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La nature selon l'alchimie grecque

14 Novembre 2015 , Rédigé par CC Publié dans #Alchimie

Olivier Dufault, que nous avons cité récemment à propos de son article sur Zosime de Panopolis, a réalisé un effort de synthèse sur les tentatives de définition de la transmutation des métaux dans l'alchimie grecque de l'antiquité tardive autour de Zosime, de Synesius (que l'historien Martelli tient à distinguer de Synesius de Cyrène, le disciple d'Hypatie, mais nous en doutons) et Olympiodore d'Alexandrie. Il montre que le terme Ekstrophe ("inversion") s'appliquait à tout processus de transformation, même le simple changement de couleur. Il désigne une transmutation qui fait apparaître ce qui était déjà présent dans la nature de la matière.

L'alchimie grecque, expose Dufault, s'enracine dans le principe présocratique "hen to pan" (l'univers est un). On a décelé successivement trois théories de la nature au fondement de l'alchimie grecque

- la théorie de la sympathie naturelle (André-Jean Festugière). Une parenté entre les éléments. Festugière pensait que Bolos de Mendes serait le pseudo-Démocrite auteur de la Physica et Mystica et serait l'auteur de la maxime "la nature est charmée par la nature, la nature est la maîtresse de la nature, la nature conquiert la nature". Bolos aurait recherché à revenir à un substrat indéterminé (unqualified) par un processus d'obscurcissement de la matière, en mêlant certaines substances à de la masse obscure en fonction de leur réactivité. Mais en réalité l'obscurcissement n'est pas systématique et il n'existe pas de substrat indéterminé dans le texte du pseudo-Démocrite.

- la théorie de la maturation liée à l'idée que les métaux murissent sous terre et ont tous vocation à devenir de l'or à la fin (Mircea Eliade). L'idée que la terre produit les métaux était courante dans l'antiquité grecque et dans d'autres civilisation. Voilà pourquoi pour Zosime l'alambic est comme un utérus qui "cuit" le foetus, ou pour Stephanus plus tard l'alambic est l'univers. Mais croire que l'or est l'aboutissement nécessaire peut procéder d'une mauvaise compréhension de l'analogie. Cela n'est indiqué à titre littéral nulle part et l'idée de l'humidification ou de l'assèchement des métaux chez Aristote ne l'implique pas non plus.

- La théorie de la forme-transfert, inspirée de Karl von Prantl en 1856 : il y aurait d'abord réduction à la matière première ou indéterminée par obscurissement, puis vaporisation par le souffle, le pneuma (logoi spermatikoi selon Lippmann). Mais cette matière indéterminée des philosophes ne se trouve nulle part dans le corpus alchimique, comme l'a noté Cristina Viano, qui remarque que si les alchimistes empruntent au vocabulaire de Platon et Aristote (puissance, acte), mais n'en suivent pas fidèlement la physique.

Les philosophes n'avaient pas besoin d'un retour à la matière première pour créer de la transformation, et les alchimistes ne produisent pas vraiment une matière indéterminée. Selon Olivier Dufault, il n'y a pas une seule théorie de la transformation chez les alchimistes qui empruntent à plusieurs sources. Et s'il y a des emprunts aux philosophes, la théorie alchimique puise largement sa source dans d'autres références et d'autres vécus.

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