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Was ist das, "Philosophie morale" ?

14 Août 2008 , Rédigé par CC Publié dans #Philosophie

J'écoutais une fois de plus à la radio aujourd'hui (une fois de plus car nous y avons droit tous les étés) un cours de Michel Onfray. Une de ces interminables promenades à travers l'histoire de la philosophie, promenades qui ne sont pour leur auteur que des prétextes  pour mettre en avant son idiosyncrasie (sa haine de la religion, son refus de la procréation etc). Je ne critique pas Onfray, car je sais que ses intentions sont bonnes, on le sent. Il veut mettre au service d'autrui les outils de ce qu'il considère comme sa libération personnelle (ce qui l'a propulsé du rang de fils d'ouvrier agricole à celui d'intellectuel médiatique à succès). Le fils d'ouvrier que je suis peut comprendre la démarche - ce qui m'étonne tout de même c'est qu'il garde une foi dans l'enseignement, je veux dire en la possibilité de dire quelque chose, et là mes pensées se tournent vers Deleuze. Mais laissons cela.

On peut se demander à l'infini pourquoi Onfray fait encore ça. Et pourquoi on le laisse faire cela, à quoi cela peut bien servir pour les gens, et pour les institutions qui orientent les goûts des gens. Est-il une soupape de sécurité pour un ordre social malmené ?

Depuis 25 siècles on se tourne vers la philosophie avec le sentiment que son geste, son mouvement, sera bénéfique à l'humanité même si les philosophes par eux-mêmes souvent ne le sont pas. On soupçonne qu'il y a quelque chose de précieux là-dedans, à tort ou à raison.

On ne peut dire cela sans immédiatement poser la question "qu'entend-on par philosophie ?". Est-ce que les incantations d'un chamane sont de la philosophie ? est-ce qu'une danse est philosophique ? Questions advenues avec la crise de la métaphysique, et que je ne puis évidemment qu'aborder allusivement ce soir. La philosophie, malgré ses prétentions radicales n'est-elle pas qu'une des formes de la spiritualité ? une spiritualité "à l'occidentale", une spiritualité adaptée à l'individualisme ?

Avant d'entendre Onfray je m'étais dit qu'aujourd'hui j'écrirais un billet sous le titre "De quoi Nietzsche est-il le nom" en pastichant une expression de Badiou devenue populaire. J'ai du mal avec le nietzschéisme, je ne puis le cacher. S'il n'y avait eu que Nietzsche dans la philosophie je n'y serais pas venu. Platon, Descartes, Hegel m'ont fasciné. Nietzsche n'était appréciable que comme un complément de cela, comme un éclat de rire final. Mais je n'aurais jamais aimé le nietzschéisme "tout seul". Aujourd'hui je vois bien que Nietzsche finit par fonctionner comme une sorte de paradigme à soi seul. Il est vrai qu'il peut le devenir parce qu'il est assez dense, assez vaste, et assez riche de contradictions (comme tout grand auteur) pour fournir des clés de réflexion. Et donc mieux vaut lui qu'aucun. Et mieux vaut Nietzsche que Hegel, car cela fait déjà une dose de religiosité en moins. Mais timeo hominem unius libri, et tout autant l'homme d'un seul auteur, ou d'un seul paradigme. Et ce paradigme là fait passer à côté de beaucoup d'autres choses.

Mais c'est un paradigme qui va bien avec la réduction de la philosophie à la philosophie morale. L'heure n'est plus aux grandes envolées (stimulantes) de la pensée métaphysique qui entendaient penser tout et le Tout. On a presque le sentiment que la philosophie, dépossédée par la science empirique - qui lui a volé les outils de pensée de la matière inerte, du vivant, et même du social - et par l'esprit démocratique - qui lui vole le politique, puisqu'il n'y a plus de "bergers des hommes" - se replie sur le pré-carré de la "construction de soi", de l' "éthos quotidien", du "comment dois-je me comporter avec mon voisin de palier ?" sur lequel viennent la rejoindre tous les gens un peu perdus, un peu fragiles. Ce n'est pas la première fois. Les grands replis sur la philosophie morale sont légions dans l'histoire de la discipline depuis Socrate. C'est même la fonction majeure que lui donna la Troisième République à ses époques les plus "centristes" (certains passage du livre de Pinto sur le métier de philosophe à cet égard sont bons à prendre).

Philosophie morale, micro-philosophie, le quotidien. Cette philosophie là, petite médication des âmes pour sujet en questionnement, est presque condamnée à forcer le trait de l'individualisme, je veux dire à accentuer le mythe de l'individu préexistant à lui-même, l'individu sans généalogie qui est son propre père, sa propre mère (je songe à Sloterdijk mais ne développons pas). Ce que j'ai toujours aimé chez Hegel, c'est sa manière réaliste de placer la société au principe, via la famille, comme mère de l'individu. Je comprends le geste de rupture à l'égard de cette pensée : oui, le sujet peut construire d'une certaine façon son statut d'orphelin, ou plutôt de monade autopoïétique, pour ainsi dire. Nous ne sommes pas enfermés dans l'Oedipe comme disait Deleuze. Mais il ne peut le faire dans un aveuglement adolescent sur la question de la dette, qui n'est pas dette à l'égard des géniteurs, mais dette à l'égard de la société et du monde (ce que Nietzsche lui-même dans ses moments conservateurs reconnaît avec beaucoup de lucidité). Et cette dette dépasse largement le volontarisme théorique de l'individualisme philosophique, et donc les artifices de la philosophie morale car elle est héritage en même temps que dette, héritage et donc formatage. Cette dette interdit même la possibilité d'une philosophie "réduite" à la philosophie morale. Car soyons clair : que vaut une philosophie du bonheur, ou de la construction de soi, si je vis dans une société où l'on me ment sur la guerre en Ossétie du Sud et sur tant d'autres choses (et où l'on m'encourage à me mentir à moi-même sur le monde où je vis) ? N'est-il pas urgent à ce moment-là que la philosophie réinvestisse le champ du politique (et pas seulement pour défendre les "acquis sociaux" comme l'a fait Onfray) ? que vaut une philosophie de l'individu qui ne place pas en son principe une étude de la biologie, du darwinisme, bref une philosophie qui ne se fait pas philosophie des sciences ?

Je dois un article à la revue Le Grognard, que je ne parviens pas à écrire, je m'en excuse auprès d'eux. J'avais été séduit, par le caractère modéré et sceptique de leur individualisme. Mais la philosophie morale individualiste même modérée n'est-elle pas encore trop dans l'abstraction et dans l'erreur ?

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E
Christophe,tu es bien indulgent avec Michel Onfray. Toutefois tu dois avoir raison lorsque tu dis que ses intentions sont bonnes (d'où l'indulgence). Quelle demande ses cours viennent-ils satisfaire ? Il y a aussi une part de construction dans son succès, auquel France Culture contribue depuis plusieurs années.
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L
Il me semble que le débat sur la nature de la philosophie ("construction de soi" ou métaphysique?) est aussi vieux que la philosophie elle-même. Kant lui-même (qui n'est pas n'importe qui dans l'histoire de la philo) était assez peu porté sur la métaphysique...Je suis moins critique que toi quant à la micro-philosophie. Elle a au moins le mérite de sensibiliser à la philosophie des gens qui n'y seraient pas spontanément enclins ou qui n'auraient pas la disponibilité nécessaire pour se plonger dans des traités de métaphysique (difficile quand tu as passé une journée à bosser dans un centre d'appel et que tu dois t'occuper des enfants le soir par exemple...).De plus à une époque qui déglingue les gens par un consummérisme outrancier, une pression au rendement et diverses formes de harcèlement quotidien, faire une pause avec Sénèque ou Marc-Aurèle est peut-être plus sain ou constructif que de claquer des fortunes chez le psy ou dans un centre de spa...J'ai aussi du mal avec Nietzsche. Son oeuvre est, certes, traversée de fulgurances géniales, mais j'ai du mal avec tout le reste. Je ne comprends pas quel système on peut bâtir à partir de tout cela. De plus mon esprit formé aux sciences (et donc au principe de non-contradiction) peine face à certains aspects antithètiques de sa pensée.Quant à Onfray, je l'ai découvert au début des années 90 (à l'époque de "Cynismes") et en suis plutôt revenu. Au-delà de l'aspect redondant de pas mal de ses bouquins (ne tournant qu'autour d'une thèse somme toute assez simple à résumer), nombre de choses me dérangent chez lui: son côté égotiste qui se traduit par sa tendance à parler sans cesse de lui dans ses ouvrages, ou formellement par sa volonté, assez pédantesque, d'utiliser un vocabulaire puisé dans le dictionnaire des mots rares et précieux (ce qui se révèle vite gonflant pour le lecteur), les racourcis assez hasardeux de sa pensée, certaines inexatitudes historiques du "Traité d'athéologie" (que je n'ai fait que feuilleter, je l'avoue) et enfin l'erratisme de ses prises de positions politiques (mis en évidence par ses soutiens succesifs lors de la présidentielle 2007)."Et pourquoi le laisse-t-on faire cela? (...)Est-il une soupape de sécurité pour un ordre social malmené?" Ou tout simplement une valeur sûre pour son éditeur? De toutes façons, nombre de "philosophes" médiatiques sont encore moins bons que lui (je te laisse deviner à qui je fais allusion)...
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A
Vous allez arriver à l'Epicurisme-courage encore un effort!
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C
<br /> Je ne sais plus si j'ai déjà parlé de l'épicurisme sur ce blog, mais c'est un sujet très long. Il y a un très bon bouquin de Renée Koch là-dessus qui montre toute la religiosité qui animait ce<br /> mouvement.<br /> <br /> <br />