Ce 16 décembre, le miracle de Saint Janvier n'a pas eu lieu à Naples
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Saint Janvier (San Gennaro en italien), fut évêque de Naples au troisième siècle. Mort martyr en 305 pendant la persécution de l’empereur romain Dioclétien, ses os et son sang sont conservés dans la cathédrale. A Naples le sang du saint patron de la ville, saint janvier, se liquéfie trois fois par an depuis 1389, le 19 septembre, jour de sa fête, le samedi précédant le premier dimanche de mai (anniversaire du transfert du corps du saint du cimetière Pouzzoles, où il avait affronté les bêtes du cirque, à Naples) et le 16 décembre, anniversaire de l'éruption du Vésuve en 1631 (qu'il apaisa cette année là mais aussi en 1698 et 1707 comme il vainquit la peste en 1527), un phénomène de liquéfaction qui n'a pas pu être étudié scientifiquement et donne seulement lieu à des spéculations. L'analyse spectrale effectuée le 26 septembre 1802 par l'abbé Sperindeo semble bien avoir prouvé en tout cas qu'il s'agit effectivement de sang et non d'un autre liquide, l'abbé ayant aussi prouvé que la masse du liquide augmente dans l'ampoule pendant le miracle d'après ce qu'en a rapporté dans un bulletin paroissial breton de novembre 1917 le professeur Léon Cavène (mais il ne cite pas la source de son information).
"Pendant le miracle, explique cette année Vatican News, la masse séchée de couleur rouge confinée au fond du reliquaire devient du sang liquide qui recouvre la totalité du verre. Selon la tradition locale, si le miracle ne se produit pas, c’est le signe d’une catastrophe à venir pour la région. "
Dans "La tres curieuse et chevaleresque histoire de la conqueste de Naples" qui se rapporte au 1er mai de l'année 1495, on peut lire :
"Dimanche Ille jour de may le roi ouyt messe a Sainct Genny a Naples qui est la feste de la grant église cathedrale ou il y eut grant assemblee de prelats tant cardinaulx evesques et autres preslats constitues en dignités. Et en icelle eglise fut montre au roy lechief de sainct Genuy qui est une moult riche chose a veoir, digne et saincte. Quand le roy fut devant le grant autel, on alla querir de son precieux sang en une grant ampole de voirre et fut monstre au roy, et on luy bailla une petite verge dargent pour toucher ledict sang qui estoit dedans l'ampole dur comme pierre a ce que le roy le touchast de la verge dargent, la quelle fut mise sur lautel devant le glorieux sainct, incontinent commenca a eschauffer et a amolir comme le sang dung homme bouillant et frémissant qui est ung des grans miracles que on puisse veoir a present, dont tout le peuple français tant nobles que autres se donnoient grant merveille. Et disoient les seigneurs de Naples tant deglise que de la ville que par ce precieux chief et sang avoient cognoissance de beaucoup de requestes envers Dieu, car quant ils faisoient leurs prieres si elles estoient bonnes le sang amolissoit, et si elles nestoieut de juste requeste il demeuroit dur. Aussi par ce sang avoient la cognoissance de leur prince sil devoit estre leur seigneur ou non. " Charles VIII saisit cette occasion de montrer au peuple napolitain que les rois de France avaient aussi le pouvoir de faire des miracles Il toucha les malades des écrouelles pour les guérir.
L'auteur fantastique Alfred Driou alias Alfonse d'Augerot dans "Naples, les magnificences de son golfe" en 1877 précise que le sang du martyr ayant été renfermé dans trois fioles , par les fidèles de Ravenne, l’une de ces fioles fut portée en Espagne, par le roi Charles III (qui régna de 1759 à 1788). Or, on dit encore que le miracle du sang s’accomplit également en Espagne, au moment où il s’opère à Naples. Un ordre royal de Saint Janvier avait été créé par la maison des Bourbon des deux Siciles en 1738. Le successeur de Charles III, Charles IV est représenté à cheval avec la médaille de l'Ordre de St Janvier sur un tableau de 1801.
D'Augerot, mais aussi Louis Joseph Lefort, étudient en droit mort à 24 ans, dans un récit de voyage paru en 1857, ont témoigné que les femmes du peuple de Naples avaient un rapport très familier au miracle les jours où il devait avoir lieu quand le buste était mené en procession. "Allons San Gennaro, écoute tes amis, fais le miracle, ne nous fais pas attendre", lui disaient-elles.
De façon analogue Pierre Saintyves président de la Société du folklore français note dans "Les reliques et les Images légendaires" (1912) que jusqu'à la fin du XVIIe siècle il y avait à l'église des Frères Prêcheurs de St Maximin en Provence des petites pierres teintes du sang de Jésus ramenées par Marie Madeleine, et ces pierres devenaient plus rouges le Vendredi saint de midi à 13h mais l'auteur doute de la véracité de l'anecdote. On montrait aussi une relique de sang de Jésus qui se liquéfiait à la Sainte Madeleine aux ecclésiastiques qui visitaient la collégiale de Neuvy-Saint-Sepulchre dans l'Indre, mais l'abbé de Marolles (1600-1681) ne vit rien se liquéfier quand on la lui présenta. Tous les 3 mai à Billom (Auvergne) on portait en procession un flacon qu'on disait être du sang du Christ et dont on montrait qu'il était encore liquide, mais Saintyves estime qu'il s'agissait d'une supercherie et de Marolles dans l'Indre avait rappelé que sur le plan théologique Jésus est censé avoir ramené tout son sang dans le Ciel après son ascension, "de sorte qu'il n'en est resté tout au plus des marques sur la terre" ce sur quoi la cardinal jésuite toscan Bellarmin (1542-1621) avait écrit diverses choses. En Belgique, on disait que Thierry d'Alsace avait rapporté de Terre Sainte à l'abbaye St Basile les Brues du sang de Jésus qui se liquéfiait tous les vendredis de l'aube à 15 h entre 1148 et 1310, et plus jamais par la suite. Du sang de St Patrick et St Wit ferait de même en Hollande, et le sang d'un moine martyrisé par les vikings de St Armand en Flandres tous les ans à la troisième fête de la Pentecôte. Le sang de Jacques de Compostelle à Rome dans la basilique des Douze Apôtres est toujours liquide. Le sang de St Laurent se liquéfiait à la cathédrale de Tivoli et dans une église d'Amaseno tous les 9 août, et il en allait de même une fois par an du sang du même saint à St Laurent-hors-les-Murs à Rome.
Saintyves relève bien d'autres cas de liquéfaction en Italie. Concernant le sang de St Janvier à Naples il observe qu'il se liquéfie aussi "solitairement dans sa niche en dehors des dates cultuelles consacrées à la vénération de la relique", ce qui tout de même pose un petit problème théologique. Et il cite Cavène qu'on évoquait plus haut, selon lequel dans ce cas là on ne peut considérer qu'il y ait miracle. Les cas d'inventions de matières rouges susceptibles de se liquéfier sont fréquents depuis celle du docteur berlinois Newmann en 1734. Pour autant cela ne permet pas de liquéfaction à date fixe. Et le liquide obtenu alors n'a pas forcément la même ressemblance avec du sang.
En mars 2015, le miracle de Saint Janvier s’était produit en présence du Pape François en déplacement à Naples. Il rencontrait les prêtres et religieux de la ville en la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption, et venait de bénir les reliques de saint Janvier, lorsque le sang de ce dernier s’est liquéfié dans l’ampoule en verre."
Cette année, le 16 décembre, le miracle n'a pas eu lieu.
"Grand saint Janvier ! Lorsqu'on était croyant
Ton sang se liquéfiait sans peine :
Mais aujourd'hui, le Français clairvoyant
A pour toujours glacé ta veine".
A écrit le prêtre défroqué statisticien Sébastien Bottin - 1764-1853 - (l'inventeur de l'annuaire) dans une brochure de 8 pages qui dort sur les étagères de la Bibliothèque nationale de France. On se demande cette année ce qui a empêché le miracle d'avoir lieu, et quel malheur cela annonce.
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