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Mon livre sur les médiums présenté dans la revue des Archives de Sciences Sociales des Religions

11 Février 2019 , Rédigé par CC Publié dans #Publications et commentaires, #Médiums

Vient de paraître, dans le  Bulletin bibliographique de la revue des Archives de Sciences Sociales des Religions n°184 d'octobre-décembre 2018, une recension de mon dernier livre consacré aux médiums signée par Régis Dericquebourg, professeur associé à la Faculté des études comparatives des religions et de l'humanisme de l’université d’Anvers (Belgique) et membre du groupe de sociologie des religions et de la laïcité (CNRS-Paris). En voici le texte (également publié ici) :

Christophe Colera. Les Médiums. Une forme de chamanisme contemporain. Paris. L’Harmattan. 2017. 171 pages. 

La courte étude sociologique de Christophe Colera sur des médiums mérite d’être signalée car les travaux sur ce milieu ne sont pas légion. Celle-ci est dans la lignée de la thèse de Marc Antoine Berthod (Doutes, croyances et divination. Une anthropologie de l’inspiration des devins et de la voyance. Lausanne. Ed. Anthropos. 2007) que nous avons recensée dans le numéro 144 (oct.-déc. 2008) des ASSR et de l’étude de Christine Bergé (La voix des esprits, Paris. Métaillé. 1990). L’étude repose sur une observation participante jointe à une recherche documentaire et à l’administration de 8 entretiens semi-directifs réalisés entre 2014 et 2016 avec des « médiums de faible notoriété » et des personnes qui avouent avoir des intuitions médiumniques classée dans la catégorie : paramédiumnité (p .15). L’auteur se situe donc dans une sociologie qualitative qu’il relie à « l’anthropologie de l’étrange » (du nom de l’anthropologie du du « wonder » proposée par Michel W. Scott (p.14). L’implication de l’auteur dans son enquête est forte. En effet, en exposant le Sitz Im Leben dans celle-ci, l’auteur confesse que sa recherche a débuté en 2014 à l’occasion d’une dépression qui l’a conduit vers la thérapie médiumnique. L’élément déclencheur fut une voyance « exacte » qui enclencha ce qu’en psychanalyse, on appellerait un transfert à la thérapie médiumnique. A partir de cet évènement inducteur de transfert, CC établit une relation double avec les médiums : celle du patient, celle du sociologue et celle du philosophe qui analyse les pratiques spirites et les discours qui les légitimisent.

Le traitement des données recueillies visent à voir comment la médiumnité devient une religiosité clandestine, un « chamanisme underground », voire une philosophie de l’humanité et de l’histoire dans laquelle leur doctrine serait un « hégélianisme corporel » tel qu’il le développe dans son intéressant chapitre 5. Pour ce faire, le dépouillement des entretiens comporte trois rubriques : 1) les parcours de vie, 2) les pratiques et les rituels, 3) les visions du monde.

En dehors de l’inscription de la médiumnité dans une thèse philosophique, CG décrit un champ social avec ses réseaux de sociabilité, son imaginaire (mis en évidence grâce aux références livresques des acteurs sociaux et des objets dont ils s’entourent ou qu’ils utilisent comme outil de leur art), ses affinités avec des théories et des pratiques du développement personnel (la prise en charge suivie d’une personne par un médium qui devient une sorte de thérapeute et de mentor s’apparente à du développement personnel). D’autre part, l’auteur découvre une morale de base de la médiumnité. Il la trouve peu suivie par les praticiens puisqu’elle serait contrée par une « amoralité narcissique », un fantasme de toute puissance qui serait la conséquence de leur don et une volonté de prendre autorité sur les clients. Ces écarts (l’auteur ne parle pas d’éthique, ni de déontologie) seraient facilités par l’absence de théorie de la culpabilité dans cette morale. Certains médiums conscients de ces déviances utiliseraient des techniques que l’auteur ne détaille pas pour les éviter. Sur le plan de la relation à la société, l’opinion des médiums sur la société se limite à une thèse du complot. La politique est reléguée au « bas astral » bien que certains se fassent parfois « conseiller du prince ». Ils sont loin du spiritisme de la fin du 19 me siècle qui avait des affinités avec le socialisme et le mouvement ouvrier. Sur le plan religieux, les pratiques médiumniques étant condamnées par la plupart des Eglises établies et des groupes religieux minoritaires, les médiums se tournent donc les Eglises du courant Vieux-catholique. Ce choix nous avait été confirmé autrefois par un membre de l’Eglise libérale de Lille qui recevaient des médiums du Cercle spirite de cette ville. L’auteur examine aussi la « carrière des médiums » notamment la vocation (filiation, rencontres, expérience de « near death experience », « appel » d’un esprit).

CC rattache le phénomène qu’il observe au Nouvel âge que Séguy appelait « réseaux sapienzo-gnostiques ». Cela mériterait un débat car le spiritisme a une histoire antérieure (principalement depuis le 19 me siècle en occident) ainsi qu’une dynamique propre. Il se peut simplement que les spirites contemporains empruntent des éléments du discours du Nouvel Age (comme les « vibrations ») et s’approprient des conceptions occidentalisées et erronées du bouddhisme, du karma… communes dans cette mouvance sans y fondre. Nous nous demandons ce que l’auteur entend par psychanalyse comme « pensée magique » (p.96). La pensée magique est un mode de pensée décrit par la psychanalyse elle-même comme symptôme. Veut-il dire qu’elle n’est pas une science comme la psychologie académique qui est elle-même une « fausse science » (Cf Didier Deleule, La psychologie mythe scientifique, Paris, Laffont, 1969). De même nous nous demandons pourquoi il évoque la thèse de madame Tessier (p. 95) qui donna lieu en 2001 à une polémique lancée par des journalistes qui ne l’avait pas lue. Ces remarques n’entachent pas l’intérêt du livre qui a aussi le mérite de la clarté.

Régis Dericquebourg

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