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Albert le Grand et la Sainte Vierge

4 Mars 2021 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Quiconque connaît un peu l'histoire du Quartier Latin et de l'université française, notamment à travers les travaux de Jacques le Goff, sait quel rôle éminent joua Albert le Grand (qui donna son nom à la place Maubert) dans la diffusion de la scolastique (l'aristotélisme chrétien) à Paris. En lisant la vie de son élève, Thomas d'Aquin, écrite par Guillaume de Tocco (ch 14), je tombe sur cette anecdote intéressante à son sujet : "Après son entrée dans l'ordre (dominicain) alors qu'il s'était voué au culte de la glorieuse Vierge Marie, une nuit qu'il la priait avec dévotion, il lui sembla que son corps était plongé dans un bain brûlant, de la même façon que son âme brûlait de ferveur. Alors la glorieuse mère de Dieu lui apparut et de ses mains très saintes essuya d'un linge son visage en feu. A son réveil, il s'aperçut que son esprit était subtil, son entendement si lucide et sa mémoire si fidèle qu'il comprenait tous les livres qu'il lisait et retenait tout ce qu'il avait saisi. Son élève disait de lui qu'il ne croyait pas qu'il y eût au monde un homme qui eût appris et compris autant de choses fondamentales que lui. Il était donc digne, lui dont les mains de la Vierge Marie avaient essuyé le visage, d'avoir l'esprit illuminé par la sagesse de Dieu, que la Vierge elle-même avait portée dans ses mains."

On a là une information inattendue sur la présence mariale au coeur même du processus de développement de la scolastique en Europe, présence qui peut-être ne surprendra pas ceux qui connaissent la place du rosaire dans le développement de l'ordre dominicain, mais qui en tout cas positionne la Sainte Vierge dans un plan auquel les représentations (et les apparitions) du XIXe siècle ne nous avaient pas habitué, puisque celles-ci se situent plutôt dans le registre de l'émotion (douce ou sévère) et pas de l'intellect. L'interprétation de de Tocco qui relie la compétence de la dispensatrice de toutes les grâces au fait qu'elle avait aussi tenu la sagesse de Dieu dans ses mains en portant l'Enfant-roi est aussi intéressante. Le geste d'essuyer le visage, comme Sainte Véronique, paraît énigmatique. Presque autant que la lactation de Saint Bernard. J'ignore si elle peut se rattacher ou comparer à quelque autre vision ou songe dans l'histoire catholique.

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