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Le prince de Montpensier à Pau

10 Octobre 2020 , Rédigé par CC Publié dans #Otium cum dignitate, #down.under

Extrait de S. A. R. monseigneur le duc de Montpensier dans le département des Basses-Pyrénées (23-28 août 1843) :

 

(p. 15 et suiv). La ville de Pau présentait hier un de ces spectacles qui font époque dans les souvenirs d'une population. Après dé longs jours d'attente, elle voyait enfin arriver le jeune Prince qui va livrer à son amour une image dont la vénération s'est transmise de génération en généralion dans le Béarn ; elle venait assister à ces fêtes qui inaugureront si brillamment notre monument le plus populaire, le plus national,

Dès le matin, un grand nombre" de maisons avaient été pavoiséés des couleurs nationales ; on entendait battre lerappel: les tambours, les clairons, les musiques militaires, se répondaient d'une rue à l'autre, et à ce bruit, des masses d'habitans se portaient sur le passage du cortège.

La garde nationale et la troupe de ligne étaient échelonnées depuis la place Henri IV, jusqu'au milieu du pont de Jurançon, limite de la ville. Des détachemens d'infanterie stationnaient sur différents points, et notamment sur la place Henri IV. La garde nationale à cheval, chargée d'escorter la voiture du Prince, la gendarmerie, l'escadron de chasseurs étaient allés à la rencontre de S. A. R. précédés, d'un nombreux étatmajor à là tête duquel se faisait remarquer notre brave et illustre compatriote, M. le lieutenant-Général Harispe, entouré de MM. les maréchaux-de-camp baron Jacobi, commandant le département des Basses-Pyrénées , Rachis, commandant le département des Landes, Simon Lorière, commandant le département des Hautes-Pyrénées, et de plusieurs autres officiers-généraux.

M. le Préfet, qui était allé, comme nous l'avons

annoncé, recevoir S. A. R. aux Eaux-Bonnes, sur les limites du département, faisait aussi partie, de ce cortège.

Nous ne saurions donner trop d'éloges à la tenue parfaite et au zèle des gardes nationaux qui étaient venus répondre à l'attente de la cité.

Les gardes nationales des communes voisines étaient aussi accourues. Elles marchaient précédées de leurs autorités municipales, les maires et adjoinds ceints de leurs écharpes. Chacune d'elles avait sa bannière tricolore portant le nom de la commune et ses tambours ou sa musique rustique. Ce n'était pas là le coup d'oeil le moins pittoresque de la fête.

Le corps municipal de Pau et MM. les officiers en retraite s'étaient rendus à l'entrée de la ville pour attendre S. A. R.

A 11 heures et demie, des, cris d'allégresse ont annoncé que le Prince traversait le village de Jurançon, et quelques instans après on a vu déboucher le cortège à la tête duquel s'avançait M.gr le duc de Montpensier, monté sur un cheval blanc et en costume de Capitaine d'artillerie. — Aussitôt, le Prince s'étant arrêté, les cris de vive le Roi, ont éclaté, et M. le Maire a dit :

« Monseigneur,

« Henri de Béarn entrait dans Nérac. Désolées par la guerre civile, les campagnes s'étaient appauvries ; de nombreux agriculteurs, chassés par la faim, racontaient leur misère aux portes de la ville. « — Suivez-moi, dit le jeune Prince. » Il s'enquiert de la somme destinée aux solennités qui l'attendent, et, compatissant, la fait verser dans la main nécessiteuse. — Plus heureuse que Nérac, sauvée, comme le Pays, d'affreuses luttes par une haute sagesse, la ville de Pau peut à la fois vous offrir un hommage et soulager l'infortune. Oui, Prince, c'est ici la fête de tous, et ce rêve de votre Aïeul, à la simple et touchante formule, la poule au pot, est au-

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jourd'hui du moins , une réalité. Le pauvre le sait déjà. — Henri avait vingt ans alors ; Monseigneur, c'est votre âge. Laissez-nous dire que nous aimons à pressentir une heureuse ressemblance. Oui, vous aurez son humanité, l'exemple vous en vient chaque jour de bien près. Comme en lui, l'égalité vous sera une facile règle. Votre éducation libérale, cet accueil à tous dont nos Pyrénées garderont le récent souvenir, garantissent en vous ce sentiment. Vous aurez enfin ses vertus, guerrières; votre sérieux apprentissage de l'art militaire vous y prépare; et n'êtes-vous pas d'ailleurs de ce faisceau de jeunes et nobles Princes qui se battent en soldais et commandent en généraux ? — Entrez, Monseigneur, dans la Ville de votre Aïeul ; ses portes vous sont ouvertes ; nous vous y serrerons de près. »

Nous regrettons, de n'avoir pû recueillir toutes les réponses pleines de bonheur et d'à-propos, que le Prince a faites à chacun des discours qui lui ont été adressés. Nous croyons du moins pouvoir reproduire avec fidélité le sens des paroles du Prince, en réponse à la harangue de M. le Maire :

« C'est avec le plus grand plaisir, Monsieur le Maire, que je viens au milieu de vous assister à l'inauguration du Roi Béarnais, que je suis fier de compter parmi mes ancêtres. Ces souvenirs si vivans parmi vous que vous venez de me retracer avec bonheur, me causent une' émotion profonde. — J'espère que les habitans de ce beau pays voudront bien reporter sur les Fils une partie de l'affection qu'ils conservent loujours pour la mémoire d'Henri IV. — Je vous remercie, M. le Maire, de tous les voeux que vous venez de m'exprimer au nom duconseil municipal de la ville dé Pau. »

Pendant ce temps, une salve de 21 coups de canon annonçait l'entrée du petit fils d'Henri IV dans la cité Béarnaise ! L'effet de cette marche lente et solennelle présentait

quelque chose d'imposant ; l'émotion était grande à la vue de ce jeune rejeton du Béarnais s'avançant au milieu des flots pressés de la population vers l'antique demeure de son Aïeul. — Le Prince saluait de la manière - la plus gracieuse, la foule avide de contempler ses traits, sa taille svelte et élégante, sa tournure aisée, son air affable comme celui d'Henri. Il paraissait éprouver une vive satisfaction de se voir l'objet d'un pareil empressement.

Certes, M.gr le duc de Montpensier ne pouvait choisir pour faire son entrée à Pau , une route qui pût mieux réveiller en lui les souvenirs du grand-Roi. Bien avant la Croix du Prince , où il a quitté sa voiture pour monter à cheval, sa vue a dû se porter constamment sur le Manoir de Gaston-Phoebus. Delà, cet édifice se présente dans toute sa majesté. Le vieux donjon s'était paré pour le recevoir des couleurs tricolores. Un immense drapeau flottait à son sommet et de larges banderoles ondulaient sur ses murs. — L'entrée de Pau , par celle route, offre un aspect très-pittoresque} et jamais assurément cet aspect n'avait été pins beau qu'hier, avec toutes les terrasses chargées de spectateurs , des milliers de dames aux croisées et le bruit retentissant et continuel des symphonies militaires.

Le Prince a traversé ainsi la partie de la ville qui s'étend sur les terrains formant autrefois les dépendances du Château, et est allé meure pied à terre au lieu où naquit son Aïeul, il y a 290 ans.

Les autorités ont été admises quelque temps après à lui présenter leurs hommages.

Les présentations ont eu lieu dans l'ordre suivant :

Le lieutenant-général Harispe , commandant la division, avec son état-major. — La Cour Royale. — Le Préfet.— Le Conseil-général. — L'Evêque et le clergé. — L'Etat-major de la garde-nationale. — L'Etat-major

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de la division et les officiers du génie. — Les SousPréfets des arrondissemens et les conseillers de préfecture. — Le tribunal de première instance. — Le tribunal de commerce. — Le Conseil-Municipal. — Les officiers en retraite. — L'Université et le Collège. — Les Consuls, étrangers. — MM. les ingénieurs. — Les administrations des Forêts ; — des Finances ; — de l'Enregistrement ; — des Postes ; — Du Haras ; — Des Contributions directes et indirectes. — MM. les officiers de la garde nationale de Lescar. — M. le secrétaire-général de la HauteGaronne. — M. le Sous-Préfet de S.t-Gaudens.

Discours de M. Amilhau, premier présidant de la Cour royale.

« Monseigneur,

» Après les révolutions profondes qui renouvellent la face des nations, les peuples éprouvent le besoin de faire un retour vers le passé et de consacrer par les Lettres et les Arts les grandes époques de leur histoire.

» Placé entre deux mondes que séparent la Réforme et la Renaissance, un Prince né dans ces contrées fut élevé au trône par l'élément, moderne luttant au seizième siècle, La politique habile qui lui en fraya le chemin, contribua plus que tout autre cause à la chute du moyen-âge. Le vainqueur de Mayenne, le héros de la bataille d'Ivry, cette âme noble et fière sut allier au courage les vertus les plus généreuses ; il sut vaincre et pardonner, et fut de ses sujets et le Père et le Roi.

» Associé à tous les intérêts, à toutes les gloires de la France, le Roi ne pouvait céder qu'à ses fils l'honneur d'inaugurer la statue d'Henri le Grand ; dominant, à son exemple, les événemens par sa sagesse au milieu des troubles et des malheurs de la Patrie, il a eu, comme lui, le bonheur de rétablir l'ordre et d'assurer les bienfaits de la paix.

» Dans ce Palais fut le berceau de votre famille, Monseigneur ;

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chacun de vos pas foule une terre pleine de glorieux et brillans souvenirs. Deux Princes, vos frères, la parcoururent naguère au milieu des plus nobles et des plus vives sympathies. Dieu a rappelé à lui une puissante intelligence ; la France s'en est émue, l'histoire redira sa douleur et ses regrets. Là haute raison, et les qualités éminentés du Prince qui lui survit, nous donnent une légitime confiance dans notre avenir.

» Vous êtes mêlé à toutes nos espérances, Monseigneur ; animé de l'amour de la patrie, vous portez son drapeau et vous vous préparez à verser votre sang pour elle. Aux qualités de vos frères, vous joignez la bonté de votre aïeul ; vous êtes tout à nous, et dans ce solennel tribut payé par les Béarnais à la mémoire de leur Roi, vous retrouvez une fête de famille.

» La Cour Royale vient toute entière vous offrir son respectueux hommage. Dites au Roi, Monseigneur, que le plus jeune de ses Fils n'a trouvé au sein de ces populations loyales et fidèles que des sentimens d'admiration , d'amour et de reconnaissance. Dites-lui que la Magistrature , dont je suis l'organe , ne forme qu'un voeu , celui de lui exprimer plus dignement ces pensées dans le palais de son Aïeul. »

Discours de M. le comte de S.t-Cricq, Pair de France, président du Conseil-général.

« MONSEIGNEUR ,

« Le Conseil Général de ce département est heureux de se trouver appelé dans ce moment à ses travaux annuels, puisqu'il lui est ainsi donné d'apporter à V. A. R. l'hommage de son respect et de son dévouement. Il lui est doux de saluer l'un des premiers votre entrée dans cet antique palais de vos pères, restauré par une munificence toute filiale , et dont vous semblez venir reprendre aujourd'hui possession au nom de votre royale maison.

» C'est toujours pour, les Béarnais une fête de famille que la présence de leurs Princes : la vôtre, Monseigneur, nous

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devient plus chère en ce jour, par la mission que vous venez accomplir au milieu de nous.

« Le Roi, nous, le savons de lui-même, aurait vivement

désiré de présider en personne à la solennité qui se prépare. Retenu par les devoirs, si souvent amers, de la Couronne, il

a voulu être représenté par le plus jeune de ses fils , comme pour nous dire: celui-là aussi sera digne de sa race !

» Et nous, Monseigneur, témoins heureux, avec tous les Français, des brillants services déjà rendus à la Patrie par vos nobles frères ; charmés de cette ardeur que vous faites paraître, de cette grâce" chevaleresque qui déjà vous a fait aimer dans nos contrées, nous . disons avec Votre Auguste Père : tous, ils sauront continuer notre Henri. »

Discours de Monseigneur l'Evêque.

« Monseigneur,

» Votre présence dans la cité d'Henri IV et dans le palais de ce bon Roi, fait tressaillir tous les coeurs Béarnais. Le Clergé s'associe avec empressement à cette manifestation de voeux et de sentimeus dont vous êtes l'objet, car il sait ce que promettent à la Religion et à la Patrie les éminentes qualités de Votre Altesse. Elle a reçu du Ciel, comme le premier des bienfaits, un esprit élevé, un coeur noble et généreux ; la sagesse du Roi l'a entourée de ses conseils, et par les soins d'une Mère auguste, modèle de douceur et de piété , elle a connu de bonne heure le prix de la foi et la pratique des vertus. La voix publique n'a pas tardé à nous apprendre , parce qu'une épreuve solennelle et rigoureuse l'avait constaté, combien vos progrès dans les sciences humaines ont été brillants et rapides. Ce sont là , Prince , comme de belles fleurs au printemps de votre âge; déjà elles portent leurs fruits, et la France les recueille avec bonheur. Honorez toujours la Religion comme elle vous honore ; aimez noire beau Pays comme vous en êtes aimé ! que l'Ange du Seigneur qui a délivré le Roi de tant de périls, veille sur vos destinées ,

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et qu'il sbit donné à Votre Altesse de voir jusqu'aux limites les plus reculées de la vie, la France toujours en paix et toujours heureuse ! »

Le Prince a remercié M.gr l'Évêque et s'est recommandé aux bonnes prières de sa Grandeur et de tout son Clergé. Puis, il à ajouté avec une grâce parfaite. « Le Roi m'a chargé de vous remettre ce témoi» gnage de son estime : Je suis heureux de m'acquitler » de cette mission. » Et en disant ces mots, Son Altesse déposait dans les mains du Prélat la Croix de la Légion-d'Honneur.

Discours de M. Puyào, commandant de la garde nationale.

« Chaque fois que nos Princes honorent la ville de Pau de leur présence, nous nous empressons de leur offrir nos hommages et l'expression de notre dévouement et de nos sympathies pour le Roi.

» C'est avec le même bonheur aujourd'hui que nous prions V. A. R. d'agréer la nouvelle et plus vive expression de ces mêmes sentimens qui animeront toujours la garde nationale de Pau.

» Je me sens heureux et fier d'être son interprête auprès de vous, Monseigneur, dans une circonstance aussi mémorable pour la cité qui a vu naître notre bon et grand Roi Béarnais. »

Discours de M. Lacortiade, au nom du tribunal de première instance.

« Monseigneur,

» Le tribunal de première instance de Pau vient s'associer avec empressement au sentiment général d'allégresse, et de sympathie qu'inspire la présence dé votre Altesse Royale dans nos contrées.

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» Nous sommes heureux et fiers de présenter nos hommages, auprès du Berceau du Grand Henri, à un descendant de ce bon Roi , dont le nom, cher à tous les coeurs Français, réveille dans cette enceinte de si doux , souvenirs, à un de ces jeunes Princes qui sont l'orgueil de la Patrie, la joie, la consolation de leur auguste Père, et se montrent dignes, chaque jour, de marcher à la tête d'une grande nation.

» La solennité que vous venez célébrer en l'honneur de la plus grande gloire du Béarn, a remué ici trop profondément tous les coeurs, pour ne pas y laisser des traces ineffaçables.

» Chacun de nous se rappellera avec bonheur le Prince qui en aura été le plus bel ornement, et ne , cessera de l'accompagner, de ses voeux et de son amour, dans la brillante carrière qu'il est destiné à parcourir.

» Nous n'oublierons pas, Monseigneur, que votre présence au milieu de nous, pendant ces jours de fête, est une insigne faveur, qui met le comble à toutes celles que la bienveillance Royale se plaît à répandre sur cette Cité.

» Daignez, Monseigneur, mettre aux pieds du trône, la respectueuse expression de notre reconnaissance, ainsi que les protestations bien sincères de notre fidélité et de notre dévouement. »

Discours de M. Bégué, président du tribunal de commerce.

Monseigneur ,

« Le Béarn a vu enfin ériger la Statue du plus grand de ses Rois.

» Puissant homme de guerre , négociateur heureux et habile, plus grand administrateur, Henri IV, né Roi d'un pays libre, se montra digne de gouverner une grande nation ; il comprit que le bonheur des peuples ne se consolide que par la paix, la concorde et la tolérance.

» Habitans du Midi, nous n'avons pas oublié que sous

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l'égide de son édit de Nantes, nous eûmes d'immenses prospérités, que long-temps alors nous avons été en possession de la suprématie commerciale et industrielle. » Nous n'avons pas oublié qu'après la révocation de cette sage et grande mesure, notre pays fut couvert de ruines douloureuses et imméritées.

» Retirer dé l'oubli la mémoire du grand, du bon Henri, était digne du Roi, qui, lui aussi, a su ne rien préférer à la paix que l'honneur.

» De ce Roi, qui , protecteur éclairé du travail, apprit à ses fils que s'ils sont les premiers dans l'Etat, ils ont aussi envers lui les plus grands devoirs.

» Monseigneur , dites au Roi notre profonde gratitude pour la munificence qui dota notre ville, de l'image du plus illustre de ses enfans.

» Dites-lui qu'à côté du souvenir que nos coeurs garderont de ce don, vivra tout aussi impérissable celui du Prince qu'il envoya présider à cette grande solennité. »

Discours de M. Balencie, inspecteur de l'Académie. « Monseigneur,

» Le corps Académique et les fonctionnaires du Collége royal de Pau viennent vous présenter l'hommage de leur respect et de leurs voeux.

» La présence si désirée de votre Altesse Royale dans là cité qui se glorifie d'avoir vu naître le meilleur de, nos rois, a excité , parmi ses habitans, des élans d'amour et des transports d'allégresse.

» Le malheur des temps nous avait ravi l'image chérie, de ce prince vaillant. Son digne et immortel descendant nous l'a rendue , et pour ajouter encore à notre bonheur , Sa Majesté a délégué à un de ses augustes Fils la, pieuse mission de l'inaugurer, comme si elle avait voulu nous montrer , par cette double faveur, ce que déjà nous savions tous, qu'elle a pris pour modèle son illustre aïeul, ce Roi si connu pour sa paternelle

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sollicitude pour le, peuple, et dont le peuple reconnaissant a gardé la mémoire.

» Le premier bienfait, je dirai plus , Monseigneur, la première dette de tout Gouvernement envers le peuple, c'est l'instruction primaire; qui a pour objet de le rendre meilleur, et, par conséquent, plus heureux.

» La loi qui a fait pénétrer cette instruction jusques dans les plus petits hameaux du Royaume , est une loi éminemment morale et philantropique. Elle suffirait, à elle seule , pour immortaliser le règne de Louis-Philippe.

» Je me félicite, Monseigneur, de pouvoir annoncer à V. A. R. que, dans notre contrée, cette loi a déjà porté ses fruits, au-delà de toute espérance.

» Dans, une région plus élevée , l'instruction secondaire, sous la sainte influence de la religion , sous les lois d'une sage et ferme discipline, suit aussi, parmi nous, le mouvement progressif que l'Université imprime chaque jour de plus en plus aux études classiques.

» A mesuré que les lumières s'étendent et se propagent, le besoin des études se fait vivement sentir. Aussi, jamais la nombreuse jeunesse de nos écoles ne montra tant d'émulation et d'ardeur pour le travail ; jamais elle ne fut si sérieusement préoccupée de son avenir.

Et comment n'en sérait-il point ainsi, lorsqu'on voit les dignes fils de notre Roi, après avoir reçu avec elle, au sein de l'Université , la même éducation nationale, se soumettre à la loi commune, et ne vouloir tenir un grade , dans la carrière des armes, que du mérite personnel et des épreuves publiques d'un concours.

» Je m'estime heureux, Monseigneur, qu'il m'ait été donné , en l'absence du chef de l'Académie , de rendre devant V. A. R. , ce public et juste témoignage , que dans les trois départemens du ressort, élèves et maîtres, tous rivalisent de zèle et d'efforts, pour répondre dignement à l'attente du Roi et du Pays. »

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Le général Larriu, en présentant MM. les officiers retraités au Prince, s'est exprimé en ces termes :

« Monseigneur, les officiers retraités vous présentent leur respect et prient Votre Altesse de recevoir , par mon organe, la nouvelle assurance de leur dévoûment sans borne à votre auguste famille.»

Le Prince a répondu :

« Je la reçois avec plaisir de votre bouché. »

Ensuite M. le lieutenant-général Harispe a présenté au Prince MM. les colonels Oiivet et Lèbre.

Immédiatement après les réceptions , le Prince s'est rendu aux Courses, dans une calèche escortée par la garde nationale à cheval. A sa rentrée au Château , S. A. R. a présidé un banquet offert par Elle aux principaux fonctionnaires et notabilités du Département.

A 9 heures du soir, le Duc de Montpensier a assisté au Concert et au Bal donnés, par la ville.

C'était dans la vaste enceinte de la Halle que le Concert avait été disposé. Une immense estrade en gradins avait été dressée pour l'orchestre. Près de trois cents exécutans, choristes et instrumentistes, conduits par M. Habeneck, étaient là attendant le signal. L'auditoire se composait d'environ dix mille personnes.

Tout l'intérieur de la Halle était éclairé comme une salle de théâtre. Un lustre occupait le milieu de la voute. Les murs étaient tapissés de guirlandes de feuillage ; c'était partout de la verdure, de la lumière. Les personnes invitées pour le bal occupaient les galeries et les escaliers. Au bas se pressait une foule innombrable. C'était un océan de têtes !

Deux transparens , représentant les portraits en pied d'Henri IV et du Roi des Français, occupaient le fond de ce tableau.

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A l'arrivée du Prince, des acclamations enthousiastes, et répétées à dix ou douze reprises différentes, par ces dix mille spectateurs, ont salué le descendant du Béarnais. S. A. R. témoignait par des gestes d'affectueuse reconnaissance toute sa satisfaction, son bonheur, et les cris de vive le Roi ! vive le Duc de Montpensier ! retentissaient aussitôt avec plus de force.

Un roulement de tambour a donné le signal du concert. L'orchestre a exécuté d'abord la Bataille d'Ivry. Puis les voix et les instrumens ont dit avec un magnifique ensemble le choeur de Judas Macchabée et la Cantate de MM. Liadières et Auber.

L'effet de ces deux derniers morceaux a été surtout admirable. Nous en appelons à M. Habeneck lui-même, et nous sommes persuadés que ce sera là un des souvenirs les plus précieux de sa vie artistique,

La Cantate est, sons le rapport musical, digne de l'auteur de tant de chefs-d'oeuvre. Elle porte le cachet de son style. Les paroles sont dignes de la circonstance ; on voit qu'elles partent du coeur d'un véritable Poëte, d'un bon Béarnais. Les strophes en ont été chantées avec une chaleureuse énergie par M. Lafage, de Tarbes, lauréat du conservatoire de Paris.

Le Bal du Cercle offrait un coup-d'oeil magnifique ; mais les salons,, décorés avec autant de goût que d'élégance, étaient tellement encombrés , il y avait tant d'empressement pour suivre les pas du Prince, que la chaleur était accablante.

A 10 heures, les quadrilles se sont formés.

Le Bal a été ouvert par un quadrille dans lequel figuraient : LE PRINCE ; M.lle Azevedo, — M. le Préfet ; M.me Mezin. — M. Daguenet, député ; M.me Lamothe-d'In-

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camps. — M. Pèdré La Caze, ancien député ; M.lle d'Uhart. — M. Lacoste, sous-préfet d'Orlhez ; M.llee Viard. — M. le général Janin ; M.lle La Gaze.

Lé Prince a ensuite dansé plusieurs contredanses avec M.lle Drouin de Luiz , M.me Pardeilhan-Mezin ; M.lle Lamarque; M.lle Pèdre La Caze ; M.lle Lavielle.

S. A. R. s'est retirée à une heure.

Le portique de la Halle était orné avec beaucoup d'élégance. De belles illuminations, que le vent a malheureusement contrariées, décoraient cette façade. On lisait sur un transparent : Vive M. le Prince de Montpensier !

Dans l'après-midi, des orchestres et des tréteaux de bateleurs avaient été dressés à la Haute-Plante et à la Porte-Neuve.

Lorsque le Conseil municipal a été admis au Château à, présenter ses hommages au Prince-, S. A. R. lui a témoigné à plusieurs reprises toute la satisfaction que lui faisait éprouver l'accueil cordial et sympathique de la Cité Béarnaise. Le Prince s'est fait ensuite présenter M. Raggi, et il l'a félicité sur la beauté de son oeuvre. C'est M. Raggi qui a sculpté la Statue. M. Latapie, architecte du département, lui ayant été présenté ensuite, S. A. R. l'a complimenté sur sa participation à l'érection dé ce monument, ainsi que sur les magnifiques travaux exécutés aux établissemens des Eaux-Bonnes et des Eaux-Chaudes.

La Garde nationale à cheval d'Oloron est venue se joindre à celle de Pau, pour servir d'escorte au Prince durant les fêtes de l'inauguration.

Le Prince est parti ce matin pour Coarraze.

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JOURNEE DU 26.

Excursion a Coarraze. — Nay. — Gelos.

Le Prince est parti vers les 9 heures pour aller parcourir la belle plaine de Nay, et déjeuner au Château de Coarraze, chez M.Dufau, procureur-général de la cour royale. S. A. R. était escortée de la garde nationale à cheval , qui l'a constamment accompagnée dans toutes ses courses, et suivie de plusieurs voitures.

En passant à Bizanos, le prince s'est détourné de sa route pour visiter la fabrique à la Jacquart et la blanchisserie de M. Bégué. Tous les ouvriers étaient à leur poste ; le Prince a tout examiné avec la plus grande attention , et après avoir témoigné toute sa salis-, faction, à M. Bégùé , il s'est retiré en lui disant qu'il serait charmé de pouvoir dire au Roi qu'il avait vu dans tous ses détails la fabrique qui fournissait le plus beau linge de sa table.

Le Prince a continué sa route rapidement au milieu des flots empressés des populations, en traversant ces jolis villages à l'entrée desquels ou avait élevé des arcs de triomphe de verdure ; S. A. R. à remarqué surtout là forme élégante de: celui de Coarraze, autour duquel était rangée la garde nationale avec le conseil municipal, et une affluence encore plus considérable. M.gr le duc de Montpensier avait exprimé le désir de déjeuner à dix heures ; il est arrivé à l'heure précise ; il a été reçu au bas du perron par M. et M.me Dufau.

Entré un moment au Château, le Prince en est ressorti presqu'aussitôt pour examiner les environs; il s'est informé avec empressement de la vieille-tour , et a voulu y monter; parvenue sur la plate-forme, S. A. R. a té-

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moigné toute son admiration à plusieurs reprises sur la beauté dit paysage; profondément émue à la vue de ces lieux tout remplis des souvenirs de la jeunesse de son Aïeul, elle ne se lassait pas d'entendre les moindres particularités, et sa piété filiale se manifestait par les expressions les plus touchantes.

Le Prince a dû s'arracher à ces douces contemplations, lorsqu'on est venu lui, annoncer que le déjeûner était servi. — S.A. R. avait à sa droite M.me Dufau, et à sa gauche M. le général Harispe. — M. Dufau était vis-àvis le Prince , ayant à sa droite M. le comte de S.tCricq, et à sa gauche M. Amilhau , premier président de la cour royale. — La table était de 25 couverts. On y comptait : M. Azevedo , préfet du département ; — M. le général Jacobi, commandant du département des BasSesPyrénées ; — MM. La Gaze et Daguenet, députés du département ; — M. Fould, député des Hautes-Pyrénées ; — M. le général Rachis ; — M. de Latour, secrétaire des commandemens ; — M. le vicomte Daru , député ; — M. Manescau, maire de Pau ; — M. de Boisle-Comte , aide-de-camp de M. le général Harispe ; — M. Puyoo , commandant de la garde nationale de Pau ; — M. le baron Bernadotte, commandant de la garde nationale à cheval de Pau ; — M. Palengat, maire de Coarraze ; — M. Pujoulet, curé de Coarraze.

A une autre table, se trouvaient avec les fils de M. Dufau, les officiers de service et les gardes nationaux à cheval de l'escorte.

M. et Mme Dufau ont fait les honneurs de leur château avec une magnificence splendide ; le Prince leur en a témoigné tous ses remerciemens, de la manière la plus aimable. — il s'est ensuite rendu à Nay.

Là, S. A. R., après avoir été reçue par M. le maire , à la tête du conseil municipal, est allée à l'hôtel-de-

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ville, où M. le curé l'a complimentée. Elle a visité ensuite la fabrique de calicot de M. Lombré ; la fabrique de berrets béarnais de M. Fouard, et celle de MM. Lussagnet et Fould pour la filature du coton. — Le Prince s'est long-temps entretenu avec ces honorables industriels , a examiné avec le plus grand soin les produits de ces divers établissemens, et a prouvé par des paroles pleines de bienveillance tout l'intérêt que sa famille prend aux progrès du commerce.

Le Prince s'est ensuite retiré par la rive gauche du Gave; il a trouvé partout sur son passage les mêmes préparatifs et le même empressement. Arrivé au haras départemental de Lezons, M. de Perpigna, directeur de cet établissement, a fait passer sous ses yeux nos belles jumens et quelques-uns de leurs produits. S. A. B. a mar nifesté tout ce qu'une pareille fondation pouvait exercer d'influence pour la régénération de la race Navarrine ; il a surtout remarqué Valetine qui a déjà remporté de si beaux triomphes.

De là, le Prince s'est rendu au dépôt d'étalons de Gelos, qu'il a examiné dans les mêmes détails. Il a paru satisfait de la tenue de cet établissement, et a fait espérer qu'il contribuerait de toute son influence à lui faire obtenir d'autres beaux chevaux qui, réunis à ceux que nous avons obtenu depuis quelque temps, auront pour résultat de placer bientôt ce dépôt à là hauteur qu'il mérité d'occuper dans nos contrées.

Rentré à Pau vers trois heures après-midi, S. A. R. après s'être reposée pendant quelques instans, a fait prévenir M. le Proviseur du Collége que la distribution des Prix pour laquelle on l'avait attendue, pouvait commencer, qu'elle ne tarderait pas à s'y rendre. Aussitôt, M. le Proviseur a prononcé d'une voix ferme et sonore

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un discours élégamment écrit, où se trouvent ramenées, avec un rare' bonheur de pensées, les principales considérations qui doivent graver à jamais, dans le souvenir de la jeunesse Béarnaise, le souvenir des journées mémorables dont notre Pays vient d'être le témoin. — M. le Proviseur venait à peine d'achever une allocution aux élèves, lorsqu'un mouvement électrique qui s'est manifesté dans l'assemblées annoncé l'approche de Monseigneur. Aussitôt la musique du régiment a fait entendre une marche mititaire, les principaux chefs du Collége sont allés audevant du Prince , et bientôt il a paru accompagné du même cortège de notabilités, auxquelles était venu se joindre M. le duc Decazes , qui a voulu venir de Bordeaux pour assister à nos solennités. S. A. R. a dû être agréablement surprise, après des courses si fatigantes, de se trouver, sous la voûte d'un grand bosquet de chênes séculaires, où l'on avait ménagé, avec beaucoup de goût, une salle d'un nouveau genre, pour la distribution. Plus de douze cents dames, des pères de famille, s'y trouvaient commodément assis. Toute l'assemblée s'est levée à l'arrivée de S. A. R. , et l'a saluée des cris de vive le Roi ! Parvenue à la place qui lui avait été préparée, le Prince a. daigné décerner de sa main le Prix d'honneur de Philosophie. D'autres élèves ont été couronnés par les, principaux dignitaires qui accompagnaient le Prince. Après avoir assisté à la distribution des prix jusqu'à la 3.e, et témoigné toute sa satisfaction de ce qu'il avait vu, le Prince s'est retiré avec le même cérémonial.

Son Altesse est allée ensuite visiter l'Hospice, et là, elle a donné de nouvelles preuves, auprès du lit des malades, de sa générosité, de la bonté de son coeur. C'est surtout dans cet asile des souffrances, en s'entretenant avec les soeurs respectables de St-Vincent de Paule, qu'on a pu reconnaître un petit-fils d'Henri IV.

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Une dernière visite: restait à faire à celui qui vient nous rendre son image vénérée ; c'était l'humble maisonriette où ce grand : prince suça d'une paysanne de Bilhère le lait des héros. Après avoir rempli ce devoir religieux avec tout le respect que peut inspirer la piété filiale ; S. A. R. s'est rendue à la caserne et enfin est rentrée pour dîner à la Préfecture, pouvant dire qu'elle n'avait pas perdu sa journée.

Dans la matinée, M. Castetnau, adjoint, avait réuni au Cercle tous les enfans des Ecoles de la ville, afin de distribuer aux 4 sujets de ces écoles reconnus les plus mérilaus , les livrets de la caisse d'épargne accordés par le Conseil Municipal. Cette cérémonie a été fort intéressante. M. Gastetnau a adressé à ces enfans une touchante allocution, dans laquelle il leur a donné de: sages conseils, d'excellens préceptes, qui certainement ne seront pas perdus pour l'avenir.

Dans raprès-midi, il y a eu spectacle gratis, orchestres de danse à la Porte-Neuve et à la Haute-Plante, exercices de saltimbanques, mât de cocagne sur la place Henri IV, et ascension de ballon, dans. la. soirée. Tous ces divertissemens avaient attiré de nombreux spectateurs.

Bal du Château.

Parmi les fêtes brillantes auxquelles l'inauguration de là statue d'Henri IV vient de donner lieu, celle-ci a été une des plus magnifiques.

Quand on songe au délabrement dont le Château de Pau donna pendant tant d'années l'affligeant spectacle, et à la riche transformation qu'il a subie, grâce à la munificence d'un Roi, protecteur éclairé de tout ce qui

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se recommande au culte des souvenirs nationaux, on est amené à une bien respectueuse reconnaissance envers le souverain qui a déjà tant fait: pour notre ville.

C'était en 1787 , que fut donnée au Château la dernière dès: fêles qui précédèrent la révolution. Elle avait eu lieu à la rentrée d'exil du Parlement de Navarre. Entre cette fête et celle offerte aux habilans de Pau par le prince de Montpensier, 60 ans s'étaient écoulés , toute une génération s'était éteinte.

 

 

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