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Un couple devant la chapelle
La semaine dernière, de passage à la chapelle de l'église vieille catholique latine de ma ville dont j'ai parlé dans mon livre sur les médiums, j'ai patienté jusqu'à l'heure d'ouverture en compagnie d'un couple d'inconnus qui venaient des Hauts-de-Seine. Des trentenaires. Au fil de la conversation, j'appris que l'homme avait accumulé une série de revers et de gros problèmes récemment et se sentait épuisé, dépourvu de tout ressort, ce qui n'était pas dans sa nature, disait-il, et cela commençait à rejaillir sur son épouse, qui était enceinte, et même sur le chien qu'il tenait au bout de sa laisse et qui attrapé des maladies inexplicables. Ils avaient consulté une voyante que la femme avait eue comme cliente lorsqu'elle était esthéticienne en Normandie. Cette médium leur a dit qu'ils étaient atteints d'une malédiction et les a envoyés auprès de ce prêtre dont je parle dans le livre et qu'elle-même consultait deux fois par an. Apparemment ils ne savaient rien des rituels qu'il appliquait ni de ce qu'allait leur apporter cette rencontre. J'ai été étonné d'apprendre que des voyants pouvaient rendre visite à date fixe (deux fois par an) à ce prêtre, comme s'il était leur "purificateur". La question des "pollutions" dans la voyance est assez récurrente dans les traités consacrés à ce sujet délicat. Mais je n'ai pas pu en savoir plus, le prêtre étant lui-même toujours fort peu loquace sur ses fonctions.

Catharisme et gnose dans le spiritisme des années 1880
G. Mondain Revue Foi et Vie 16 avril 1911 p. 242:

" Mme Philippe de Néry nous raconte la scène qui eut lieu dans l'automne de 1889 chez Lady Caithness, duchesse de Pomar, où, dans le plus profond mystère d'une salle tendue de noir, on évoqua les Evêques du Paraclet, et où on entendit Guilharbert de Castres, l'un des évêques cathares du temps de la persécution des Albigeois, conférer à l'un des auditeurs présents (J. Doinel, archiviste d'Orléans) la dignité de patriarche, avec le nom de Valentin, et ordonner de faire revivre les trois sacrements gnostiques : le Consolamentum, ou baptême par l'imposition des mains ; la Fraction du pain, par laquelle on devait communier avec le corps astral de Jésus ; et l'Appareillamentum, ou confession générale des péchés. On devait aussi rétablir la hiérarchie et les six degrés de l'initiation fixés par le premier Valentin.
Mme Philippe de Néry nous dit aussi avoir assisté à la réception de six néophytes, qu'on amena devant le patriarche, les yeux bandés et tes mains liées d'une corde, emblèmes de l'aveuglement et de l'ignorance que l'initiation va dissiper. Le patriarche, après avoir délié le bandeau et la corde, donna un aperçu de la doctrine gnostique qu'on dirait résumée de l'Histoire des Dogmes de Bonifas. Il parla du Démiurge, dieu inférieur auteur du monde ; de la tentative malheureuse de la Sophia, le douzième éon de Valentin, d'escalader le ciel. "Une chute profonde a été la conséquence de son audace. Désormais liée à la matière, elle erre à travers la multitude des termes en exhalant sa plainte... Mais après la faute, Dieu a eu pitié. L'Eon-Christos, le verbe divin, se fait homme et rend la Sophia repentie à sa céleste origine. Remontée au Plérôme-, indivise en son essence, quoique fragmentée en son action, la Sophia ne cesse de se manifester dans notre monde maudit." "
La "Sainte Philomène" du Dr Rozier
En 1907, le Dr Fernand Rozier (1839-1922), médecin, élève d'Eliphas Lévy, publiait "Les Puissances invisibles, les dieux, les anges,les saints, les égrégores, Sainte Philomène" aux éditions Chaumont. Rozier est un homme de sciences très complet puisque, outre ses compétences en médecine, il est physicien, et il a été secrétaire de l'astronome Urbain Le Verrier, qui avait découvert la planète Neptune, en 1846. C'est aussi un voyant qui a prédit les inondations de Paris en 1910. Collaborateur de la revue L’Initiation fondée par Papus (1865-1916) il enseignait à la Faculté Libre des Sciences Hermétiques qui appartenait au même groupe.
Après une introduction savante sur les divers plans de réalité, et les diverses forces occultes qui agissent dans l'Invisible, forces qu'il pense à partir d'une théorie élargie de la matière (hylè) qu'il forge en dialogue avec les hindouistes et la kabbale, toute la première partie de l'ouvrage synthétise une analyse des traditions hébraïques, païennes et orientales sur les forces invisibles.
A partir de la page 95, il se penche sur le cas de sainte Philomène dont la tombe fut découverte à Rome en 1802 (encore que l'existence de cette sainte prête à controverse et donc l'authenticité de cette sainte aussi). Cette tombe était celle d'une jeune fille de 13 ans dot les reliques furent emportées à Mugnano près de Naples par Don Francesco di Lucia. Un frère de Saint Jean de Dieu qui avait visité Mugnano visita à Lyon une malade riche, atteinte d'une affection au coeur, Mlle Jaricot. Celle-ci, en 1835, se rendit à Mugnano après un court séjour à Rome où le pape Grégoire XVI avait tenté de la dissuader de s'y rendre. Mlle Jaricot avait fait promettre au pape d'autoriser le culte de Ste Philomène si elle guérissait. Elle y fit une neuvaine à la sainte et guérit. En janvier 1837, le culte public fut autorisé. Des reliques de la

sainte furent déposées à St Gervais à Paris par une paroissienne reconnaissante.
En 1833, la Mère Maria Luisa de Jésus, une religieuse napolitaine eut la révélation que la sainte était une princesse grecque vierge que Dioclétien aurait voulu séduire et martyrisa par dépit, vision dans la plus pure tradition de la Légende dorée. A partir de 1906, une étude plus soignée des plaques sur le tombeau révéla un montage. On pensa que Ste Philomène avait été une invention, comme St Expedit, soldat de la légion thébaine, avait été une invention des dominicains pour contrer le St Antoine de Padoue des franciscains. Le pape commença à faire enlever les statues des églises (et la sainte, dont la fête était célébrée le 11 août allait être officiellement radiée du calendrier canonique en 1961).
Le Dr Rozier milite pour la défense du culte de Ste Philomène. Lui-même descendait d'une grand-mère et d'une mère médiums qui avaient des visions. Sa mère, nous dit-il, avait prédit l'époque de sa mort (vieux fantasme des voyants, très en vogue aussi dans l'occultisme du XVIIe siècle) et le lieu où elle serait enterrée plusieurs années à l'avance. et ce don fut transmis à sa propre fille comme il l'a raconté dans l'Echo du Merveilleux. Proche de Dieu toute sa vie, Rozier voyait parfois une jeune personne fort belle qui le prenait par le main en lui souriant. "Quelquefois elle s'asseyait auprès de moi, me prenait sur ses genoux, me berçait" ajoute-t-il même p. 107. Ce n'est que vers 1895 qu'il a su que cette entité était Ste Philomène. Selon lui cette sainte lui a permis de guérir ses malades et a aidé ses élèves.
Selon Rozier, le 13 avril 1900, Ste Philomène s'est déclarée patronne des Occultistes chrétiens et a fondé une Fraternité invisible. Sur ses ordres, il a fait une conférence aux sociétés savantes le 25 mai suivant. La Fraternité vise à constituer la partie humaine d'un Egrégore dont Ste Philomène est l'âme. Rozier présente l'opération comme de la haute magie blanche et suppose un abandon complet à la volonté de la sainte. Il précise toutefois (p. 112) que cela "n'exclut pas Dieu, Jésus et la sainte Vierge", car prier Ste Philomène pour lui dire "accordez moi quelque chose" veut dire "utilisez une partie des pouvoirs que Dieu ne cesse de vous donner pour me faire avoir telle chose". Il faut seulement ne pas chercher à garantir sa demande auprès de Ste Philomène par des demandes adressées à d'autres saints ou par des talismans. Rozier explique ensuite que la vie est une lutte, et la souffrance est l'obstacle à vaincre. Des entités ont été envoyées pour instruire les païens après la chute, des entités qui ont du se faire barbares pour parler aux brutes que les humains étaient devenus. Puis il y eut d'autres entités plus élevées, jusqu'à ce qu'on arrive à l'envoi du Christ qui est le véritable libérateur. Le message de Jésus a été abimé par "l'égréqore épiscopo-impérial" catholique romain oppressif.
Dieu a ensuite envoyé la Vierge Marie qui est en mission permanente parmi nous jusqu'à la fin des temps. Elle nous dirige dans l'invisible et prendra soin de nous après la mort. Dieu a aussi envoyé des prophètes. Ste Philomène, elle, est venue nous révéler la cause cachée des choses (p. 129). Depuis 1895 elle a plein pouvoir pour protéger la France et la libérer de l'ultramontisme qui ment sur les apparitions de la Vierge.
Elle a sans doute existé, selon Rozier, au début du IVe siècle. Et, si elle n'a jamais existé physiquement, elle existe au moins comme entité (p. 141) à la tête d'un groupe de puissances célestes.L'argument qui plaide le plus pour son existence physique est que Dieu veut surtout donner puissance aux humains pour agir sur le monde ici-bas, plutôt qu'aux puissances célestes (p. 142).
Parmi les citations intéressantes : "On n'est pas occultiste parce qu'on professe telle doctrine ; les occultistes sont tout simplement ceux qui étudient l'Invisible et qui tiraient compte des choses cachées, soit pour leur conception du monde, soit pour leur conduite. Aussi, comme vous devez vous y attendre, il y a plusieurs écoles d'Occultistes." (p. 146)
Il semble qu'au temps de Rozier les polémiques sur Ste Philomène ont été fort vives : "Quelqu'un a dit qu'il était très dangereux de prier sainte Philomène, écrit-il p. 149. Elle est une puissance de l'Invisible, pas très bonne, pas très forte, mais pouvant cependant procurer quelques avantages ; seulement, elle les fait payer très cher. Quant à lui, il a fait la sottise de s'adresser à elle autrefois, mais il n'a eu de paix qu'après qu'il a eu cessé de s'adresser à elle". On ne saura pas de qui il s'agissait.
Rozier raconte comment au contraire cette personne "avait été jadis sous la domination de mauvais esprits" et comment il l'a exorcisé au nom de Philomène. Il en a retiré de nombreux profits dans sa vie affective et professionnelle. Mais un thaumaturge néfaste placé sur on chemin a réveillé en lui l'orgueil et la soif de pouvoir et les mauvais esprits son revenus en lui
."Lorsqu'une grande puissance céleste se manifeste, l'Adversaire se dresse devant elle, d'autant plus féroce et d'autant plus formidable que cette puissance céleste est elle-même plus formidable. Si vous vous mettez sous la protection de sainte Philomène, vous irritez l'Adversaire contre vous, mais ses coups ne vous atteignent pas. Vous êtes à l'abri à cause de la protection qui vous couvre comme d'un bouclier". Mais, si vous abandonnez sainte Philomène, elle ne vous retire pas sa protection, mais c'est vous qui vous éloignez de cette protection, et l'Adversaire peut taper sur vous à loisir, et il n'y manque pas; la vengeance lui est douce".
Très attaché au christianisme, Rozier critique le penchant orientalisant de la théosophie pour la fusion dans le Nirvana. Mais il reconnaît son aide intellectuelle comme précieuse, comme celle des spirites. Il affirme qu'il a été informé par Ste Philomène de l'importance de la magie comme cause des choses et dénonce sans la nommer une école aux ramifications planétaires qui abuse de cette magie. Quant aux sorciers, Rozier estime que ce n'étaient que des associations de malfaiteurs même pas dignes d'intérêt.
Rozier avoue vouloir constituer un égrégore autour de Ste Philomèn. C'est un mot auquel il donne un sens plus précis qu'Eliphas Lévy. Eugène Nus, rappelle-t-il, expliquait le spiritisme devant des assemblée par une sorte de mutualisation des fluides des participants sous forme d'égrégores (p. 165). Les égrégores collectifs purement humains peuvent intégrer par erreur des esprits négatifs qui les font échouer, d'où l'intérêt de s'adjoindre un esprit, explique Rozier. Il arrive même que ce soient les Esprits qui veuillent susciter un égrégore (égrégore descendant) pour une durée donnée.
La mission de Philomène a pris fin dans les années 1900 puisqu'elle a sauvé la France et écrasé l'égrégore épiscopo-impérial. La religion y gagnera car il n'y a pas de religion sans liberté.
Il est intéressant de comparer cette vision que Rozier a de Ste Philomène avec celle du curé d'Ars qui était aussi disciple de cette sainte (voir le film ci dessous) et a beaucoup contribué à sa popularité ("le grand argument en faveur du culte de Sainte Philomène, c'est le Curé d'Ars" s'était exclamé le pape Pie X en juin 1907). Pour Rozier ce curé était un saint homme (p. 137) mais il a menti sur les révélations mariales et les manipulations ecclésiastiques à leur sujet :
"Vous vous rappelez dans quelles circonstances le curé d'Ars a menti : Dans un but de réclame, on lui avait amené le jeune Maximin de la Salette. Vianney, qui voyait assez souvent les pensées des autres, regarde Maximin et lui dit qu'il est un petit menteur. Maximin se trouble, balbutie et avoue qu'il n'a jamais vu la sainte Vierge. Depuis ce temps, Vianney disait partout que la Salette n'était qu'une imposture ; il le prêchait même en chaire. Son évêque lui dépêcha un grand vicaire, lui écrivit, pour le persuader qu'il vaudrait mieux, pour les intérêts de l'Eglise, ne pas parler comme il le faisait. Vianney répondit à l'évêque par une lettre dont je n'ai plus le texte sous les yeux, mais dont le sens était que, au contraire, l'Eglise n'avait qu'à gagner en repoussant les fourberies, etc., etc. Il reçut alors l'ordre de soutenir la Salette. Depuis ce temps, le curé d'Ars évitait d'en parler ; mais, quand ou l'interrogeait, il répondait : Il faut croire à la Salette.
Cette phrase a été exploitée, et les souteneurs de la Salette ne manquent pas d'imprimer dans tous leurs écrits que le curé d'Ars a dit lui-même qu'il fallait croire à la Salette.
Pauvre homme I Dans ta pensée, il faut voulait dire il est ordonné, j'ai reçu l'ordre ; tu transigeais avec ta conscience ; tu ne voulais pas désobéir à tes supérieurs hiérarchiques, pareî qu'on t'avait enseigné que cette obéissance était la première des vertus, et tu le croyais. Tu aurais cru faire un bien plus gros péché en désobéissant qu'en mentant."
Dans le numéro de la Revue des Sciences ecclésiastiques et la Science catholique décembre 1907, p. 754 et suiv, sous "Glanes spirites", le Chanoine Ferdinand Gombault qui dit avoir conversé avec Rozier quelques années plus tôt l'accuse de croire à la réincarnation (le mot d'ailleurs figure bien en p. 171 du livre de Rozier), et trouve très suspecte cette sainte qui s'est donné pour objectif selon Rozier (et sa révélation de 1900) de renverser la puissance temporelle de l'Eglise et qui se réjouit de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Il "prévient le docteur Rozier qu'un démon-femelle a abusé de sa crédulité... enfantine". Dans la Revue "Foi et vie" p. 241 du 16 avril 1911 G. Mondain expliquera que le Dr Rozier organise le culte de Ste Philomène à Paris "au troisième étage d'une maison de la rue de Buci, sous la forme d'une statue couchée sur un socle de pierre, et assez semblable à ce qu'on peut voir exposé chez les marchands de statuettes et ornements d'églises habitant autour de Saint-Sulpice. Chaque dimanche le docteur Rozier professe une sorte de cours d'occultisme". L'auteur lui préfère le christianisme ésotériste d'Albert Jounet.
L'Eglise catholique d'après Vatican II renonçant à son pouvoir temporel et acceptant la séparation de l'Eglise et de l'Etat aura politiquement donné raison à la Ste Philomène de Rozier, sans toutefois souscrire à sa gnose sur la réincarnation et le rôle des forces invisibles dans l'Histoire.
Depuis la radiation de la sainte du calendrier, l'Eglise romaine n'organise plus de cérémonies publiques en l'honneur de la jeune martyre. Même le site du sanctuaire d'Ars le rappelle, tout en soulignant que les pèlerins peuvent rendre une dévotion privée à la chapelle Sainte Philomène dans la basilique. Il existe encore une église Sainte Philomène à Naujac-sur-Mer (Gironde), une à Comps-sur-Artuby (Var),une à Montcerf-Lytton et à Fortierville au Québec, une au Cannet (Alpes maritimes) gérée par une association privée, une pour les traditionalistes à Toulon, et des chapelles Sainte Philomène à Lyon, à Puget dans le Var, au hameau d'Igniel près de Cambrai dans le Nord, à Montmaur dans les Hautes-Alpes, dans l'église Saint-Jean-Baptiste du Marillais dans le Maine-et-Loire, dans la collégiale Saint-Pierre d'Aire-sur-la-Lys dans le Pas-de-Calais, l'église Saint-Gervais-Saint-Protais, au hameau de Chassagne en Ardèche, au Lycée Professionnel Privé Saint-Joseph de Bourg-en-Bresse etc. A l'étranger on trouve des chapelles Ste Philomène de Puerto Montt ou Valaparaiso au Chili à Sao Bernardo do Campo au Brésil (fondée par des Italiens) en passant Managua au Nicaragua. Il y a une cathédrale Ste Philomène à Mysore en Inde, des églises qui lui sont dédiées aux Etats-Unis à Cincinnati, Pittsburgh, Franklinville etc.
Le livre de Rozier a été republié récemment dans une édition commentée par l'historien de l'occultisme Serge Caillet.
Amada Rosa Pérez
Il y a deux mystiques catholiques en Colombie vivantes en ce moment qui font le procès du culte du corps (mais aussi le procès de l'occultisme) : Gloria Polo, qu'on a mentionnée l'an dernier, et l'ex top model Amada Rosa Pérez qui témoigne de ses expériences face aux forces obscures et auprès de la Vierge.
Sorcellerie et christianisme en Afrique
En 2016 j'avais signalé dans cet article que l'ex-prêtre sorcier libérien J. Blayi disait dans son livre que, du temps où il servait son Dieu de la guerre, il parvenait dans le cadre de sa magie noire à acheter toutes les âmes sauf celles des fidèles chrétiens.
Dans cette vidéo, Maxime, ancien sorcier guérisseur (qui mêlait magie effective et charlatanisme) ivoirien et guinéen d'adoption, corrobore par son témoignage celui de J. Blayi.
"Les médiums" dans les BU
La bibliothèque LSH de l'Université Bordeaux-Montaigne est la première à s'être procuré mon livre "Les médiums". Gageons qu'il y en aura d'autres.
Etrangement cette bibliothèque n'a pas mon livre "La nudité" dans ses rayons, à la différence d'une douzaine de BU en France, ni aucun autre de mes livres universitaires.
Les choix d'acquisition des BU sont toujours un peu mystérieux.
Avis d'un lecteur belge sur mon livre sur les médiums
J'ai finalement lu avec beaucoup d'intérêt votre livre sur les Médiums, et comme convenu, je vous en livre mon appréciation.
Tout d'abord, comme je vous l'ai dit, je vous félicite de sa rédaction et de sa clarté, qui sont pour moi des qualités importantes.
Je ne suis pas un féru de sociologie, mais j'avoue que cette présentation, même sociologique, m'a beaucoup plu et surtout, m'a donné l'impression de ne gêner à aucun moment la densité du sujet traité qui est si difficile, il faut bien l'admettre, vu, comme vous le démontrez si bien, l'évanescence même, revendiquée ou non par cette "discipline".
Votre objectivité est d'ailleurs remarquable, et il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour y dénoncer un quelconque parti-pris de mépris ou d'adhésion. Ce qui rend votre étude si valable, c'est qu'il s'agit aussi de votre expérience personnelle, contenant des aveux susceptibles de vous discréditer dans le milieu universitaire. Mais c'est justement ce risque pris qui donne du poids à vos propos.
Personnellement, votre livre m'a enrichi de cette synthèse que je n'aurais jamais pu faire moi-même. Je suis donc heureux de l'avoir lu.
Je ne suis pas en mesure de savoir si vous avez eu affaire à assez d'échantillons pour que le reflet soit exact. J'ai parfois eu l'impression qu'il aurait fallu un plus grand spectre que simplement celles que vous citez. Mais peut-être est-ce l'inverse. Quoi qu'il en soit, il vous eût été impossible de devenir client de tous les médiums de France...
J'en viens au fond.
Manifestement, vous avez été impressionné par la réalité des choses subtiles et parfois étonnantes du domaine non cartésien et non rationaliste. Il est évident que tout ce "petit" monde récupère cet "occulte" à la fois abandonné par les grandes religions, et sur lequel pourtant elles ont souvent été, si pas fondées, du moins entretenues, même en faisant farouchement la guerre à ce qui y ressemblait chez les autres.
Ce qui m'a particulièrement frappé, c'est le nombre de "pseudo-enseignements" ou rites qui sont en réalité des débris de choses parfaitement traditionnelles et beaucoup plus unanimes qu'on ne le croirait à première vue, sans même que leurs porteurs en soient conscients.
Par exemple, l'état de crise-dépression (je puis vous donner les références d'un texte du Zohar qui le décrit admirablement) qui n'est autre que la tardémah des Hébreux ; la nécessaire union du ciel avec la Terre ; les allusions au léger et au lourd ; la nostalgie des talismans (origine grecque telesma) ; la rupture de l'ego, etc.
Personnellement, tous ces médiums me font penser à la comparaison suivante : imaginons qu'envahis comme nous le sommes par l'horrible musique-machine électronique, des milliers de jeunes incultes veuillent retrouver par eux-mêmes une musique (et sa pratique) semblable à celle de Bach ou de Mozart, mais sans conservatoire ni enregistrements etc., les écoles officielles s'étant toutes mises au hard rock. Cela donnerait quelque chose d'assez monstrueux, informe, mais non dénué d'intérêt, et parfois même peut-être sublime. Certains redécouvriraient certaines lois de l'harmonie, de la fabrique des instruments, de la notation, mais la tradition n'en serait pas moins perdue, non par leur faute, mais par celle des représentants de la tradition.
Quand le marxisme a dit que la religion était l'opium du peuple, la religion aurait dû répondre : "Non! La religion est basée sur une hypothèse de départ, à vérifier, et nous l'avons vérifiée." Mais le problème, c'est qu'elle était incapable et de vérifier l'hypothèse et d'affirmer cela, car depuis les premiers siècles (du Christianisme) elle avait NIÉ LA GNOSE et chassé tous les gnostiques ou prétendus tels. Les sciences exactes et athées ont donc comblé la soif légitime de connaître, et elles ont abouti maintenant à être capables de détruire la terre et de l'empoisonner. Pendant ce temps, la religion reculait la queue entre les pattes en admettant la science profane et en se retirant dans le domaine éthéré (et de plus en plus bête, il faut le dire) de la croyance. En gros, nous avons actuellement des sciences sans foi et des religions sans sagesse. Jamais ces religions ne récupéreront ceux qui, à tort ou à raison, ont été chercher de la "science" chez le New Age.
Le problème, c'est que pour retrouver la gnosis (le mot revient 29 fois dans le Nouveau testament !), il faut des sages et pas seulement des nostalgiques de la sagesse. S'il y avait des sages, ils seraient les seuls capables de rediriger ces pauvres médiums rêveurs qui, la plupart du temps ne possèdent rien en main. Mais leur désir n'en est pas moins légitime, même si la plupart ne seraient probablement pas dignes de recevoir cette sagesse.
En gros, donc, j'estime que l'occultisme (pratiqué, entre autres, par les pêcheurs-Apôtres qui voyageaient dans le monde subtil de la Mer du Monde) est une condition à toute révélation et science divine véritable, mais que beaucoup périssent dans la tentative, par manque de liaison avec ce qu'il faut capter, et par perte de la Tradition, de main en main, de la science des Anciens, qui est matérielle.
Jollivet-Castellot à propos des médiums
Une page intéressante d'un étrange alchimiste chrétien qui fut un des pionniers du Parti communiste français (SFIC) dont il fut rapidement exclu. Sa position rappelle un peu celle des jungiens de notre époque - comme Michel Cazenave par exemple. En termes rationnels, elle ne serait défendable qu'au prix d'un pari métaphysique : que chaque âme ait une univers pour elle-même. Mais on sent bien que dans l'ordre métaphysique, comme avec la phrase d'Apollonios de Tyane "Néron a creusé et n'a pas creusé le canal de Corinthe", l'énoncé est à la fois vrai et non-vrai...
"Concluons : L'Occultisme, la Magie, l'Astrologie, l'Alchimie, la Thérapeutique, le Psychisme, le Spiritisme, — branches de la Science Hermétique, reposent sur des phénomènes réels, de l'ordre naturel et universel que l'homme terrestre interprète suivant l'état actuel de son Verbe. Le Verbe humain terrestre, la science humaine, ne sont pas sur cette planète, encore assez parfaits pour que l'on puisse affirmer que les causes sont rigoureusement celles qu'on leur assigne.
Mais la Science et la Mystique qui, réunies, forment l'Hermétisme, nous enseignent certes que ces causes ne peuvent être en dehors de la conscience et des facultés de l'Homme, à différents états d'évolution. Causes naturelles. Verbe cosmique incarné par des êtres différents. Lois inflexibles, en tous cas, que nous ne savons encore formuler, mais qui ne sont que l'extension des lois que nous avons définies, ou cru définir jusqu'ici, et qui, supérieures ou autres, ne peuvent être jamais contradictoires.
C'est pourquoi l'explication spiritique des phénomènes dus à la force astrale ou psychique, est-elle enfantine et superstitieuse. Elle équivaut au bégaiement d'un enfant étonné qui croit aux revenants, aux fantômes, aux évocations que crée son imagination délirante ou morbide.
Les médiums, rigoureusement nécessaires à la production des phénomènes qui demeurent donc bien du champ de la faculté humaine — sont presque tous des détraqués, des malades, des hystériques, des névrosés qui, sursaturés de cette énergie « psychique » ou mieux astrale, la projettent et l'attirent, la concentrent et la repoussent brutalement, en provoquent le flux violent, capricieux, telle une machine à vapeur ou une dynamo qui s'emballe.
Certains — très rares — parviennent à modérer la force, à la diriger parfois. Ils la modèlent selon leur intelligence et leur volonté, la revêtent de leur propre esprit souvent subliminal et inconscient.
Le Spiritisme n'a rien révélé d'important, ni de nouveau au monde. Il est la conscience humaine à ses divers degrés d'intelligence, d'évolution, de moralité — conscience projetée dans l'Au-delà de la Suggestion et des Forces encore imprécises ou formidables.
On n'y découvre point l'intervention d'entités étrangères, ni surtout supérieures au plan terrestre."
Nouveaux Évangiles : le christianisme libéral, la tradition occulte, métaphysique de l'hermétisme, l'Europe et la Chine, "finis Latinorum" / F. Jollivet-Castelot Eds Chacornac 1905 p. 171-172.
Anne-Catherine Emmerich et le magnétisme
"Je citerai à ce propos la sœur Catherine Emmerich, grande stigmatisée de notre siècle.Ses dires sur le magnétisme sont tout un enseignement. Son confesseur et son médecin avaient voulu la magnétiser pour calmer ses douleurs. Elle les en détourna. Ce qu'elle dit d'une somnambule célèbre de Francfort est applicable doctrinalement à toutes les somnambules. « La pratique du magnétisme, disait la voyante de Dulmen, confine à la magie seulement on n'y invoque pas le diable, mais il vient de lui-même »
Catherine eut une foule de visions au sujet du magnétisme « Je voyais toujours )à Satan, disait-elle, dirigeant tous les mouvements du magnétiseur et les fai- sant avec lui. » Et ailleurs « Je n'ai presque jamais vu personne sous l'influence du magnétisme sans qu'il s'y mêlât au moins une impureté charnelle très subtile. Je vis des gens tomber de la région lumineuse dans la région ténébreuse par suite de ces participations à ces procédés magiques qu'ils appliquaient au traitement des malades, prenant pour prétexte l'intérêt de la science. Je les vis alors magnétiser, et égarés par des. succès trompeurs, attirer beaucoup de personnes hors de la région lumineuse. Je vis qu'ils voulaient confondre ces guérisons d'origine infernale et ces reflets du miroir des ténèbres, avec les guérisons opérées par la lumière et avec la clairvoyance des personnes favorisées du ciel. Je vis, à cet étage inférieur, des hommes très distingués travailler à leur insu dans la sphère de l'église infernale »."
L'hypnotisme et la stigmatisation / par le Dr Antoine Imbert-Gourbeyre, ed Bloud et Barral (Paris) 1899 p. 61.
Grands voyants et occultistes de l'époque moderne
On connaît Nostradamus, Boehme, Swedenborg.
D'autres sont moins renommés mais ont joué un rôle important à leur époque :
Le père Jacques Gaffarel (1601-1681), fils d'un chirurgien des actuelles Alpes de haute Provence, auteur des Curiosités Inouyes sur la sculpture talismanique des Persans (censurées par la Sorbonne en 1629) et du Moyen de lire l’alphabet des étoiles et les révolutions des empires. Docteur en droit canon à la Sorbonne, abbé de Sigonce, bibliothécaire de Richelieu. Kabbaliste grand connaisseur des langues orientales antiques il est en outre un médium spirite qui déjà théorise sur le corps astral. Outre les talismans, il s'intéresse aux onguents magiques et à l'astrologie hébraïque.
Descartes affecte ne pas vouloir le lire, mais sa condamnation en Sorbonne aura provoqué la polémique. Il est en rapport avec Jean-Baptiste Morin de Villefranche, mais l'attitude de Morin hostile aux sciences les sépare car Gaffarel lui est ami de Gassendi.
Jean-Baptiste Morin de Villefranche sur Saône (1583-1656), médecin de son état, fut initié à l'astrologie par un Ecossais rencontré dans une auberge allemande, William Davidson ou Davisson. Le roi Louis XIII étant tombé malade en passant à Lyon, deux devins annoncèrent sa fin prochaine. Morin adressa a la reine mère, Marie de Médicis, un horoscope contraire, qui affirmait le prochain rétablissement du monarque-et en marquait le.jour. L'événement lui donna raison, et ses rivaux furent jetés aux galères. Morin fut alors nommé professeur de mathématiques au collège de France et souvent consulté par les grands seigneurs du royaume, y compris Descartes.
Selon P. Christian ("Histoire de la magie, du monde surnaturel et de la fatalité à travers les temps et les peuples ", 1870) "un jour, vers 1642, le jeune Cinq-Mars, grand-écuyer du roi, arriva chez le premier ministre en riant aux éclats, son horoscope à la main « Croiriez-vous, Monseigneur, que ce fou de Morin prétend, d'après ce chiffon, que j'aurai la tête tranchée ?» Richelieu ne riait jamais et se souvenait toujours. Peu de mois après, t'étourdi Cinq-Mars et son ami de Thou, fils du célèbre président, se prenaient au trébuchet d'une puérile conspiration risquée avec .l'Espagne. Ils y laissèrent leur tête, et le cardinal qui s'en allait au tombeau, légua le maître en Magie à son successeur Mazarin, comme un précieux outil de gouvernement." Avant sa mort, la reine de Pologne, Marie-Louise de Gonzague, dont l'Écossais Davidson était devenu le médecin, avait accepté la dédicace des oeuvres de Morin et les fit imprimer à ses frais.
Tommaso Campanella, qui finit prisonnier dans un couvent à Paris après avoir organisé une conspiration anti-espagnole en Calabre en alliance avec les Turcs, compose en 1623 une Cité du Soleil qui prône la théocratie universelle œcuménique remplie de références à la Kabbale.
Au même moment en Angleterre Francis Bacon (1561-1626), grand chancelier d’Angleterre peut-être rosicrucien. Kabbaliste et alchimiste compose en 1620 une Instauratio Magna qui prône la méthode inductive et annonce l’Encyclopédie et l’année suivante une Nouvelle Atlantide très néoplatoncienne qui ressemble à Thomas More et Campanella.
Le tchèque Johannes Amos Comenius ou Jan Amos Komensky (1592-1670) dont l’Unesco célébre le 3ème centenaire en 1958, né dans une famille de frères moraves héritière du hussisme, revendiqué par Piaget comme un père du structuralisme moderne, présent en Angleterre en 1641 en pleine révolution (à l’invitation du rose-croix allemand Samuel Hrtlib pour conseiller le nouveau régime) puis en Suède où il rencontre Descartes, c’est un partisan de la réconciliation de l’Eglise et de la synagogue et d’une pansophie qui mènera à l’âge d’or (comme dans la kabbale). Il s’appuie sur des médiums amis de la cause protestante comme Nicolas Drabik, Christophe Kotter et Christine Poniatowska.
L’alchimiste anglais Elias Ashmole (1617-1692), qui allait influencer la création de la grande loge de Londres en 1717, pionnier de la franc maçonnerie dès 1646, fait le lien entre les rosecroix et la francmaçonnerie.
L'acquaintance de la couronne d'Angleterre avec la magie remonte au moins à Elizabeth Iere.
Le mage astrologue John Dee (1527-1608 ou 9), d’origine galloise né à Londres avait formé un cercle, les Dionisii Areopagites, avec sir Philip Sidney et Edmund Spenser (auteur d’un poème rosicrucien). Kabbaliste confirmé, il fut choisi par Elizabeth Ie pour choisir le jour de son couronnement. Il possédait une charte lui attribuant la possession du Canada et inventa le mot « empire britannique ».
Un jour de 1580, il entendit des bruits dans sa maison au milieu de ses rêves. Il loua les services du médium Barnabus Saul qui prétendait voir des anges dans sa boule de cristal. Il s’en sépara au bout de six mois puis rencontra en 1582 un certain Edwad Kelley qui voyait l’archange Uriel dans la boule de cristal de Dee. Il fit alors des séances spirites qui lui apprirent la lange « énochienne ». En voyage à Prague avec Kelley il échoua à transformer du plomb en or devant l’empereur Rodolphe II, puis en 1590 eut un message apocalyptique puis finit tristement dans la paranoïa.
Dee avait des idées qu’il exposa à Rodolphe II pour réformer la messe dans un sens magique propice a faire apparaître des esprits. Il avait aussi des clés initiatiques individuelles : « Ce que Dee suggérait à l'oreille de l'empereur était que, s’il jeûnait pendant une période déterminée, s’il travaillait sur sa respiration un certain nombre de fois, à des intervalles précis, s’il s’adonnait à la pratique sexuelle s’il prononçait une formule précise à une heure déterminée selon les astres, il pourrait entrer dans un état de conscience altéré au cours duquel il communiquerait de manière libre et raisonnée avec les habitants du monde des esprits ».
John Dee inspira le personnage Prospero dans « La Tempête » de Shakespeare. Le 24 mars 1583, un esprit lui apparut et lui parla de l’avenir en ces termes : « De nouveaux mondes jailliront de ceux-ci. De nouvelles manières ; des hommes étranges ».
Shakespeare lui-même est probablement un initié : les images florales du Songe d’une nui d’été peuvent être des symboles rosicruciens comme la rose de La Reine des fées d’Edmund Spenser écrite en 1589 ou les sept roses du mémorial de Shakespeare dans l’église de la Ste Trinitié de Stratford-upon-Avon où le roses peuvent être des chakras. Et l’intrigue de La Mégère apprivoisée (une des trois premières comédies du dramaturge) empruntée au Akf Layla Wa Lyla des Mille et un Nuit renverrait à une bibliothèque secrète des savoirs anté-diluviens, tandis qu’elle plonge dans la logique initiatique du « Dormeur éveillé » d’Haroun al-Rachid. « L’esprit mystique et irascible de l’Homme vert imprègne aussi bien Les Mille et nee Nuits que La Mégère apprivoisée » comme l'a relevé l'érudit de notre époque Jonathan Black .
Au XVIIe siècle, les alchimistes et les rosicruciens sont dans toutes les cours d'Europe, et en contact permanent les uns avec les autres. Newton allait être le dernier d'entre eux.
Au siècle suivant les voyants et ésotéristes sont moins dans les cours. Etteila traduit le Livre de Thot et invente un nouveau tarot dont va faire usage l'étonnante voyante Marianne Lenormand (1768-1843), orpheline d'Alençon montée à Paris, chiromancienne et cartomancienne que les principaux chefs de la Révolution, puis les dignitaires de l'Empire et de la Restauration consulteront.
Dans la lignée des occultistes du XVIIe siècle, se distingue au début du XIXe Antoine Fabre d'Olivet, bourgeois calviniste, monté à Paris en 1780, puis initié au pythagorisme en Allemagne en 1791, passionné par l'hébreu primitif et les hiéroglyphes (pour lui c'était tout un) qui s'attacha à en retrouver la version archaïque qu'il mettait en résonance avec le Chaldéen, le Chinois etc, et qui, en déchiffrant un vieux manuscrit magique pharaonique aurait trouvé la méthode pour soigner un sourd muet (ajoutez pour faire bonne mesure qu'il publia une analyse érudite des Vers dorés de Pythagore). Il avait acquis son bagage linguistique après 1809 ayant obtenu sa retraite du ministère de la guerre.Il utilisait sa femme comme une pythonisse. Napoléon refusa d'en faire son conseiller inspiré; Il instaura alors un culte polythéiste analogue à celui qu'avait tenté de fonder Gémiste Pléthon, premier président de l'Académie platonicienne de Florence. On le retrouva en 1825 mort percé d'un poignard au pied de son autel (cf Les Nouvelles littéraires et scientifiques 23 juin 1934). Il allait encore inspirer les spirites de Jersey à l'époque de l'exil de Victor Hugo.
Jenny Scordamaglia : de la nudité publique à la méditation
Elle s'appelle Jenny Scordamaglia. Elle a 28 ans. Née dans le New Jersey, elle a grandi en Uruguay. La quotidien britannique The Sun du 28 avril la traite de "journaliste exhibitionniste" parce qu'elle participe à une émission de cuisine nue sur Miami TV (Naked Kitchen) dont elle est propriétaire avec son mari depuis 2013. A vrai dire elle n'a pas fait que cela. Elle est accoutumée des interviews topless, voire en nu intégral.
Au vu de ce que j'ai appris dans le cadre de mes travaux de terrain sur le lien entre nudité et médiumnité. En Avril 2012 Jenny Scordamaglia a fondé en Espagne un "Centro Transformacion" dédié à la méditation et au massage géré par le coach tanzanien Julius Mwabuki. Dans le même esprit elle a apporté une contribution particulière au yoga nu.
Mais sa confrontation (en 2012 sur MegaTV ci-dessous) avec Aramis Fuster, une médium spirite, ouvertement occultiste ("La Bruja" "la Sorcière", qui elle aussi joue un peu sur la nudité malgré ses dénégations dans l'émission) laisse entrevoir une sorte d'incompatibilité entre sa démarche et celle de la magie classique. Peut-être est-ce parce qu'elle reproche à sa voisine d'étaler trop ses "dons spirituels" et laisse même entendre que de ce fait elle n'en a pas... Le défaut de discrétion dans ce milieu peut être un signe d'inefficacité. On ne peut pas trop savoir ce qu'il se passe vraiment dans le "Centro Transformacion" de Castellon, dans la spiritualité "loin des caméras" qu'évoque Jenny Scordamaglia dans la séquence. Une recherche sur Google ne livre rien sur les rapports entre la présentatrice de Naked Kitchen et le moindre cercle spiritualiste existant sur le globe. Est-ce parce que les "nettoyeurs" des moteurs de recherche ont trop bien fait leur travail ? Le "phénomène" Jenny Scordamaglia par delà son excessive visibilité aux USA et dans le monde hispanophone reste au fond bien obscur pour le sociologue. Vu les liens entre nudité publique et sorcellerie depuis la plus haute antiquité, le cas du double engagement (médiatique et "méditatif") de Jenny Scordamaglia me semble illustrer l'opacité de l'arrière plan métaphysique de la nudité publique. Depuis mes recherches sur les médiums, j'encourage mes lecteurs à se tenir éloignés de ce monde là, et de reprendre au sérieux le lien entre pudeur et intégrité psychique que tracent les religions monothéistes.
Indigo et Torah
Puisque vient de paraître mon essai sur les médiums (voir ici à gauche), une petite vidéo sur l'indigo dans la culture juive :
médium au ministère de la guerre
Extrait de L'Écho du merveilleux : revue bimensuelle / directeur : Gaston Mery 1908-05-01
"JK Huysmans avait connu, avant sa conversion, un chef de bureau du ministère de la guerre, M. François, lequel était un médium extraordinaire. JK Huysmans me raconta souvent les phénomènes auxquels il assistait d'abord en sceptique ; mais, comme il savait regarder et voir, et qu'il n'avait aucun parti pris, il dut se rendre à l'évidence d'incontestables fait spirites, obtenus sans dol ni tricheries." écrit son fidèle disciple et secrétaire Jean de Caldain p. 172
"Pourquoi je suis chrétienne" de Ghislaine de Montangon
Chaque année, les idées et les croyances s’incarnent, prennent sens dans les peines et joies d’êtres de chair et de sang auxquelles elles viennent donner sens aux yeux de ceux qui les subissent. En cette année 2017, le témoignage de Ghislaine de Montangon vient apporter de l’eau au moulin d’un courant qui a connu une dynamique certaine depuis les années 1960, un courant qui n’a pas de nom officiel mais que l’on pourrait décrire comme une forme de christianisme hérétique, orientalisant, qui tente d’établir des ponts avec les sagesses bouddhistes, hindouistes, voire avec le chamanisme.
Ce courant de pensée a ses grandes figures décédées dont deux qui ont joué un rôle essentiel dans le parcours de l’auteure : Yvonne Trubert, initiatrice du groupe ''Invitation à la Vie'', femme inspirée, à moitié médium qui, pour reprendre les mots de Ghislaine de Montangon, apportait «trois clés : la prière du chapelet, des soins énergétiques, des pas dansés au rythme de sons chantés collectivement», et Arnaud Desjardins, disciple chrétien du maître hindou Swami Prajnanpad et fondateur de plusieurs ashram en France.
Ghislaine de Montaugon montre comment ces deux maîtres, ainsi que des auteurs plus récents découverts au fil de ses nombreuses lectures, l’ont aidée notamment à vivre et dépasser l’épreuve centrale de sa vie : l’accident de voiture de sa fille de 26 ans, en 2001, qui, à la suite de son traumatisme crânien, mène une vie végétative, laissant à la charge de leur grand-mère deux jeunes enfants.
Le livre, qui témoigne d’une recherche persévérante de la vérité et des moyens de garder encore des raisons d’exister quand, comme elle le dit elle-même, le danger de la dépression guète chaque journée, permettra aux lecteurs curieux de spiritualité de découvrir ou retrouver les grandes lignes d’un christianisme «dissident» qui prétend s’affranchir de toute notion de culpabilité, pour rejoindre une vision non-dualiste (celle, par exemple, du gourou indien Deepak Chopra mobilisé dès la première page du livre) qui cherche à s’affranchir de l’égo (et notamment du «cerveau gauche» qui raisonne trop) pour fusionner mystiquement avec l’énergie divine.
En donnant tous les arguments qui plaident pour ce courant de pensée, l’auteure, évidemment, en dévoile aussi les faiblesses que ne manqueraient certainement pas de relever les tenants d’un monothéisme plus «classique» (qu’il soit d’ailleurs juif, chrétien ou musulman). Le premier est peut-être l’absence de souci de rigueur dans la recherche des sources qu’on avance. Ainsi Mme de Montangon se borne-t-elle le plus souvent à citer les auteurs récents de sa mouvance sans chercher à les confronter à des sources plus anciennes et encore moins à celles qui les contredisent. Cela mène à des erreurs factuelles très visibles, comme lorsqu’elle appelle Jérusalem «cité de l’âme» (p.16) alors que c’est ''de la paix'' au sens de complétude et l’étymologie communément admise ; ou encore lorsqu’elle affirme à tort que Flavius Josèphe cite l’existence de Jésus (p.164), en se gardant bien d’ailleurs préciser à quel endroit… D’une manière générale, le judaïsme est très absent du livre : notamment de la page sur la Genèse (p.161), à part pour décréter sans démonstration que l’idée de faute originelle «n’est pas conforme au texte hébraïque original» sans autre autorité que celle de l’ancienne infirmière anesthésiste, théologienne orthodoxe (et jungienne…) Annick de Souzenelle (et tant pis pour les 3000 ans d’exégèse juive qui ont soutenu le contraire). On comprend bien pourquoi d’ailleurs : s’interroger sur ses principes et sa tradition réduirait à néant l’effort de poser l’évangile apocryphe de Thomas comme source légitime de compréhension du christianisme. Et penser un Jésus juif (et un judéo-christianisme qui est l’origine historique réelle du catholicisme) interdirait de séparer l’enseignement évangélique des notions de morale, de jugement, et de toute l’eschatologie (l’attente de la fin du monde, et de la rédemption finale) dont il est solidaire. Il est plus simple de tout mettre sur le dos de l’ignorance ou de la malhonnêteté des évêques du Concile de Nicée…
Dans le livre de Mme de Montangon, comme dans sa mouvance, la disqualification de la vérité argumentée (qui gardait encore une place, subordonnée à la Révélation, mais tout de même vivace, dans la théologie catholique traditionnelle) permet d’ouvrir la porte à n’importe quelle canalisation médiumnique comme celle de Neale Donald Walsch, dont il n’est même plus requis d’évaluer la pertinence des révélations : «Vraisemblable ou pas, son discours m’avait alors fourni un excellent guide», écrit-elle (p.20). Il n’est plus nécessaire que les propos soient vrais ni même vraisemblables, pourvu qu’ils plaisent. La vérité n’a plus sa place, puisque le jugement est exclu. Il faut réhabiliter les traditions chamaniques au nom du «Aimez vous les uns les autres» (p.162). Les démons n’existent pas. Dieu, perçu comme une source énergétique ainsi que le font souvent les médiums (et qui n’est donc pas transcendant à sa création), se donne «en vérité» (sans stratagème ni illusion possible) comme connaissance et force d’amour inconditionnel dans la «nudité totale», l’abandon de soi (qui doit être plus qu’un lâcher prise car sinon les pensées tristes pourraient affleurer dans cette ivresse - p.105, sans aller tout de même jusqu'à l’anomie libertaire soixante-huitarde jugée trop «nivellatrice» - p.145).
Toute négativité doit être évacuée, même constructive (p.105), tout ce qui est problématique - et donc de ce fait en réalité source d’intelligence - est révoqué comme inutile. Il faut se laisser hypnotiser, à coup de yoga, de transes, de méditation et de prières individuelles ou de groupe qui ont «le pouvoir de déclencher une force énergétique importante, ressentie ou non d’ailleurs par les participants» (p.85), comme dans le New Age, par les ressources positives du présent, renoncer aux sacrifices de la fourmi pour faire l’éloge de la cigale (p.119), envisager la vie comme un «jeu de l’oie sur le chemin du bonheur» (p.27) où les souffrances sont des occasions de mieux se connaître soi-même (et non de réparer des fautes ou de gagner une vie éternelle meilleure puisque la perspective de l’au-delà de la mort est annulée par l’ici et maintenant), c'est-à-dire du Soi, dans lequel l’âme s’anéantit comme, au fond, elle anéantit autrui.
Le témoignage rend compte agréablement, et même souvent avec beaucoup d’émotion, de la manière dont l’auteure a assis son existence sur ce credo-là. Mais il omet hélas d’expliquer comment un monde avancerait dans son ensemble sur de telles bases eudémoniques, autant que de rendre justice aux arguments de la tradition dualiste auxquels il s’oppose. L’aveuglement est au bout des intentions bienveillantes, et le livre peut être au fond lu, à un niveau philosophique, comme une nouvelle illustration des dangers d’une trop grande hâte à évacuer le négatif de la foi comme de la pensée.
"Conjuncting Astrology and Lettrism, Islam and Judaism"
Je lisais récemment un article intitulé "Conjuncting Astrology and Lettrism, Islam and Judaism" du Dr Matthew Melvin-Koushki, professeur assistant, spécialiste des sciences occultes du premier Islam à l'université de Caroline du Sud, article conclusif de trois autres articles, et paru en janvier dernier dans la revue Magic, Ritual, and Witchcraft de janvier dernier qui commence par une intéressante charge contre l' "occultophobie", notamment celle qu'il décèle dans un livre récent de Stephen P. Blake, Astronomy and Astrology in the Islamic World (Edinburgh University Press 2016).
Il explique comment du 10e au 17e siècle, dans les classifications persanes, les sciences occultes (astrologie, lettrisme et géomancie) ont été déplacées de la sphère des sciences naturelles à celle des sciences mathématiques pour renforcer leur légitimité.
Selon lui la sanctification, la désesotérisation, puis la mathématisation-néopythagorianisation de l'occultisme en général et lettrisme en particulier dans l'Egypte des Mamelouks et l'Iran tilmouride et sous le règne des Aq Qoyunlu du treizième au quinzième siècle constitue le contexte immédiat et sociopolitique immédiat de la célèbre mathématisation de l'astronomie par les Membres de l'Observatoire de Samarkand au XVe siècle et de la résurgence de la philosophie néoplatonicienne, deux processus qu'il faut tenir ensemble. La Kabballah juive qui lui est contemporaine donne une cohérence épitémologique, car l'occultisme islamique et juif formaient un mysticisme unique dérivée de l'héritage néo-platonicien grec (voir à ce sujet Moshe Idel). Il faut aborder ensemble ces deux courants et leur façon de marier Kabbalah et lettrisme sans approche positiviste ni religioniste ou eurocentrisme estime le Dr Melvin-Koushki. Quant à l'astrologie, Abu Mashar Balkhı (Grande introduction à l'Astrologie - K. al-Mudkhal al-Kabı¯r ila¯ Ilm Ah.ka¯mal-Nuju¯m), protégé du philosophe Al-Kindi (IXe siècle) reformula l'astrologie hellénique dans des termes strictement aristotéliciens, au sein des sciences naturelles (Liana Saif, “Homocentric Science in a Heliocentric Universe,” in Nicholas
Campion and Dorian Gieseler Greenbam, eds., Astrology in Time and Place: Cross-
Cultural Questions in the History of Astrology (Newcastle upon Tyne: Cambridge Scholars,
2015), 159–72).
Par exemple Al Kindi fait l'éloge du sacrifice animal comme acte magique efficace parce que l'interruption du rayon cosmique de la vie animale a nécessairement un impact à distance sur un objet donné en vertu de la correspondance ciel-terre, et Abu Mashar Balkhı dira de même de la convergence des rayons cosmiques et du rayon du mage dans le talisman, ce qui est une façon de réconcilier l'émanationisme platonicien et la doctrine de la cause aristotélicienne. Et c'est d'ailleurs par ces théories magiques que l'aristitélisme fut introduit, au début, en Europe au 12e s (voir Abu Mashar and Latin Aristotelianism in the Twelfth Century: The Recovery of Aristotle’s Natural Philosophy through Arabic Astrology (Beirut: American University of Beirut Press, 1962). Roger Bacon en fut un adepte. Plotin avait rejeté la causalité astrale, mais à la suite de Abu Mashar Balkhı les chrétiens Adelard de Bath (+ 1152), Hermann de Carinthie (+ 1160), Hugh de St. Victor (d. 1141), Thierry de Chartres (+ 1150), Bernard Silvestris (+. 1178), Guillaume de Conches (+. ca. 1154), et Daniel de Morley (+. ca. 1210) allaient suivre cette voie. Le Secretum secretorum de Philippe de Tripoli et le Picatrix (trauction espagnole du "But du sage" (Gha¯yat al-Hakı¯m) de Maslama al-Qurt.ubı¯aussi. La caution aristotélicienne d'Avicenne qui était pro-astrologie mais anti-occultiste y contribua.
Puis l'astrologie aristotélicienne d'Abu Ma'sharian fut pythagorianisée dans une forme de lettrisme mathématique sacré.
C'est un domaine peu connu en Occident. L'eurocentrisme et le rationalisme nous font manquer des courants essentiels de l'histoire de la pensée humaine.