A Saint Nicolas des Champs...
Peu de temps après la disparition de mon entité en août 2015 (voyez mon livre sur les médiums), je me suis intéressé à tout ce qui était guérison, délivrance, exorcisme etc. aussi bien en milieu catholique que protestant. C'est comme ça que j'ai suivi les enseignements d'Allan Rich, de Mme d'Astier de la Vigerie, et me suis rendu dans divers lieux où des guérisons se produisaient (rappelez vous que je suis même allé voir les antoinistes par curiosité, autant que dans l'espoir de guérir d'une tendinite).
J'avais entendu parler bien sûr de certains milieux charismatiques catholiques dans la lignée du père Tardif, mais j'attendais que l'occasion me soit donnée d'aller fréquenter un de ces cercles. Je crus cette occasion venue cet automne quand j'eus une conversation avec une psy un peu "New Age" de Mantes-la-Jolie, à qui je parlai des oppressions (maux de têtes, pressions sur le plexus solaire etc) que je subissais fréquemment. Elle me dit : "Il y a un endroit intéressant à Paris. Saint Nicolas des Champs. J'y ai amené une amie. Elle avait un cancer de l'anus. Elle a guéri instantanément, et, du coup, elle y retourne tout le temps maintenant. Moi je les trouve un peu intégristes, mais il s'y passe des grands moments de pardon. Ils se réunissent tous les jeudis. Il y a tout le temps des miracles qui s'y produisent.
Ca m'a surpris qu'elle parle de pardon, elle qui, dans son luciférisme, ne parlait jamais de péchés et de confession, et croyait qu'il fallait seulement "trouver le divin en soi". Mais je savais qu'elle n'était pas à une incohérence près. Cependant je savais qu'elle avait raison, concernant les miracles de Saint Nicolas, car j'avais déjà vu beaucoup de témoignages à ce sujet sur Internet. Et je me suis donc dit qu'il fallait que j'aille voir de plus près, avant que le froid hivernal ne me dissuade définitivement de sortir.
La psy m'avait dit : "Il faut y être assez tôt. Les places sont rares" Comme il y avait peu de trains au départ de ma province, je me suis retrouvé dans ce vieux temple parisien dès 16 heures, ce qui m'a permis de voir ce qui s'y passait bien en amont des "prières de guérison" de 18 h 15. Sur le panneau à l'entrée, il était écrit que l'astronome Gassendi y était enterré, ce qui ne m'a pas paru spécialement de bon augure car, autant que je me souvienne, ce contradicteur de Descartes était un libertin. Mais j'étais résolu à faire confiance à Dieu pour me protéger des éventuelles mauvaises influences.
Je n'avais regardé aucune vidéo avant d'entrer afin de porter un regard vierge sur tout ce qui me serait présenté. En entrant je fus donc frappé par la beauté des tableaux aux murs, ce qui ne m'inspira pas spécialement confiance, car personnellement je préfère toujours les lieux dépouillés. Il y avait une adoration du Saint Sacrement. Des chaises en plastique avaient été rajoutées pour la soirée, mais pour l'heure, il n'y avait là qu'une trentaine de personnes, pour les deux tiers des gens de couleur, comme souvent dans les séances d'adoration à Paris. Avec mon prisme de sociologue, je me suis demandé si les proportions seraient les mêmes à partir de 18 h15. J'ai repensé à cette correspondante antillaise que j'ai eue, qui habite maintenant à Béziers, et qui a des visions de Jésus-Christ et de la Vierge Marie qui lui délivrent des messages prophétiques. Je n'ai jamais trop su si ses révélations venaient de Dieu ou du diable. J'avoue que, prudemment, j'ai évité de me pencher là-dessus, même si elle a souvent insisté pour que je l'aide à les publier, et je me demandais, dans cette église, quel "égrégore" pourrait bien naître des prières communes pendant la séance de guérison si la plupart des gens avaient le même profil spirituel que cette correspondante... Est-ce qu'on importe les entités de sa Terre natale ? Songez à cette porte-parole de Trump, le soir des résultats de la proclamation des résultats de l'élection présidentielle américaine de novembre 2020, qui se perdait en incantations : "J'appelle tous les anges d'Amérique, tous les anges de l'Afrique, qu'ils soient libérés maintenant ici même, etc."
Vers 17h 30, il y avait déjà plus de monde. Et ce fut la récitation du chapelet. Pour le coup cela n'avait rien d'intégriste contrairement à ce que prétendait la pauvre psy assez ignorante des choses de la religion (et volontairement ignorante : elle n'a jamais daigné me poser la moindre question à ce sujet, sûre qu'elle était - à tort - de toujours en savoir assez), cela n'avait rien d'intégriste. Il s'agissait des mystères lumineux, introduits dans l'Eglise par la pape moderniste Jean-Paul II (très moderne fut aussi la façon don une officiante par moment transformait "fruit de vos entrailles" en "votre enfant" - ce qui constitue une toute aussi mauvaise traduction de "fructus ventris tui"...). Comme ces mystères brisent la cohérence des 150 "je vous salue" que présente la succession des mystères joyeux-douloureux-glorieux (150 comme les Psaumes, c'est le "psautier de Marie"), je me suis tout simplement abstenu de réciter en même temps que l'assemblée (de toute façon, j'avais déjà récité mes mystères joyeux le matin). Cette dernière, plus nombreuse qu"à 16 h, comme je l'ai dit, présentait le même profil sociologique, dans l'ensemble, et - ce qui m'a surpris - n'était pas spécialement chaleureuse. On ne pouvait pas s'attendre à ce qu'une fraternité particulière émane du groupe, ce qui est toujours regrettable - je suis certain que cela attriste Dieu...
A 18 h15, cela commença. Cette fois l'église était bondée. Le prêtre en blanc expliqua le principe des intentions de prière, et puis ce qui allait se passer pendant la cérémonie : la présence d'un "service d'ordre" (sic), le fait qu'on serait filmé, le fait qu'il y aurait des manifestations de l'Esprit saint, des "paroles de connaissances" qui seraient délivrées à certains fidèles pour leur dire lequel d'entre nous serait guéri et de quoi, qu'il ne fallait pas avoir peur (il est vrai que ce surnaturel irrationnel peut déstabiliser), que tout cela était déjà dans le Nouveau Testament etc. On est toujours frappé de voir comme il faut systématiquement qu'un prêtre ou un officiant "recadre" les choses bibliquement pour que les gens n'aillent pas spéculer sur de fausses pistes. Il y avait des connotations très protestantes à tout ça, et d'ailleurs pendant la séquence des "enseignements" le prêtre allait lire un texte d'un prédicateur évangélique. C'était protestant... à ceci près que les miracles allaient se produire à mesure qu'on allait promener le Saint Sacrement dans les rangs et qu'il n'y aurait pas d'imposition des mains.
L'officiant insista sur le fait qu'il ne fallait pas avoir peur, et cela allait revenir dans les chants : "je n'ai pas peur". Et il est vrai que parfois, s'en remettre à l'Esprit, dans cette mouvance charismatique, expose à des situations effrayante. La seule personne qui parvînt à guérir ma tendinite (pour quelques heures) au téléphone le 1er mars 2020 fut une femme qui s'était vouée à l'Esprit saint et faisait des miracles dans les rues... mais s'était mise au ban de toutes les Eglises et affrontait des tas de phénomènes paranormaux bizarres, y compris l'incendie de l'immeuble où elle vivait...
"Tournez vous vers votre voisin, dit le prêtre, et dites lui 'je vais prier pour tes intentions' " ("dis à ton voisin" est une expression qu'employait souvent le pasteur Samuel Peterschmitt en Alsace). C'était une bonne idée susceptible de sortir tout un chacun de son égoïsme, mais cela n'eut pas vraiment pour résultat de mettre les gens en communion. Les gens gardaient des visages fermés. A ma gauche, il y avait un vieil africain. Je lui dis la phrase rituelle, et lui la dit aussi, sans conviction. La jeune femme européenne derrière moi de la dit pas, mais eut un sourire charmant quand je la prononçai dans sa direction et dit "merci".
J'avais remarqué sa présence, depuis un quart d'heure, parce que, avant que le grand père ne s’assoie à côté de moi, elle avait prié avec beaucoup de componction en mettant ses coudes sur la chaise à côté de moi, de sorte que ses avants-bras étaient à moins de trente centimètres de mon épaule gauche, et que, du coup, je ressentais le magnétisme de son corps, au point d'avoir chaud à l'oreille gauche. Toujours attentif aux égrégores ou aux forces énergétiques qui pourraient se créer, je m'étais demandé ce que cette interférence pourrait provoquer. J'observais aussi mes sensations : j'avais toujours mal à la tête depuis le matin, et le plexus solaire un peu froissé, mais je ne ressentais pas d'oppression particulière. Le lieu avait l'air spirituellement sain.
Je me demandais si tous les gens présents étaient malades. Certains avaient peut-être des choses graves comme la dame avec son cancer de l'anus. Mais cela ne se voyait pas sur leurs visages. Avant de savoir que le saint sacrement circulerait dans toute l'église, je m'étais installé plutôt à l'arrière puisque moi, je n'avais rien de grave (du moins à ma connaissance) à part les oppressions certains jours et ma tendinite au pied gauche. Si les miracles se produisaient autour du prêtre qui officiait à l'autel, je voulais laisser la priorité à plus atteint que moi. J'avais aussi des intentions de prière pour une copine musulmane atteinte d'une leucémie (vu son commerce avec le monde invisible depuis l'enfance cela ne m'a guère surpris) et pour la fille bipolaire d'un collègue (cartésien en surface, mais lui aussi a des rapports bizarres aux forces sombres : amateur de Bob Dylan, exposé au chamanisme involontairement dans un happening artistique en 2019 etc, le piège classique des bobos parisiens), mais je sais que Dieu peut aussi les guérir indépendamment de cette séance à travers mes prières, comme il l'a fait pour mes parents. Et de toute façon, je ne voulais pas m'enfermer dans des intentions personnelles. Je voulais être vraiment de bonne volonté dans l'intérêt général, en faisant abstraction de moi-même et de mon entourage. L'Evangile dit que de toute façon les bienfaits personnels viennent "de surcroît" quand on est dans cet état d'esprit.
Le prêtre avait dit qu'il faut commencer par la louange (ce qui est une évidence), même si c'est difficile quand on souffre beaucoup. Et, puisque je n'étais pas malade, je m'appliquai d'autant plus sur ce volet là que j'étais dans une situation confortable. Les cantiques étaient simples. Assez "protestants" aussi, dans l'inspiration, sur le thème "Viens esprit saint embrase nous" comme chez les pentecôtistes. Les femmes au micro les portaient avec chaleur, et j'eus plusieurs fois les larmes aux yeux en les reprenant, comme cela m'est aussi parfois arrivé à certaines messes ordinaires. L'assemblée chantait avec plus d'application qu'aux messes dominicales. Je ne sais pas trop si mes émotions m'ont nettoyé de quelque chose, en tout cas, je sentais quand même une sorte de présence de l'Esprit, et je ne doutai point qu'il se produirai des miracles. Et d'ailleurs il s'en produisit, que des gens proclamaient au micro "une personne vient de guérir de sifflement dans les oreilles", "les verrues plantaires de celle-ci ont disparu", "les varices de quelqu'un dans l'assemblée vont guérir et il n'aura pas besoin d'une intervention chirurgicale", "un membre de l'assemblée souffre d'avoir quitté une congrégation religieuse, mais en se vouant à Saint Jean-Baptiste il trouvera sa voie".
Le prêtre avait dit qu'il ne fallait pas se fier à ce qu'on ressentait, et que, même si rien les concernant ne serait dit au micro, certains guériraient quelques jours plus tard sans même s'en rendre compte. C'est très vrai bien sûr, et en tout cas, je veux bien croire que ce petit passage dans cette noble assemblée bénéficiera aux deux personnes pour lesquelles je priais (pour me voir dans l'assemblée voyez à la minute 55'42 ci-dessous).
Je suis sorti vers 19 h 25, avant la fin. Je ressentais un peu moins ma tendinite, l'air dans mes narines me semblait un peu "épuré", bref je ne ressentais pas spécialement de mauvaises influences, et donc j'étais plutôt content de ce passage en ce lieu qui faisait honneur au Créateur.
Quand je pris mon train du retour vers 20 h, une scène assez étrange se produisit que j'interprétai comme une validation divine de mon effort pour assister à cette prière collective (un peu à l'image des surprenantes synchronicités que j'avais reçues à ma descente de l'avion au retour de Medjugorje en 2016, des synchronicités et même des miracles à vrai dire plus spectaculaire, mais mon effort d'alors, avait été aussi plus grand puisqu'il avait duré plusieurs jours). Jugez en plutôt.
J'étais à l'avant du train à manger un sandwich, avec ma bouteille d'eau d'Evian à côté de moi, quand un jeune homme entra.
Pour bien situer le contexte, il faut savoir que les trains sont un univers triste, totalitaire. Pendant deux ans ils ont été au service de la dictature sanitaire et diffusent encore des messages répressifs à tout bout de champ avec un robot à la voix féminine détestable. Et la SNCF une structure entièrement dédiée au racket qui vous oblige à réserver des places dans des wagons vides (j'avais dû payer un nouveau billet parce que celui que j'avais n'étais pas valable sur les trains directs, une nouveauté...). Les gens tristes y sont hypnotisés par leur téléphone portable dans lequel ils cherchent une évasion illusoire purement addictive.
Le train ainsi transformé en bétaillère inhumaine robotisée est d'autant moins peu propice aux rencontres (contrairement à ce qu'il en était il y a cent ans), que les populations qui l'empruntent sont chacune enfermée dans ses références, son style vestimentaire etc. En plus, je ne suis pas d'un tempérament très sociable, c'est le moins que l'on puisse dire, même si la sociologie m'a donné le goût de la compréhension des gens mais sous un angle assez intellectuel...
Revenons à nos moutons. Ce jeune homme, grand, maigre, était très typé banlieue : survêtement clair, capuche, lunettes de soleil qui cachaient ses yeux, le genre de type que les bourgeois de ma trempe d'ordinaire évitent. Il avait avec lui un vélo, et, chose que je ne remarquai point au début, quatre canettes de bière (quoique cependant il ne sentit point l'alcool, donc il ne les avait probablement pas consommées).
Alors que j'étais en train de mâchouiller la viande de mon sandwich sur mon siège il m'interpela :
"Monsieur, je viens de trouver ce vélo, qu'est ce que j'en fais ?"
Moi, encore dans l'ambiance des prières de guérison sur lesquelles je méditais, je répondis avec un certain naturel : "Vous n'avez qu'à le laisser sur le quai". "- Mais pour quoi ?" "- Le propriétaire va le récupérer" dis-je. Il s'exécuta.
Je continuais mon sandwich pensant la conversation terminée. Mais le type avait envie de parler. "Vous faites quoi ?" me dit-il. J'hésitai à répondre parce que me demandais sur quelle partie de mes activités quotidiennes il cherchait au juste à m'interroger. Il ressortit prendre le vélo, et me dit "non en fait le vélo est à moi". A tout hasard j'approuvai sa bonne blague en souriant. La dernière fois que je suis allé voir mon prêtre guérisseur, une vieille dame qui était là m'a dit "merci pour votre sourire, ça fait du bien". On voit bien que les gens manquent de sourires. C'est aussi ce qui manquait aux prières de guérison, même si cela se comprend vu que les gens étaient malades et pleins de préoccupations...
Il me tendit alors une de ses bières : "Tenez je vous l'offre". Il était toujours impossible de discerner l'expression de son regard, du fait de ses lunettes de soleil. Je dis simplement avec un geste de remerciement : "Non merci, je ne bois pas". Il fut surpris. Je montrai ma bouteille d'Evian : "Seulement ça".
Il me demanda : "Ah bon ? Vous prenez quoi alors ? de la coke en cachette de votre femme ?"
Je n'eus pas vraiment le temps de de penser dans le feu du dialogue, mais en arrière plan de mes mots il y avait effectivement le fait que je ne veux pas boire d'alcool pour que cela ne me mette pas dans un état d'esprit charnel et notamment que cela n'ouvre pas des portes d'accès aux succubes la nuit. C'est le genre de discours que de nos jours personne ne peut entendre, même s'il est profondément vrai.
Je dis assez naturellement, pour faire simple : "Non rien, ma drogue c'est Dieu," en montrant de l'index le Ciel. Je sais que c'est exactement le genre de propos qui peut me faire passer pour un halluciné, mais je suis toujours persuadé qu'il ne faut jamais mentir, dire les choses telles qu'elles sont, être la pierre d'achoppement s'il le faut. Les faux fuyants font le jeu des forces obscures et ne nous menaient à rien. Et je sentais peut-être inconsciemment que ce type bizarre qui faisait des blagues au premier venu sur son vélo dans un train où l'ignorance de l'autre et la méfiance sont la règle pouvait être interpelé par cette singularité.
Il me dit : "Ah bon, vous êtes quoi ? catholique ?", supposant peut-être que mon refus de la bière était musulman, mais que quand même, n'ayant pas le front marqué, ni la barbe, vu mon look, l'hypothèse de ma conversion à l'Islam était peu probable. Je répondis résolument "oui". Bien sûr, de nos jours, ce genre de réponse est mal. Il est toujours plus chic de se dire évangélique, ou témoin de Jéhovah... La dernière fois que j'ai essayé de parler du Christ à un type de banlieue c'était peu après mon retour à la religion, vers 2017, et il m'avait traité de "curé pédophile". Il faut dire que je m'y étais pris maladroitement à l'époque, car, suivant les enseignements de certains youtubeurs évangéliques justement, j'avais cru alors qu'il fallait "prendre autorité" sur les forces invisibles, oubliant au passage la nécessaire dimension de douceur, surtout à notre époque où les égos sont exacerbés...
Alors, le jeune type me demanda : "J'ai une question pour vous. Qu'est-ce que c'est que la paix ?"
La question m'étonna. Je compris que pour ce type parler de religion amenait nécessairement à s'interroger sur la paix, ce qui est au finalement assez profond. Je n'étais pas d'humeur analytique. Je pense que la séance à Notre Dame des Champs m'avait en fait rempli de l'Esprit, même à mon insu, et je dis posément à ce garçon : "La paix, c'est quand on n'a de conflits avec personne, et qu'on fait confiance à ce qui vient de Dieu". Il me dit qu'il n'avait pas compris le mot "confiance" "qu'est ce que ça veut dire, je ne comprends pas ?". Alors, un peu dans la veine du prêtre qui avait expliqué pourquoi il était important d'être dans la louange, je dis "c'est simplement penser que tout ce qui vous arrive c'est bien". Les mots me venaient comme ça, avec la conviction que ça allait apporter quelque chose à ce jeune homme.
Curieusement, il me répondit un truc du genre : "Oui, c'est vrai sur le plan sociologique, mais pas sur le plan de l'anthropologie". Et il sortit d'une phrase qui ne s'imprima même pas dans mon esprit tellement je savais que l'intervention des mots "sociologie" ou "anthropologie" qu'il avait sans doute entendus quelque part sans les comprendre, n'avaient pas leur place ici. Mais j'approuvais quand même ce qu'il disait par bienveillance spontanée.
Le type alors me dit : "J'ai encore une question : qu'est ce que c'est que l'humanité ?"
Un peu embarrassé, je cherchais une réponse. Et le garçon répliqua : "Ah, c'est trop difficile pour vous ça comme question, hein ? Hé bien l'humanité, c'est votre regard, c'est ce qu'il y a dans votre regard". Il me fit un "check" avec la main, me souhaita une "bonne après-midi" en souriant (alors qu'il était 20 heures passées, ce qui prouvait bien qu'il était assez "à l'Ouest" comme on dit) et alla s'assoir au fond du wagon.
Peu importait que ce jeune homme ait été un peu dérangé. "Dieu a choisi les choses folles du monde pour couvrir de honte les sages". Je sais que dans le regard de Dieu ce genre de "dérangement" est au dessus de notre rationalité. Il y a quelques années, devant Saint Lazare en hiver, j'avais vu un fou pieds nus en shorts qui, pataugeant dans les flaques d'eau, suppliait les gens de lui acheter des chaussures. Je me doutais bien qu'il y avait des associations pour lui offrir des chaussures d'occasion et que, s'il n'en avait pas, c'était parce qu'il avait un problème mental. J'avais quand même essayé de parler un peu avec lui et lui avais passé dix euros. Là encore ce n'était pas vraiment mon "égo" qui avait pris cette initiative, mais l'Esprit Saint en moi. Et, j'avais pu vérifier que cela était surnaturel, parce que, 200 mètres plus loin, quand mon billet ne passait pas les portes d'accès électroniques, diverses personnes étaient venues vers moi pour m'aider à franchir ces barrières, ce qui d'habitude n'arrivait jamais. A travers les gens un peu dérangé Dieu nous parle et, en suscitant en nous l'attitude adéquate, nous met dans des processus qui sont au dessus, au delà, de nos fonctionnements quotidiens. Il nous révèle pour ainsi l'envers du décor, et l'au-delà. Hier soir, il me mettait par ce dialogue que certains qualifieraient de "surréaliste", aux prises avec les seuls vrais enjeux, les plus profonds de la spiritualité, par delà la question (importante quand même) de savoir si l'on traduit bien l'Ave Maria ou pas : la question de la paix, de l'humanité, dans un monde où l'humain est divisé (y compris dans son for intérieur) et nié en permanence...
Je pense que le verdict final - qu'il y avait eu de l'humanité dans mes yeux, même si cette humanité provenait plus d'En Haut que de ma nature profonde, toujours méfiante et égoïste - venait pour ainsi dire valider le fait que j'avais sans doute bien fait d'aller à Saint-Nicolas-des-Champs quels qu'en soient les résultats pour mes "intentions" au profit des gens que je voulais voir guérir. Je ne sais pas si j'ai "évangélisé" hier soir, mais peut-être ce type bizarre est-il rentré chez lui avec une image plus positive du christianisme que celle qui circule d'ordinaire dans la culture dominante. L'Esprit fait des choses comme ça, parfois, alors que notre nature n'y prend aucune part et n'en reçoit pas de mérites.
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