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Articles avec #christianisme tag

Une anecdote de Léon Bloy sur le Saint Christophe de Cologne

17 Juin 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christophe, #Christianisme, #Histoire des idées

Extrait de Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne : (pour faire suite au Mendiant ingrat et à Mon journal). I : 1900-1902 (p. 223-224) :

"Saint Christophe, l'Auxiliateur et le Géant Martyr qui mourut très-particulièrement pour moi, il y a 1652 ans. A une autre époque où j'ignorais encore à quel point il était mon protecteur et sans trop savoir ce que je faisais, j'ai tenté d'expliquer, à propos de Christophe Colomb, l'importance inouïe de ce personnage, surtout au point de vue prophétique (Voir le Révélateur du Globe). Aujourd'hui j'aurais bien autre chose à dire.

Que pensent les docteurs de la simple histoire que voici? Revenant de Danemark en 1900, nous couchâmes une nuit à Cologne, à quelques pas de la cathédrale. Je ne manquai pas, le lendemain matin, d'aller entendre une première messe. Je m'étais placé, à mon insu, au-dessous de la traditionnelle et colossale statue de saint Christophe qu'on est assuré de trouver dans la plupart des vieilles basiliques. Averti par une sorte de gêne, comme si un poids énorme eût été sur moi, je finis par lever la tête et je reçus en plein cœur la commotion de cette présence d'un ami de dix-sept siècles. Christophorum videas, postea tutus eas. Je me souvins aussitôt de ce vers léonin autrefois passé en adage « Regarde saint Christophe et puis va-t-en tranquille ». On croyait, au Moyen Age, qu'il ne pouvait arriver aucun mal dans la journée à celui qui avait vu, le matin, une image de saint Christophe. Cela pour des causes profondes que l'affaiblissement actuel de la Raison ne permet plus de comprendre.

A l'heure de notre départ, le train sur lequel nous avions compté ne parut pas, mais à sa place, un autre tout à fait extraordinaire. Rien n'était à espérer pour nous de cet interminable convoi dont chaque wagon avait été loué à l'avance par un torrent d'Allemands que l'Exposition attirait à Paris.

Nous glissâmes cependant une humble pièce dans la main d'un employé, en lui exposant notre embarras. Alors voici. Sans hésiter une seconde, cet homme nous conduisit à un compartiment interdit aux fumeurs où trois suceurs de pipes envoyés par saint Christophe nous gardaient nos places. Sur un mot de notre guide, ils nous saluèrent poliment, descendirent avec un air de satisfaction, comme des gens qu'on délivre d'une corvée, et nous arrivâmes le soir à Paris, presque sans fatigue et de très-bonne heure, portés par ce train rapide."

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Melchisédech, le visiteur hors du temps

11 Juin 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète

Melchisédech, en hébreu מַלְכֵּי־צֶדֶק (malkî-ṣedeq) « roi de justice », est un personnage biblique qui apparaît très brièvement dans l’histoire d’Abraham dans le livre de la Genèse 14. Il y est présenté comme « roi de Salem » (lieu non identifié) et « prêtre du Très-Haut » (El-Elyôn), auquel Abraham versa la dîme. Dans l'Épître aux Hébreux du Nouveau Testament, Jésus est déclaré « Grand prêtre pour toujours » à l'image de Melchisédech, en référence à Psaume 110:4 "L'Eternel l'a juré, et il ne s'en repentira point, que tu es Sacrificateur éternellement, à la façon de Melchisédec".

Jacques Bergier dans les Maîtres secrets du temps rappelle que France Soir le 26 novembre 1973 signalait l'existence dans un hôpital psychiatrique d'un personnage appelé Melchisédech qui se faisait appeler "prince Charlemagne SS" . Nul ne savait d'où il venait. Selon une de ses disciples poétesse de 52 ans c'est un véritable contemporain d'Abraham.

Bergier reprend aussi l'anecdote citée par Arthur Machen (1863-1947) dans son récit de 1915 "The Great return" dont Bergier situe à tort l'intrigue en juin 1917 (!) et qu'il semble tenir pour authentique : des inconnus arrivent dans le village de pêcheurs de Llantrisant, ils disent être des prêtres de Melchisedech et pendant une messe, ils prononcent des mots en grec ancien. Le récit détaillé de l'épisode est ici, en anglais, au chapitre VII : "Ffeiriadwyr Melchisédech ! Ffeiriadwyr Melchisédech ! cria le vieux diacre méthodiste calviniste à barbe grise. « Prêtrise de Melchisédech ! Prêtrise de Melchisédech !" . Bergier raconte l'apparition d'une gigantesque rosace de flammes pendant la nuit et des guérisons miraculeuses dans la foulée. Tout cela se mêlait à la thématique du Graal, celle des cloches angéliques etc. Machen, qui restait pour sa part réservé sur la légende locale, signalait que la rosace pouvait venir du port et que les miracles des neuf jours qui avaient suivi étaient tous explicables sauf la lumière chaude qui venait soigner les gens.

"Il y a cette question, notait Machen en conclusion de son texte, de la distinction entre l'hallucination et la vision, de la durée moyenne de l'une et de l'autre, et de la possibilité de l'hallucination collective. Si un certain nombre de personnes voient toutes (ou pensent voir) les mêmes apparitions, cela peut-il être simplement une hallucination ? Je crois qu'il existe une affaire de premier plan en la matière, qui concerne un certain nombre de personnes voyant la même apparence sur le mur d'une église en Irlande ; mais il y a, bien sûr, cette difficulté, que l'on peut être halluciné et communiquer son impression aux autres, par télépathie."

Bergier avait été sensible aussi au fait relevé par Machen au chapitre VI sur la similitude des visions des habitants avec l'Anhelonium Lewinii ou peyotl (bouton de mescal popularisé par Castaneda) qui faisait voir des cathédrales gothiques à un de ses expérimentateurs. Assez bêtement Bergier ajoute qu'on est 40 ans avant les travaux d'Aldous Huxley,  mais c'est oublier que le British Medical Journal en 1896 avait déjà analysé les effets de cette drogue. Je vous renvoie aux travaux de Gordon Wasson sur les enthéogènes, mais les enthéogènes n'étant que des vecteurs du surnaturel, les considérations sur ces vecteurs n'éclairent pas grand chose selon moi.

En tout cas, il est vrai que la référence à Melchisédech ne venait pas de nulle part. Donc on peut supposer que quelque chose s'est vraiment passé dans ce village gallois en rapport avec ce sage, même si la fiche Wikipedia de Llantrisant se garde d'en parler, et d'ailleurs peu de choses sur Internet se rencontrent à ce sujet. La Flying Saucer Review se serait emparée du sujet en 1972 dans le registre de l'ufologie, mais ses archives ne sont pas en ligne.

Les écrits juifs situent le roi-prêtre Melchisédech hors du temps. Il est le seul personnage de la Genèse à n'avoir pas d'ancêtres explicitement nommés (ce que redira St Paul dans He 7:3 - cf le Codex de Mechisédek analysé par Jean-Pierre Mahé en 2000).

L'abbé Trithème (1462-1516) présente Melchisedech comme un eldil, c'est a dire, une créature inférieure à Dieu, mais supérieure aux Anges, catégorie reprise dans les années 1930-40 par C. S. Lewis. Pour Bergier, ce personnage, qui a pu être le prêtre d'un dieu nouveau au temps d'Abraham, pourrait donc venir d'un autre temps, ou d'en dehors du temps, pour aider les hommes à diverses époques, comme Fo-Hi en Chine, l'inventeur du Yi-King. Il insiste sur le fait que l'idée du voyage dans le temps vient de la culture juive.

AGCP de Hody rappelle que le 13 juillet 1483 Bernard de Breydenbach, doyen de l'église de Mayence, à la sortie de l'église de la Résurrection à Jérusalem se fit montrer les tombeaux des rois chrétiens dont celui de Godefroid de Bouillon... et de Melchisédech, fait confirmé par d'autres témoins mais les Latins n'ont jamais souscrit à l'authenticité de ce tombeau.

 

PS : sur Melchisédech voir aussi ce cours au collège de France (fin du cours, année 2009-2010)

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Le nom de Marie Madeleine supprimé dans un exemplaire de l'Evangile de Jean

22 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire secrète, #Sainte-Baume

Une étude de 2016 d'une doctorante de l'Université Duke, Elizabeth Schrader (interviewée ici par le youtubeur Andrew Mark Henry), montre que les copieurs de l'Évangile de Jean ont peut-être diminué le rôle de Marie-Madeleine.

En regardant de près une image numérique du papyrus 66 -  un manuscrit grec du XIIe siècle généralement considéré comme le plus ancien manuscrit presque complet de l'Évangile de Jean - Elizabeth Schrader a remarqué quelque chose d'étrange.

Dans Jean 11:21 ("Marthe dit à Jésus: Seigneur, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort."), le mot « Maria » (ou Marie) avait été modifié : le symbole grec iota - le « i » - a été rayé et remplacé par un « th » qui a changé le nom en « Martha » (Marthe). Et dans Jean 11:3, le nom d'une femme a été remplacé par « les sœurs » : Les soeurs envoyèrent dire à Jésus: Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade.

Marthe est présente dans l'Evangile de Luc, mais il y aurait, selon Schrader, une volonté délibérée des copistes d'en faire dans l'Evangile de Jean la soeur de Lazare en lieu et place de Marie-Madeleine.

Dans Jean 11:27, c'est Marthe qui dit "Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir dans le monde", phrase très importante. Dans Tertullien (150-220), c'est Marie.

Le prédicateur James Snapp Jr a objecté que Schrader allait trop loin dans l'interprétation des  ratures observées dans le P66.

Dans Jean 11:1, explique-t-il, le copiste de P66 a d'abord écrit l'équivalent grec de "Or un certain homme était malade, Lazare de Béthanie, le village de Marie et de Marie sa sœur.   Puis, s'apercevant qu'il avait écrit « Marie » deux fois », il est revenu en arrière pour corriger le texte en effaçant la lettre iota dans la seconde Μαρ ι ας et en la remplaçant par la lettre thêta , de manière à écrire Μαρ θ ας.   Ce genre d'erreur n'est pas particulièrement inhabituel pour ce copiste ; il a commis au moins 15 autres erreurs de dittographie (écrire deux fois ce qui devrait être écrit une fois) dans le texte de Jean.  Pour lui, la plupart des points soulevés par Schrader sont des erreurs d'inattention, comme il en existe beaucoup dans les manuscrits.

On observera aussi que sur le Net, à part les objections de Snapp, il n'y a pratiquement pas de reprise de la thèse de Schrader sauf dans des gender studies (voyez sur Google Scholar), ce qui laisse entendre que celle-ci a sans doute tiré des conclusions hâtives  sous l'influence de l'air du temps...

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Où Jean Cassien rejoint Jean Climaque

16 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Histoire des idées, #Histoire secrète

Un extrait des Collations de Jean Cassien qui recoupe la position de Jean Climaque, sur le fait que la purification intérieure compte plus que les miracles extérieurs. Le travail intérieur contre soi est une forme de charité supérieure...

 

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Quelques bons conseils de Saint Jean Climaque

11 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme

Parmi les suggestions intéressantes du moine hésychaste syrien St Jean Climaque (VIIe siècle), je trouve ceci (L'Echelle sainte 725D) : "Selon la nature de nos passions, discernons à qui nous devons nous soumettre. Si tu es porté à la luxure, choisis un entraîneur ascète qui ne fasse aucune concession quant à la nourriture, plutôt qu'un thaumaturge qui serait toujours prêt à accueillir des hôtes et à les restaurer. Si tu es d'un naturel hautain, choisis le plus accommodant, et non pas doux et indulgent. Ne recherchons pas ceux qui sont doués de prescience et de prévision mais plutôt ceux qui sont parfaitement humbles et qui seront mieux qualifiés, tant par leur caractère que par leur lieu de résidence, pour guérir nos maladies".

On peut noter ici le lien intéressant qui est tracé entre luxure et nourriture : le remède à la première, c'est le jeûne. Un autre lien inattendu aussi : le don de faire des miracles est associé à la disposition à accueillir des gens (à la charité). Or comme souvent dans l'hésychasme, ce versant n'est pas particulièrement valorisé - malgré tous les débats que cela a suscité dans le christianisme oriental, de saints moines ont soutenu jusqu'au bout que celui qui a réussi à vaincre ses sens retournerait en arrière s'il abandonnait son ascèse solitaire pour retourner vers les pauvres : évidemment le précepte ne vaut que pour ces ascètes là, mais c'est quand même dans l'absolu une mise en garde contre l' "autrisme" comme dirait Mattei.

Autre point intéressant, valable pour tous, le fait que même chez les moines il était déconseillé de se précipiter vers ceux qui avaient des dons surnaturels, notamment des donc prophétiques, parce que cela pouvait soustraire à une certaine dynamique de l'humilité.

Je trouve aussi dans Jean Climaque des avertissements à ceux qui se satisferaient trop d'avoir une bonhommie naturelle, et aussi à ceux qui seraient trop impatients de progresser spirituellement. Ainsi en 725B il qualifie de "cénobites frelatés" ceux qui recherchent le jeûne le plus strict ou encore "la prière sans distraction", la "libération de la vaine gloire" ou "une chasteté surhumaine". "L'adversaire leur persuade de rechercher tout cela avant le temps, écrit-il, pour les empêcher de l'obtenir en temps voulu par leur persévérance". Voilà qui consolera par exemple ceux qui ne parviennent pas à réciter leur chapelet sans penser à autre chose (même si bien sûr l'absence de distraction doit rester l'objectif à terme).

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Mon article "nudité et spiritualité" dans la revue "La Vie au Soleil"

11 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Anthropologie du corps, #Généralités Nudité et Pudeur, #Christianisme, #Publications et commentaires, #Histoire des idées

Dans la revue "La Vie au Soleil" de mai 2022, je publie un article d'une page qui rebondit sur mon enquête consacrée aux médiums publiée en 2017 et pose quelques questions sur le rapport entre nudité et sorcellerie, nudité et ascèse etc. Il est accessible in extenso en cliquant sur ce lien.

 

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Un livre boycotté

10 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Publications et commentaires

Un livre boycotté par les institutions catholiques (notamment par les dominicains) :

 

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Ambroise de Sienne

8 Mai 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Sainte-Baume

A propos de l'arbre dominicain, nous avons déjà évoqué, concernant Ste Catherine de Sienne, le bienheureux Ambroise de Sienne (Frater Ambrosius de Sansedonids Senensis), représenté  dans le choeur de l'église de St Maximin sous le règne de Louis XIV par le frère convers Vincent Funel. Dans la génération qui avait précédé Funel, le prédicateur dominicain Paul Garra avait composé une vie d'Ambroise de Sienne,de même que le dominicain gênois Agostino Alessi en 1623. Ils avaient été précédés dans cette œuvre vers 1500 par Sébastien Flaminius. On s'intéressait beaucoup à Ambroise de Sienne au XVIIe siècle semble-t-il puisqu'en 1623 le dominicain Louis Marissal, natif de St Omer (mort en 1637) avait aussi traduit un "Tableau des vertus et miracles du B. Ambroise de Sienne et du B. Jacques Salomoni vénitien de l'ordre des Frères Prêcheurs", ouvrage publié à Mons (Flandres). Ambrogio est aussi représenté à Sienne dans un tableau de Ventura Salimbeni (début du XVIIe siècle), et quelques années plus tard un tableau de Raffaello Vanni.

Nous avons vu dans le précédent billet que ses reliques étaient dotées d'un pouvoir d'exorcisme selon les habitants de Sienne.

Issu de l'illustre famille de Sansedoni/Saint Sidoine (dont on peut voir encore le palais dans sa ville natale), il naquit à Sienne en Toscane le 16 avril 1220. Il était atteint d'une grave malformation congénitale : les bras collés au corps, les jambes aux cuisses, le visage sombre et disproportionné. Cette malformation lui valut d'être tenu à l'écart de sa famille chez une pieuse nourrisse, mais un pèlerin avait dit à celle-ci “Femme, ne cache pas le visage de cet enfant, car un jour il sera la lumière et la gloire de cette ville”.

Il en fut guéri dans l'église dominicaine de Sainte Marie-Madeleine.  Les petits Bollandistes : vies des saints. T. III, racontent ainsi sa guérison :

"Il y avait dans cette église une chapelle pleine de reliques, devant lesquelles elle allait prier pour la santé de l'enfant. Bientôt elle remarqua, ainsi que les religieux et les voisins, que quand elle se mettait dans un autre endroit de l'église, l'enfant pleurait toujours, et qu'il ne disait rien tant qu'elle demeurait dans la chapelle. Un jour que la nourrice sortait de l'église, l'enfant se mit à pleurer extraordinairement et à tourner le visage du côté de la chapelle avec de grands efforts. Les religieux et les assistants, étonnés, obligèrent la nourrice de retourner à la chapelle. Dès qu'elle y fut, l'enfant tira des langes ses mains et ses bras, jusque-là collés au côté, et, les élevant vers le ciel; invoqua trois fois, d'une voix très distincte, le nom de Jésus. A ce miracle, accoururent les personnes qui savaient combien l'enfant était contrefait. Les religieux font ôter les langes, et l'enfant commence à étendre les jambes, jusqu'alors collées aux cuisses son visage, jusqu'alors si sombre, commence à devenir tout serein et à resplendir de beauté, à la grande admiration de tous les assistants. La nouvelle d'un si grand miracle causa une joie extrême, non-seulement à la mère de l'enfant, mais à tous les habitants de Sienne tous firent des prières et des aumônes pour en bénir Dieu."

A trois ans il retourna vivre dans sa maison familiale (qui n'était pas encore le palais qu'on connaît aujourd'hui) et fut gratifié de vertus chrétiennes pendant toute son enfance :

"Dès que le petit enfant voyait un livre, il voulait l'avoir pour le feuilleter, comme s'il y entendait quelque chose, à tel point que sa mère ne pouvait dire devant lui ses heures de la sainte Vierge; car, si on ne lui donnait pas le livre, il se mettait à pleurer, même toute la nuit; dès qu'il l'avait entre les mains, il était content. Le père fit faire deux petits volumes avec des images, l'un de personnages du siècle, l'autre de personnages de religion, pour voir si c'étaient les figures ou les lettres qui faisaient plaisir à l'enfant. Il lui présenta d'abord le volume avec les images du siècle l'enfant refusait de les voir. Il prit au contraire un grand plaisir à regarder le volume des images religieuses, mais plus encore les lettres que les images. Il apprit promptement à lire. Sa plus grande joie fut dès lors de lire et d'entendre les psaumes, que sa mère avait coutume de réciter dans son office de la sainte Vierge. Dès l'âge de sept ans, il le récita lui-même chaque jour. Il n'avait encore que sept ans, qu'il se prescrivit une forme de vie très parfaite car, dès lors, il commença à dire tous les jours le petit office de Notre-Dame, à jeûner les veilles de plusieurs saints, et à se lever à minuit pour étudier leur vie. Etant plus âgé, il fit paraître une inclination merveilleuse pour assister les pauvres pèlerins, et il obtint même permission de son père d'en loger cinq, tous les samedis, dans un appartement qu'il avait fait meubler exprès. Il allait les attendre à la porte de la ville, et les amenait à la maison, où, après leur avoir fait beaucoup de caresses, il leur lavait et baisait les pieds avec une humilité et une tendresse admirables. Le lendemain, il tes menait entendre la messe, leur faisait visiter les lieux de dévotion de la ville, et enfin, quand ils étaient près de partir, il leur donnait une bonne aumône. Tous les vendredis il allait aux prisons consoler ceux que leurs crimes ou leurs dettes y tenaient renfermés. Les dimanches, après Vêpres, il se rendait à l'hôpital pour y servir les malades" (Petits Bollandistes op cit)

Il prit l'habit de Dominicain à l'âge de 17 ans malgré l'hostilité de ses parents et des tentations diaboliques de renoncer. Le diable lui apparut même sous les traits d'une jeune fille : " il se fit voir au milieu d'un bois, sous la figure d'une jeune fille d'une beauté ravissante, qui implorait son assistance; mais le saint jeune homme, découvrant le piège caché sous ces artifices, se munit l'une et l'autre fois du signe de la croix, et aussitôt ces spectres et ces fantômes disparurent."

Il fut envoyé à Paris pour y faire ses études (St Thomas d'Aquin est son condisciple), et après y avoir reçu son diplôme de bachelier, il alla à Cologne en 1248 étudier encore la théologie sous la direction d'Albert le Grand. Il contribua aussi à la conversion de la Hongrie dans les années 1260.

"On vit plusieurs fois, durant ses sermons, le Saint-Esprit descendre sur lui en forme de colombe et se reposer sur sa tête ce qui donna une telle autorité à ses paroles, que les pécheurs les plus endurcis étaient touchés de componction, et que les plus opiniâtres lui remettaient leurs intérêts entre les mains et se réconciliaient avec leurs ennemis. "

Sienne l'ayant rappelé car elle était frappée d'interdit pour avoir soutenu l'empereur Frédéric II , elle l'envoya vers le Pape Clément IV pour faire la paix avec le Saint Père et restaura les études théologiques dans la Ville Sainte. Il fut encore envoyé une seconde fois à Rome sous le Pontificat de Grégoire X (1271-1276) et obtint une seconde fois la réconciliation de sa patrie avec le saint Siège.

Son image de faiseur de paix était célèbre. Il disait que la vengeance était un péché d'idolâtrie "attendu que la vengeance appartient à Dieu seul, et que, par conséquent, celui qui se venge usurpe la place de Dieu".

"Un jour, malgré toutes ses exhortations, un homme de Sienne s'obstinait à ne point pardonner. Alors le Saint lui dit « Je prierai pour vous. Je n'ai que faire de prières, répliqua durement le vindicatif a. Le Saint ne laissa pas de faire pour lui la prière suivante " Seigneur Jésus-Christ, par la très-grande providence et sollicitude que vous avez sans cesse pour le genre humain, je vous prie d'interposer votre puissance dans cette vengeance projetée, et de vous la réserver, afin que tous connaissent que la punition des offenseurs n'appartient qu'à vous seul, et afin que la sensualité n'empêche point la connaissance de votre justice ". Ambroise enseigna publiquement cette prière aux peuples, les exhortant à la dire pour ceux qu'ils trouveraient obstinés à ne point pardonner les injures. A l'heure même que le saint homme faisait pour lui cette prière, le vindicatif se concertait avec ses amis et ses parents pour ne point faire de paix ni écouter Ambroise. Mais la prière du juste fut plus puissante. Tout à coup cet homme si dur se sent pénétrer de componction, toutes les raisons du saint homme lui reviennent à la mémoire, il passe deux jours sans presque ni manger ni dormir. Enfin il vient avec ses amis trouver le bienheureux Ambroise, pour le prier de faire la paix entre eux et de lui pardonner sa faute. "

Il refusa les prélatures que le Pape lui offrit, et finit sa vie saintement comme prieur du couvent de Camporegio à Sienne.

Sa prédication demeura toujours très populaire et entraîna des conversions profondes, alors qu'il était pourtant d'un naturel timide. Parfois, quand il prêchait, il lévitait et un cercle de gloire, dans lequel voletaient des oiseaux au plumage brillant, l'entourait, disent ses hagiographes.

A 66 ans, à Sienne, prononçant un discours contre l'usure, sa véhémence fut telle qu'une artère se rompit "ce qui lui fit rendre beaucoup de sang par la bouche. Le lendemain, le sang s'étant arrêté, il voulut continuer le même sermon; mais la veine se rouvrit, et il vomit une telle abondance de sang, qu'il vit bien que sa fin approchait." Il put quand même se confesser une dernière fois et mourut le 20 mars 1286 ou 1287, ce qui lui valut d'être inscrit au martyrologe. A ce titre il peut être considéré comme un des grands militants de la lutte contre le capitalisme et la financiarisation de l'économie, comme l'Eglise en compta tant avant de glisser sur la pente du modernisme.

La dévotion à son corps fut immédiate et les guérisons prodigieuses autour de son sépulcre furent immédiates. Immédiatement, avant même l' approbation épiscopale (9 mai 1287), les frères de Camporegio avaient ordonné l'enregistrement notarié des miracles attribués à son intercession (une trentaine d'actes dressés entre le 13 avril et le 9 juillet 1287 attestent d'événements surnaturels, vingt-huit à Sienne et deux à Bolsena) : un précieux dossier récemment étudié par la médiéviste Odile Redon (1936-3007) - cf O. Redon, Una famiglia, un santo, una città. A. S. e Siena, Une famille, un saint, une ville. AS e Siena , édité par S. Boesch Gajano, Rome 2015.

Le pape Honorius IV travailla à sa canonisation et chargea quatre religieux d'enquêter sur sa vie ; quoiqu'il ne pût l'achever (car il est mort en 1287) on fit néanmoins sa fête à Sienne ailleurs. Il n'a jamais été canonisé, on ne sait pourquoi. Au XVIe siècle, le chroniqueur Antoine de Portugal l'attribue à la négligence de l'Ordre dominicain à promouvoir les talents de ses moines : "Laboratum est interdum ut inter divos referretur, sed quae nostra solet esse in rebus cunctis decus ordinis concernentibus neligentia et socordia, minus quam fuerat nessitarium".

Les dominicains célèbrent la fête du bienheureux Ambroise en octobre, à l'occasion de l'anniversaire de sa béatification. On peut voir sur YouTube la messe célébrée par le cardinal Paolo Lojudice en son honneur le 20 mars 2022 au Palais Sansedoni.

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