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Théophile de Bordeu à propos de Sévignacq

20 Juillet 2020 , Rédigé par CC Publié dans #Histoire des idées

Théophile de Bordeu, né en vallée d'Ossau en 1722, ancien élève des Jésuites à Pau (le lycée Louis Barthou), puis de la faculté de Montpellier, médecin de Louis XV (ses deux frères et son père furent médecins aussi), franc-maçon, encyclopédiste (ami de Diderot), vitaliste dans ses Lettres sur les eaux minérales du Béarn (p. 83) : " je ne dois pas oublier que vous avez dans Sévignac deux petites sources minérales, l'une est souffrée et l'autre est ferrée; on s'en sert quelquefois dans des tumeurs, des ulcères et des obstructions." Pas de mention en revanche de Sévignacq-Meyracq dans ses Recherches sur les eaux minérales des Pyrénées qui s'intéressent plus aux Eaux bonnes, aux Eaux chaudes, à Barèges, à Cauterêts. Dommage car dans ce village un Spa repris il y a deux ans par deux jeunes femmes vous installe dans des baignoires qui datent de l'époque de Théophile de Bordeu, les robinets aussi, et l'on y retrouve les deux sources que mentionnait le médecin béarnais.

Bordeu fut surpris par la mort dans son lit en 1776. Sévignacq lui doit sa notoriété. Mais Bordeu a manqué les ondines des eaux de Sévignacq dont une masseuse m'a parlé en décembre 2018. Pour lui ces contes mythologiques eurent le tort de détourner la médecine de l'intérêt pour les eaux, et il savait gré à la reine Marguerite de Navarre et à sa fille Jeanne à la suite des vicomtes de Béarn d'avoir su réconcilier les lettrés avec les eaux "des sorcières".

"Le 25 février de l'année 1754 que Théophile de Bordeu,. dans une longue dissertation sur les eaux minérales  de l'Aquitaine , soutint aux écoles de médecine de Paris, avec une supériorité de moyens peu commune, sa doctrine sur la nature, la marche , le traitement et la terminaison des maladies chroniques , dans le but de déduire de ; cet intéressant examen les effets généraux des eaux minérales de sa province. Les observations de Descaunets , ses propres observations, celles de son père, médecin de l'hôpital militaire dé Barèges et intendant des eaux minérales de la vallée, et -de son frère François de Bordeu, adjoint aux travaux de leur père commun, lui fournirent des matériaux propres à discuter de grandes et fameuses questions ,. et à terminer à 'l'avantage des parties les plus intéressées, des débats dont l'objet pouvait être regardé comme une affaire de famille de la plus haute importance.

Bordeu penchait vers le solidisme ; il était partisan de l'antique doctrine de Thémison (de Laodicée) et d'Asclépiade (de Bithynie), qui réduisaient presque toutes les maladies aux vices de relâchement et de resserrement. Il avait cru reconnaître dans les propriétés des sources minérales des Pyrénées des différences qui cadraient très-bien avec ce que lés anciens observateurs nous avaient transmis du .striction. et du laxum, comme causes des maladies ; et.c'est sur ces différences qu'il fonda , dans la dissertation dont nous venons de parler , son grand système des. eaux minérales de Bigorre et du Béarn.

Dans son but, Bordeu dût célébrer dans les eaux sulfureuses des vertus diaphorétiques , relâchantes, adoucissantes, émollientes, propres à diminuer les étranglemens , les grippes ; les irritations ,. les spasmes des différentes parties ; et il dût établir la nécessité . de leur emploi dans les maladies où les divers organes péchaient par trop d'action , de roideur , de sécheresse, et de sensibilité.

Mais d'une autre part, contraint par la nature même du plan qu'il s'était tracé , de reconnaître des maladies absolument différentes du vice de resserrement, et d'en indiquer les vrais remèdes , il. se vit obligé de signaler dans-des eaux de Bagnères , des propriétés entièrement opposées à celles de Barèges , et il conclut, tant de leurs qualités intérieures et extérieures , que des effets qu'elles produisaient sur le corps vivant, qu'elles étaient purgatives , diurétiques, et sur-tout toniques ou propres à augmenter le ressort de toutes les parties ,et  notamment celui de l'estomac et de ses dépendances ; qu'enfin, elles étaient comme spécifiques dans les affections entretenues par la mollesse , l'engourdissement, le relâchement, et le trop d'inaction des différens organes , etc. , etc. "

Bizarrement Bordeu avait été accusé d'avoir volé une montre sur le poignet d'un de ses patients morts (le Parlement de Paris le déclara innocent mais ne punit pas les accusateurs)... Le bonhomme, quoique de brillante conversation, n'était peut-être pas si fréquentable que ça... Faut-il voir un trait de licence dans le fait qu'il eût écrit son Traité sur le pouls, et il pressentait bien des maux, rien qu'en baisant la main de ses clientes ? Et quid de son penchant pour la poésie en langue gasconne ?

Dans la même veine (mais humoristique) un soir, au bal de l'Opéra, un spadassin lui vint chercher querelle à de Bordeu. Celui-ci lui répond : — Allez, allez, mon ami, lui dit Bordeu, vous n'êtes point de taille : j'ai tué plus de gens que vous ! Le marquis de Ségur précise qu'il déplaisait à Melle de Lespinasse à cause de ses paradoxes et du cynisme de ses propos.

Pure diffamation selon certains.  On lit dans la préface à l'édition de 1833 de ses Recherches sur les eaux minérales des Pyrénées :" L'envie, qui s'attache à toutes les illustrations, devait être une compensation à cette gloire. Elle fatigua la vie de Bordeu ; elle s'acharna contre lui avec une incroyable audace ' et une dévorante opiniâtreté. Elle attaqua ses moeurs si pures et si douces, sa probité si sévère, son désintéressements! réel. Il était tel, qu'après la pratique la plus active, au milieu de la clientelle la plus riche, Bordeu ne laissa qu'une fortune modeste, déposée chez son compatriote de Laborde, le banquier de la Cour." C'est aussi l'avis d'un Jean-Michel Guardia dans son Histoire de la Médecine (1884) qui en fit une sorte de "professeur Raoult" de son temps, qui, à partir d'une formation "sudiste" à Montpellier, avec son vitalisme, va renverser les certitudes d'une médecine parisienne trop axée sur la chimie. Même avis chez Barbillion.

Quant aux sources aux nymphes dont la masseuse faisait l'apologie, je vous laisse juges... Pour mémoire les conciles d'Arles (452), de Tours (567), de Nantes (658), de Tolède (681), un édit de Charlemagne (789) ont interdit et condamné les croyances populaires qui vénéraient l'esprit de ces pierres, ou des arbres ou des fontaines.

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