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L'abbaye Notre Dame au Nonnains de Troyes et les vestales...

8 Novembre 2022 , Rédigé par CC Publié dans #Christianisme, #Anthropologie du corps, #Histoire secrète

Dans "Sur la route sociale", le franc-maçon André Lebey écrivait en 1909 (p. 55) : C'est à Troyes, une des cités les plus religieuses de France, qu'a été fondé l ordre du Temple, par Hugues des Payens. Une des premières sociétés maçonniques qui s'y établit s 'appela: Loge des Chevaliers Saint-Jean de la Palestine. Parmi les couvents nombreux qui s 'y perpétuèrent, le plus célèbre fut celui de Notre-Dame aux Nonnains, — remplacé par la préfecture qui passa toujours pour abriter une survivance des cultes du paganisme en même temps que certaines pratiques des prêtresses druidiques. "

L'histoire de cette abbaye m'a intrigué car elle est l'actuelle préfecture où j'ai travaillé pendant 6 mois, il y a bien longtemps.

L'abbé Charles Lalore, professeur de théologie au grand séminaire de Troyes, écrit en 1874 à son sujet (p. 151) :

L'abbaye royale de ND de Troyes a tiré l'origine de son établissement des Vestales qui étaient à Troyes où elles gardaient le feu sacré, hors les portes de Troyes. Elles y étaient nombreuses et avaient à leur tête une princesse de sang royal qui avait dans cette ville trois châteaux superbes. Saint Pierre y dépêcha Saint Savinien qui convertit en premier lieu les vestales, après quoi la princesse donna un de ses châteaux pour faire un évêché (et d'ailleurs elles demandèrent un évêque au roi), le second à la vicomté ou hôtel de ville, le troisième, elle se le réserva avec un terrain sur lequel étaient bâties toutes les maisons des vestales, qui étaient autour de leur temple, qu'elles dédièrent à Notre Dame après leur conversion (sans jamais avoir éteint le feu). L'abbé Lalore observe qu'il ne se peut que les vestales aient été ailleurs qu'à Rome, ni que leur temple fût hors des murs de la cité, et que St Savinien de Troyes est mort eu IIIe siècle. Il pointe qu'il est évident que l'histoire télescope plusieurs époques, parle du blason des trois châteaux omniprésent dans le couvent au XVIe siècle qui a pu servir de fondement à la légende.

Avant lui, Auguste Vallet de Viriville, auteur de méditations profondes sur la féminité en Occident, avait avancé que peut-être il y avait là le souvenir du temps où des chanoinesses séculières (comme au temps de St Geneviève, précise-t-il) avaient pu instituer le culte de la Vierge Marie, cette origine purement féminine du culte pourrait expliquer qu'ensuite les religieuses du couvent étaient investies lors de l'intronisation des évêques du privilège singulier de lui donner, dans l'enceinte de l'abbaye, ses vêtements sacrés. Puis l'évêque jurait sur le texte des Evangiles en parchemin, coutume attestée jusqu'au XVIIe siècle (Vallet de Viriville cite d'autres exemples de participations de bonnes soeurs à des rituels épiscopaux, à Rouen, en Italie...).

Peut-être est-ce dans cette pratique des bénédictines que Lebey voyait l'empreinte des "prêtresses druidiques" (qui seraient les soi-disant "vestales"), mais ce sont des éléments tout de même assez ténus. Il y a là en tout cas des éléments intéressants pour une étude de la spiritualité féminine en Gaule. Et d'un point de vue anthropologique, la place des nonnes dans l'investiture de l'évêque renvoie à cette problématique compliquée analysée par Michelet de la tension entre la femme et le prêtre, et du rapport masculin-féminin dans la religiosité.

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