Loisy à propos de l'eucharistie
26 Août 2018 , Rédigé par CC
On a déjà évoqué sur ce blog à propos du mandéisme la figure d'Alfred Loisy.
Je tombe sur une intéressant dialogue avec le théologien Carl Clemen (1865-1940) dans la Revue d'histoire et de littérature religieuses de 1910 (p. 509-510) sur la communion réelle.
"Admettant l'authenticité substantielle des récits de l'institution (de la cène), M. Clemen pose en principe que Jésus n'a pu présenter sa mort comme la condition indispensable de la rémission des péchés, mais comme chose voulue de Dieu et service rendu à ses frères. On pourrait demander quel service. Mais le nœud de la question est ailleurs. L'analyse des textes permet, ce semble, d'établir que Jésus n'a rien institué. C'est seulement dans le christianisme primitif que la cène est devenue une commémoration symbolique de la mort du Christ. Paul et les évangélistes nous disent comment l'on comprenait cette commémoration. Etait-ce un simple souvenir du grand service que Jésus avait rendu par sa mort, souvenir qui, pour la foi, aurait été, en images d'Orient, une nourriture et un breuvage? Pour obtenir cette idée, il faut encore rationaliser, laïciser ce que dit Paul du calice qui est la communion au sang du Christ, du pain qui est la communion à son corps. Paul, observe M. C., proclame hautement que « la chair et le sang n'auront point de part au règne de Dieu (1 Cor. xv, 50) donc le Christ glorieux n'a ni chair ni sang auxquels on puisse réellement communier. Et en vérité Paul ne dit pas que l'on participe à sa chair et à son sang naturels ; mais le Christ de l'Apôtre a un corps spirituel et céleste par l'eucharistie ; on entre dans la communion du Christ immortel. Paul a dû faire la distinction du corps et du sang parce que le rite eucharistique était double, et qu'il fallait mettre les deux parties en rapport avec la mort de Jésus. L'exclusion prononcée contre la chair et le sang ne prouve donc en aucune façon que Paul ait vu dans l'eucharistie un rite vide, un pur symbole, non l'acte d'une communion réelle. Sans remonter .jusqu'au sacrifice totémique, on a le droit de trouver que l'Apôtre partage les idées communes de l'antiquité sur le sacrifice: il compare la coupe et la du Seigneur a la coupe et à la table des démons, c'est-à-dire des dieux païens, a l'autel du temple de Dieu à Jérusalem il dit que les fidèles communient au Christ comme les païens aux idoles et les Juifs à l'autel de Dieu (1 Cor. xv, 18) il n'ose pas dire qu'Israël communie directement à Dieu, mais l'idée reste la même. S'il se reprend pour déclarer que les idoles ne sont rien, il n'en faut pas inférer que la communion du chrétien au Christ n'est pas plus réelle que celle du païen à son dieu qui n'existe pas, mais bien que la communion du chrétien au Christ est aussi réelle dans l'eucharistie qu'est censée l'être celle du païen a son dieu dans le sacrifice. Une large part de symbolisme existe dans la pensée de l'Apôtre, qui n'entend pas au sens matériel l'action de manger la chair et de boire le sang; mais la kunonia dont il parle ne saurait être une métaphore ou l'expression d'un rapport purement moral c'est encore une relation mystique, spirituelle et réelle à la fois. La source de cette pensée n'est d'ailleurs pas à Eleusis ni dans les mystères de Mithra, mais là où Paul l'indique dans la notion du sacrifice qui était commune aux Juifs et aux païens. D'après M. C., l'idée d'une communion réelle, d'un sacrement efficace. se serait glissée dans le chapitre VI de Jean mais elle serait formellement rejetée par l'ëvaogétiste dans le v. 63 "Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie.") Or cette assertion n'exclut pas du tout, elle implique plutôt une communion réelle. Le cas est le même que celui de Faut. Certes l'évangéliste n'entend pas signifier que ceux qui reçoivent la doctrine participent à l'esprit et à la vie, tandis que ceux qui croient manger la chair et boire le sang du Christ ne participeraient à rien. L'enseignement donné concerne aussi le sacrement, qui, sous le symbole, est esprit et vie. Il est risqué, c'est le moins qu'on puisse dire, d'avancer, même par conjecture et sous réserve, que le verset cité pourrait être la réprobation consciente des paroles « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. » (Jn 6-53)
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