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Deux interviews qui tombent à l'eau

3 Août 2017 , Rédigé par CC Publié dans #Interviews en rapport avec mon livre "La nudité", #Nudité-Pudeur en Europe

J'ai été contacté en juillet par Anne Desquins pour le magazine Biba et par Benoît Jérôme pour le Parisien Magazine.

Ces deux interviews sont tombées à l'eau. Par un mail d'hier Anne Desquins m'a fait savoir que la citation de mon interview qu'elle avait prévue de glisser dans son article a disparu pour des raisons de mise en page (ils ont préféré publier une grand photo). Aujourd'hui par un message téléphonique sur mon répondeur Benoît Jérôme me fait savoir que sa direction a renoncé au projet d'article programmé pour le 4 août sur le projet de centre naturiste à Paris parce qu'ils étaient obligés d'y mettre des photos (voir l'article du Canard enchaîné de cette semaine ci dessus, désolé il ya un bug sur overblog, on ne peut pas l'afficher à l'endroit). Pour que le travail effectué avec ces deux journalistes ne soit pas complètement perdu, je vous livre le contenu de mes réponses aux questions d'Anne Desquins pour Biba.

1- pourquoi la jeune génération est elle attirée par le naturisme ? (engagement politique ? écologique ? etc )

 

Tout d'abord il faut préciser la notion de "jeune génération". Il est vrai que le naturisme  se porte moins mal que dans les années 2000. En 2015 la FFN a enregistré une augmentation de ses adhésions de 40 % en 2015, mais on reste a seulement 5 % de pratique fréquente et 17 % de gens qui se disent éventuellement attirés (y compris les 5 % précédents). En outre au niveau qualitatif beaucoup de camps naturistes se plaignent de la venue de visiteurs qui gardent leurs vêtements donc ça reste à géométrie très variable. La moitié des gens tentés par le naturisme ont moins de 50 ans, mais ce ne sont pas des gens très jeunes. Selon un sondage TENA d'il y a 8 ans les femmes de la tranche 18-35 ans restaient les plus réticentes à supporter la vue d'autres femmes nues sur des plages naturistes. Elles étaient aussi les moins nombreuses à pratiquer la nudité sur des plages et même dans leur jardin. Il y a donc seulement un petit rajeunissement du naturisme à travers la tranche des 30-40 ans qui peut s'expliquer effectivement par certaines actions de valorisation de la nudité dans des combats politiques très relayés par la presse, et toute une culture de notre époque qui fait du corps l'instrument d'expression d'une liberté et d'une authenticité intimes.

 

2- est il plus difficile pour une femme de pratiquer le naturisme que pour un homme ? (barrières culturelles ? diktat des canons de beauté ? etc)

 

Effectivement 23 % des hommes tentés par le naturisme en 2015, mais seulement 13 % de femmes selon un sondage de 2015, ce qui rejoint les données du sondage IFOP-TENA avec beaucoup femmes qui non seulement ne supportent pas d'exposer leur propre nudité, mais aussi celle des autres (les chiffres sont éloquents sur la gêne devant les dénudations d'autres femmes dans des lieux qui pourtant se prêtent à cela comme les vestiaires des gymnases). La nudité reste souvent associée au manque de respect pour autrui. "La nudité c'est comme la cigarette on n'est pas obligé de la mettre sous le nez des autres" disent certains. Les canons de beauté jouent aussi évidemment car 52 % des femmes n'aiment pas leur corps. Ou encore la protection de l'enfance. "Je préférerais que mon enfant croise une puéricultrice avant un pénis" lisait-on dans la presse récemment à propos du projet de parc naturiste à Paris. Et puis bien sûr la nudité reste associée à la sexualité avec tous les réflexes de gêne, de crainte etc que cela engendre.

 

3- en 2017, la nudité peut elle encore choquer (en France et/ou en occident) ? est elle encore subversive ?

 

Les chiffres des sondages sont éloquents sur toutes les situations de mal-être que la nudité peut provoquer. Vous noterez que fin mai des jeunes femmes en bikini ont été priées par la police de se rhabiller dans le jardin du Luxembourg à Paris dans une ville qui prévoit par ailleurs d'ouvrir le bois de Vincennes au naturisme, ce qui est un paradoxe instructif. L'été dernier une jeune femme avait provoqué une altercation violente en Charente parce qu'elle jouait au pingpong topless devant des enfants. La nudité publique est admise en dehors des espaces naturistes pour la défense de cause spécifiques (causes sociales, écologiques) mais heurte la sensibilité de beaucoup en dehors de ces contextes spécifiques : la condamnation en appel en février dernier de la FEMEN Eloise Botton pour son actions à la Madeleine l'a montré. La nudité est banalisée, dans la publicité, au cinéma, su le Net, et en même temps cette banalisation provoque des effets de saturation qui placent encore la nudité tantôt dans le domaine de subversion, tantot dans celui du mauvais gout. Il y a vraiment de très fortes contradictions dans la société entre des valorisations positives de la nudité comme expérience de sensations nouvelles et manifestation de liberté, et, cette impression de mal-être que provoque l'imposition de la nudité au regard d'autrui.

 

4- pourquoi associons nous la nudité à la sexualité ?

 

La psychologie évolutionniste darwinienne enseigne que le redressement du squelette des hominidés a provoqué un déplacement du message sexuel visuel qui, chez les grands singes, se concentre sur la coloration de la vulve des guenons (mais chez la femme la vulve et cachée). C'est donc toute l'apparence du corps qui s'est érotisée, ce qui, disent les paléoanthropologues, explique que les femmes ont des corps en forme "de violoncelle", des seins plus arrondis que les guenons, et les hommes des pénis plus longs que les grands singe. La perception de l'apparence du corps nu comme un message sexuel se transmettrait dans les gènes. On peut dire que le développement de la fonction visuelle (déjà plus développée chez les primates que chez les chiens par exemple) dans nos sociétés obsédés par les écrans a renforcé cette fixation sexuelle sur la nudité (pas seulement à travers la pornographie). Même l'obsession de se prendre en photo ou de photographier tout et n'importe quoi en le publiant sur des réseaux sociaux, même si ces photos ne comportent pas de nudité, entretiennent une disposition voyeuriste chez les consommateurs d'image. Certains discours comme celui des naturistes parviennent à neutraliser le potentiel sexuel du dévoilement du corps, mais celui reste nécessairement à l'arrière plan, susceptible de ressortir sur un mouvement particulier du corps de l'autre, sur une projection imaginaire, ou même sur l'émission inconsciente de phéromones (car nous en émettons comme les autres mammifères).

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