La vie de Sainte Elisabeth de Hongrie par le comte de Montalembert
18 Décembre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées
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Les hasards de la vie (mais il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous) me poussent à m'intéresser aux franciscains. Je suis un peu choqué par ce qui me paraît être, dans les Fioretti, la marque d'un masochisme excessif, mais je trouve aussi dans l'imagerie du feu qui entoure le séraphin qui s'adresse à St François juste avant sa stigmatisation des éléments qui me parlent. Et puis je ne peux pas oublier non plus que Christophe Colomb lui aussi faisait partie du tiers-ordre franciscain, et moi qui aime tant depuis longtemps la Hongrie, j'ai été amené à m'intéresser il y a peu à une autre tertiaire illustre qui a une belle église à Paris inaugurée par une de mes vieilles connaissances, le cardinal de Retz au XVIIe siècle, Sainte Elisabeth de Hongrie - 1207-1231 - (Elisabeth est le nom d'une de mes deux grand-mères refermons la parenthèse).
En 1836, le comte de Montalembert, le catholique libéral défenseur des peuples opprimés, qui n'avait alors que 26 ans mais était déjà pair de France, lui consacra une biographie à la mémoire de sa soeur, morte à quinze ans, et qui elle aussi portait ce prénom. Il ouvre son récit sur l'évocation de sa visite à Marbourg, le jour de la fête de la sainte, où il avait trouvé la basilique largement profanée par les protestants, abandonnée alors même qu'elle avait été le lieu d'immenses pèlerinage. La tristesse de l'abandon de la sainte l'avait poussé à enquêter sur elle. Après une vaine tentative pour se rendre à Presbourg sa ville natale de Hongrie (aujourd'hui Bratislava en Slovaquie), il s'était rendu à son château de Wartbourg, à Creuzburg où elle fut mère, au monastère de Reinhartsbrunn où elle entra à 20 ans tandis que son mari partait pour les Croisades où il allait mourir, à Marbourg où elle-même mourut à 24 ans (un peu comme Isabelle Sandy, dont je lisais il y a trois jour le roman sur Nicolas Flamel en pleine bombardement de Pais en 1914 se rendait sur les lieux de la vie du célèbre alchimiste).
Cette seule évocation des lieux de vie de la sainte nous fait apercevoir son itinéraire, un itinéraire de météorite, celui d'une éternelle jeune fille comme les saintes martyres du bas empire romain, ou Sainte Bernadette Soubirous).
Montalembert souligne combien Elisabeth de Hongrie est la fille d'un XIIIe siècle apogée spirituel du christianisme. Pourtant observe-t-il, le XIIe siècle avait mal fini et "l'écho de la voix de saint Bernard" avait fini par se perdre, après la prise de Jérusalem par Saladin, l'assassinat de Thomas Becket, la captivité de Richard Coeur-de-Lion, les violences de Philippe-Auguste contre sa femme, les cruautés de l'empereur Henri VI en Sicile, les progrès des hérésies vaudoise et albigeoise, le relâchement des religieux. Mais en 1198 le sacre du beau pape Innocent III, l'homme qui faillit effacer le schisme avec l'Orient et répara mille injustices de l'Espagne à la Scandinavie, annonce un renouveau qui allait notamment s'incarner dans la croisade des enfants de rois de 1212 où ils périrent tous, la prise de Constantinople, las Navas de Tolosa, la magna carta anglaise, la chute des Hohenstaufen, la sainte bataille de Bouvines, la prédication de St Dominique et de St François. En 1277, 417 couvents dominicains, les franciscains sont des milliers. St Louis fut un pénitent du tiers ordre. Clara Sciffi, Ste Claire, ordonnée par St François fonde les clarisses. Elisabeth de Hongrie sera la première princesse franciscaine, mais sa cousine Agnès de Bohème et Isabelle de France, soeur de St Louis, et les deux filles de Ferdinand de Castille et la soeur du roi du Portugal, et des membres de la famille de Ste Elisabeth - sa belle soeur reine de Galicie, sa nièce duchesse de Pologne, deviendront clarisses et sa petite fille devenue reine du Portugal sera du tiers ordre. Tout cela devait beaucoup à Marie. Les dominicains ont institué le rosaire et les franciscains le dogme de l'immaculée conception. Elle inspira la fondation du Carmel, des servites dont un saint instaura la dévotion aux sept douleurs de la Vierge, et l'ordre de ND de la Merci. Des ordres naissent partout et des saints, avec des apparitions et des miracles. Ce christianisme dominait la sphère politique et intellectuelle. Les cathédrales allaient exprimer cela. Et le culte marial de la poésie mystique française et allemande allait déboucher sur le culte de la femme terrestre chez Dante.
Elisabeth venue de la Hongrie inconnue, grandit à la cour de Thuringe. Epouse exemplaire elle voit son mari céder à l'appel des Croisades et se tourne vers Dieu. A la mort de son mari, elle est jetée à la rue avec ses enfants à 20 ans, mais refuse de se remarier, reste avec les pauvres et épouse le Christ. Elle meurt en chantant un cantique.
L'oeuvre biographique de Montalembert vise surtout à contribuer à la restauration du christianisme. "Tous ont le droit d'entrer dans la famille de Jésus-Christ,quand ils font un excellent usage de leur Rédempteur et de leur père, et du lait de la sacrée Vierge, leur mère ; oui, de ce sang adorable qui encourage les martyrs, qui enchante leurs douleurs... et de ce lait virginal qui adoucit nos amertumes en apaisant la colère de Dieu" (vie de Ste Elisabeth par le RP Apollinaire, 1660, p. 41) . Inverser la volonté des savants modernes de remplacer la Vierge par Vénus (la fleur "soulier de la Vierge" devient Cypripedium Calceolus). "Un jour viendra où l'humanité demandera à sortit du désert qu'on lui a fait" (CXIII)
Sa longue préface à la vie de la sainte sert à cela. Et l'on est surpris d'y trouver tant de profondeur, de piété et d'intelligence. On y trouve aussi une forme de christianisme germanophile qui se fera plus rare après 1870 en France.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6106035h p. LI
Pour ce qui concerne la postérité d'Elisabeth de Hongrie (de Thuringe), j'ai appris il y a peu avec étonnement que dans la basilique Saint François de Majorque la tombe de Raymond Lulle, moine alchimiste et martyr décédé en 1315, est ornée d’une statue grandeur nature de Sainte Elizabeth de Hongrie (dite encore de Thuringe) portant dans un pan de son manteau une couronne de roses d’or.
Brantôme (1537-1614) fait commencer son hommage à Elisabeth de France (1545-1568) en disant qu'il ne s'en était pas vu d'aussi vertueuse depuis Sainte Elisabeth de Hongrie et que toutes les Elisabeths semblent prédestinées à la vertu.
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