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La sexualité d'Adonis

8 Mai 2014 , Rédigé par CC Publié dans #Ishtar

adonis.jpgAdonis est une figure très importante de la mythologie amoureuse gréco-romaine. Les Métamorphoses d'Ovide résument sa légende. Joseph D. Reed, professeur à l'université de Brown, spécialiste de la littérature hellénistique et augustéenne (de Virgile), a publié dans la revue Classical Antiquity d'octobre 1995 (il y a presque 20 ans) un intéressant article en ligne ici, intitulé tout simplement "La sexualité d'Adonis", qui insiste sur l'envers féminin de la conception machiste grecque de la sexualité.

 

Le culte d'Adonis est une adaptation grecque qui remonte au 7ème siècle avant JC de la lamentation annuelle mésopotamienne du dieu Tammuz (nom sumérien originel : Dumuzi avant sa traduction par les akkadiens), époux de la déesse de l'amour Ishtar (Inanna) qui a atteint la Méditerranée avec l'expansion de l'empire assyrien. Tammuz était pleuré durant l'été sec comme une personnification de la perte des récoltes et du bétail. Il était le protecteur du peuple, incarné dans les rois de Sumer et de Babylone. La lamentation rituelle par les femmes s'est répandue jusqu'à Jérusalem - voyez dans Ezecchiel 8, 14-15 : "Il m'emmena à l'entrée du porche du Temple de Yahvé qui regarde vers le nord, et voici que les femmes y étaient assises, pleurant Tammuz./ As-tu vu, fils d'homme ? Tu verras encore d'autres abominations plus affreuses que celles-ci."

 

Adonis a été transmis aux Grecs via les Syriens ou les Phéniciens (Adn dans les langues sémitiques veut dire "Seigneur" et les Grecs ont dû prendre cela pour le nom de Tammuz). A Athènes, les fêtes des Adonia n'étaient célébrées que par les femmes (à la différences de pratiques phéniciennes et chypriotes tardives qui finirent par admettre les hommes). C'était une fête informelle que les femmes célébraient sur leurs toits plats des maisons l'été en dehors du calendrier officiel.

 

A la différence du Proche-Orient note Joseph Reed, Adonis en Grèce est déconnecté des moissons, et il n'est qu'une aventure amoureuse d'Aphrodite, pas son époux comme Tammuz pour Ishtar. Et il n'est plus non plus un roi.

 

Pour autant Joseph Reed réfute l'analyse de l'anthropologue belge Marcel Detienne qui en faisait un culte "anti-agraire", lié au parfum (Myrrha est la mère d'Adonis), à la prostitution et à la sexualité non fertile, à l'opposé des Thesmophoria de Demeter. Selon Reed, c'est un raccourci car beaucoup de légendes grecques anciennes ne relient pas Adonis à la myrrhe et des cas de célébration par des mères de famille sont attestées. Surtout Reed blame la méthode structuraliste qui crée une vision univoque du mythe d'Aristophane à Saint Cyri.

 

Comme Devereux qu'on mentionnait il y a peu, Reed signale à propos de l'épisode de l'exil d'Adonis aux Enfers que dans certaines versions du mythe Adonis est un enfant, ce qui explique de Devereux se soit aventuré sur le terrain de l'inceste avec Aphrodite (pour mémoire dans la version orientale du sejour de Tammuz pendant 6 mois auprès de la reine des Enfers l'amour d'Ishtar ne joue aucun rôle), mais il souligne aussi qu'on ignore si les premières fêtes grecques autour d'Adonis mentionnaient l'amour d'Aphrodite ou le séjour aux Enfers. et laisse entendre à propos de l'emmaillottage du héros qu'un aspect important du mythe est peut-être de mettre en avant l'idéal féminin de protéger l'homme et le tenir hors des tourments, quand les légendes masculines sont plus axées sur le désir. Selon lui, Adonis a pu (si l'on interprète un peu largement le texte) avec le temps incarner aux yeux des hommes le mauvais chasseur (tué par le sanglier), trop dépendant des femmes, abandonné à la facilité de son jardin, tandis que pour les femmes, la lamentation sur le jeune Adonis pouvait exprimer leur regret devant leur impuissance à faire prévaloir dans la société leur sensibilité et leur envie de se rêver en Aphrodites dans une cérémonie privée une fois dans l'année.

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