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De la nécessaire prudence devant l'art religieux africain
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Je peinais tout à fait vendredi dernier à convaincre une amie des dangers potentiels des expositions de masques africains qu'évoquait déjà en son temps Emmanuel Berl (voir ici).
La peintre Lucie Cousturier dans un compte rendu de voyage en Guinée de 1922 (Mes Inconnus chez eux) avait déjà évoqué l'arrière plan spirituel étrange du vol de ces oeuvres où la brutalité européenne venait tenter de "casser" les effets paranormaux des fétiches : "Kouroussa 22 mai 1922. — J'ai déballé en arrivant les quelques sculptures nègres en bois que j'ai recueillies dans mon voyage du Soudan au Kissi et je les ai exposées dans ma case. Elles sont peu nombreuses : quinze en tout. En Europe ceux qui pensent aux collections magnifiques que rapportent tels officiers ou explorateurs me railleront de ma maladresse, inconcevable chez une artiste peintre.
Il ne faudrait pas toutefois qu'on oublie qu'en me rendant en amie parmi les populations j'étais en mauvaise posture pour en obtenir de tels dons.
— Si je vais toucher le fétiche pour te l'apporter, me disaient mes meilleurs amis, peut-être demain je suis mort.
Il eût été délicat d'insister.
Puisque la population croit devoir à la présence des objets sacrés que les Européens convoitent son immunité à l'égard de certains malheurs, — la stérilité, l'envoûtement, la mort, etc., — il n'est qu'un seul moyen pour ces étrangers de s'en emparer sans crime : prouver l'inefficacité des dits objets sacrés en accablant de maux leurs possesseurs. C'est ainsi qu'en détruisant plus ou moins complètement un village et ses habitants, nos colonisateurs ont pu sans aucun remords prendre les fétiches, ces fétiches nègres impuissants qui n'ont pas su triompher de leurs rivaux blancs !"
N'est-il d'ailleurs pas étrange que cette dame elle-même, qui avait ces fétiches chez elle, n'ait pu publier ce récit de son vivant ?
A peine le Bulletin de la Vie Artistique du 1er mars 1925 avait-il publié en exclusivité cette page, qu'elle décédait des suites d'une opération le 15 juin suivant, à 49 ans seulement.
Sur Internet, la chrétienne provençale Lily-Anne, administratrice du Forum catholique "Vers la Nouvelle Jérusalem" écrivait en 2012 : "Mon mari ayant beaucoup voyagé, avait ramené deux masques africains magnifiques. L'un d'eux représentait la fertilité, l'autre était masculin :?: .
Lors de nos enseignements avec le Père G.(il nous expliquait certains pièges du Malin), le sujet est venu sur les masques africains. Il nous a fortement conseillé de les retirer de nos maisons car ils ne sont pas que de la simple décoration ou un souvenir. Ils sont très souvent en lien avec le Vaudou et sont porteurs de maléfices pour ceux qui les accueillent.
Si vous êtes dans ce cas, je vous conseille de faire comme moi. Pour ne pas offenser mon mari, je les ai emballés et mis au grenier. Plus tard, ils subiront un "classement américain" (poubelle ou au feu ce qui serait préférable)." Beaucoup de prédicateurs évangéliques, de Derek Prince à Michelle d'Astier de la Vigerie ont dit la même chose, et la remarque vaut aussi pour des objets fétichisés asiatiques ou américains.
Une habitante de la Brie confirme : "Je suis allée au Musée des Arts Primitifs Quai Branly à Paris avec une amie artiste peintre qui me disait avoir horreur de ces masques, que ça la mettait mal à l'aise. Je le comprends car on ressent la même chose quand on va au Musée là bas! vous vous rendez compte du nombre de démons qui doivent habiter là bas!"
Le musée Branly a été fondé par un Jacques Chirac magnétiseur et petit-fils d'un coupeur de feu (Arnaud Ardoin, p. 236), qui a eu, selon Sylvie Jumel magistrate à la cour des comptes (La Sorcellerie au coeur de la République), recours à la sorcellerie africaine. Le Dr Charlier, actuel directeur de la recherche du musée se vante d'avoir été initié au vaudou (Le Monde, 7 septembre 2022)... Dormez tranquilles braves gens, tout va bien se passer...
Une analyse structurale du Notre Père
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Bayard a publié il y a 5 ans un opuscule de la philosophe Simone Weil qui s'essaie à une analyse structurale de la célèbre prière de l'Evangile le Notre Père (à partir de sa version grecque) : elle remarque que "les six demandes se répondent deux à deux. Le pain transcendant est le même chose que le nom divin. C'est ce qui opère le contact de l'homme avec Dieu. Le règne de Dieu est la même chose que sa protection étendue sur nous contre le mal ; protéger est une fonction royale. La remise des dettes à nos débiteurs est l'acceptation totale de la volonté de Dieu". L'ensemble est placé sous le signe du renoncement total à la volonté personnelle.
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Cela m'a rappelé une autre esquisse d'analyse structurale, celle d'Ariel Cohen Alloro il y a 6 ans (en anglais ci dessous) qui contrairement à ce que j'ai écrit naguère, n'est pas un rabbin. Celui-ci développe la démonstration suivante sur le Notre Père qui me semble intéressante et qui fonctionne en analogie avec les 10 sephiroth de l'arbre de vie dans la kabbale.
La prière commence par "notre père". La lettre youd dans YHWH est le point de sagesse, et on l'appelle "le père". Avenou, le Père, est la sagesse (n°2), l'endroit qui correspond au père est le ciel (Gan Eden, olam haba). Le ciel dans la kabbale est relié à la mère, c'est la racine de l'âme et c'est la compréhension, l'endroit d'où vient l'âme et où elle retourne.
"Yit kadesh Cheem kha" (que ton nom soit sanctifié) ton nom sera saint dit Cohen Alloro. Dans la kabbale la sainteté est dans la sagesse, et la pureté est dans la binah. Donc on reste là dans la mise en commun du 2 et du 3.
Tavo maikhoutekha (que ton royaume vienne) "ton royaume viendra" traduit Cohen Alloro – cela correspond au khesed (miséricorde) : le royaume pour Jésus (qui est spirituel) est l’amour/ Miséricorde. Alors que le judaïsme le place plus dans la Geburah (la force - 5 dans l'arbre).
Ye a she retzonekha (que ta volonté soit faite) Ta volonté sera faite – on obéira au roi. Gevurah (n°5).
Kevashamayeem ken be aretz (sur la terre comme au ciel) Tipharet, la beauté (n°6) connecte le corps et l’âme, ciel et terre, Abraham et Isaac. Réunion de plusieurs couleurs. De 1 à 3 on était dans les fonctions du cerveau (près de la nechama). De 4 à 6 dans le coeur (le rouakh du souffle aussi). Tipharet est la qualité majeure du coeur et c'est aussi la pitié.
Et lechem choukenou ten lanu haiyom (donne nous aujourd’hui notre pain) Là on en vient au plus personnel. On arrive au netzach, la victoire (n°7), mais aussi la survie. Pour ça il faut de la nourriture.
Ooselach lenu al chataeinou (pardonne nous nos offenses)
Kemo sjesolescheem gam anach nou lachotim lanu (comme nous pardonnons aussi à ceux qui…)
Pour avoir la gloire, hod (n°8), il nous faut le pardon. Le pardon dépend de la Hodaya de la repentance, la confession des péchés. En fait hod désigne à la fois la splendeur et la soumission, la reconnaissance qu’on ne mérite pas. La jambe gauche.
Veak revieinou ledeu nisayon (et ne nous soumets pas à la tentation)
Ki im chaletzei nou min hara (mais libère nous du mal)
Là on est dans la partie la plus inférieure de l'âme et du corps (le nepesh) qu'il faut libérer du mal. Toute la fondation, le Yesod (n°9), a à voir avec le combat contre le mal.
"Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance, et la gloire" Jésus dit "Jesus dit : tu as le royaume (maalkuth) la gevurah et le tipharet" ; comme les chroniques, la prière de David (Chron 29:12-14).
"C'est de toi que viennent la richesse et la gloire, c'est toi qui domines sur tout, c'est dans ta main que sont la force et la puissance, et c'est ta main qui a le pouvoir d'agrandir et d'affermir toutes choses. 13Maintenant, ô notre Dieu, nous te louons, et nous célébrons ton nom glorieux. 14Car qui suis-je et qui est mon peuple, pour que nous puissions te faire volontairement ces offrandes? Tout vient de toi, et nous recevons de ta main ce que nous t'offrons.…"
Je ne suis pas à 100 % convaincu (mais qui sait ?). En tout cas c'est une étude intéressante du mouvement descendant du Notre Père, qui le relie aussi au corps d'une façon plus intéressante que les new-agers qui tentent de le faire correspondre aux "chakras" (invention récente qui ne correspond même pas à exactement à l'héritage hindouïste dont elle se réclame).
Avant de vous laisser regarder cette vidéo, je signale aussi une explication intéressante de Cohen Alloro sur les 3 bêtes de l'Apocalypse avec les analogies suivantes (dans une vidéo plus récente ici) :
- La Bête qui vient de l’abîme (ch 11:7) = le cheval = soleil
- La Bête qui vient de la mer (ch 13:1) = la mule (elle réunit les 2 autres en en partageant les caractéristique) = femme entre ciel et lune (Apoc 12:1)
- La Bête qui vient de la terre (ch 13:11) = l’âne = lune
Je précise que je reste réservé sur la démarche générale de ce youtubeur, mais je la trouve instructive et toujours source de réflexions nouvelles.
Autobiographie spirituelle - Simone Weil
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Après "Cette foi est la mienne", je me suis essayé à lire Autobiographie spirituelle de Simone Weil publiée dans la même collection, qui est aussi une simple lettre adressée à un ami dominicain en 1942. Simone Weil est bien sûr le genre de personne qui vous console de vous lever chaque matin avec un sentiment de tristesse profonde. Car sur ce point, avec son sentiment mélancolique, et ses douleurs de tête permanentes, elle vous dit "je suis comme toi". Et elle n'aura pas le mauvais goût elle, de prétendre qu'elle a le "droit" d'en guérir en allant se faire soigner chez un coach ou en faisant de la sophrologie (c'est-à-dire en allant importer des démons dans une médecine alternative quelconque). Et en plus elle aura l'élégance de vous dire qu'elle n'est pas quelqu'un de tourmenté. Et, c'est vrai, je suis bien placé pour le confirmer : être d'un naturel triste n'est pas être d'une naturel tourmenté. C'est très différent.
Tout le monde le dit : Simone Weil était quelqu'un d'une probité intellectuelle remarquable (elle est même de ce point de vue là un OVNI dans le monde des penseurs qui sont rarement doués pour l'honnêteté). C'est d'ailleurs la seule qualité qu'elle daigne s'attribuer. Et donc au nom de cette vertu, elle pense avoir le droit de dire qu'elle ne prie pas, qu'elle ne veut pas être baptisée etc, alors pourtant qu'elle est une mystique de la vérité, qu'elle est chrétienne qu'elle croit totalement au rôle de l'Eglise militante pour le salut du monde, et qu'elle a même reçu la visite personnelle de Jésus-Christ.
On peut se le demander si c'est de l'orgueil. Elle même envisage que son ami puisse le penser. Elle parle à juste titre d'orgueil "luciférien". On ne peut pas sonder les coeurs et les reins, mais on peut penser que peut-être ses positions ne doivent rien à la fierté, elle qui par ailleurs se considérait comme un "déchet", une pièce mal fichue bonne pour le rebut. On peut supposer, la créditer du fait, que simplement ses prises de position à son sujet sont la conséquence logique de la probité. Et d'ailleurs elle ne les a pas publiées dans un livre - seulement écrites dans une lettre privée -, ce qui tend à prouver qu'il n'y a là aucune volonté de se mettre en valeur.
Il y a donc là une singularité, dérangeante, irréductible, qui n'entre ni dans les cases de la sainteté, ni dans celle du démoniaque. A-t-elle sa place dans l'Eglise, dans la communauté chrétienne, comme elle le revendiquait pour elle-même (tout en précisant que pour elle l'Eglise n'est pas une ensemble de membres du Christ comme l'affirmait Saint Paul), mais aussi pour toutes les hérésies qui pratiquaient la charité à commencer par les cathares ?
Question difficile. Tout en reconnaissant la validité du dogme, Weil voulait une place pour tous dans cette Eglise qui se veut catholique, donc universelle. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle peut vraiment s'incarner, précisait-elle. On sent qu'il y a quelque chose de vrai là-dedans. Comme on sent que c'est plus dans le Dieu qui chez Maurice Clavel va au devant des impasses existentielles de l'homme, de ses apories sociales, de ses révoltes que se trouve la grandeur du christianisme, plus que dans l'institution qui ordonne et qui juge. Mais en même temps on sent bien que les deux sont nécessaires.
Si Simone Weil a sa place dans l'Eglise, et les cathares aussi, alors il y a plusieurs religions dans le christianisme. Notons d'ailleurs que c'est déjà le cas si l'on s'en tient étroitement au dogme, et beaucoup ne se sont pas privés de voir dans l'Evangile même beaucoup de contradictions, qui font qu'il y a déjà au moins deux ou trois Jésus, deux ou trois christianismes. Faut-il faire du christianisme, comme de l'hindouïsme, un courant dans lequel tout se côtoie, tout est admis pourvu que la charité soit là ?
Peut-être est-ce la direction que prend l'Eglise en ce moment, ce que beaucoup d'ailleurs lui reprochent à l'heure où le pape participe à des cérémonies amérindiennes chamaniques.
Weil affirme que Dieu tient deux discours différents quand il parle en secret à une seule personne et quand il s'adresse à la foule par la Bible, comme nous mêmes le faisons... La remarque est séduisante.
Certains diraient que la philosophe réduit trop Dieu au comportement humain et la religion à ce que l'humain peut en comprendre (c'est presque la religion dans les limites de la simple Raison comme chez Kant), car d'ailleurs Weil ne parle jamais du monde invisible - les anges, les démons... Le reproche pourrait être un peu justifié, bien que celle-ci quand même soit très ouverte au mystère. Mais en même temps, il n'est pas totalement absurde non plus de prêter au Créateur quelques schémas éthiques et logiques qui sont aussi les autres, et en vertu desquels nous sommes créés à son image et pouvons être appelés à être ses fils, sans quoi on aurait à Dieu le même rapport que les Juifs et les Musulmans : celui d'un pur rapport de soumission, sans aucun espace de compréhension ni d'échange affectif possible, car la distance entre Lui et nous serait trop grande...
Devant toutes les questions que nous pose l'idiosyncrasie de Simone Weil, on ne peut, je crois que garder un silence embarrassé et respectueux. Encore une fois elle aura été un OVNI, envoyé par Dieu ou que Dieu aura laissé exister. Peut-être est-ce le cas de tous les mystiques. Et peut-être le serait-ce encore plus si on avait laissé ces mystiques parler sans prendre soin que leurs confesseurs rabotent leur message. S. Weil en tant qu'agrégé de philo dans la France moderne avait au moins toute latitude de dire ce qu'elle voulait. Je ne sais pas pourquoi en terminant ce billet je songe soudain à Antoinette Bourignon, ou à Madame Guyon, autres mystiques hérétiques à la vertu irréprochable, qui n'ont cessé d'intriguer les philosophes. Parler de ces visionnaires est presque impossible. Et les entourer de silence n'est pas leur rendre justice. Que faire de ces étranges météorites tombées d'une façon presque absurde dans le jardin de la spiritualité occidentale pourtant si délicatement taillé et ordonné par les théologiens orthodoxes, catholiques et protestants ?
"Cette foi est la mienne" de Simone Weil : une dévotion païenne à la Terre mère ?
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Un ami m'a passé ce mois-ci le petit livre de la philosophe Simone Weil "Cette foi est la mienne" réédité en 2020, qui est en fait une lettre à un religieux qu'elle a rédigée en 1942. Je dois ici en dire un mot. Sa lettre comprend 35 points qui lui paraissent cruciaux sur la question du christianisme et du salut de l'âme, points dont certains incluent des opinions qu'elle qualifie de "douteuses" c'est-à-dire qu'il "n'est pas légitime de les nier catégoriquement", du fait qu'on ne peut savoir clairement si elles sont ou non incompatibles avec le dogme catholique. Elle les expose avec clarté, humilité et sincérité. Il conviendrita donc d'essayer de les aborder avec les mêmes vertus.
Le point 1 de son exposé, disons le tout de suite, est de ceux qui me persuadent le moins et me posent le plus de problèmes. Il s'agit d'une charge contre le Dieu d'Israël, présenté comme un Dieu guerrier assoiffé de sang, qui s'accompagne aussi d'une critique des prophètes antérieurs à Daniel "souillée de choses atroces". Cette charge s'effectue au nom d'un esprit de douceur et de charité dont les esprits païens (y compris les Egyptiens) auraient été mieux dotés que les Hébreux.
C'est là, soulignons-le, une critique assez habituelle du monothéisme depuis Voltaire et qui emplit l'ambiance néo-païenne de notre époque aussi.
A ce sujet on peut observer ceci. La soif de massacre telle qu'elle se révèle dans divers ouvrages comme le Livre de Josué, n'est pas l'apanage du peuple hébreu à l'époque de la sortie d'Egypte. La stèle de Tel Dan dont on parlait il y a peu montre qu'elle est symétrique de celle de leurs ennemis idolâtres.
Que Dieu laisse s'exprimer cette pulsion dans le livre censé porter sa parole n'est pas en soi le signe qu'il est un Dieu mauvais, mais peut simplement signifier qu'il y a une historicité de la révélation, historicité qui ne fait primer la douceur et la modération sur la violence qu'à partir d'Isaïe (ce qui a peut-être à voir avec l'âge axial de Jaspers, époque où l'individu commence à être simultanément valorisé dans plusieurs civilisations). La question d'ailleurs se pose jusqu'à quel point l'historicité de cette révélation perdure, puisqu'il est dit dans le Nouveau Testament que d'autres vérités seront révélées à la fin des temps (et toute la problématique du modernisme dans l'Eglise tient dans cette question très délicate, qui place toujours l'évolutionnisme à la limite de l'hérésie, puisque l'innovation peut toujours faire la part belle à Satan si elle est menée sans discernement). Le fait que Dieu ne pouvait tout de suite se révéler d'emblée comme un Dieu de douceur à un peuple cerné par des ennemis qui voulaient l'anéantir ne signifie pas qu'il fût particulièrement cruel.
En outre il faut intégrer un paramètres très important à cette dimension "guerrière" du Dieu d'Israël. C'est que derrière la guerre physique il y a une guerre spirituelle. C'est ce que signifie par exemple Rachi de Troyes dans son commentaire du psaume 91, quand il souligne que l'expression "que mille tombent à ton côté et dix mille à ta droite" fait référence à des démons. Et effectivement les découvertes de Qumran ont révélé que ce psaume était employé dans un contexte d'exorcisme. Et divers spécialistes des religions comme Salomon Reinach en son temps ont pu faire observer que dans ce psaume les démons sont aussi désignés sur un mode codé à divers endroits : lorsqu'il s'agit de la flèche qui vole pendant le jour, de la peste qui marche dans les ténèbres... Que la "guerre sainte" de l'Ancien testament ait une dimension méta-naturelle, beaucoup d'exégètes l'ont compris, comme je l'ai montré dans mon livre sur les Nephilim, à partir d'une lecture serrée de Genèse 6:1-4, de ses échos dans l'histoire des Géants en pays de Canaan, et d'un détour par le livre d'Hénoch dont les théories sur les anges déchus, qu'on le veuille ou non, sont bien reprises dans le Nouveau Testament, dans les lettres de Jude et de Pierre, qu'on attribue cela à une influence essénienne ou à autre chose : cela fait partie des Ecritures. Dans cette lecture, la poursuite du génocide (qui a valu à Saül, premier roi d'Israël, de perdre son onction parce qu'il ne l'avait pas prise au sérieux) n'est pas seulement défensive : elle est aussi nécessaire pour purifier la Terre de l'ADN des Nephilim comme le Déluge n'avait pas permis de le faire.
Qu'on suive ou non cette lecture littéraliste jusqu'à ses ultimes conséquences, on ne peut nier qu'il se révèle à travers elle, dans une dissection très minutieuse des versets de la Bible, des dimensions très inattendues de la guerre dans l'Ancien Testament à côté de laquelle Simone Weil, par vanité intellectuelle (parce qu'elle ne suspend pas assez son jugement devant un texte rempli de mystères), passe complètement.
Du coup, la volonté de gommer la guerre dans la religion est à son tour suspecte. Placer la charité au dessus de toute les vertus, peut revenir à désarmer le croyant dans le combat spirituel, et c'est précisément ce que cherche à faire l'Antéchrist avec son idéal de "tolérance".
Certes le sacrifice méthodique de la deuxième personne de la Trinité divine, agneau de Dieu, sous le gouvernement de Ponce Pilate pose aujourd'hui différemment la donne du combat spirituel, et la problématique de l'effacement de la descendance des beni elohim dans le monde matériel, dans la mesure où le sang versé sur la croix rachète tous les péchés si l'on prend part (à divers niveaux) au sacrifice. Pour autant Jésus n'étant pas venu abroger la Torah mais la réaliser (Matthieu 5:17) ni apporter la paix mais le combat (Matthieu 10:34), condamner les principes guerriers de l'Ancien Testament, s'évère extrêmement dangereux. Et d'ailleurs l'Apocalypse porte en lui un grand retour, final, de cet esprit guerrier.
Il est vrai que le combat, implacable contre les démons (les siens et ceux des autres), doit se faire dans la plus grande charité pour les êtres de chair qui nous entourent : ça c'est Saint Paul qui nous le dit (Ephésiens 6:12), car sans charité le coeur se racornit et le courant de la grâce ne passe plus (1 Corinthiens 13:1), mais refuser le combat au nom de la charité conduit clairement à capituler devant Satan. C'est pourquoi d'ailleurs le commandement d'obéissance à Dieu et d'amour de Dieu prime sur celui d'amour du prochain dans le message de Jésus comme dans le décalogue (Matth 22:36-40).
2ème point : "Ce que nous nommons idolâtrie est dans une large mesure une fiction du fanatisme juif" "Baal et Astarté étaient peut-être des figures du Christ et de la Vierge" etc.
On retrouve au point 2 le prolongement des erreurs du point 1. La haine du passé juif de la Révélation aveugle la philosophe au point de voir dans le Christ et la Vierge des répliques du couple Baal-Ishtar/Astarté dont j'ai montré sur la base d'un mémoire Gregory Dean en octobre 2015 ici, comment il reposait sur une dualité violence/magie sexuelle (avec la célèbre hiérodulie décrite par Hérodote), c'est-à-dire à dire en dernière analyse la sorcellerie : la manipulation de forces invisibles émanant de la Terre dont la révélation monothéiste nous a effectivement affranchis. Ironiquement le lien Marie-Astarté tracé par Simone Weil pour valoriser Astarté rejoint la continué Sémiramis-Ishtar-Marie tracée par les protestants pour disqualifier la Sainte Vierge. On ne peut pas nier que cette continuité existe dans l'iconographie, et cela pose problèmes quant aux forces spirituelles sous lesquelles on se place dans l'univers catholique (ce qui a conduit d'ailleurs semble-t-il a diminuer le rôle de la Sainte Vierge dans la messe catholique après Vatican II, comme le rôle des saints avait été réduit après le concile de Trente, grand concile de la contreréforme du XVIIe siècle).
Il y a dans cette tentative de réhabiliter le paganisme une volonté qu'on retrouve chez beaucoup de normaliens catholiques (y compris récemment chez Boutang et quelques autres), de "sauver leur Platon et leur Virgile", conserver quelque chose de la sagesse antique dans la révélation chrétienne - Bourdieu y aurait vu un symptôme de "scholastic view" et de volonté de sauvegarder la valeur d'un capital culturel acquis au prix de lourds sacrifices de jeunesse. Déjà ce mouvement est chez Saint-Augustin et il est dans la Bible : lorsque Saint Paul à Athènes rend hommage au chamane crétois Epimnide (voyez mon billet ici). La question de savoir si les civilisations païennes, y compris d'ailleurs celles qui portent les "sagesses asiatiques" qui maintenant contaminent le christianisme à travers le New Age, étaient sur certains points inspirées par l'Esprit saint avant la Révélation ou en dehors de celle-ci a été examinée par les théologiens pratiquement à chaque génération, et encore de façon éclatante dans une controverse impliquant les jésuites en Sorbonne en 1700.
Comme on va le voir c'est une question très difficile, mais qu'il faut surtout éviter de traiter avec un a priori de départ qui entraîne ensuite des biais d'analyse. Or Simone Weil ne craint ni les a prioris ni les biais qui en dérivent.
Ainsi si dans Colossiens 3:5 St Paul explique que la convoitise est "une idolâtrie", Simone Weil s'en empare pour qualifier d'idolâtre Israël parce que, dit-elle, "la véritable idolâtrie est la convoitise" et il y aurait convoitise dans l'apologie de soi-même comme peuple élu. Mais, tout comme le christianisme ne met pas le commandement de charité envers le prochain au dessus de celui qui impose d'aimer Dieu, jamais Paul n'a érigé la convoitise (qui est un péché envers le prochain) en critère "véritable" de l'idolâtrie. Il a seulement montré que non contente d'atteindre le prochain, cette convoitise vise aussi Dieu et en cela elle est idolâtre. Mais en plaçant une fois de plus la relation avec autrui (comme dans la charité) avant le rapport à Dieu, Weil fait de son christianisme une religion du monde, une religion horizontale, religion de la Terre, dans laquelle la faute envers autrui devient la faute cardinale. On sait d'ailleurs d'où vient ce primat de l'horizontalité, du relationnel humain : de la passion politique, qui a gagné les peuples européens après la révolutionnaires, et qui est devenue idéologiquement hégémonique dans l'humanisme du XXe siècle dont Weil est une des figures de proue (or l'humanisme a été condamné par l'Eglise comme une erreur théologique).
Et parce que cette philosophe place l'horizontalité au dessus de tout, autrui et la Terre comme critère majeur de tout Bien moral, elle pourra ensuite aimer avec fougue le paganisme, et omettre au passage la sorcellerie (celle d'Ishtar que dénonce le Livre de Nahoum dans l'Ancien Testament), émanation par excellence de la Terre (les médiums sont bien placés pour le savoir), qui infeste toute cette religion "naturelle".
Il faut que la Rédemption ait été à l'oeuvre dès le début, sans quoi ce serait injuste pour ceux qui ont précédé Jésus. D'ailleurs dit Weil, il est question de l' "agneau qui a été égorgé depuis la fondation du monde"(Apocalypse 13:1-8)... Sauf qu'on n'est pas sûr que cet agneau dont parle l'Apocalypse à propos du livre de Vie soit Jésus, et ils périlleux de déduire un critère de justice divine d'un raisonnement humain... même s'il est vrai que notre statut potentiel de Fils de Dieu, ayant quelque chose de l'image de Dieu en nous doit permettre à notre Raison de saisir quelque chose de la volonté et de la justice divine (ce que Vicco appelait le Vero factum).
Je passe le point 3 qui n'est pas très intéressant pour nous (il repose sur une pure supposition historique). Weil au point 4 essaie de justifier son intuition d'un christianisme "hors les murs" déjà présent chez les païens par la figure de Melchisédech à laquelle j'avais justement consacré un billet en juin dernier (le Melchisédech qui porte le Graal à la cathédrale de Chartres au XIe siècle). "Rien n'interdit la supposition d'un lien entre Melchisédech et les mystères antiques" écrit la philosophe. Weil va très loin : sans citer le verset, mais on comprend qu'il s'agit d'Hébreux 7:3, Paul a pu sous-entendre que ce roi de Salem fut une première Incarnation du Verbe, un premier Jésus, puisqu'il n'a ni commencement ni fin. On sent qu'elle touche là à un très grand mystère. Mais au lieu de séjourner dans cette difficulté, elle en démultiplie la portée en avançant qu'alors Krisna ou Osiris pouvaient aussi avoir été de telles incarnations... Mais alors, aurait-on envie de demander, à quoi bon celle du fils de Joseph dans la maison de David sous le règne de César-Auguste ? Weil glisse vers un de ces christianismes ésotériques comme on en trouve chez Papus ou Saint-Yves d'Alveydre : Jésus incarnation de Dieu parmi d'autres, sage parmi d'autres...
Weil veut en fait couper le christianisme de la descendance de David (ce qui, au passage, ruine toute prétention de la France dont la monarchie se veut davidique à une mission spéciale devant Dieu), pour n'en faire que l'aboutissement des sagesses païennes - parce que "Hestia, Athéna et peut-être Héphaïstos sont des noms du Saint-Esprit, Hestia est le Feu central". Le propos comblerait de joie les alchimistes de tout bord (chrétiens et païens), sauf que cela ramène l'Esprit saint au niveau des stoicheia, ce que Saint Paul condamnerait sans doute... et qui ruine l'idée de sainte trinité... mais c'est cohérent avec ce que nous disions plus haut de la volonté de Weil de ramener la transcendance au niveau de la Terre...
Du coup, si l'Esprit saint est l'Esprit du feu, la Sainte Vierge qui était déjà Ishtar peut être l'essence mère de toutes choses et toujours intacte comme Déméter de Platon (sous un angle gnostique). Et ainsi, on peut se livrer à la construction autour de Pythagore et des Stoïciens d'une spiritualité de l'amour complètement affranchie de l'eschatologie judaïque pour n'être plus qu'une répétition cyclique des "feux de la charité" en quelque sorte, susceptible de se nourrir de n'importe quelle tradition polythéiste. La remarque n'est pas absurde. On sent bien que la caritas (charité) est un feu qui effectivement produit des effets de réchauffement voire de guérison dans le réel, et même qu'il n'est peut-être pas étranger, quand il brûle dans nos poitrines, au feu (inférieur) des stoïcheia (astrologiques et terrestres) : il y a peut-être un rapport à étudier sérieusement à ce niveau là, mais le travail chez la philosophe n'est pas fait. Quand aux propos de Simone Weil sur les sacrements comme rites initiatiques hérités de mystères antiques ils rejoignent d'ailleurs les analyses de CG Jung sur la messe comme rituel alchimique, et peut-être des travaux d'historiens qui vont relier le calendrier juif à celui de Babylone.
Du point de vue de la critique historique, la généalogie n'est pas fausse. Mais du point de vue spirituel le résultat n'est pas du tout le même. Et à trop insister sur la grandeur païenne on ne peut qu'aboutir à un processus régressif qu'on constate d'ailleurs de nos jours dans lequel la révélation chrétienne (comme ses antécédents juifs d'ailleurs) serait totalement superfétatoire.
D'ailleurs ce caractère superfétatoire de la révélation chrétienne, Simone Weil le proclame au point 8 quand elle explique que, puisqu'une citation d'Eschyle montre que les Grecs entrevoyaient la trinité ("auprès de Zeus se tiennent son acte et sa parole" - personnellement je ne vois pas du tout le rapport avec la Trinité mais bon...), elle va jusqu'à lancer que les missions chrétiennes dans les colonies étaient "inutiles" (sic)... Au point suivant elle précise que Pierre n'a pu s'engager à convertir un païen qu'après un rêve spécifique, ce qui prouverait que l'injonction de Jésus d'aller convertir les païens n'était pas claire : ce faisant Weil révèle sa complète incompréhension de l'essence de la collaboration avec Dieu, qui est justement d'attendre le rêve, le signe etc pour connaître le moment opportun et le modus operandi à suivre pour l'exécution de la mission préalablement définie en des termes généraux par le maître. Son aveuglement sur ce point en dit long sur sa faiblesse spirituelle.
Ensuite il y a le versant le plus facile des "questions" qu'elle prétend adresser au christianisme. Celui du procès des crimes de l'Eglise ("L'Eglise a porté trop de fruits mauvais pour qu'il n'y ait pas eu une erreur au départ" qui devient carrément ridicule quand elle affirme que "le christianisme n'est pratiquement pas sorti de la race blanche") : l'Afrique actuelle, les Antilles, et les 15 % de Chinois chrétiens témoignent du contraire...
Je n'ai pas été très impressionné par les passages de Weil sur les miracles qui n'ajoutent rien à ce que tout le monde dit. Plus intrigué par son analyse du rapport du christianisme à l'Empire romain. Elle cite la lettre de l'évêque Mélito (Méliton de Sardes) à Marc-Aurèle, citée par Eusèbe qui dit "Notre philosophie a eu son développement d'abord chez les barbares mais sa floraison parmi tes peuples sous règne d'Auguste" puis "la meilleure preuve que notre logos a grandi en même temps que le beau commencement de l'empire pour le bien, c'est qu'il n'a subi nulle humiliation de l'autorité d'Auguste, mais au contraire toute splendeur et toute gloire conformément aux voeux de tous". La philosophe se demande si ça ne fait pas référence à l'enfance de Jésus, une protection par Auguste hors de Palestine. Son inventaire des contradictions dans l'attitude des Romains païens à l'égard du christianisme, et ses interrogations sur l'utilité que cette religion a pu présenter pour les intérêts les plus matérialistes des Romains peuvent aussi éveiller notre curiosité.
Mais au total l'impression qui prédomine est quand même que Simone Weil, tout en mettant le doigt sur une vraie question, difficile, celle du rapport du christianisme aux sagesses païennes, s'est laissée allée à des provocations intellectuelles assez gratuites là où un examen plus attentif des Ecritures, notamment de l'Ancien Testament et de l'eschatologie messianique, aurait dû prédominer. Elle a un argument fort quand elle avance que les mystiques ont souvent utilisé la religion catholique comme porte vers la transcendance plutôt que comme une collection de dogmes auxquels il faut adhérer (et l'idée qu'on ne peut forcer l'intelligence à n'adhérer à rien, tout ce qu'on peut forcer, c'est le respect, et la religion servirait surtout à cela). Certaines bizarreries comme l'indulgence du Padre Pio pour Mme Bouvier, ou l'image d'une Bernadette Soubirous se barbouillant le visage de boue iraient dans ce sens (voyez aussi mon propos sur la soeur de Boujailles). Alors on ne serait pas loin de l'idée d'un Guénon et d'autres : la religion primordiale (dont la sorcellerie ne serait qu'une forme abâtardie ou une déviation) primerait sur les monothéismes... religion primordiale, et donc culte de la déesse-mère - ou de Lilith ?
Si l'on suit ce chemin là, alors il faut aller jusqu'au bout. Demander si les mystiques iraient jusqu'à renier l'ascendance davidique pour faire primer celle des druides - mais alors pourquoi beaucoup ont-ils vu le Grand Monarque français dans leur anticipation de la fin des temps -. Et si Zeus vaut Yahvé, pourquoi n'ont-ils pas vu Athèna et Arès dans leurs apparitions ?
Ce texte en dit trop ou pas assez. Parfois il vaut mieux ne rien écrire plutôt que de s'aventurer à tenir des propos "expérimentaux" qui n'engagent qu'une subjectivité dérisoire. Dans la version qui nous est parvenue, il penche clairement vers cette dernière, et ne peut être, me semble-t-il, que relégué au cabinet des curiosités, comme les aphorismes de Nietzsche, le travail intellectuel et spirituel sur les sujets abordés n'étant au fond ni fait ni à faire.
Quelques éléments archéologiques récents qui démentent le scepticisme sur la Bible
Israël Finkielstein s'était fait une renommée dans les années 2000 en essayant de démontrer que les royautés juives décrites par la Bible n'ont eu qu'une existence tardive et qu'il n'y en a pas de traces antérieures au VIe siècle av. JC, notamment en ce qui concerne le roi David. Dans cette vidéo (ci-dessous) d'une conférence à la Bibliothèque nationale de France du 15 juin 2022 l'archéologue Michael Langlois démonte la thèse de Finkielstein sur un point : la lecture de la stèle de Tel Dan. Il montre à partir d'instruments technologiques récents qu'il s'y trouve bien une référence à la Maison de David. Dans la stèle de Mesha (IXe s. av JC), le roi des Moabites se vante d'avoir commis un génocide contre le peuple d'Israël ce qui montre qu'à l'époque le génocide était dans les moeurs guerrières "normales" (tout comme le code de Hammourabi montre que la geste d'Abraham d'avoir un enfant avec sa servante quand sa femme est stérile fait partie des moeurs de son temps).
A noter que dans la même vidéo Langlois parle aussi de la première utilisation d'un alphabet par des sémites dans le Sinaï qu'a étudiée l'archéologue chrétien Douglas Petrovich, dont on avait parlé en décembre 2020 ici.
Un nouveau miracle eucharistique au Mexique ?
Nouveau miracle eucharistique ou supercherie ? Le 24 juillet dernier lors de l'adoration à Guadalajara au Mexique, l'hostie exposée s'est mise à battre comme un coeur - voyez la vidéo ici. Le phénomène a été filmé par diverses personnes et posté sur le Net. Des cardiologues comme Thomas A. Lanzilotti ont examiné les pulsations. Elles suivent effectivement celles d'un coeur humain qui battrait à un rythme de 80 par minute.
Jusqu'ici les miracles de ce type concernaient plutôt des taches de sang ou des cellules de tissus cardiaque qui apparaissaient dans l'hostie - voyez nos articles sur les travaux du Dr Ricardo Castañón Gomez et du chirurgien du coeur Pietro Pescetelli. Le nouveau phénomène est reçu par les autorités ecclésiastiques avec prudence car il peut toujours se cacher derrière une supercherie destinée à embarrasser ensuite tout ceux qui y auront cru.
Il semble que des fidèles parfois éprouvent aussi ce genre de phénomène à titre privé.
Dans la section commentaire de cette vidéo, une certaine Jenny Davis écrivait le 4 août :
"Il y a plusieurs années, une dame vietnamienne très pieuse et moi apportions la Sainte Communion aux personnes âgées de notre paroisse. Vinh était en admiration devant le Saint-Sacrement et portait Notre-Seigneur autour de son cou près de son cœur. La première fois que nous avons apporté la Sainte Communion aux paroissiens, j'ai laissé Vinh dans l'église pendant que j'allais parler au curé. Vinh était manifestement ébranlée quand je suis revenue. Elle sentait quelque chose qui ressemblait à une pulsation provenant du conteneur des hosties. J'ai dit que les miracles eucharistiques sont du tissu cardiaque et j'ai suggéré que ce qu'elle avait vécu était le Cœur battant de Jésus. Elle s'est apaisée mais la même chose s'est produite lorsqu'elle a placé l'hostie sur la langue d'une sainte femme, Tina, décédée l'année dernière à l'âge de 98 ans."
Du reste le 24 juillet à Guadalajara une paroissienne a aussi senti l'hostie battre sur sa langue comme un coeur. C'est en tout cas la première fois que le mouvement de l'hostie comme un coeur peut être filmé.
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Peu de temps auparavant, le dimanche 19 juin, dans le comté de Mayo à Aghamore au nord-ouest de l'Irlande, une hostie consacrée était accidentellement tombée au sol puis, plongée dans un bol d'eau comme cela est requis en pareil cas, elle s'est teintée de sang. Mais personne n'a pris de photo et celle qui a circulé à ce sujet se rapportait à un autre miracle, celui de l'église St François Xavier de Kearns dans l'Utal (USA) en 2015. Robert Nugent, un laïc en conflit avec une partie de la hiérarchie épiscopale irlandaise, met en garde en ce moment contre les conclusions trop hâtives sur ce phénomène aussi. Une enquête plus approfondie va être menée.
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Du reste, à Guadalajara, au même endroit exactement (paroisse de Marie Mère de l'Eglise, une église qui a été érigée en 1548, et qui fut siège du premier congrès eucharistique mondial en 1906) 9 ans plus tôt jour pour jour (jour de la Sainte Christine de Bolsena/Vigile de St Jacques) des hosties avaient saigné (sans eau cette fois), à 3h de l'après-midi, miracle qui avait été annoncé par Dieu au prêtre, le P. José Dolores Castellanos Gudiño dit "Padre Lolo" dès le matin (témoignage du P. Just A. Lofeudo).
Un des enjeux des phénomènes actuels est de savoir si la messe garde une validité malgré les dérives hérétiques du pape François et de cardinaux, qui participa le 27 juillet dernier main sur le coeur, à une cérémonie païenne amérindienne au Canada invoquant la "Grande déesse mère de l'Ouest" pour "entrer dans le cercle des esprits".
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Le prêtre responsable de l'exposition de l'hostie à l'adoration le 24 juillet était le père Carlos Spahn, exorciste de renom, et certains Mexicains voient dans ce miracle (si c'en est un) une confirmation de son travail à Guadalajara.
Le sanctuaire de Notre-Dame-de-la-Délivrande de Popenguine (au Sénégal)
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J'ai interviewé hier le romancier Grégory Bernard qui a participé à la Pentecôte 2017 à un pèlerinage qui existe depuis 1888, entre Dakar et Popenguine.
On peut ici se reporter à une description du village par le Dr Léon Anfreville de la Salle en 1909, terre de mission, après qu'il eut été ravagé par une épidémie de nélavan (maladie du sommeil). Plus ancienne encore cette évocation en 1891, dans les Annales apostoliques de la Congrégation du Saint-Esprit.
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On ne sait pas trop s'il y a eu, en 1888, un apparition de la Sainte Vierge à des pêcheurs comme l'affirme cet article de Dakaractu du 5 juin dernier (il semble qu'il en existe une version identique en 2019 ici) ou s'il n'y a jamais eu d'apparition comme le pose le Prieuré des Frères de Saint Jean à cet endroit. En tout cas rien n'a été approuvé au niveau de l'Eglise catholique. Le sanctuaire a été inauguré le mardi de Pentecôte 1888 (22 mai) l'initiative de l'évêque normand Mgr Picarda. Le culte de Notre Dame de la Délivrande, une vierge noire, forme un triangle entre Douvres-la-Délivrande près de Caen et le Morne Rouge en Martinique (depuis 1851, Mgr Picarda avait servi dans cette île où il était arrivé en 1868 pour y intégrer le séminaire colonial, et avait enseigné au Morne-Rouge). Il remonte à Saint Régnobert second évêque de Bayeux mort en 627, dans le cadre de son oeuvre d'évangélisation des Saxons, et aurait succédé à un culte de Déméter.
Selon le bréviaire de Bayeux Neustria Sancta dont la plus vieille version consultable remonte au XVe siècle ne statue de Vierge noire aurait été retrouvée miraculeusement en 1150 par Beaudoin de Reviers, comte du Bessin sous Guillaume le Conquérant, alors que la chapelle ruinée par les Danois était en ruines.
L'historien franciscain Fossard en 1642 raconte ainsi la découverte (on devrait dire l'invention comme pour les mines) : "Le berger duquel seigneur Beaudoin aperçoit que l’un de ses moutons, par plusieurs fois, se retirait du troupeau et courait en un lieu auprès de la pâture ; là de pieds et de cornes frappait et fouillait la terre, puis étant las, il se couchait à la place même où de présentes! la niche et l’image de la Vierge en la chapelle de la Délivrande. Ce mouton ne prenait aucune nourriture, et était néanmoins le plus gras de la bergerie. Le comte croyant que cela était un avertissement envoyé du ciel, se transporta sur le lieu, accompagné de sa noblesse et d’un saint ermite, avec le peuple qui y courut des lieux circonvoisins : il commanda de parachever la fosse que le mouton avait commencée. On y trouva l’Image de Notre-Dame ; il y a à présent plus de huit cents ans. Cette image fut portée en procession solennelle avec une commune allégresse de tout le peuple dans l’église de Douvres ; mais, tôt après, elle fut apportée par le ministère d’un ange au lieu même où Elle fut trouvée. Dieu montra par ce transport et invention miraculeuse, qu’il avait choisi ce lieu plus particulièrement pour son service et pour celui de la glorieuse Vierge Marie, sa mère. Alors le comte connaissant la volonté divine fit édifier et fonder la Chapelle qui est encore à présent et la donna à Messieurs du Chapitre".
Ce récit se trouve aussi sous la plume d'une religieuse du monastère de la Trinité de Caen au XVIIe siècle.
C'est cette statue qui est à Douvres maintenant.
Le samedi 19 mai 2012, un quartier de la ville de Guediawaye, au Sénégal, est plongé dans l'obscurité par une panne d'électricité. Dans une maison particulière, une lumière vive apparaît sur le mur de la chambre d'une catéchumène de 12 ans, avec un silhouette de femme facilement identifiable à la statue de Notre-Dame-de la Délivrande de Popenguine. L'apparition dure de 23 h à 6 h et s'accompagne d'un ruissellement d'eau sur le mur. Les voisins alertés se réunissent pour une veillée de prière et la silhouette disparaît avec la lumière du jour.
La vraie mission de Jeanne d'Arc
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On s'est déjà penché sur ce blog sur l'ascendance davidique de la monarchie française, sur les révélations privées autour du grand monarque et l'essence divine de la monarchie française. Il existe une filiation d'intellectuels au XXe siècle qui ont défendu ces idées : Léon de Poncins (1897-1975), Jean Vaquié (1911-1992), Louis-Hubert Rémy (né en 1943).
Je voudrai dire un mot ici d'un livre de ce dernier, co-écrit avec Marie-Christine Rémy (1944-2017), paléographe, "La vraie mission de Sainte Jehanne d'Arc", publié à Marseille en 2012 pour le sixième centenaire de la naissance de la sainte.
Le livre, qui prend le contrepied de l'aveuglement universitaire sur le sujet, est articulé autour d'un événement clé pour comprendre le sens du "phénomène Jeanne d'Arc" : cela s'est passé le 21 juin1429, à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire (Fleury-sur-Loire). Il est relaté par un ancien inquisiteur de Toulouse, le P. Jean Dupuy, informé par les dominicains de Poitiers, qui le communiquera au pape Martin V, texte que les auteurs du livre ont trouvé dans le Brevarium historiale à la bibliothèque vaticane. Il sera aussi mentionné par Windecke dans son Mémorial et par le duc d'Alençon lors du procès en réhabilitation.
Cet événement s'appelle la triple donation, et Jean Dupuy la raconte ainsi :
Jehanne dit à Charles : «Sire, me promettez-vous de me donner ce que je vous demanderai ?»
Le Roi hésite, puis consent.
«Sire, donnez-moi votre royaume».
Le Roi, stupéfait, hésite de nouveau ; mais, tenu par sa promesse et subjugué par l'ascendant surnaturel de la jeune fille : «Jehanne, lui répondit-il, je vous donne mon royaume». (1 ère donation)
Cela ne suffit pas : la Pucelle exige qu'un acte notarié en soit solennellement dressé et signé par les quatre secrétaires du Roi; après quoi, voyant celui-ci tout interdit et embarrassé de ce qu'il avait fait : «Voici le plus pauvre chevalier de France : il n'a plus rien».
Puis aussitôt après, très grave et s'adressant aux secrétaires : «Écrivez, dit-elle : Jehanne donne le royaume à Jésus-Christ''» (2 éme donation)
Et bientôt après :«Jésus rend le royaume à Charles». (3 ème donation)
Déjà 3 mois plus tôt, le 11 mars, à Chinon, à la sortie de la messe royale, Jeanne avait demandé au dauphin de faire donation de son royaume au roi du ciel. Le 11 mars il n'avait pas répondu. Le 21 juin, il signe.
Cet acte explique que Jeanne ait eu le Christ sur sa bannière et ait tenu cette bannière source de victoires pour plus importante que son épée pourtant découverte miraculeusement. Le livre rend hommage à ce propos au jésuite érudit le RP Jean-Baptiste Ayroles (1828-1921), spécialiste de Jeanne d'Arc, qui, au moment du procès en canonisation, avait une vision claire de l'entreprise de restauration de la Pucelle d'Orléans au service de Jésus-Christ, contre notamment le réductionnisme ridicule d'Anatole France.
C'est un aspect crucial de la saga de Jeanne d'Arc qui effectivement mérite d'être mis en relief.
A part cela, concernant Jeanne, mon fils, devant l'histoire de Shadrak, Méshak et Abed-Nego dans le livre de Daniel chapitre 3, les trois Juifs condamnés à périr par le feu par Nabuchodonosor et sauvés miraculeusement des flammes, me faisait remarquer que la sainte de Domrémy n'avait pas joui de la même grâce. Dans un premier temps je lui ai répondu que la Pucelle avait terminé sa mission, ce qui expliquait qu'elle n'ait pas bénéficié de cette faveur. Mais je sentais bien que mon explication ne tenait pas. Du coup j'ai regardé à nouveau l'excellent film de Robert Bresson fait à partir des actes du procès en sorcellerie (voir la bande annonce ci-dessous). On voit bien que cette crémation pose à juste titre un vrai problème à la sainte car en principe elle prohibe la voie de la résurrection du corps à la fin des temps (voilà pourquoi ceux qui optent aujourd'hui pour la crémation sur la foi d'une concession accordée par le pape dans les années 1960 aux adversaires de l'Eglise feraient mieux d'y réfléchir à deux fois). Les voix d'ailleurs avaient promis à Jeanne de la sauver de ce supplice infâme. Si ces voix venaient de Dieu, elles n'ont pu se dédire. Donc si elle n'a pas été providentiellement soustraite au bûcher, cela doit provenir de sa faute (un peu comme Moïse prohibé d'entrée en Terre Promise, pour avoir frappé deux fois sur le rocher au lieu d'une). Et sa faute, à n'en pas douter, une faute énorme quoique très humaine, tient à son abjuration et à sa soumission à "l'Eglise militante" (terrestre) pour échapper au feu alors qu'elle était déjà titulaire d'une promesse de "l'Eglise triomphante" (céleste). Au passage on voit tous les dangers qu'il peut y avoir à faire preuve d'une trop grande soumission au clergé (devant les enjeux sanitaires et écologiques actuels notamment), et, concernant Jeanne, cela a conduit à la reconnaissance gravissime du fait que ses voix lui venaient de Satan et que tout son combat au service de la France était maléfique ! S'abaisser à un tel reniement est incroyable quand on y songe : combien de résistants (songeons aux communistes pendant la seconde guerre mondiale par exemple) sous les effets d'actes de torture bien pires que la menace du bûcher ne sont pas tombés aussi bas. L'acte est plus odieux encore que le reniement de Saint Pierre qui, lui, avait nié son contact avec Jésus-Christ sans avoir encore agi indépendamment de lui, et donc, sans entraîner dans son reniement, l'ensemble de ses actes et l'ensemble de ses partisans comme le faisait Jeanne. L'étonnante faiblesse psychologique de la jeune fille se retrouve d'ailleurs à d'autres moments du procès (alors qu'à d'autres moments elle fait preuve de beaucoup d'élévation et de courage), par exemple quand elle dit s'être promis de ne pas révéler quel signe fut donné au Dauphin, puis, ensuite elle consent à l'avouer, ou quand elle s'abandonne parfois à des réponses un peu évasives qui peuvent être utilisées contre elle.
Les voix ont reproché à la sainte son parjure, sur lequel elle est finalement revenue pour mourir. Mais la rétractation n'a peut-être pas effacé totalement la faute, ce qui affranchissait Dieu de la promesse de lui épargner le bûcher. Evidemment nul ne sait si à la fin des temps Dieu fera pour Jeanne une exception au principe de non-résurrection des corps brûlés... ni si la faute de la sainte aurait dû être de nature à empêcher sa canonisation (très tardive)... En tout cas les Français, compte tenu de l'immense dette qu'ils ont à son égard, ne peuvent pas juger impartialement de cette affaire - car, comme l'a souligné Louis-Hubert Rémy, ce fut la première fois dans leur histoire, et peut-être la seule depuis Clovis, que Dieu intervint si visiblement, d'une façon si surnaturelle, à travers cette humble fille de Lorraine.
Une médecin musulmane devenue évangélique
Une vidéo de 2019 d'une médecin musulmane française (ci-dessous) qui, ayant été guérie d'un cancer des ovaires après avoir vu Jésus s'est mise à guérir miraculeusement non seulement sa propre pathologie mais aussi de nombreux malades autour d'elle...
La dame qui ne donne pas son identité (sans doute parce qu'elle ne veut pas que les internautes bénéficient de ses dons) a-t-elle vraiment vu Jésus (rappelez vous Doreen Virtue qui à force d'affiner son christianisme et de le rendre de plus en plus "biblique" en est même venue à imputer aux démons sa vision de Jésus qui pourtant l'avait ramenée à la foi chrétienne) ? n'était-ce pas un djinn/démon déguisé en Jésus ? qu'en dirait-elle aujourd'hui, trois ans après la publication de cette vidéo ?
Je reste toujours un peu perplexe sur la valeur de ces dons de thaumaturge reçus comme ça qui se répandent sur les gens sans qu'on en connaisse les effets à long terme et sans qu'on sache s'ils ont vraiment permis des conversions durables des personnes guéries. Perplexe aussi devant ces conversions soudaines de ces visionnaires qui partent tout de suite en quête de "baptêmes express" sans aucune préparation théologique. S'il est vrai que, comme le disait St Jean de la Croix, Satan ne déçoit jamais les amateurs de révélations privées, il se peut que ces convertis charismatiques fassent un jour ou l'autre partie de sa clientèle. En 2020, j'avais rencontré une de ces évangéliques ou "non denominational", bénéficiaire d'un baptême express et de toutes sortes de "dons de l'esprit" qui la faisaient parler en langues, soigner des tas de gens dans la rue, mais aussi se heurter à des phénomènes paranormaux des plus inquiétants (qui affectèrent d'ailleurs son propre corps ainsi que son entourage) et qui s'était mise tout le monde à dos dans les milieux qu'elle fréquentait (ce qui ne traduisait pas un très grand don pour la charité, et les vertus de patience et de douceur qui sont censées l'accompagner, je l'ai d'ailleurs testé dans l'échange avec elle).
Il n'est pas du tout certain que cette voie soit très recommandable, même si peut-être chez certains elle peut constituer une première étape utile sur le chemin d'une compréhension plus profonde de la culture biblique et de l'Eglise du Christ.
Bruno Gröning dévoyé ?
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Vous vous souvenez peut-être qu'en mars 2020 je vous avais livré un compte-rendu d'entretien avec une responsable du Cercle Bruno Gröning en France. Le 6 juin dernier j'ai eu une conversation téléphonique de plus de deux heures avec une lectrice de ce blog de 47 ans qui avait un témoignage intéressant à fournir sur le sujet. Comme j'avais insisté dans mon billet sur le côté "New Age" des cercles B. Gröning, elle a tenu à souligner que Gröning, lui, s'en référait à Jésus, non pas le "maître ascensionné" des new-agers, mais le vrai "fils de Dieu", et elle a attiré mon attention sur une vidéo d'un certain Thomas Busse, disciple de cette mouvance, qui racontait comment la famille du maître avait systématiquement gommé les références chrétiennes de Gröning, y compris le crucifix qu'il portait au cou, pour donner une portée universelle à son culte, et notamment ne pas heurter les sensibilités en Israël où le cercle a aussi une antenne.
On peut remarquer d'ailleurs que cette dame avait aussi eu une expérience forte avec le martinisme et les fidèles de Maître Philippe de Lyon, qu'elle connaissait beaucoup de choses sur l'alchimie, le reiki et la Sainte Baume, et qu'elle avait une dette spirituelle à l'égard de Saint Païssios, ce qui en faisait sur bien des points une interlocutrice idéale pour moi à la confluence de nombreuses recherches qui me tenaient à coeur. N'était que, dotée de dons spirites de naissance (dont elle avait fait preuve notamment quand elle avait travaillé comme archéologue), frappée d'une maladie neurologique grave due à des antibiotiques et amplifiés par une piqûre de guêpe à l'Assomption de 2016, elle développait une sorte de méfiance généralisée (avec toutes les inspirations invisibles qui vont avec) qui ne permettait pas un dialogue fructueux. J'ai trouvé personnellement utile son insistance sur le christianisme de Gröning et sur la nécessité qu'il y avait de se demander "pourquoi l'apparition de ce guérisseur à grande échelle dans l'Allemagne terriblement meurtrie de l'après-guerre?".
Je sais qu'il y a parfois des entrelacements complexes entre le christianisme et diverses formes de magnétisme, de médiumnité, voire de spiritisme. A preuve cet épisode étrange de la rencontre du Padre Pio avec la médium spirite Madame Bouvier évoqué par le spirite Reynald Roussel (j'ai eu d'ailleurs un échange de courriel avec lui dans lequel il me confirme avoir eu la preuve de la rencontre, mais pas évidemment du contenu des propos tenus). Il me trotte dans l'esprit que peut-être (je l'avance avec beaucoup de prudence) les guérisseurs, comme d'ailleurs les spirites, peuvent être des sortes d' "antichambres" de la vraie foi, et, dans cette mesure, ne doivent pas être totalement condamnés ; qu'il faudrait peut-être simplement inciter leurs clients à "passer à autre chose", franchir un pallier au dessus, avant que cela ne les tire plus bas. La lectrice du blog reconnaissait que, quand bien même elle restituait à Gröning sa dimension chrétienne, elle reconnaissait que le principe même de l'adhésion aux cercles orientait plus vers le culte de Gröning lui-même que vers l'adhésion à Jésus-Christ. J'ajouterais pour ma part que le fait que les cercles acceptent des dons (ce que par exemple Saint Païssios, lui, refusait) ou qu'ils promeuvent l'enlacement des arbres n'est pas très bon signe non plus. On conçoit que quand on a une maladie grave et que les prières ne servent à rien, on finisse par se tourner vers des guérisseurs. C'est d'une certaine façon ce que j'ai fait en 2014. Cependant, avec le recul, j'inciterais plutôt tout un chacun, pour se guérir, à surtout se repentir de ses péchés, et notamment des péchés instillés par la culture du monde actuel (par sa musique par exemple, par ses médias etc), apprendre à mortifier sa chair, à reprendre une place humble dans une Eglise (protestante, orthodoxe, catholique), mener une vie de famille ordinaire et scrupuleuse (éventuellement même se livrer à des activités manuelles comme le préconise St Paul), respecter le décalogue, plutôt que d'aller chercher des secours "magnétiques" ou "spirites" dont le contenu reste suspect.
Saint-Maximin, Vézelay et le chef de Marie-Madeleine
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Lacordaire, dans son Sainte Marie-Madeleine, raconte comment le chevalier Charles d'Anjou, neveu de Saint-Louis, (futur Charles II encore jeune prince de Salerne) dévot de Marie-Madeleine, reçut de Dieu l'inspiration de faire ouvrir une tranchée dans la vieille basilique de St Maximin, au pied du massif de la Sainte Baume, s'employa lui-même à creuser avec les ouvriers et trouva le 9 décembre 1279 des reliques. Neuf jours plus tard il faisait rompre les sceaux du sarcophage et y trouva un parchemin portant cette inscription : "L'an de la nativité du Seigneur 710, le sixième jour du mois de décembre, sous le règne d'Eudes, très pieux roi des Français, au temps des ravages de la perfide nation des Sarrasins, le corps de la très-chère et vénérable Marie-Madeleine a été très-secrètement et pendant la nuit transféré de son sépulcre d'albâtre dans celui-ci, qui est de marbre, et d'où l'on a retiré le corps de Sidoine, afin qu'il y soit plus caché et à l'abri de ladite perfide nation."
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"Une troisième fois, écrit Lacordaire, en présence d'une illustre et nombreuse assemblée, le prince de Salerne fit ouvrir le monument qui avait été scellé, et dont les sceaux furent reconnus intacts. Le chef de la sainte était entier, sauf l'os maxillaire inférieur, qui manquait; la langue subsistait, desséchée mais inhérente au palais; les membres ne présentaient à l'œil que des ossements dépouillés de leur chair, mais un parfum suave enveloppait ces restes rendus à la lumière du jour et à la piété des âmes."
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Cette version sur la découverte du "chef" de Marie-Magdeleine (sa tête) ne fait pas l'unanimité et d'ailleurs Lacordaire le rappelle : le corps de la sainte a disparu au temps des croisades, et une rumeur dit qu’il se trouve à l’abbaye de Vézelay en Bourgogne, fondée par Gérard de Roussillon, comte et gouverneur de Provence (au IXe siècle). Lacordaire raconte l’effet de la bulle de Pascal II en 1203 qui autorisa le pèlerinage à Vézelay. « Ce fut un mouvement dont il est difficile de se faire une idée. On eut dit que toute la France courait à Vézelay, et ce lieu devint si grand dans l'opinion et la piété publiques, que Louis VII s'y rendit avec saint Bernard en 1147 pour y prêcher la seconde croisade. » (p. 186). La troisième y fut aussi préparée par Philippe-Auguste et Richard Cœur-de-Lion en 1190. Mais, nous dit Lacordaire, le sire de Joinville (1224-1317), biographe de Saint Louis, le grand roi, sut rectifier l’erreur au retour de sa croisade, et discerna que les reliques étaient non à Vézelay mais encore à Saint-Maximin. En tout cas, les dominicains n'en ont pas douté, et en 1297, deux ans après l’installation des Prêcheurs à Saint-Maximin, l’Ordre, qui accordait dans sa liturgie une place exceptionnelle au culte de Marie-Madeleine, en élevant la fête de la sainte au plus haut degré de solennité, le même que pour les apôtres Pierre et Paul ou pour Jean-Baptiste, et chargeant le maître de l’Ordre de doter la messe d’une séquence appropriée, En 1297 enfin, deux ans après l’installation des Prêcheurs à Saint-Maximin, le chapitre général de l’Ordre accordait dans sa liturgie une place exceptionnelle au culte de Marie-Madeleine, le chapitre général élevant la fête de la sainte au plus haut degré de solennité, le même que pour les apôtres Pierre et Paul ou pour Jean-Baptiste, et chargeant le maître de l’Ordre de doter la messe d’une séquence appropriée, prescrivait de supprimer partout, dans la sixième lecture des matines, la mention relative à Vézelay.
J'ai raconté dans mon livre sur les médiums le rapport surnaturel que j'ai eu en 2014-2015 à la Sainte Baume. Or j'ai rencontré il y a trois semaines une femme "psychothérapeute" (en fait très branchée "développement personnel" et commerce avec les entités obscures sous des dehors très généreux) qui a eu, elle, un rapport intéressant à Vézelay où vivait sa grand-mère pendant son enfance. Une expérience teintée de spiritisme, à l'égard duquel, vous le savez, je reste très méfiant...
J'étais à deux doigts de me rendre à Vézelay aujourd'hui mais me suis ravisé quand j'ai appris que la gare se trouvait à 10 km de la basilique Sainte Marie-Madeleine. A défaut, j'ai commandé le livre de Jean-François Lecompte, "Vézelay une église guerrière", mais l'ouvrage est assez hélas mauvais. Il enfonce beaucoup de portes ouvertes du genre "la spiritualité est un combat", et comporte beaucoup d'hypothèses gratuites et d'approximations dans le style "il y avait une déesse égyptienne qui avait la forme d'un scorpion, en fait ce n'est pas un scorpion mais cela pourrait en être un etc", tout cela dans le but unique (très "new age") de rattacher la foi catholique aux antécédents païens (parce que Vézelay serait situé sur une colline "du scorpion"), ce qui au passage permet d'égyptianiser Marie-Madeleine et d'en faire l'auteur de la résurrection de Jésus (comme le terrible "Manuscrit de Marie-Madeleine", hélas en vente dans la librairie de la Sainte-Baume). D'ailleurs le livre renvoie à la "spirale de Lug" que Charpentier a identifiée dans notre bonne vieille Gaule à coup d'étymologies douteuses (j'en avais déjà dit bien du mal ici). Qui se ressemble s'assemble... L'auteur glisse bizarrement Léon Bloy au milieu de tout cela, ce qui encouragera peut-être certains à taxer l'auteur de "L'âme de Napoléon" de luciférisme... Je garde quand même de ce bouquin l'enseignement selon lequel au Moyen-Age les pèlerins partaient pour Compostelle soit à la Saint-Jacques, soit à la Sainte Marie-Madeleine... Ce qui laisse entendre tout de même que cette sainte avait une importance majeure, et, comme Saint-Christophe, un rapport spécial aux pèlerinages, dont l'analyse (si on la fait rigoureusement) pourrait peut-être révéler quelque vérité secrète importante...
La maison de Marie à Lorette
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Ma grand mère paternelle, Candelaria Planchat Monterde (1910-1998) eut pour arrière grand-père dans sa branche paternelle un certain Pedro Aguilar Antolin, né à Castelseras (Aragon) en 1819, décédé moine dans un couvent franciscain dans les années 1880 après avoir eu quinze enfants. En 2016 j'ai parlé de lui sur ce blog et j'ai cité ce passage de ses brèves mémoires : "Le 11 août 1884, ont été organisés 3 jours de fête à La Codoñera pour la Vierge de Lorette pour l'accomplissement du centenaire de l'édification de la chapelle. Je suis reconnaissant à cette Vierge parce qu'à ce même endroit en un quart d'heure j'ai eu la vie sauvée trois fois pendant la guerre civile. Et j'ai connu un homme de village qui s'appelait Mariano Lusona qui, à l'âge de 80 ans, a vu des dents lui sortir comme à un enfant". D'après ce qu'il écrit au paragraphe suivant, l'épisode de guerre auquel il se réfère serait la bataille menée par les conservateurs carlistes sous la bannière du général Cabrera en 1868.
Il existe aujourd'hui une fête de Notre Dame de Lorette le 10 décembre, à La Codoñera, nous explique Wikipedia.
Je lisais la semaine dernière ce passage dans "Histoire d'une âme" de Ste Thérèse de l'Enfant Jésus (Eds Cerf 2006 p. 130) : "Je fus heureuse de prendre la route de Lorette (région des Marches en Italie). Je ne suis pas surprise que la Ste Vierge ait choisi cet endroit pour y transporter sa maison bénie, la paix, la joie, la pauvreté y règnent en souveraines ; tout est simple et primitif, les femmes ont conservé leur gracieux costume italien et n’ont pas, comme celles des autres villes, adopté la mode de Paris ; enfin Lorette m’a charmée ! Que dirai-je de la sainte maison ? Ah ! mon émotion a été profonde en me trouvant sous le même toit que la Sainte Famille, en contemplant les murs sur lesquels Jésus avait fixé ses yeux divins, en foulant la terre que Saint Joseph avait arrosée de sueurs, où Marie avait porté Jésus entre ses bras, après l’avoir porté dans son sein virginal… J’ai vu la petite chambre où l’ange descendit auprès de la Sainte Vierge… J’ai déposé mon chapelet dans la petite écuelle de l’Enfant Jésus… Que ces souvenirs sont ravissants !…"
C'est en parcourant ce passage que je découvris donc que selon la tradition catholique la maison de la Sainte Vierge aurait été apportée par des anges à Lorette dans la nuit du 9 au 10 décembre 1294, trois ans après le départ des croisés de Terre Sainte, afin de la soustraire à l'occupation turque musulmane de Jérusalem (qui avaient détruit la basilique qui protégeait cette maison en 1263). L'itinéraire du déplacement de cette maison par voie aérienne est d'ailleurs partiellement connu puisque le 10 mai 1291 un curé de Tersatto/Trsat en Dalmatie, le P. Alexander Georgevitch, aurait remarqué cette maison apparue miraculeusement sur un terrain de sa paroisse et la Vierge Marie elle-même lui serait apparue pour lui expliquer le déplacement de sa maison par la puissance de Dieu. Un seigneur local de Tersatto, Nicolo Frangipane a d'ailleurs envoya une délégation en Palestine pour vérifier la disparition de la maison à Nazareth, et c'est lorsque les Albanais se convertirent à l'Islam en 1294 que la maison le 9 décembre au soir franchit l'Adriatique (les Slaves en portèrent longtemps le deuil). Des bergers la virent portée par des anges, puis elle arriva à Ancone où elle resta neuf mois, et enfin à Lorette.
Je me suis demandé ce qu'il fallait penser de cette histoire. Ma première réflexion fut que j'imaginais mal au vu des photos comment une famille italienne aurait pu défaire brique par brique les murs de cette maison en Palestine, puis les déplacer en Italie par bateau et les reconstruire à l'identique comme le suggère Wikipédia.
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Puis je suis tombé sur cette page de mars 2021 d'un blogueur de notre époque, Guy Sémard, père oblat de la Vierge Marie, qui confesse avoir eu du mal à croire au miracle de la translation angélique de cette maison, mais cite un livre italien du professeur Federico Catani, publié par l'association Luci sull'Est qui réunit tous les arguments en faveur de cette thèse (voir sa conférence en italien ici). Il explique notamment que le périmètre de la maison en Italie correspond exactement à celui de la présumée maison de la Sainte Famille à Nazareth, dans la Basilique de l'Annonciation, dont la trace des fondations a été conservée. Les pierres de construction sont d'origine palestinienne d'il y a 2 000 ans d'après le travail effectué par les spécialistes. Elle a été posée sur un terrain non travaillé sans fondations (sur une ancienne route).
C'est un point qu'avait déjà relevé en 1894 pour les 600 ans de la translation, un certain William Garratt de Cambridge dans "Lorette, le nouveau Nazareth" (p. 28-29) : "Quand on creusa autour de la Sainte Maison de Lorette, au mois de novembre 1531, il fut évident pour tous que ses murs se soutenaient sur la terre nue et sans fondations. Jérôme Angelita, chancelier de la ville de Recanati et témoin oculaire, nous a laissé le récit de ces excavations entreprises pour entourer de marbre la Santa Casa. A une date plus récente, en 1672, quand un nouveau pavement fut posé, plusieurs personnes pouvaient faire passer librement, soit leurs mains, soit des bâtons, sous certaines parties des murs, le terrain sur lequel ceux-ci reposaient se trouvant inégal. Les dalles furent renouvelées encore une fois en 1751, sous le pontificat de Benoît XIV, et l’on procéda alors à l’intérieur à un nouvel examen, après avoir fait des excavations au pied des murs. L’archevêque de Fermo, les évêques de Jesi, d’Ascoli, de Macerata et de Lorette, trois architectes étrangers, trois maîtres-maçons, outre l’architecte des travaux, étaient présents, ainsi que beaucoup d’autres personnes. Un des architectes fut autorisé à faire creuser à six pieds de profondeur jusqu’à ce qu’on fût arrivé au tuf, c’est-à-dire à la terre ferme, où l’on a coutume d’aller pour assurer la solidité des fondements. Il fut manifeste alors que la Sainte Maison se soutenait par elle-même, depuis plusieurs siècles, sur un terrain inégal et mouvant, contrairement à toutes les règles de l’architecture. Un rapport officiel fut alors enregistré dans les archives de Lorette". Garratt parle aussi de la pierre qui est de la pierre calcaire de Nazareth, ce qui fut confirmé par des observateurs des XVIII et XIXe siècles (pierres dites Jabès et Nahari, chimiquement analysées). Il évoque aussi le bois de cèdre du Liban.
Le professeur Giorgio Nicolini donne le même genre de conférences que Federico Catani.
Cette maison avait été visitée par Saint louis et par St François d'Assise en Palestine en 1219 ou 1220. Les actes de dévotion à la maison de Notre Dame à Lorette furent nombreux. Saint François Xavier reçut aux pieds de la Vierge de Lorette l’inspiration de porter l’Evangile aux Indes et au Japon. Papes, cardinaux, prêtres et moines s'y sont succédés, mais aussi l'empereur allemand Charles IV, Jean Paléologue, empereur byzantin, différents rois et reines du monde chrétien, les ducs et duchesses de la région, les princes de Condé, ducs de Joyeuse et autres nobles, Montaigne, Descartes (qui y fit un pèlerinage à pied depuis Venise), Louis-Marie Grignon de Montfort etc.
On ne compte plus les guérisons miraculeuses et les exorcismes réussis dans cette sainte maison.
Un phénomène étrange de flammes célestes y fut aussi observé. Le 8 septembre 1296, puis à nouveau l'année suivante l'ermite Paolo della Selva qui avait fixé son asile solitaire sur une colline voisine aperçut de sa cellule cette lumière, paraissant avoir quatre mètres de long sur deux de large descendant du ciel au dessus de la maison de la Sainte Vierge. En 1555, Riera, jésuite de Barcelone, confesseur au sanctuaire de Lorette, fut témoin en compagnie des fidèles de la messe du même miracle qu'il allait raconter dans son Historiae Almae Domus Lauretanae Liber Singularis. Le miracle se produisit à nouveau en 1557. Renvoyons au livre de Garratt pour les autres miracles.
On peut se demander si le souvenir du livre du catalan Riera ne fut pas pour quelque chose dans le succès de Notre Dame de Lorette en Bas-Aragon où vivaient mes ancêtres.
Miracles eucharistiques : un mot sur Carlo Acutis
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Hier c'était la fête de Dieu, fête du Saint Sacrement, a fait remarquer le prêtre à la messe. Pas de chance pour lui, la ferveur n'était pas au rendez-vous dans cette église remplie surtout de gens venus assister au baptême ou à la communion de leurs proches. Aujourd'hui YouTube me propose une vidéo de la mère du bienheureux Carlo Acutis, né en 1991, décédé à l'âge de 15 ans d'une leucémie fulgurante, qui consacra deux ans et demi de sa courte vie à recenser les miracles eucharistiques sur Internet à propos d'une exposition réalisée par son fils qui était organisée près de Paris le mois dernier.
Cela m'a rappelé que j'ai écrit un article sur le sujet en 2016 alors que j'ignorais l'oeuvre de Carlo Acutis, article repris par Sciences et religions, et sur lequel le pauvre youtubeur Arnaud Dumouch promit de m'interviewer avant de se rétracter... Je m'étais aussi penché un peu plus tard sur les travaux du cardiologue Petro Pescetelli sur le même sujet. En 2016 je découvrais un peu le merveilleux catholique, dont notre époque se désintéresse trop souvent, dans le sillage de feu le Père Brune (dont toutefois je n'approuve pas tous les centres d'intérêt, notamment pour le spiritisme).
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Le corps du bienheureux pour l'instant d'apparence pratiquement intacte est exposé à Assise (car cet enfant était très inspiré par St François d'Assise, bien qu'il soit né dans un milieu bourgeois en Angleterre) - le sanctuaire est entretenu par des religieuses portugaises. Il semble qu'il y ait un culte de ses reliques dans la plus pure tradition médiévale. Il y a trois semaines des mèches de ses cheveux ont été exposées à l'église franciscaine de Għajnsielem à Malte (plus précisément sur l'île de Gozo) non sans avoir été préalablement montrée aux élèves de l'école Saint François de Victoria. En avril, à New-York, l'évêque d'Assise a offert aux évêques américains pour un an la membrane du coeur du bienheureux.
Avec quelques autres paroisses argentines, la Cathédrale Notre Dame du Pilier à Buenos Aires a aussi une relique du jeune "geek de Dieu", saint patron des internautes - un fragment de sa peau, grâce à la médiation de Marcela Errecalde dont on parlera un peu plus loin - de même qu'un diocèse en Pologne, à Londres où il est né etc.
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Les miracles autour de ces reliques sont un enjeu pour la canonisation. Selon la loi de l'Église, une personne vertueuse doit intercéder dans deux miracles avant de pouvoir être déclarée sainte, sauf en cas de martyre ou lorsque le pape lève ces exigences. Or les miracles autour de Carlo Acutis seraient déjà assez nombreux. A Campo Grande, dans le Matto Grosso (Brésil) le père Marcelo Tenório de Almeida qui a organisé une dévotion autour de lui, témoigne qu'en 2011 il a été informé qu'une religieuse a guéri d'un cancer par l'intercession du jeune bienheureux. Lui-même s'est rendu à Assise et la mère de Carlo Acutis, Antonia Salzano, lui a donné un vêtement de son fils, que le prêtre exposa tous les 12 octobre dans sa paroisse. Le vêtement produisit en 2013 un autre miracle sur l'enfant Mattheus, né en 2009 avec une maladie grave (un pancréas annulaire) qui lui causait des difficultés à manger et de graves douleurs abdominales. Il était incapable de garder la moindre nourriture dans son estomac et vomissait constamment.
Alors que Mattheus avait presque quatre ans, il ne pesait que 20 livres et vivait avec un shake de vitamines et de protéines, l'une des rares choses que son corps pouvait tolérer. On ne s'attendait pas à ce qu'il vive longtemps.
Sa mère, Luciana Vianna, avait passé des années à prier pour sa guérison. En octobre 2013, comme elle apprit que le P. Marcelo Tenório, organisait un service de prière pour la béatification du "geek de Dieu",elle demanda à Acutis d'intercéder pour son fils et fit une neuvaine à cet effet.
Le 12 octobre 2013 jour du service de prière, elle emmena Mattheus et d'autres membres de la famille à la paroisse où les gens faisaient la queue. (...) quand vint son tour l'enfant en embrassant la relique dit : "J'aimerais pouvoir arrêter de vomir autant." De retour chez lui l'enfant mangea normalement , la guérison fut immédiate et durable et point la physiologie de son pancréas a changé. Le Vatican a reçu les documents sur cette affaire en mars 2019, après avoir demandé l'ouverture d'un tribunal de l'église locale à Campo Grande. Les dossiers médicaux de Matheus ont été vérifiés par ce tribunal et validés par des médecins locaux.
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Marcela Errecalde, militante pro-vie de Buenos Aires, a précisé aussi que dans la même paroisse un garçon qui a eu 5 arrêts cardiaques et est resté dans un état végétatif a guéri après que sa mère eut dit une neuvaine pour Carlo Acutis.
Marcela Errecalde, dont le mari est français, et qui est de mère brésilienne, elle-même a eu un cheminement intéressant avec Carlo Acutis qu'elle explique dans l'interview ci-dessous accordée à la Pastorale de l'université catholique de la région de Cuyo (Nord Ouest de l'Argentine). Très éloignée de l'Eglise, elle ne commença à y retourner qu'en 2019. L'eucharistie en 2020 était presque impossible dans sa ville où la dictature sanitaire prohibait l'ouverture des édifices religieux. Elle entendit une voix qui, alors qu'elle sentait ne pas pouvoir revenir au Christ par le seul travail intérieur, lui indiqua où trouver un lieu d'adoration ouvert dans sa ville, et c'est là qu'elle entendit parler de Carlos Acutis, puis assista à sa béatification à Assise en octobre 2020 et organisa des transferts de reliques en Argentine.
Personnellement j'encourage évidemment tout le monde à communier le plus souvent possible, après s'être confessé bien sûr, et je ne doute pas que l'inspiration du jeune Carlos Acutis puisse être très utile en ce sens auprès des jeunes notamment.
Une anecdote de Léon Bloy sur le Saint Christophe de Cologne
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Extrait de Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne : (pour faire suite au Mendiant ingrat et à Mon journal). I : 1900-1902 (p. 223-224) :
"Saint Christophe, l'Auxiliateur et le Géant Martyr qui mourut très-particulièrement pour moi, il y a 1652 ans. A une autre époque où j'ignorais encore à quel point il était mon protecteur et sans trop savoir ce que je faisais, j'ai tenté d'expliquer, à propos de Christophe Colomb, l'importance inouïe de ce personnage, surtout au point de vue prophétique (Voir le Révélateur du Globe). Aujourd'hui j'aurais bien autre chose à dire.
Que pensent les docteurs de la simple histoire que voici? Revenant de Danemark en 1900, nous couchâmes une nuit à Cologne, à quelques pas de la cathédrale. Je ne manquai pas, le lendemain matin, d'aller entendre une première messe. Je m'étais placé, à mon insu, au-dessous de la traditionnelle et colossale statue de saint Christophe qu'on est assuré de trouver dans la plupart des vieilles basiliques. Averti par une sorte de gêne, comme si un poids énorme eût été sur moi, je finis par lever la tête et je reçus en plein cœur la commotion de cette présence d'un ami de dix-sept siècles. Christophorum videas, postea tutus eas. Je me souvins aussitôt de ce vers léonin autrefois passé en adage « Regarde saint Christophe et puis va-t-en tranquille ». On croyait, au Moyen Age, qu'il ne pouvait arriver aucun mal dans la journée à celui qui avait vu, le matin, une image de saint Christophe. Cela pour des causes profondes que l'affaiblissement actuel de la Raison ne permet plus de comprendre.
A l'heure de notre départ, le train sur lequel nous avions compté ne parut pas, mais à sa place, un autre tout à fait extraordinaire. Rien n'était à espérer pour nous de cet interminable convoi dont chaque wagon avait été loué à l'avance par un torrent d'Allemands que l'Exposition attirait à Paris.
Nous glissâmes cependant une humble pièce dans la main d'un employé, en lui exposant notre embarras. Alors voici. Sans hésiter une seconde, cet homme nous conduisit à un compartiment interdit aux fumeurs où trois suceurs de pipes envoyés par saint Christophe nous gardaient nos places. Sur un mot de notre guide, ils nous saluèrent poliment, descendirent avec un air de satisfaction, comme des gens qu'on délivre d'une corvée, et nous arrivâmes le soir à Paris, presque sans fatigue et de très-bonne heure, portés par ce train rapide."
Melchisédech, le visiteur hors du temps
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Melchisédech, en hébreu מַלְכֵּי־צֶדֶק (malkî-ṣedeq) « roi de justice », est un personnage biblique qui apparaît très brièvement dans l’histoire d’Abraham dans le livre de la Genèse 14. Il y est présenté comme « roi de Salem » (lieu non identifié) et « prêtre du Très-Haut » (El-Elyôn), auquel Abraham versa la dîme. Dans l'Épître aux Hébreux du Nouveau Testament, Jésus est déclaré « Grand prêtre pour toujours » à l'image de Melchisédech, en référence à Psaume 110:4 "L'Eternel l'a juré, et il ne s'en repentira point, que tu es Sacrificateur éternellement, à la façon de Melchisédec".
Jacques Bergier dans les Maîtres secrets du temps rappelle que France Soir le 26 novembre 1973 signalait l'existence dans un hôpital psychiatrique d'un personnage appelé Melchisédech qui se faisait appeler "prince Charlemagne SS" se trouvait dans un hôpital psychiatrique. Nul ne savait d'où il venait. Selon une de ses disciples poétesse de 52 ans c'est un véritable contemporain d'Abraham.
Bergier reprend aussi l'anecdote citée par Arthur Machen (1863-1947) dans son récit de 1915 "The Great return" dont Bergier situe à tort l'intrigue en juin 1917 (!) et qu'il semble tenir pour authentique : des inconnus arrivent dans le village de pêcheurs de Llantrisant, ils disent être des prêtres de Melchisedech et pendant une messe, ils prononcent des mots en grec ancien. Le récit détaillé de l'épisode est ici, en anglais, au chapitre VII : "Ffeiriadwyr Melchisédech ! Ffeiriadwyr Melchisédech ! cria le vieux diacre méthodiste calviniste à barbe grise. « Prêtrise de Melchisédech ! Prêtrise de Melchisédech !" . Bergier raconte l'apparition d'une gigantesque rosace de flammes pendant le nuit et des guérisons miraculeuses dans la foulée. Tout cela se mêlait à la thématique du Graal, celle des cloches angéliques etc. Machen, qui restait pour sa part réservé sur la légende locale, signalait que la rosace pouvait venir du port et que les miracles des neuf jours qui avaient suivi étaient tous explicables sauf la lumière chaude qui venait soigner les gens.
"Il y a cette question, notait Machen en conclusion de son texte, de la distinction entre l'hallucination et la vision, de la durée moyenne de l'une et de l'autre, et de la possibilité de l'hallucination collective. Si un certain nombre de personnes voient toutes (ou pensent voir) les mêmes apparitions, cela peut-il être simplement une hallucination ? Je crois qu'il existe une affaire de premier plan en la matière, qui concerne un certain nombre de personnes voyant la même apparence sur le mur d'une église en Irlande ; mais il y a, bien sûr, cette difficulté, que l'on peut être halluciné et communiquer son impression aux autres, par télépathie."
Bergier avait été sensible aussi au fait relevé par Machen au chapitre VI sur la similitude des visions des habitants avec l'Anhelonium Lewinii ou peyotl (bouton de mescal popularisé par Castaneda) qui faisait voir des cathédrales gothiques à un de ses expérimentateurs. Assez bêtement Bergier ajoute qu'on est 40 ans avant les travaux d'Aldous Huxley, mais c'est oublier que le British Medical Journal en 1896 avait déjà analysé les effets de cette drogue. Je vous renvoie aux travaux de Gordon Wasson sur les enthéogènes, mais les enthéogènes n'étant que des vecteurs du surnaturel, les considérations sur ces vecteurs n'éclairent pas grand chose selon moi.
En tout cas, il est vrai que la référence à Melchisédech ne venait pas de nulle part. Donc on peut supposer que quelque chose s'est vraiment passé dans ce village gallois en rapport avec ce sage, même si la fiche Wikipedia de Llantrisant se garde d'en parler, et d'ailleurs peu de choses sur Internet se rencontrent à ce sujet. La Flying Saucer Review se serait emparée du sujet en 1972 dans le registre de l'ufologie, mais ses archives ne sont pas en ligne.
Les écrits juifs situent Melchisédech hors du temps. l'abbé Trithème (1462-1516) présente Melchisedech comme un eldil, c'est a dire, une créature inférieure à Dieu, mais supérieur aux Anges, catégorie reprise dans les années 1930-40 par C. S. Lewis. Pour Bergier, ce personnage, qui a pu être le prêtre d'un dieu nouveau au temps d'Abraham, pourrait donc venir d'un autre temps, ou d'en dehors du temps, pour aider les hommes à diverses époques, comme Fo-Hi en Chine, l'inventeur du Yi-King. Il insiste sur le fait que l'idée du voyage dans le temps vient de la culture juive.
AGCP de Hody rappelle que le 13 juillet 1483 Bernard de Breydenbach, doyen de l'église de Mayence, à la sortie de l'église de la Résurrection à Jérusalem se fit montrer les tombeaux des rois chrétiens dont celui de Godefroid de Bouillon... et de Melchisédech, fait confirmé par d'autres témoins mais les Latins n'ont jamais souscrit à l'authenticité de ce tombeau.