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Retour à Aphrodite Ourania

7 Avril 2024 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète, #Ishtar, #Spiritualités de l'amour

En 2017, j'avais écrit sur l'Aphrodite céleste ici. Cela m'avait valu à l'époque de recevoir un message d'un certain Benjamin Bories qui voulait écrire sur la nudité - Dieu seul sait ce que ce garçon est devenu depuis lors. J'ai éprouvé aujourd'hui le besoin de retourner à la question de cette Aphrodite Ourania parce que j'ai de plus en plus conscience que la vérité, comme Aphrodite, est une perle dans un écrin, qui ne se donne pas à tout le monde (ou, comme le dit le christianisme qui à la Renaissance s'entremêlait avec le platonisme sur l'image d'Aphrodite, c'est la pierre de touche que tout le monde laisse au rebus). C'est pourquoi ce blog - qui au demeurant, comme mes livres, ne livre qu'une petite part des vérités que j'entrevois - n'intéresse personne, tandis que tout le monde se rue sur les vidéos de types qui, devant leurs micros, ne touchent qu'à la plus vulgaire écume des choses - l'Aphrodite Pandemos.

Pour méditer un peu sur l'Aphrodite céleste, j'ai regardé cette vidéo de l'universitaire britannique David Braund d'il y a neuf ans. Elle nous fait faire un détour par la Crimée grecque et la péninsule de Taman (le Royaume du Bosphore, à Bolshaya Bliznitsa), mais après tout pourquoi pas, cela convient à l'homme des marges que je suis.

Les archéologues, sur la base d'Hérodote, ont parfois assimilé l'Aphrodite Ourania à la déesse chamanique scythe Argimpasa (que Yulia Ustinova a aussi rapprochée d'Astarte) Aphrodite Ourania est la déesse tutélaire du sancturaire Apaturum. Attardons nous un instant sur ce nom. Apatouros en grec veut dire trompeur. C'est un épithète d'Aphrodite à cet endroit car, assaillie par les géants, la déesse, selon Strabon, les trompa un par un en les envoyant à Héraklès qui les tua et les enterra. L'auteur d'un livre sur les Nephilim que je suis ne peut que s'intéresser à ce détail, d'autant que je sais que l'Abkhazie voisine (qui borde aussi la Mer Noire) a également une histoire forte avec les Géants. Braund rattache l'histoire au passé sismique de la région comme la Sicile (les cadavres des géants sous la terre causeraient les tremblements de terre), but that's another story for another day. Qu'Aphrodite céleste soit aussi l'Aphrodite trompeuse pour les brutes qui veulent se l'approprier trop facilement doit nous alerter !

Braund insiste sur l'intérêt qu'il y a à rattacher l'Aphrodite Ourania aux paysages qui entourent ses sanctuaires. C'est une tendance en vogue dans l'archéologie contemporaine : rattacher les cultes aux lieux, aux pratiques (on est de ce point de vue assez éloigné de la Renaissance italienne dont parlait mon billet de 2017. A ce stade on est en présence d'une déesse beaucoup moins "ésotérique" et associée aux recherches individuelles qu'à l'époque de Pic de la Mirandole. Il semble d'après Braund que dans le Royaume du Bosphore elle soit plus associée à un amour familial généralisé, un peu comme la Vénus de Pompéi décrite par jadis Paul Veyne.

En 1997 Maria Alexandrescu Vianu avait distingué l'Aphrodite Ourania-Astarte de Atargatis-Cybèle déesse nord-syrienne à Olbia, d'ailleurs appelée Aphrodite Syrienne. L'épiclèse Ourania pour l'Aphrodite Apatouros ne serait pas antérieure au IVe siècle - et la légende de l'Aphrodite trompeuse reprise par Strabon ne serait pas antérieure à cette époque là.

A Panticapée (aujourd'hui Ketrch) il y avait (d'après ce qu'on en savait en 1997) 3 inscriptions du IVe siècle à une Aphrodite sans épiclèse, et deux des années 200 av JC (une stèle et une base de statue) à Aphrodite Ourania Apatouria. Sur le relief de la stèle dédiée à Ourania, la déesse est représentée assiste sur un cygne envol, tenant un sceptre dans la main gauche. A sa gauche se trouve un Eros qui, si l'on en juge par l'aile restée dans sa main, portait un oiseau. L'Aphrodite sur le cygne est très répandue sur les vases de Kertch.

L'interpraetatio d'une déesse scythe ou orientale comme Aphrodite Ourania n'est pas spécifique au Bosphore.  " Pour les Grecs classiques, Aphrodite était d’abord Ourania parce que fille d’Ouranos, écrit Vinciane Pirenne-Delforge du Collège de France. Ce n’était cependant pas la seule signification de l’épiclèse car c’est précisément en tant qu’Ourania qu’Aphrodite était qualifiée comme déesse venue d’ailleurs. Toutes les déesses étrangères auxquelles Hérodote s’attachera à donner une interpretatio graeca et qui adopteront le nom d’Aphrodite ne le feront jamais sans l’épithète Ourania : que ce soit la Mylitta des Perses, l’Astarté des Phéniciens ou l’Alilat des Arabes, chacune sera pensée en grec en tant qu’Aphrodite Ourania. De la même manière, Aphrodite Ourania est le nom grec adopté par des étrangers installant le culte de leur Grande déesse d’origine dans des cités grecques : les marchands de Kition de Chypre installent au Pirée, à la fin du ive siècle, un culte d’Aphrodite qu’une de leur compatriote honorera dans une inscription sous le nom d’Ourania. À Délos, les exemples ne manquent pas non plus de ce type d’interpretatio graeca (...) L’ambiguïté de l’adjectif, à la fois référence à la paternité du Ciel (tradition grecque) et à une origine orientale présumée, est bien présente dans les informations fournies par Pausanias à propos du sanctuaire d’Ourania à Athènes : Égée aurait fondé le culte (tradition « indigène »), mais c’est tout autant à Ascalon qu’il trouverait son origine première. C’est donc autour de cette épithète que se concentre le plus clairement l’ambiguïté de la personnalité d’Aphrodite telle qu’elle était déjà apparue en tant que « chypriote », Cypris. Ourania est la déesse d’ici et d’ailleurs, reine d’un ciel physique où elle règne au présent, mais qu’elle traversa jadis pour rejoindre la Grèce depuis une patrie dont l’identité exacte tend à se dissoudre. L’iconographie, quand elle offre l’image de la déesse chevauchant une monture dans un ciel étoile, parfois au-dessus des vagues de la mer201, condense ces deux conceptions de l’épithète."

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