliquer la nudité (chez l'humain aussi la femelle a le sexe dissimulé par les poils), mais celle de la dissimulation de la vulve par la station verticale qui aurait entraîné une substitution du corps sans poil à la vulve sans poil comme stimulus sexuel permanent. Je précise cela pour le cas où des spécialistes tomberaient sur le résumé de Flora Yassine et me suspecteraient d'avoir commis un contresens sur les thèses que je rapporte.
Je lis en ce moment, pour en faire une recension sur Parutions. com, l'Histoire de l'adultère d'Agnès Walch. J'y pêche des petits détails qui, d'une certaine façon, peuvent compléter les exemples que j'avançais à l'appui de mes idéaux-types (ou de mes idealtypes, utilisez le vocable que vous voulez). Ainsi quand je me demandais si la poésie courtoise médiévale visait un Eternel féminin nu ou habillé, j'apprends en lisant Agnès Walch que celle-ci codifiait précisément les gestes autorisés par le jeune chevalier, et que ces gestes pouvaient aller jusqu'à faire dévêtir complètement la Dame mais sans aller jusqu'à la toucher, ce qui peut confirmer, au fond, l'idée qu'une sorte de nudité féminine visuelle, apollinienne, qu'on trouve aussi dans la métaphysique grecque, pouvait plus ou moins consciemment dominer l'imaginaire courtois. Mais j'avance cela sous toute réserve. De même j'ai lu avec intérêt les pages d'Agnès Walch sur la sanction de l'adultère par la peine dite de l' "authentique" qui mobilie souvent la nudité. Je rattachais ces peines à la culture germanique en suivant Dominique Barthélemy. Mme Walch l'inscrit dans la filiation du droit romain. J'y reviendrai peut-être plus en détail ultérieurement.
CC
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Lettre à mon corps (Revue "Sciences humaines" - avril 2009)
La Peau. Enjeu de société. Bernard Andrieu, Gilles Boëtsch, David Le Breton, Nadine Pomarède et Georges Vigarello(dir.),CNRS,2008, 380 p., 12 €
La Nudité. Pratiques et significations. Christophe Colera, Le Cygne, 2008, 187 p., 20 €
Flora Yassine
Cher corps,
Décidément, l’intérêt que l’on te porte ne faiblit pas. En cette année 2009 chargée, si l’on en croit l’actualité, de soucis bien lourds, te voilà à nouveau examiné sous toutes les coutures.
C’est d’abord le tour d’un philosophe du CNRS qui se fait fort de raconter ton histoire sous l’angle médical, dans un ouvrage ambitieux et passionnant. Le premier traité de médecine antique, affirme Georges Vignaux, remonterait au xviiie siècle avant notre ère, à Babylone : le Code d’Hammurabi réglementait l’activité des médecins et prévoyait les risques encourus en cas de faute professionnelle grave ! Et l’auteur de nous conter comment a progressé la connaissance de tes fonctionnements, comment se sont croisées les croyances, la magie, l’alchimie et les avancées de savoirs plus précis et plus scientifiques, de l’Antiquité à nos jours, des dissections à l’étude des grandes épidémies… Il n’oublie pas non plus les perspectives que t’offrent aujourd’hui les nouvelles techniques de pointe, propres à te transformer pour que tu ne laisses plus l’âge nous trahir, que tu nous permettes de mieux jouir, d’être plus performants, plus beaux, et éternellement jeunes…
Tu serais même en train de devenir l’objet d’une « nouvelle religiosité », affirme Aurélien Guérard dans un second ouvrage (La Peau. Enjeu de société). Il consacre sa contribution aux nombreux implants que l’on peut aujourd’hui glisser sous ton épiderme : médicaux pour booster un organe défaillant, « techno-sécuritaires » pour déclencher son ordinateur ou la fermeture de sa maison, esthétiques bien sûr pour gonfler les poitrines féminines ou les sexes masculins. Historiens et anthropologues se penchent sur ton enveloppe, cette interface entre le biologique et le social, « entre la nature et la culture », écrit David Le Breton. Les couleurs de la peau y font l’objet de plusieurs analyses, de la blanche noblesse aux hiérarchies raciales – blanc, jaune, noir –, et aux fantasmes suscités par le corps métis, que Gilles Boëtsch nous décrit à la fois stigmate et objet de désir. Et si l’on considère que l’on peut devenir rouge de honte, bleu de peur, vert de rage…, c’est dire ce que ta peau communique !
Un troisième ouvrage enfin (La Nudité) se penche sur ton plus simple appareil. Pleine de récits et d’anecdotes – des bains romains à la douche collective des ouvrières dans l’ancienne URSS en passant par le film porno –, l’étude du sociologue Christophe Colera passe en revue les messages que ta nudité est capable de livrer. Mais d’abord, se demande-t-il d’entrée, pourquoi avons-nous perdu notre fourrure et la plupart de nos poils ? Les théories les plus fantaisistes circulent sur cette question. Je te laisse les découvrir. L’auteur, lui, en pince pour une thèse évolutionniste : le redressement du squelette aurait occasionné l’occultation des parties génitales féminines, cachées, chez les autres mammifères, par les poils… Plus grand-chose à cacher, plus beaucoup de poils ! Ces lectures stimulantes, cher corps, prouvent que tu restes l’objet de toute notre attention.
Cléopâtre

Cette polémique coïncide avec un regain de popularité de Cléopâtre dans les années 2000 (films, livres, séries, comédies musicales) qui coïncide avec diverses valeurs de notre époque (la promotion politique de la femme, l'hédonisme, la valorisation des échanges interculturels).