Articles avec #mediums tag
Edith Royer et le Sacré Coeur de Montmartre
Il y a six mois, le médium Reynald Roussel expliquait sur You Tube que l'existence du Sacré Coeur de Montmartre était due à Edith Royer (1841-1924). Le 21 juillet 1870 cette femme avait été inspirée à prier le Sacré Coeur. Le lendemain, elle voyait des éléments dramatiques qui attendaient l'Europe. Au moment des préliminaires de paix en 1871, Mme Royer vit un incendie mal éteint qu’on s’efforçait de rallumer avec un soufflet. Puis le Seigneur lui montra un malade atteint d’un ulcère au côté et dit: “L’opération est nécessaire. Je ne la ferai pas mais il me faut la laisser faire en détournant les yeux comme une mère qui ne pourrait voir souffrir son enfant. Ensuite je viendrai pour cicatriser la blessure, en laissant couler de mon Cœur comme un baume merveilleux." Tandis que la pieuse dame menait une vie austère de mère de famille (elle n'était pas encore entrée au couvent) il lui inspira en 1872 un projet de créer une Association de Prière et de Pénitence. Puis à Paray-le-Monial où il était apparu à Ste Marguerite Marie Alacoque (la religieuse qui avait gravé le nom de Jésus au canif sur son sein gauche) elle reçoit une purification et sera ensuite en dialogue avec cette sainte qui est à l'origine du culte du Sacré Coeur en France.
Roussel explique (sans citer sa source mais en précisant que cela ne vient pas de lui) que Madame Royer a eu l'indication surnaturelle du lieu où devait être érigée la basilique consacrée au Sacré Coeur à Paris par une croix bleue qu'elle vit apparaître au dessus de la butte.
Le culte du Sacré Coeur a peiné à s'imposer dans l'Eglise. Le pape Benoît XIV (pape de 1740 à 1758,) qualifiait cette dévotion d'idolâtrie et déclarait que "si l'on adorait aujourd'hui une partie charnelle de l'Homme-Dieu, on se prosternerait demain devant une autre : le saint Côté, les saints Yeux, etc. " (cf "Le Sauveur des Peuples" du 4 décembre 1864). Elle peine encore à rallier les âmes. Cependant les miracles eucharistiques récents dont l'étude scientifique montre qu'ils manifestent des cellules vivantes de sang directement issu du ventricule gauche voire de tissu musculaire cardiaque (Tixtla) relance la réflexion sur la légitimité des révélations de Ste Marguerite-Marie Alacoque.
Passage chez les Antoinistes
Le médium Reynald Roussel ayant dit sur YouTube récemment qu’il allait de temps en temps se recueillir chez les antoinistes (une "Eglise parallèle" de guérisseurs), cela m’a rappelé que Régis Dericquebourg, le préfacier de mon avant-dernier livre, avait enquêté sur leur compte. J’ai alors songé que pourrais peut-être moi aussi, leur rendre visite, et par exemple, puisque c’est une Eglise de guérison, leur soumettre une vieille tendinite que je traîne depuis des années. Je sais après mes expériences chez les médiums que ce genre d’aventure n’est jamais complètement « gratuit », il peut avoir des conséquences graves parfois, mais je n’aime pas vivre dans la peur, et puis j’ai tenté après tout des choses tout aussi périlleuses en février dernier lorsque je suis retourné voir en Béarn une magnétiseuse étrange qui avait été initiée chez les Tziganes…
J’ai donc saisi l’occasion de ma pause déjeuner pour me rendre en bus à l’église antoiniste de ma ville, qui se trouve dans un quartier un peu excentré.
Au bout d’une demi-heure, j’étais aux abords d’un bâtisse des années 1930 ou 50. L’affiche à l’entrée indiquait généreusement que l’église était ouverte tout le temps. Je pousse la porte, elle est fermée à clé. Un mot écrit en petit indique de sonner si tel est le cas. Je sonne. Au bout de deux minutes une voix féminine me répond : « C’est pourquoi ? » « Pour une guérison », dis-je. « Vous êtes qui vous ? » ajouta la voix désagréable comme une employée de la Sécurité sociale. « Je croyais que l’Eglise est ouverte à tout le monde » dis-je. « - Oui, c’est vrai mais je ne vous vois pas bien à la caméra. Pouvez-vous reculer svp ?
Bon, je vous ouvre, mais ça va prendre 5 minutes le temps que j’arrive. »
Enfin la voix ouvrit. C’était une petite dame sexagénaire, au cheveux assez courts frisés. Plus aimable qu’à travers l’interphone, elle me dit « entrez frère », puis commença à m’expliquer : « J’habite dans la partie arrière du temple. Je suis officiante avec mon mari. On peut dire bonne sœur. Vous venez pour quoi ? une prière ? Attendez je vais mettre ma tenue d’officiante. Entrez là en attendant, voici un dépliant que vous pouvez lire. C’est la première fois que vous venez ? La salle de prière est là à gauche. Et là à droite il y a les deux pièces où l’on reçoit les gens ». J’entre donc seul dans la partie gauche où je suis censé me recueillir. Cela ressemble à un temple protestant. En style dépouillé. Il y a au mur un portrait du père Antoine, le fondateur du mouvement dans les années 1900, portrait un peu gauche, et un de sa femme, ainsi que des écriteaux dont j’ai oublié le contenu. Au bout de quelques minutes, la dame ouvre la porte. Elle est vêtue de noir avec une coiffe sombre. Elle me présente son mari qui revient des courses, du même âge qu’elle, enrobé, qui me dit deux mots de leur « culte ». Il me dit qu’ils acceptent toutes les religions. « Nous ne sommes pas une secte » ajoute-t-il. « Oui, dis-je, c’est bien spécifié sur Wikipedia, la Mivilude ne vous classe pas parmi les sectes ». « Oui, surenchérit-il, tout le monde est libre de faire ce qu’il veut ici, on ne demande rien. Mais attention à Internet, il y a à boire et à manger sur ce qu’ils disent sur nous. Donc, oui, on accepte tout le monde. On reconnaît que chaque prophète a été utile à son époque : Moïse, Jésus, Antoine pour notre époque ». « - Il était médium, non ? » « Oui, au début » insiste-t-il comme pour laisser entendre que son envergure avait dépassé celle d’un médium par la suite. « Vous croyez que Jésus est ressuscité ? » demandé-je à tout hasard. L’homme est embarrassé. « Qu’il est ressuscité… heum… non, enfin chacun croit ce qu’il veut, mais nous pensons que c’est un prophète" "- Vous pensez que c'est un prophète comme les Musulmans" fis-je. Il ne relève pas et reprend "Un prophète qui a aidé l’humanité à avancer à son époque, comme Moïse avant lui. D’ailleurs il n’a pas renié Moïse n’est ce pas. Après chaque époque a cru sur lui ce qui lui était nécessaire. Et puis tout le monde évolue. L’Eglise catholique elle-même aussi non ? » « Oui, et pas toujours en bien » dis-je (évidemment je situais parfaitement le propos de mon interlocuteur qui du point de vue chrétien est antéchristique, puisque selon a Bible est Antéchrist quiconque ne croit pas que Jésus est ressuscité, et cela rappelle l’évolutionnisme du Dr Rozier (voyez mon billet de 2017 là dessus).
La dame parut embarrassée de nous voir disserter de la sorte : "Oh ! moi pour un premier échange je ne dis jamais tout ça. Je suis plus terre à terre, plus pratique. Venez dans la pièce d'accueil (je ne sais plus comment elle appelait cette pièce) vous verrez les questions théoriques plus tard." On se retrouve dans une petite pièce avec là encore des portraits, des écriteaux. La dame fait préciser ce que je veux soigner. Je lui demande si je peux demander pour deux choses. Elle me répond "oh tout ce que vous voulez, vous pouvez même demander de gagner au loto. De toute façon le Père Antoine vous a pris dans son amour à partir du moment où vous avez franchi cette porte, maintenant vous allez voir il va se produire des choses étonnantes vous allez vois. Il y a une dame récemment qui est venue pour un cancer. Dans la foulée tout s'est combiné pour que ses rendez vous médicaux soient annulés et que tout s'arrange." Elle m'explique : "Je vais prier à voix haute. Mon mari, le frère officiant lui ne parle pas, mais moi je parle.
L'Eglise tient à l'anonymat pour que tout le monde se sente libre. Elle me demande quand même comment je les ai connus, ce qui me conduit à parler de mon livre sur les médiums.
Cela ne la fait pas réagir plus que cela. Elle me demande si je viens loin. Je dis le nom de mon quartier. Elle ne le connaît pas. Cela ne fait pas longtemps que le couple vit dans ma ville. Et l'église n'est ouverte en permanence que depuis juillet. Avant la dame a vécu à Auxerre, à Paris, à Valras, et même, toute petite, à Eaux Bonnes en Béarn. Elle a été comptable pour le magazine l'Express. "Vous avez été catholique ?" allais-je lui demander. "Oui" "- Vous avez donc quitté cette Eglise ?" "Non je ne l'ai pas quittée, je le suis encore différemment" allait-elle répondre. Chez les antoinistes on assume toujours le passé tout en le dépassant.
Mais pour l'heure elle fait la prière. Elle a dû briser un morceau d'anonymat en me demandant mon prénom. Donc devant la photo du fondateur elle dit "Voilà Christophe, qui n'est pas venu par hasard puisqu'il a cherché cette Eglise". Elle expose mon problème de tendinite. Puis termine sa prière avec "qu'il lui soit donné selon sa foi et son mérite". A la fin elle se tourne vers moi elle me dit : "Vous devriez aller voir une posturologue, pas une podologue, une posturologue. Comme on ne se connaît pas je ne peux pas vous en conseiller mais parmi les gens qui fréquentent le temple il y en a qui ont eu recours à ça". "C'est un message intérieur que vous avez reçu ?" demandé-je. "Je ne sais pas si l'on peut appeler ça comme ça, fait-elle, disons que ça m'est venu pendant la prière". Et comme elle a été aussi intuitive en songeant que j'avais peut être une jambe un peu plus courte que l'autre, elle ajoute "oh mais ici il n'est pas question de voyance, j'ai pensé à ça c'est tout".
Puis elle va me dire un mot sur leur Eglise devant une photo où l'on voit tous les temples de France (une trentaine peut-être). Leurs cérémonies, leurs prières. Il y a sept ou huit personnes qui y viennent régulièrement. Cela sent la religion sur le déclin. La dame, qui s'appelle Gabrielle je crois, dit qu'il n'y a pas assez de célébrants pour maintenir les temples ouverts. Comme j'ai demandé sur quoi portaient leurs lectures le dimanche, elle me montre deux livres noirs et un vert. Le vert est en vente. C'est la biographie "romancée" (précise-t-elle) du fondateur (ce culte de la personnalité fait vraiment penser au Cercle de Bruno Gröning. Les deux noirs sont les écrits du Père Antoine. Ils ne se vendent pas, mais les gens peuvent les avoir chez eux quand ils "montent" spirituellement en s'étant bien imprégné de l'esprit de leur Eglise. Voilà, elle me conseille de passer encore deux minutes en recueillement dans leur grande salle pour augmenter les chances de guérison. Elle insiste beaucoup sur leurs prochaines réunion de lecture, il y en a une ce soir si je veux. Trois ou quatre fois elle aura fait remarquer qu'on pouvait faire des dons mais que ce n'était pas obligatoire, qu'on était libre, même si enfin il fallait bien que l'Eglise vive, mais bon, de toute façon ils ne veulent rien savoir, tout est anonyme, donc soit on glisse dans la boîte aux lettres, mais ce n'est pas obligatoire.
Je suis parti en glissant discrètement 10 euros. Pas sûr que j'y retourne, sauf si ma curiosité de sociologue me poussait à vouloir en savoir plus sur les gens qui assistent aux lectures et aux "opérations" comme ils appellent leurs cérémonies dominicales. La tendinite est toujours sensible. Mais personne ne m'avait promis que je pourrais "gambader tout de suite comme un lapin" pour reprendre les mots de la dame.
"Ne jamais accepter de boissons ni des mouchoirs.. des stylos..."
Une dame originaire de la Martinique m'écrit ce matin : "Oh ! la la ! Les filles des Iles sont vindicatives...et très portées sur tout ce qui est magie. En Martinique, Guadeloupe..Haïti.. bref.. elles sont fortes...avec une mèche de cheveux, des vêtements...n'importe quels articles qui nous appartiennent....
A ma fille je disais de ne jamais accepter de boissons ni des mouchoirs.. des stylos...rien qui ne lui appartenait pas, de tout refuser ..mais vous savez les jeunes n'écoutent pas les parents...elles sont rebelles"
Le quiz du mois
(1) Depuis la Christelle Laffin, de Madame Figaro, aucun journaliste ne m'a jamais plus interviewé sur les médiums. Pourquoi ?
(2) M. Prolongeau écrit sur la nudité, puis sur les chamanes (et le spiritisme) ; la rabbine Horvilleur écrit sur la nudité, puis sur nos rapports avec les morts ; Christophe Colera écrit sur la nudité puis sur les médiums - pourquoi ce schéma commun à ces trois auteurs ?
(3) Pourquoi le possédé dans l'Evangile (Marc 5,1-20) qui ne supporte pas les vêtements vit-il dans les cimetières ?
A propos d"une déclaration des Bananarama après leur tournage du clip "Venus"
Dans mon livre sur les Nephilim, j'ai un peu évoqué la thématique des artistes de la pop et du rock qui avaient vendu leur âme à des entités ou pratiqué l'occultisme. C'était un peu ma façon de me racheter des erreurs de mon précédent livre "Les Tubes des années 1980" dans lesquels j'avais pris sans suffisamment de recul les enjeux spirituels de ce genre musical. Je l'ai aussi fait sur ce blog à propos de l'Italodance, ou de Belinda Carlisle.
Je me penche ce matin, en parcourant la revue britannique Smash Hits du 18 juin 1986 (p. 14) les déclarations des Bananarama après la sortie de leur single "Venus" :
Slobhan Maire Fahey (déguisée en diable dans le clip) déclare à propos du personnage qu'elle joue : "c'était une image classique d'un certain type de femme que l'on retrouve toujours dans les contes de fées, comme la méchante sorcière. En fait à 11 ans j'ai vraiment été la méchante socière dans La Belle au Bois Dormant. Le problème est que je me suis laissée emporter par le mal et que j'ai juré devant le professeur" ( "it was a classic image of a certain kind of woman that you always get in fairy stories, like the old wicked witch. In fact when I was 11 I was the wicked witch in Sleeping Beauty. The trouble is I got carried away with being evil and swore in front of the teacher"). Il est étonnant qu'elle relie son rôle de 1972 à un penchant pour le mal qu'elle aurait ensuite développé.
Sarah Dallen (déguisée en ange, ou en ange déchu...) précise : "L'une des tenues était comme Morticia de la famille Addams ... j'ai aimé être Morticia " ("One of the outfits was like Morticia of the Addams Family... I enjoyed being Morticia").
Keren Jane Woodward (déguisée en vampire française dans le clip) explique que le cercueil dans lequel on la voit dans le clip a une histoire chargée : "En fait, le cercueil dans lequel j'étais couchée a été utilisé dans l'un des films de Christopher Lee" ("Actually the coffin which I laid in was used in one of Christopher Lee's films").
Il est curieux que les milieux artistiques réutilisent sans cesse les mêmes objets comme des fétiches. Par exemple les membres du groupe Queen enregistrèrent le célèbre morceau Bohemian Rhapsody (un morceau qui a été créé par canalisation et qui comprend du contenu occultiste) sur le piano de Paul McCartney (qui a un passé maçonnique et ésotérique très chargé).
Dans le cas de Christopher Lee, l'utilisation d'un cercueil qui a servi au tournage d'un de ses films d'horreur n'est pas forcément anodine. Celui-ci a expliqué dans une interview de 1975 alors qu'il jouait "Dracula père et fils" que dans un film il joue un prêtre qui préside une cérémonie blasphématoire. "Ces cérémonies (de baptême sataniste) doivent être blasphématoires pour être efficaces" explique-t-il, après avoir précisé que selon lui la magie noire est réelle. "Je les préside au nom du seigneur obscur dans une église véritable. Je suis un acteur, je joue un rôle de même que les autres personnes devant la caméra font partie de la cérémonie avec moi. Je demande aux parents du vrai bébé que je baptise, dans une véritable église, sur un mode blasphématoire, si ça ne les inquiète pas ". Il admettait ainsi que le tournage de scènes dans lesquelles des incantations blasphématoires n'ont rien d'inoffensif : des effets spirituels se produisaient sur les scènes de tournage. Utiliser un cercueil qui a servi dans ce genre de cadre pouvait être pour le moins risqué...
Shocking Blue, le groupe psychédélique néerlandais, qui avait chanté pour la première fois "Venus" repris par les Bananarama avait interprété par ailleurs une chanson, Devil's Suite, dont les paroles laissent entendre un possible investissement dans l'occulte : "It hurts me so to be/Under your spell/Ain't no heaven for me, but a hell/But after all, I can't let you go/Cause I love you so, demon lover". La source de "Venus" remonte aux Beatles : "En 1988, Cor van der Beek a avoué que «Venus» «avait été volée aux Beatles»." (car il est en partie inspiré de "Get Back"). Ce groupe dont la chanteuse était gitane a aussi fait l'éloge du vaudou, de la magie du nombre 7, de la danse des scorpions... Rien de très sain sur le plan métaphysique, et les Bananarama ont hérité de ça... pour le transmettre à leur public, soi-disant sur un mode humoristique et au second degré...
Un mot sur le père Bernard Vignot
Hier j'ai eu à connaître incidemment d'une "église parallèle" de guérison qui se trouve dans ma ville. J'ai pensé interroger à ce sujet M. Bernard Vignot, ancien recteur pour la France des vieux-catholiques d’Utrecht, et chanoine de la cathédrale anglicane de Paris, auteur du livre "Le phénomène des Églises parallèles". Je viens d'apprendre son décès, à l'âge de 83 ans, le 12 septembre 2019 après lui avoir envoyé un courriel qui m'est revenu. Ne pouvant donc poursuivre le dialogue avec lui, je publie ici le mail qu'il m'avait adressé, le 10 décembre 2018, à propos de mon livre "Les médiums", paru chez L'Harmattan en 2017. Je suis largement en désaccord avec son approche qui est liée à l'orientation moderniste de l'Eglise qu'il servait, et qui fait selon moi, la part trop belle aux sciences humaines au détriment de la spiritualité, mais, comme il y parle d'un "prêtre-guérisseur" (le "père Mathieu" - pseudonyme) que j'évoque dans le livre, je me suis dit que son point de vue pouvait intéresser certains de mes lecteurs. En outre, même si j'étais en désaccord avec beaucoup de ses rationalisations, je dois préciser que sa distance critique et son recul historique par rapport au phénomène des églises crypto-catholiques me fut à certains égards utile ne serait-ce que comme stimulant de mon sens de l'investigation. Et donc voici ce qu'il m'écrivait :
"Je comprends votre souhait de connaître mon avis…C’est un grand honneur que vous me faites. En suis-je capable ? On va essayer.
D’abord j’ai voulu lire soigneusement votre livre. C’était nouveau pour moi. Je connais bien sûr le sujet mais la manière dont vous décrivez est nouvelle pour moi. Il est difficile de tirer le vrai du faux, car dans ce monde, il y a beaucoup de « faux semblants » et de tromperies. C’est pourquoi les médiums relèvent parfois de la supercherie. Vous allez penser tout de suite que je rejoins les gens incrédules qui portent peu d’intérêt à cette vision des choses, ce n’est pas exact. Je suis prudent voilà tout et j’ai une bonne expérience derrière moi. Tout être humain cherche au-delà de sa vie à retrouver la vérité… Alors on voit parfois les doctrines les plus farfelues surgir un peu partout. Chacun essaie de donner un sens à sa vie… La médiumnité n’est pas plus mauvaise que d’autres expériences. Après tout Victor Hugo et Camille Flammarion faisaient tourne des tables ! C’est très respectable mais c’est tout.
Vous savez que je suis chrétien et que ma foi s’enracine à la fois dans l’expérience et dans l’étude. Vous désirez savoir, et je ne demande à personne de suivre mon expérience. Chaque expérience est unique. Vous voulez savoir quels furent mes rapports avec "le père Mathieu". C’est certainement un brave homme. J’ai été quelquefois dans sa chapelle. Rien de bien transcendant. Il fait du culte, un culte populaire qui convient aux gens simples qui gravitent autour de lui. Lorsqu’il rencontre des gens tels que vous, il adapte son discours et il est possible qu’il essaie de trouver des idées qui correspondent aux vôtres. J’ai passé une grande partie de ma vie à étudier ces "petites Eglises" (qui n’ont d’ailleurs rien à voir avec les vieux-catholiques – cela fait plus sérieux de s’affubler de ce titre). C’est d’un point de vue sociologique que j’ai toujours vu ces groupes.. ;
Voilà une faible participation à votre travail. Bien sûr on peut se rencontrer pour mieux en parler".
Les enthéogènes
On parle beaucoup depuis quelque temps de l'ayahuasca qui est un enthéogène, c'est à dire une substance (illégale en France, mais d'usage courant en Amazonie) qui provoque des états modifiés de conscience de nature à mettre en contact avec des entités de l'au-delà, dont les effets ont été étudiés de façon expérimentale dans les années 1990 par le psychiatre Rick Strassman et qui a même sa propre église, fortement soutenue par une des membres du clan Bronfman qui, en Amérique du Nord, s'est par ailleurs distingué par son rôle au service de la secte sexuel NXIVM.
Le dossier des entheogènes est très fourni. Pour l'heure je n'en traiterai qu'un aspect qui est un livre d'anthropologie écrit en anglais que j'avais lu en version espagnole du temps où je vivais à Madrid, en 1994 : "Persephone's Quest: Entheogens and the Origins of Religion", de Robert Gordon Wasson, Carl A.P. Ruck, Stella A. Kramrisch.
R. Gordon Wasson journaliste du Herald Tribune s'est consacré à partir de 1927 avec son épouse russe le docteur Valentina Pavlovna à l'étude du rôle des champignons dans la culture. Il étudia à partir des années 1950 les enthéogènes de la région d'Oaxaca au Mexique, puis en 1963 avec Roger Heim, directeur du Muséum d'Histoire naturelle de Paris ceux du peuple kuma en Nouvelle Guinée, et en 1968 le putka en Inde (le soma des indo-européens).
Il a identifié avec l'indianiste Stella Kramrisch, le soma indo-européen bu par les brahmanes comme provenant de l'amanite tue-mouche (amanita muscaria). Puis il a estimé que l'utilisation du claviceps purpurea (ergo du seigle) avec du paspalum distichum (paspale distique) a pu jouer un rôle dans les mystère d'Eleusis en Grèce. En août 1953 il put vérifier l’acuité des prévisions que donnaient les enthéogènes auprès d'un chamane mexicain.
En France des dictons relient les truffes aux tonnerre qui aide à les faire pousser, de même Pline l'Ancien à propos des tuber (truffes et terfezia), Plutarque dit la même chose de l'hydnon, équivalent du tuber, ainsi qu'Athénée (dans ses Deipnosophistes) de son équivalent thrace, l'oiton. Dans l'est de la France on dit même que les bolets prolifèrent où tombe la foudre. Dans le piémont aujourd'hui, le lactaire sanguin est appelé champignon-tonnerre. Chez les Bédouins (p.107) les banaturrad, "filles du tonerre" qui se ramassent après les orages diluviens pourraient être les Helianthemum lippii (terfezia). On a là donc l'idée que le champignon peut faire système avec le tonnerre, et je vous renvoie là dessus au très intéressant cours de Gene Kim du 15 janvier dernier (en anglais) sur l'électricité dans la Bible : ici sur You Tube.
Je ne développerai pas les autres aspects intéressants de cet ouvrage collectif et me contenterai pour l'instant de terminer sur cette observation : une des nombreuses preuves du fait que ces enthéogènes ne sont pas de simples hallucinogènes mais bien des entheogènes qui font rencontrer des entités clairvoyantes se trouve en p. 37 de la version espagnole du livre. Le samedi 15 août 1953 au soir, à Huautla de Jimenez village de l'État de Oaxaca au Mexique, Wasson se trouve en présence de l'anthropologue Roberto Weitlaner à discuter avec le boucher borgne-chamane Aurelio Carreras. Carreras a fourni des champignons enthéogènes. Soudain, Weitlaner demande au chamane s'il veut bien l'aider. Le chamane hésite puis leur donne rendez-vous à 9 heures. Pendant la nuit il mange lentement les champignons sans incantation, puis parle (en mazatèque) dès que les champignons "parlent" en lui. Wasson et son épouse disent qu'ils veulent avoir des nouvelles de leur fils Pierre, 18 ans, qui n'est pas entré en contact avec eux depuis plusieurs jours. Le chamane Carreras leur demande où il se trouve. Ils répondent qu'il est près de Boston. Au début le chamane a du mal à le localiser car c'est pour lui une ville grande et étrange. Au bout d'un moment il dit : Peter est vivant mais "ils" essaient de l'envoyer à la guerre. Après une heure de silence il dit que Peter est chez lui à New York, que ses pensées sont avec ses parents jusqu'aux larmes. Vers 1h45 le chamane annonce à Wasson qu'un de ses parents sera gravement malade pendant l'année.
A leur retour les Wasson trouvent dans leur appartement à New York les restes d'une fête dont Peter put confirmer qu'il l'avait bien organisée là le 15 août au soir (alors que les Wasson le croyaient encore à Boston), ce que les factures des repas confirmaient. Ils n'avaient pas trop cru le chamane qui avait parlé d'un appel à la guerre car le jeune à 17 ans avait déjà fait son service militaire dans la garde nationale ce qui devait l'exempter de tout autre enrôlement. Mais, le 3 octobre, l'ethnologue recevait, à Genève, un télégramme de son fils lui annonçant qu'il s'engageait pour trois ans dans l'armée suite à une crise affective (une histoire de coeur) qui avait culminé quand ses parents avaient été au Mexique (ces pensées jusqu'aux larmes vues par le chamane) mais dont il ne leur avait rien dit. Enfin, en janvier 1954 un cousin de Wasson (qui n'avait qu'une famille très réduite car la génération précédente était morte), mourut d'une crise cardiaque alors qu'il était en pleine forme. Wasson y a vu la preuve que lorsque les champignons avaient "parlé", ils avaient fait bien autre chose que simplement provoquer une hallucination ou révéler une invention de la psyché du chamane.
Je précise que, de mon point de vue, ces entités, comme celles qui parlent aux voyants dans les taros (j'en ai parlé dans mon livre sur les médiums), ne connaissent pas l'avenir mais embrigadent dans des pactes ceux qui ne prennent pas de distances à l'égard de ce qu'ils annoncent. Mais cette anecdote, avec ses éléments de vérification externe, montre bien en tout cas que des entités s'exprimaient là, et non pas la psyché d'Aurelio Carreras.
Une histoire de médiumnité qui implique le Maharal de Prague
Le Maharal de Prague, Juda Lœw ben Bezalel (1512-1609) est l'inventeur du Golem, créature qui, selon la tradition juive qui inspira Goethe, protégeait les Juifs de la ville contre les persécutions, une tradition sur laquelle on reviendra...
Il y a une histoire qui implique le Maharal de Prague l'inventeur du Golem que racontait le rav Menahem Berros en 2017 ici. Maria, chrétienne tchèque, est orpheline à l'âge de 10 ans. Devenue jeune fille elle est employée comme nourrisse chez Rabbi Avraham. Elle y reste dix ans et se passionne pour l'étude de la Torah et de ses commentaires. Elle doit cependant accepter de se marier avec un tanneur du bourg, Pawel, qui souvent sous l'empire de l'alcool la bat. Elle finit par s'enfuir, et, se faisant passer pour une pauvre juive et s'être rasé la tête, sous un faux nom elle se rend à Prague. Elle est employée chez un riche juif nommé Moshe. A la veille de sa mort l'épouse de Moshe lui demande de se marier avec celui-ci ce qu'elle accepte et elle aura deux enfants avec lui. Mais voilà que Pawel est parti à la recherche de son épouse légitime. Il a recours à des mages-astrologues qui en vertu de leur médiumnité la repèrent à Prague et la voient, à distance, écrire un livre en hébreu. Il s'y rend. Marie ayant vu passer Pawel à Prague, elle se rend chez le Maharal dont elle suit les cours à la grande synagogue pour lui demander conseil. Celui-ci sait que c'est par les médiums-astrologues que Pawel retrouve sa trace. Il lui dit : "celui que ton mari consulte à Prague en ce moment pour te retrouver ne pourra travailler ce soir avec les astres car il y a des nuages, reviens me voir demain". Quand Maria revient le lendemain, le Maharal lui dit : "Demande à une femme juive d'aller prendre de la terre d'une tombe juive où le corps est enseveli et mêlé à la terre (Genèse 2:7), de la mettre dans un sac, et de placer son sac sous ton oreiller sur lequel tu dormiras la nuit suivante". La nuit suivante le médium que Pawel consulte pour retrouver Maria lui dit : "je la vois allongée, mais elle a de la terre sur la tête, elle est morte". Pawel dépité accepte alors de quitter Prague, convaincu que sa femme est décédée.
L'histoire fait un peu penser à celle du comte Potocki (un chrétien polonais lui aussi converti au judaïsme) à qui au XVIIIe siècle le Gaon de Vilna aurait proposé d'échapper à la prison par téléportation. Elle est utilisée à plusieurs fins pédagogiques par les rabbins, à la fois pour montrer que la conversion au judaïsme est valable dès lors qu'elle est sincère, ainsi que les actes religieux qui en découlent comme le mariage, quand bien même ils sont pratiqués sous couvert de mensonge et de dissimulation (comme le mariage avec Moshe), mais aussi pour montrer que le Maharal de Prague, en vertu de son application très rigoureuse de la Torah (tout comme celle de Marie la Chrétienne), pouvait tenir en échec les opérations de divination des sorciers. On peut aussi relever que l'usage qu'il fait de la terre d'un cimetière fait penser à celui qu'il fit de l'argile pour composer son propre golem. Un sujet sur lequel on approfondira peut-être à l'occasion.